Journée pluvieuse. Je ne pense pas qu’on aura beaucoup de clients, les journées sont plutôt maussade en ce moment. Depuis le brouillard, on peut pas dire que le morale des gens soient au beau fixe. Ils sortent dans les rues par à-coups et rentre se calfeutrer chez eux. Pas super bon pour les affaires mais, on reste malgré tout ouvert. Lionnel est de sortie, il se sert un café du coté du bar alors que son domaine de prédilection, c’est plutôt les cuisines. Là, on a tellement peu de clients qu’il vaque derrière le bar en chantonnant. Je finis par chantonner aussi et ça me fait souvenir que j’ai raté le buff avec Elie. Zut. Bon, je suppose qu’elle ne m’en voudra pas trop. Pas le genre.
Je me sers un café aussi, sauf que la machine se met subitement à déborder. Je remplis une seconde tasse sous le regard hilare de Lionnel qui repart en cuisine. Moi, ça me fait sourire aussi. Rien de grave. Je répare le bazar en quelques secondes.

Seul soucis : j’ai deux tasses à café qui sont pleines maintenant.

La porte d’entrée tintinabule joyeusement, bruit de pluie intense. Ombre de géant suivie d’un coup d’air froid.

Ca tombe bien, ça. J’ai deux tasses à café. La vie parfois… Elle fait drolement bien les choses, quand même.
Je souris tranquillement au nouvel arrivant. C’est une sacré montagne, grand, cheveux gris, plus agé que moi mais beaucoup mieux entretenu. La vache, c’est impressionnant quand même.

-Bonsoir! Bienvenue! Installez vous. Vous tombez bien! J’avais une tasse de café en trop, ça vous tente?

Je pose la tasse sur le comptoire. Il a le regard lourd, le nouvel arrivant. Ca a pas l’air d’aller.

-... Vous… avez l’air de chercher quelqu’un, nan?

Petite gorgée de café et je capte le regard interloqué de Lionnel. Tiens, il lui dit quelque chose. Il doit savoir qui c’est. Cela dit, moi aussi, il me dit un truc. J’arrive pas vraiment à mettre le doigt dessus. Je pense pas que je l’ai déjà vu mais j’suis quasi sûr qu’on me l’a décrit.

Le monde est-il las?
Le monde est-il sot?
Le monde est-il pile ou face?
Le monde est-il sur play ou sur pause?

I walk until I'll stop myself but....

Le ciel n'en finit plus de pisser sa bruine.
J’erre sous l'ondée, hagard.

Rencontrer La Folie ne s'enquille pas tous les jours. J'en ai encore l'âme qui tremble. Je me sens nauséeux, vaguement liquide, à côté de ma vieille carcasse qui rouille sous la flotte. Elle et moi, on pénètrent le dinner en mode automatique, dégorgeant sur le paillasson estampillé d'un joyeux "Welcome!".
Une odeur sucrée de tarte aux pommes caramélisées et de bacon grillé chatouille mes narines. Et pour enrober le tout, le fumet corsé d'un café chaud installe une atmosphère de refuge dans mon esprit. Une escale est le bienvenue. Je me passe une main sur la figure, puis dans ma tignasse, pour essorer l'orage extérieur et intérieur. Une voix joviale me fait lever le nez.

-Bonsoir! Bienvenue! Installez vous. Vous tombez bien! J’avais une tasse de café en trop, ça vous tente?
- ... Je serais idiot de ne pas être tenté. Merci...

Je retire mon pardessus lourd d'humidité et le laisse égoutter sur un porte-manteau. Je récupère simplement la dernière lettre à livrer dans la poche, avant de m'assoir au comptoir. Œillade vers les cuisines. Le cuistot me lorgne avec les billes d'une biche aux abois. Il n'ignore donc pas qui je suis. Dessers le cul, gadjo, je n'ai pas la gnack de chasser qui que ce soit aujourd'hui. J'ai eu ma dose d'engeances démoniaques pour la journée.

Je me rends compte que je meurs de faim, en fait.

-... Vous… avez l’air de chercher quelqu’un, nan?
- En effet, mais j'vais vous commander votre spécialité, tant qu'à y être... et cette délicieuse tarte en dessert, si c'est possible. Je suis là pour remettre une lettre à un dénommé Gontrand Copperman.

Le café est étonnamment bon et ses arômes ont un effet lénifiant sur ma cervelle encore enfiévrée de visions de cauchemars. Au sens littéral.

- C'est votre patron, je crois.

- ... Je serais idiot de ne pas être tenté. Merci…

Oh wow! Il m’a l’air d’être complètement lessivé. Ca me fait marrer parce qu’il est trempé et qu’il pourrait très bien sortir d’une machine à laver.

-Pas de quoi. Vous avez l’air d’en avoir besoin. J’ai une essoreuse derrière, si ça vous tente.

Sourire tranquille pour blague un peu nulle. Ca ferait bien marrer Klaudia et soupirer Louis. Il y a un échange de regard entre Lionnel et le nouveau venu. L’un a l’air un chouïa inquiet et l’autre a l’air épuisé. Hmmm… l’un dans l’autre, j’ai l’impression qu’il a juste besoin de manger et qu’il est à la recherche de quelqu’un.
Il me dit toujours quelque chose, ce grand gaillard. En attendant, autant faire la conversation, ça me reviendra quand ça me reviendra.

-En effet, mais j’vais vous commander votre spécialité, tant qu’à y être… et cette délicieuse tarte en dessert, si c’est possible.
-Bien sur que c’est possible.

Je me retourne vers Lionnel, en souriant tranquillement.

-Un burger de la mort, Lionnel et des frites maison.

Je me retourne vers le client.

-Je vous donnerais la tarte après.

Je vide ma tasse à café tranquillement.

-Je suis là pour remettre une lettre à un dénommé Gontrand Copperman.

Je souris un peu plus. Drôle de postier, quand même. Il lui manque sa casquette et son sac de facteur. Dommage, ça aurait été marrant.

-C’est votre patron, je crois.

Je hausse les sourcils et réfléchis à la question.

-...hmmm… Mon patron. Je me demande à quoi il ressemblerait, mon patron.

Derrière moi, pendant qu’il s’affaire, Lionnel éclate de rire. Il lance depuis les fourneaux.

-Oh, j’dirais les cheveux gris, l’air défoncé et il vient de vider un mug de café comme si c’était de la flotte.

Je ris un peu et hoche la tête.

-Ah oui!
-Tu t’es cramé la gueule, hein?
-Un peu.
-Sérieux Gontrand…

Je hausse les épaules tranquillement et m’accoude au bar en face de l’homme. Je souris tranquillement.

-Je crois que c’est moi que vous cherchez. Vous ressemblez beaucoup à quelqu’un qu’on m’a décrit… J’arrive pas à mettre le doigt dessus.

Lionnel sort de derrière le comptoire et pose le burger devant l’homme sans rien ajouter. C’est marrant ça, on dirait qu’il le fait flipper. Mais pourquoi donc. Bon, j’avoue que j’aimerais pas me prendre une droite de sa part mais il a pas l’air méchant.

-Bien sur que c’est possible. Un burger de la mort, Lionnel et des frites maison.

La créature en cuisine trésaille à l'énoncé de son prénom, visiblement peu ravi qu'il soit ainsi dévoilé. Trêve, gadjo, aujourd'hui je m'en fous que tu sois un loup, un strigoï ou une saloperie infernale. Aujourd’hui, j'en ai simplement plein le dos et la dalle.
Le serveur aux allures de papy sympathique continue de sourire en buvant son kawa. Il ne se dégage aucune aura de "danger" de sa personne. Peut-être que cet humain ignore qu'il bosse avec un cuistot d'origines louches. Ou peut-être qu'il le sait et qu'il s'en gifle les valseuses comme de sa première couche.

J'ai le cerveau spongieux aujourd'hui...

-...hmmm… Mon patron. Je me demande à quoi il ressemblerait, mon patron.
Je hausse un sourcil. Lionnel s'esclaffe sur ses spatules.
- Oh, j’dirais les cheveux gris, l’air défoncé et il vient de vider un mug de café comme si c’était de la flotte.

J'en reviens lentement à mon prime interlocuteur. Plissement de paupières pendant l'échange qui pue la franche camaraderie et la tranquillité d'esprit. Mon instinct me dicte soudain, comme une évidence, que le diurne est parfaitement au courant de ce qu'est son pote Lionnel.
Elie attirait vraiment toute sorte de gens.

- Je crois que c’est moi que vous cherchez. Vous ressemblez beaucoup à quelqu’un qu’on m’a décrit… J’arrive pas à mettre le doigt dessus.
- Sans doute parce que nous avions une amie en commun. Je fais glisser l'enveloppe vers lui. Elehiel Thatcher est décédée. Elle voulait que je vous remette ceci...

Le cuistot se pointe avec une assiette copieusement garnie. Il n'en mène pas large mais ose l'approche tout de même. C’est honorable. Personnellement, je suis trop occupé à saliver. La viande saignante imprègne un pain moelleux garnie de cheddar fondu, de bacon croustillant, de salade fraiche et de rondelles de tomates généreuses. Les frittes ont l'air craquantes et charnues, sans pour autant ramollir dans l'huile. Le parfum de la bouffe est entêtant.

- Merci... J'attrape le burger à deux mains et plante mes crocs dedans. La bouchée m’octroie un petit moment de plénitude gustatif. Rahat.....C'est super bon.

Je déteste la nourriture américaine, mais je rends grâce à celle-ci d'exister.

- Kaelig Taur, c'est mon nom, au fait.

- Sans doute parce que nous avions une amie en commun.

Je mets enfin le doigt dessus, c’est l’amoureux d’Elehiel. Celui dont elle m’a parlé quelques fois. Le chasseur épuisé. Ca explique l’attitude de Lionnel. Le pauvre, il doit se demander quoi faire depuis tout à l’heure.

-Elehiel Thatcher est décédée. Elle voulait que je vous remette ceci…

Je regarde l’enveloppe glisser. J’éprouve un léger pincement au coeur. Cette gamine est un amour mais elle était aussi très malade. Je prend l’enveloppe et l’ouvre pendant qu’il mange. Il n’y a pas grand chose dedans. A peine quelques mots.

Salut Gontrand!

Je te présente Kaelig. Prends soin de lui!

Bisous,
Elie ;D

Ps: Il va adorer ta tarte aux pommes avec ta glace vanille maison!

Le petit mot me fait pouffer de rire. Il a l’air de se régaler avec son repas, ça me fait bien plaisir. Je m’appuie au comptoir.

-Rahat…. C’est super bon.
-Merci du compliment. Tout est dans les pains au cumin et la p’tite sauce spécialité de la maison.

Sourire tranquille.

-Kaelig Taur, c’est mon nom, au fait.
-Je sais. Elehiel me l’a dit. Enchanté.

Je lui designe la lettre.

-Apparemment tu aimes aussi la glace à la vanille maison sur ta tarte aux pommes.

Je me retourne vers Lionnel qui boit un verre d’eau depuis la cuisine en lançant des regards à Kaelig.

-Détends toi, Lionnel. Notre ami ne fera rien, ici.

Lionnel me lance un regard plissé, pas du tout convaincu.

-T’as pas l’air de me croire. Hey, depuis tout à l’heure tu fais le lapin au milieu des phares d’une voiture. J’doute qu’il ai pas compris le soucis.
-T’es con, Gontrand.

Rire tranquille.

-Allez, va prendre une pause. J’m’occupe du reste.

Lionnel ne se fait étonnamment pas prier.

-Tu fais parler de toi, Kaelig, en ce moment.

Aucun jugement, je me ressers un petit kawa en préparant sa part de tarte. Il vient d’engloutir tranquille le Burger de la Mort, si ça c’est pas un exploit. Ah tiens, ça me fait penser….

En mettant la boule de glace vanille sur la tarte, je repère les pins criant fièrement “j’ai survécu au Burger de la Mort!”. J’en attrappe un et dépose le tout devant lui.

-J’avoue que c’est pas tout les jours que j’ai un Sang-Coureur ici. Je suis plutôt impressionné. Bon. Sinon, comment ça va?

Bon, pas vraiment mais ça c’est plus parce que je suis pas trop de nature à être impressionné. Mais je connais les légendes autour de Sang-Coureurs et le culte de Mère Nuit. C’est quand même un peu la classe d’avoir le chef en face.
….
Peut-être que j’peux faire une photo et l’afficher dans le dinner comme sur un hall of fame.
L’idée me fait marrer.

-Je sais. Elehiel me l’a dit. Enchanté.
- Ah ?

J'ai un haussement de sourcil circonspect en m'essuyant la bouche. J'ai englouti mon repas avec une brusquerie gloutonne. La lettre est comme un uppercut que j'encaisse mâchoire serrée. Je n'en colle que quelque mots au passage alors que Gontrand l'agite sous mon nez.

Rahat, Elie...
A quoi tu joues ?
A quoi tu.. jouais.

- Apparemment tu aimes aussi la glace à la vanille maison sur ta tarte aux pommes.
- Elle ne m'a jamais parlé de vous.

C'est étrange d'être ainsi débusqué intimement par un parfait inconnu.

-Détends toi, Lionel. Notre ami ne fera rien, ici...T’as pas l’air de me croire. Hey, depuis tout à l’heure tu fais le lapin au milieu des phares d’une voiture. J’doute qu’il ai pas compris le soucis.
- T’es con, Gontrand.
- Et vous êtes un démon. J'ai hésité avec djinn, ceci dit. Je lorgne le dit "Lionel" du coin de l’œil. Je ne suis pas là en tant que chasseur, mais en tant qu'exécuteur testamentaire. Du reste... J'ai un fin sourire en repoussant mon assiette. Je ne mords pas la main qui me nourrit. C'était délicieux, merci.
-Allez, va prendre une pause. J’m’occupe du reste.

Le cuistot disparaît.

- Tu fais parler de toi, Kaelig, en ce moment.
- Je fais toujours parler de moi, dans "ce" monde.
- J’avoue que c’est pas tout les jours que j’ai un Sang-Coureur ici. Je suis plutôt impressionné.
- Je ne mange jamais de burger. Je déteste la nourriture d'amerloque. Je suis également impressionné, fais-je sur le même ton.
- Bon. Sinon, comment ça va?
- Je suis en deuil, en train de divorcer et je viens de jouer à "un-deux-trois-cauchemars" avec une princesse-démon. Timbre atone, regard usé que je fixe sur lui. L'éclate, en sommes.

Je zieute le pins que je fais miroiter une poignée de secondes entre mes doigts... Et je l'accroche à ma chemise, savourant l'ironie.

- Je suis des vôtres pour la deuxième tournée de café.

Silence.

- Vous étiez qui, pour Elie, Gontrand ?

La question ne recèle aucune animosité. Je suis trop crevé pour ça.

Le burger de la mort a disparu de l’assiette en moins de temps qu’il en faut à Klaudia pour dire ciseaux. Et elle le dit très très vite.
Il regarde la lettre d’un air second. Vexé? Je ne sais pas mais il est crispé en tout cas.
Bah! Ca va passer…

-Elle ne m’a jamais parlé de vous.

Je ne suis pas étonné. Je hausse les épaules d’un air serein et enchaîne sur Lionnel qui flippe toujours autant. Notre invité en va de sa petite phrase histoire de dire qu’il a bien compris mais que dans sa grande fatigue et sa grande dalle, il ne fera rien. Je pouffe de rire tranquillement en secouant la tête. Lionnel s’esquive. Il va probablement aller se faire un spliff sur le toit, le connaissant.
Ca me ferait bien plaisir à moi aussi mais pour le moment. Y a Kaelig et il a l’air d’avoir besoin d’un poto. Je lance la conversation tranquillement. Je demande comment ça va après des mondanités attendues.

-Je suis en deuil, en train de divorcer et je viens de jouer à “un-deux-trois-cauchemars” avec une princesse-démon. L’éclate, en sommes.

Je hausse les sourcils et affiche un sourire franchement amusé. Ben dis donc, sacré journée.

-Rien que ça. Ben qu’est-ce que c’est quand tu charbonnes…? Mes condoléances pour Elie, elle parlait beaucoup de toi. Elle disait pas ton nom, sans doute à cause de “ce” monde-là. Et pour la petite entrevue avec Léviathan, j’ai un p’tit quelque chose.
-Je suis des vôtres pour la deuxième tournée de café.
-T’inquiète.

Je lui lances un clin d’oeil et nous ressert un café avec une bonne rasade de whisky. Je pousse la tasse vers lui et souris en voyant le pin’s.

-Sympa.

Il y a un silence alors que je sirote ma tasse tranquillement.

-Vous étiez qui, pour Elie, Gontrand ?

Je souris un peu.

-Bah son mec, évidemment.

J’éclate d’un rire serein avant de secouer la tête.

-Mais non, mais non. Je rigole. En fait, on faisait de la musique ensemble. J’ai acheté une gratte y a pas si longtemps, alors des fois on se faisait des buffs.

Je pose ma tasse. Elle était cool cette gamine.

-Elle venait manger à l’oeil aussi… donc elle venait souvent.

Je pouffe d’un rire amusé.

-C’était une chouette gamine. Elle m’a parlé de toi quand elle a compris que j’avais chassé, avant. Je crois. Honnêtement, j’étais stone, c’est flou.

-Bah son mec, évidemment.

J'ai un haussement de sourcil si appuyé qu'il manque de s'envoler de mon arcade. Les blagues pourries à papa semble être le fond de commerce du gadjo.

- Mais non, mais non. Je rigole.
- Je sais.

C'était moi, "son mec".
Pensée qui fuse, incapable d'être étouffée.

- En fait, on faisait de la musique ensemble.
- Ah ?
- J’ai acheté une gratte y a pas si longtemps, alors des fois on se faisait des buffs.

Je regarde Gontrand avec un intérêt renouvelé. J'ignore si c'est la bonhomie de l'énergumène qui déteint ou les envolées lyriques de mon stress qui retombent, mais je n'ai plus autant de retenu sur mes mots. Ma parole se libère toute seule sans que je prenne la peine de resserrer le verrou.

- Je joue un peu, aussi. De la guitare. Parfois je chante. Moi bien qu'elle, toutefois...
- Elle venait manger à l’oeil aussi… donc elle venait souvent.

J'ai un petit rire qui gronde doucement. Ronronnement de moteur pétri de nostalgie. Je sirote la deuxième tasse de café en prenant mon temps, cette fois.

- M'étonne pas...
-C’était une chouette gamine. Elle m’a parlé de toi quand elle a compris que j’avais chassé, avant. Je crois. Honnêtement, j’étais stone, c’est flou.

J'écarquille les yeux.

- Glumești ! T'es un chasseur ? Le tutoiement m'a filé entre les papilles, pas eu le temps de faire barrage avec mes dents. Tant pis. C’est fait, c’est fait. Sérieusement ? Grimace. T'embauches des démons aux fourneaux, tout en ayant chassé ? Je trouve ça... Incongru. Bientôt tu vas me dire que ton meilleur pote est un djinn, que ta femme est un polymorphe et que tes serveuses sont des vampirettes ?

Je ris, un tantinet hystériquement. L'usure. Leviathan m'a vidé les tripes, ma réserve légendaire a foutu le camp.
Bref silence pensif.

- J'imagine que "stone" ça ne veut pas dire "pierre" dans ton jargon.

Peut-être que je fais encore face à un des cauchemars de Lévi...

Au point où j'en suis.

Il s’ouvre un peu le gros bourru. Ca me fait sourire un peu plus.

-Je joue un peu, aussi. De la guitare. Parfois je chante. Moins bien qu’elle, toutefois.
-Ah ouais? Faudra qu’tu viennes jouer, un de ces quatres. On s’est fait un p’tit coin sympa sur le toit. Hésite pas.

C’est sympa aussi de l’entendre rire, aussi. Il se détend un peu, pas plus mal. Il est tendu comme un string. On discute d’Elie et des habitudes de la gamine. On en vient à mon passé de chasseur que j’a ramené sur le tapis sans complexe.

-Glumesti!

Je hausse les sourcils. Pas la moindre idée de ce que ça veut dire mais le mot sonne hilarant à mes oreilles. Du coup, je rigole un peu.

-T’es un chasseur ? Sérieusement ?

Aaaaaaah! Ben voilà, il me tutoie maintenant! Merci.
Je souris un peu plus et hausse vaguement les épaules.

-J’étais. J’ai arrêté depuis un petit moment.
-T’embauches des démons aux fourneaux, tout en ayant chassé?
-Bah pourquoi pas? C’est un bon cuistot. J’ai rien à redire et il est pas près de tomber malade.

Je ris un peu. Je sais bien le point de vue de bien des chasseur sur le sujet. Les créatures, ça se chasse et puis c’est tout. Ca m’fatigue bien plus que de raison de réfléchir comme ça, alors je me suis simplifié la vie.

-Je trouve ça… Incongru.
-Baaaah… Pas plus que de tuer sans distinction, en vrai.
-Bientôt tu vas me dire que ton meilleur pote est un djinn, que ta femme est un polymorphe et que tes serveuses sont des vampirettes ?

Je lui offre un sourire amusé. Il a tapé juste, c’est rigolo.

-Mon meilleur ami est un Djinn, il m’a aidé à élever mes jumeaux quand ma femme est morte, ça n’était pas un polymorphe. Ma meilleure amie, par contre… Pour les serveurs, je demande pas à connaitre leur appartenance. Ca m’regarde pas.

Il doit pas avoir beaucoup de fun pour trouver cette situation parfaitement rocambolesque. Je sirote mon café tranquillement pendant qu’il a ce genre de rire nerveux propre à ceux qui ont croisé la folie et en sont sortie vivants.

-J’imagine que “stone” ça ne veut pas dire “pierre” dans ton jargon.
-Non, pas vraiment.

J’imagine que ça aussi, ça doit être d’un autre univers pour lui. Je suis persuadé qu’un petit splif le détendrait de temps en temps. Il a l’air de tout prendre trop à coeur.

-Vu ta réaction à mon cuistot, je suppose que ça va pas être très simple, la suite, hein?

Question innocente, sincèrement. A sa place, je me la poserais sans doute. Il n’y a pas spécialement de jugement. Un constat simple. A nos âge, changer de perspective, c’est pas spécialement le plus simple et encore mois le plus apprécié. C’est pour ça que j’apprécie autant être la bizarrerie du coin. Tout le monde s’attend à ce que je fasse tout et son contraire. La liberté.

-Tu veux une autre part de tarte?

-Baaaah… Pas plus que de tuer sans distinction, en vrai.

Si je commence à distinguer, je ne serais plus un aussi bon chasseur, je bafouerais mon engagement auprès de mon peuple, je trahirais mes vœux envers Mère-Nuit. Si je commence à distinguer, je suis cuit.

T'as déjà commencé
Prost.

- Mon meilleur ami est un Djinn, il m’a aidé à élever mes jumeaux quand ma femme est morte, ça n’était pas un polymorphe. Ma meilleure amie, par contre…
- Papagal...
- Pour les serveurs, je demande pas à connaitre leur appartenance. Ça m’regarde pas.
- ... J'ai pas rencontré beaucoup de polymorphes dans ma vie, mais ceux que j'ai croisés étaient tous de dangereux psychopathes. Je me suis demandé si c'était pas génétique... Ta fameuse amie doit pas être plus saine. J'ai du mal à imaginer que tu puisses concilier des valeurs morales et une amitié comme celle-ci. Je me gratte la barbe. Pour le Djinn nounou, j'peux pas vraiment dire. J'aurais pas confié mes gamins à une créature, mais j'ai été un père désastreux et je suis parfaitement humain, donc... Si on doit faire un tri, les djinn seraient peut-être les moins pire.

Voilà que je me fait une échelle de dangerosité maintenant...
Je me fais vieux.

-Vu ta réaction à mon cuistot, je suppose que ça va pas être très simple, la suite, hein?

Je lève le regard vers Gontrand. Pesamment.

- T'es au courant de "ça" aussi...
- Tu veux une autre part de tarte?
- .... ouais.

Quel drôle de mec. L'idée qu'Elehiel devienne un démon n'a pas l'air de lui défroisser une couille plus que l'autre. Son fonctionnement me parait tout bonnement alien vu son passif.

- Honnêtement ?..... Je sais foutre pas.

Voilà.
Point.
Je viens de faire des câlins à la Mère des Cauchemars et j'ai trinqué avec un prince-démon de l'Orgueil. Tout peut arriver.

- Parle-moi d'tes gosses... Des jumeaux alors ? Des vrais ?

J'ai besoin de jacasser sur des trucs simples.
Normaux.

Je vois bien que ça lui défrise la barbe tout ça. Moi, ça m’inquiète peu. En fait, ça m’inquiète pas plus que ça. Au pire il va vouloir régler des comptes qu’on a pas. La vie, tout ça. Dans l’absolue, je ne le sens pas menaçant, il n’a plus l’air d’avoir l’énergie nécessaire pour être belliqueux. Il a l’air à bout de nerfs et épuisé.

-... J’ai pas rencontré beaucoup de polymorphes dans ma vie, mais ceux que j’ai croisés étaient tous de dangereux psychopathes.

Je ne me départis pas de mon sourire. La généralisation fait beaucoup de dégâts entre les humains mais alors pour les créatures, c’est probablement pire.

-Je me suis demandé si c’était pas génétique… Ta fameuse amie doit pas être plus saine.
-Je ne sais pas si c’est génétique mais beaucoup d’écrits rapportent les douleurs insupportables que subissent les polymorphes quand ils se transforment. Les premières traces remontent à 1465 dans un vieux monastère anglicans. Plus tard, on trouve un essai de Flamel décrivant la piste polymorphe pour la composition de son elixir de longévité comme une mauvaise composante : douleur chronique puissante et éternité, c’est pas un super mélange.

-Ta fameuse amie doit pas être plus saine.

Je suis secoué d’un rire tranquille.

-J’ai du mal à imaginer que tu puisses concilier des valeurs morales et une amitié comme celle-ci.
-On a sans doute pas les mêmes valeurs morales.

Que je propose gentiment. Je bois une gorgée de café tranquillement pendant qu’il s’imagine ce que c’est d’avoir un ami Djinn. Je pose sur lui le même regard que je pose sur tout le monde.

-”Les” djinns… C’est vachement vague, tu trouves pas? Chai pas comment sont les Djinns mais j’connais bien Louis et c’est un mec bien, il est sympa, il a le coeur sur la main. J’ai pas confié mes gosses à une créature, j’les ai confié à mon meilleur pote.

Je bois tranquillement mon café et lui ressert une part de tarte après avoir poser une question que j’imagine relativement complexe pour lui. Sa réponse est simple et j'acquiesce en posant la nouvelle part de tarte, elle aussi est affublée d’une boule vanille.

-Parle-moi d’tes gosses… Des jumeaux alors? Des vrais?
-Des vrais de vrais! Comment ils disent ça?

Je refléchis un instant, ma tasse suspendue à mi-chemin entre mes lèvres et la table.

-Ah oui. Monozygotes. Lili était devenue la star de la clinique. On habitait une p’tite ville de campagne en France, y avait jamais eu de jumeaux, tu vois.

Je m’adosse au mur en sirotant mon café.

-Seb et Ben, ils sont grands maintenant. Seb est tailleur de pierres, il bosse au Kenya. Il fait un peu dans l’humanitaire. Ben, lui, il a un food truck bio et il sillonne les routes de France. Ben est papa d’une petite ludivine, ce qui fait de moi le plus cool grand père de la planète, selon ma petite fille.

J’adore mes gamins et ma petite fille. Ils font ma joie et j’aime bien recevoir des photos sur Facebook. On se voit régulièrement, ils viennent ici. Ben, plus que Seb, bien évidemment. Mais Seb a tendance à rester plus longtemps quand il vient.

-Louis est fier comme un paon, il a réussi à rendre mes deux gamins investis en écologie et en humanitaire.

Je pouffe de rire en lui versant une nouvelle tasse de café bien chaud.

-Moi, j’suis juste content qu’ils se sentent épanouis.

Les réponses de Gontrand sont étonnamment complètes, précises. Non seulement il cache une véritable érudition sous ses airs nonchalants, mais également une certaine philosophie. Sa vie me semble idéale, heureuse, paisible. Il est libre. Un soupçon de jalousie me chatouille les tripes. Une profonde culpabilité, également. Mon existence est une succession d'échecs dont je suis le plein responsable. Peut-être que si j'avais rencontré Elehiel plus tôt, peut-être que si je n'avais pas épousé Lavinia, peut-être que si je n'avais pas tué mon père, peut-être que si je n'étais pas né dans cette famille...
Peut-être...

Peut-être pas...

Je me sens épuisé, brutalement.

- Alors on peut être chasseur et tout de même trouver le bonheur... Je t'envie, Gontrand Copperman.

Le chagrin monte. Les digues ont été terriblement entamées par Lévi. Mes yeux s'embuent et je me passe la main sur le visage, pour cacher dignement ma peine. Je fuis le regard de Gontrand, je m'échappe même à sa vision. Mes yeux glissent sur la part de tarte à demi-entamée. La boule de glace fond mollement sur une oeuvre inachevée. J'inspire profondément, j'ingurgite ma honte à petite gorgée. La tristesse reflue.

Je n'ai plus faim.

- Tu as ta guitare dans le coin ? J'aimerais bien t'écouter.... Si c'est possible. Je ne veux pas te bousculer dans tes habitudes.

- Alors on peut être chasseur et tout de même trouver le bonheur... Je t'envie, Gontrand Copperman.

Je hausse les sourcils d’un air surpris. J’aime ma vie, je l’ai toujours mené comme je l’entendais et je me suis toujours laissé porter par les vents de l’univers comme une feuille. Je pose ma tasse en voyant Kaelig péricliter. On dirait qu’il porte toute la misère du monde sur son dos. Ca doit être épuisant et pas facile du tout. C’est une sensation que je n’ai connu qu’à la mort de Lili, la seule et unique fois. Je le laisse  se cacher, aucun intérêt d’aller chercher les larmes. J’ai vu l’amour d’Elie quand elle parlait de toi, je sais combien tu tiens à elle.
Quand Lili est morte, je n’ai pleuré que devant Louis, je n’arrivais pas à pleurer ailleurs. C’est rester coincé longtemps, des mois, peut-être même des années. Sans doute pas, mais Lili est resté un manque, une image fantôme qu’on ne m’enlevera pas.
Pour le moment, l’homme en face de moi n’arrive pas à se dire que cette image est bénéfique et il a encore plus de mal à se dire qu’il ne devrait pas tuer Elie quand il la reverra. Je le laisse manger sa tarte dans un silence tranquille.
Personne n’est rentré dans le dinner depuis qu’il est arrivé et je remarque que la petite pancarte qui indique l’ouverture et la fermeture est tournée vers le coté marqué Closed en direction de la rue.
J’ai un léger sourire, la chance, vous trouvez pas?

-Tu as ta guitare dans le coin ?
-Oui, elle est en haut.
-J’aimerais bien t’écouter… Si c’est possible.
-Haha. Ca tombe bien, j’avais envie de fermer.
-Je ne veux pas te bousculer dans tes habitudes.
-Quelles habitudes?

Je demande sincèrement. Je lui souris et lui fais signe de me suivre.

-Allez, viens. On va aller se poser là-haut.

En passant dans les cuisines, je tombe sur Lionnel en train de vérifier les stocks.

-Hey Gontrand, tu…

Il plisse les yeux en voyant Kaelig derrière moi puis me regarde et pousse un long soupire ourlé d’un demi sourire.

-C’est moi qui ferme, c’est ça?

Je lui adresse un rire bonhomme et une tape sur l’épaule.

-Heureusement qu’j’ai pas une vie en dehors de ce foutu Dinner hein!
-Techniquement, t’es mort.
-Ha.ha.ha. On est tous morts de rire.

Il pousse un soupire et passe dans la salle pour éteindre les lumières et faire la fermeture.

-Tu m’revaudras ça!
-Sans soucis!

Je l’entends se marrer de loin. Je reprends mon voyage vers l’étage, dépasse mon appartement pour finalement monter sur le toit.
J’aurais mis du temps à le construire, mais il y a une terrasse couverte avec des fauteuils moelleux, un mini frigo, des guitares et un vieux tourne-disque.

-Fais comme chez toi.

Il y a aussi, à l’abri des regards, quelques joints. Petit cadeau des Heksens. D’ailleurs, il y a la jacket en cuir à leur couleurs accrochée à une chaise.

-Bière?

Que je demande en souriant.

-Allez, viens. On va aller se poser là-haut.

Je suis l'énergumène sans me poser de question. J'ai le ventre plein, les batteries à plat et une souveraine envie de tranquillité. Nous croisons le cuistot démon dont j'ai déjà oublié le nom. L'échange est amusant, simple, bon enfant. Je me dis que Gontrand ne doit pas être facile à suivre et qu'au final ce doit être ce -... Daniel ? Gabriel ?... Ah non- Lionel- qui doit faire rouler la baraque au quotidien. Je le gratifie d'un hochement de tête bref et on s’escamotent vers les toits.

-Fais comme chez toi.

Le taulier n'a pas menti, la terrasse est un endroit délicieux: entre la chambre d'adolescent attardé et le rêve de tous retraités. On croirait l'endroit tout droit sorti des années soixante-dix. Même les joins répondent à l'appelle, se dressant fièrement dans le cendrier en attendant d'être consommés.

- C'est très différent de chez-moi...
- Bière?
- Plutôt deux fois qu'une.

Je me balade dans la "cabane" pour adulte de mon acolyte. Il a visiblement des connexions de tous bords. Je déplie le blouson en cuir pour mieux y lire le symbole de ralliement des Heksens.

- Tu fricotes avec des gens très divers, Copperman.

Cet homme est un complet mystère. Parfait idiot, érudit décomplexé ou vieux sage un peu dingue ? J'hésite.

- Comment t'en es arrivé à la chasse ? Tradition familiale ou... pur hasard ?

Quelque part, j'imagine que la seconde option colle mieux que la première. Je m'approche des guitares : Une Martin Road et une Takamine, des grattes de qualité, avec un son incroyable, qui coûte entre 500 et 1000 euros. Puis je me penche vers le plus vieil instrument, intrigué. C’est un vieux modèle d'Henri Selmer qui doit dater de 1934. Je la prends en main, la fait tourner délicatement entre mes paumes. Il y a un nom peint sur la courbe de l'éclisse, quelque peu effacé. Je manque un battement.

- .... DJANGO REINHARDT! T'as une guitare de Django Reinhardt dans ta garçonnière ?! Je le regarde ahuri. Tu sais combien ces instruments sont rares ? La tradition manouche exige qu'on brûle l’instrument du musicien à sa mort ! J'ai essayé de racheter le modèle de celui légué à la Cité de la Musique de Paris. On me l'a toujours refusé !

Par la Nuit, qui es-tu Gontrand Copperman !

- C'est très différent de chez-moi...

Je ris un peu. J’imagine assez vu l’austérité du bonhomme. La terasse tient plus du terrain de jeu que de la garçonnière d’adulte. J’en ai pris des cuites ici, avec Louis et avec Klaudia. D’autres ont été prise avec Saor et Cathair. Les bons moments. Je propose une bière, à priori l’idée plait. Je vais chercher deux bières de chez moi, des cervoises. Elles viennent d’une brasserie bretonne dont il n’a probablement jamais entendu parlé. Je décapsule et je les pose sur la table pendant que Kaelig fait le tour de la tanière. Je remarque que Klaudia a oublié une paire de talons ici, Louis a affiché ses petits tracts de révolte, ceux dont il est vraiment fier. Mai 68, principalement. Kaelig observe le blouson de cuir.

-Tu fricotes avec des gens très divers, Copperman.
-Bah, c’est toujours marrant de rencontrer des gens. Et Saor est sympa, j’le connais depuis un bail.
-Comment t’en es arrivé à la chasse? Tradition familiale ou.. Pur hasard?

Je souris un peu en m’asseyant dans le confortable canapé recouvert de plaid ridiculement coloré qui font marré Klaudia, c’est d’ailleurs elle qui les achète généralement.

-Y avait un truc bizarre dans mon village natale, une gamine qui avait disparu dans des circonstances étranges. Avec quelques potes, on a joué les detectives. Il s’avère qu’on était plutôt doués pour ça. Un Loup-garou avait mordu la petite, elle a pas survécu. Donc un peu par hasard, ouais. Mes potes ont arrêtés, j’ai continué. Des fois, j’tuais, des fois j’tuais pas. Ca dépendait de la situation. C’était sympa mais j’suis pas plus mal sans non plus. Au bout d’un moment, ça devient lassant.

Pendant que je parle, il observe mes grattes et se met à beugler.

-DJANGO REINHARDT! T’as une guitare de Django Reinhardt dans ta garçonnière?!
-Ah. Oui.

Sourire tranquille. Je bois une gorgée de bière.

-J’l’ai trouvé sur une braderie à Samois-sur-Seine. Elle m’a couté, quoi… 15balles. Parce que quelqu’un avait gribouiller dessus. Marrant non?

-Tu sais combien ces instruments sont rares ? La tradition manouche exige qu’on brûle l’instrument du musicien à sa mort!
-Il parait ouais.
-J’ai essayé de racheter le modèle de celui légué à la Cité de la Musique de Paris. On me l’a toujours refusé!

Je pouffe de rire. Ah, ces parisiens… Il doit avoir un sacré porte-feuille pour essayer de soudoyer la Cité de la Musique.

-Bon, tu la veux. Moi j’m’en fous, honnêtement. Ca m’a fait marré. Disons que c’est ton cadeau de dévorage de burger de la mort. Fais pas cette tête, dis rien et viens boire ta bière.

Je souris tranquillement avant d’attraper un joints et de l’allumer. Je tire tranquillement dessus.

-C’est d’la cervoise en fait. Si ça t’intéresse, rien à voir avec ce qu’on peut boire dans les parages. Tu m’en diras des nouvelles. C’est excellent pour faire une carbonnade. J’te f’rais ça la prochaine fois. Tu vas voir, c’est incroyable.

Et je lui tends le pétard.

T’en veux?

 

Ciel maussade, rue pourrie, pavé qui suinte. Le temps est gris-souris, à vous donner du "y'a plus de saison , ma bonne dame!"à chaque coin de ruelle. Les passants on la gueule bruineuse, délavée par la monotonie. Les irlandais se réchauffent l'âme au pub à défaut de s'emmitoufler dans les draps de leurs promises.

L’irlandaise, c'est pas vraiment du cachemire,
si vous voyez ce que je veux dire.
C'est d'un sexisme ce que tu dis !
C'est du cynisme, nuance...

Peu m'importe que les nuages pissent leurs trop plein de godets, je sautille pieds nus dans les flaques, un esquimau chocolat-vanille-praliné, fièrement brandi contre la grisaille. Qu'ils me regardent tels des ahuris c'est blafards sans substance, j'ai le soleil au bord des lèvre et la bonne humeur cheviller au corsage ! Il faut du coffre pour savoir rire!

AHAHAHA
écho, écho, écho...
Tu n'entacheras pas ma bonne humeur, Yvain !
Et d'abord, que fais-tu sans chaussures ?

Je me faufile dans une arrière-cour,  cale ma glace en bâtonnet dans le coin de la bouche et prend mon élan pour escalader la gouttière. Une véritable chatte ! Toute en grâce festive je grimpe au dessus de la verrière de la planque de Gontrand.

Encore-lui...
J'ai oublié mes ballerines chez lui.
Il a un invité.
Sexy, l'invité.
Tu sais de qui il s'agit n'est-ce pas ?
Ai-je l'air d'une bécasse ?
Juste d'une demeurée qui mange des crèmes glacées sous la pluie...
Rabat-joie !

Je me fait sauter subtilement le loquet de la fenêtre pour pouvoir me glisser par l'embrasure. J’atterris avec une jolie galipette au milieu du canapé, au milieu des coussins, des genoux de Kaelig Taur, père des Sang-Coureurs dont le visage est aspergé par sa propre bière.

- Salut les garçons ! Je passe un doigt sur la joue  de ma victime en me redressant. Le roumain est mutique de sidération. Cervoise ! C'est pas celle de ton petit monastère trappiste là ?! Je gambade jusqu'à Gontrand et le gratifie d'un bécot très français. Dis, t'aurais pas vu mes chaussures ? et avec le plus grand des naturel, je tends mon esquimau pour qu'il en croque un bout.

Tu vas jouer ?
Peut-être.
Que la partie commence alors !

- Salut les garçons !
-Salut, Klauklau. Belle entrée, on aurait dit fantomette.

Je pouffe de rire à l’évocation. Elle m’a raconté cette mission déguisé en fantomette et je trouve que ça lui va incroyablement bien. Kaelig la regarde, couvert de bière et je rigole un peu.

-Cervoise  ! C’est pas celle de ton petit monastère trappiste là ?!
-Si, mais c’est une nouvelle cuvée, ils ont ajouté des épices.

Je me lève tranquillement du fauteuil pour aller chercher un torchon que j’humidifie au robinet avant de le tendre à Kaelig.

-Tiens. Kaelig, voici Klaudia, ma meilleure amie. Klaudia, c’est Kaelig, un nouvel ami. Tu t’souviens de la petite à cheveux bleus? Elle a pas survécu à son cancer et il m’a apporté une lettre de la p’tite.
-Dis, t’aurais pas vu mes chaussures?

L’esquimau me fait envie alors je lui tends le joint pour récupérer l’esquimau dans lequel je croque avant de lui rendre. Chocolat vanille et praline, délicieux.

-Hmm, super bon. Glacier dans Rosemont St, pas vrai? Tes chaussures? Lesquelles? Tes ballerines? Ou celles là? Les ballerines, tu les as abandonnés dans ma chambre, je crois...

Je désignes une pair de talons pêtés  qu’elle a abandonné là quand elle est venue me voir la première fois. Je m’éloigne pour aller lui chercher un peignoire. Elle est trempée. Je lui tends tranquillement, récupère le joint, tire dessus avant de le présenter de nouveau à Kaelig, sans pression.

-Tu m’as toujours pas dit, tu la prends la gratte? Tu veux la boite qui va avec? Moi ça m’est égale.

Je me laisse retomber dans le fauteuil, je ferme un peu les yeux pour apprécier l’instant avant de dire.

-Dis Klau, c’est pas toi qu’est partie avec la bouteille que m’a envoyé Louis, par hasard?

J’ai un sourire amusé.

-Elle était si bonne que ça? Honnêtement, j’avais des doutes. J’suis sûr que c’était une bouteille piégée pour avoir foutu en l’air sa dernière lecture.

Je ris un peu au souvenir.

-Bon, tu la veux. Moi j’m’en fous, honnêtement. Ça m’a fait marrer. Disons que c’est ton cadeau de dévorage de burger de la mort. Fais pas cette tête, dis rien et viens boire ta bière.

Je serais fou de refuser un tel cadeau. Et j'ai rencontré la Folie en personne ! La bière sent bon, une pétillante odeur de houblon fruité. Je m'apprête à la déguster quand un corps me tombe littéralement dessus, du plafond. Aspergé, hébété, j'observe la jeune femme trempée au minois rieur qui s'amuse de ma déconvenue.

- Tiens. Kaelig, voici Klaudia, ma meilleure amie. Klaudia, c’est Kaelig, un nouvel ami.
- Chouette ! Tu te remets à la chasse ? Qu'elle fait d'un ton badin.
- Tu t’souviens de la petite à cheveux bleus?
- La chanteuse ? Elle soulève quelques coussins, bouscule un ou deux bibelots. Elle se répands en flaques sur le parquet.
- Elle a pas survécu à son cancer et il m’a apporté une lettre de la p’tite.
- Oh, un notaire ? Questionne-t-elle avec un air froncé de petite fille. Sale engeance ça, avec les inspecteurs des impôts et les concierges. Dis, t’aurais pas vu mes chaussures?

Ils échangent crème glacée et joins - Une crème glacée en cette saison ? - sous mon regard ébahi. Klaudia, la polymorphe ? Des ballerines ? Dans la chambre à coucher ?! Suis-je tombé dans un Vaudeville ?

-Tu m’as toujours pas dit, tu la prends la gratte?
- .. Hein ?
-... Tu veux la boite qui va avec? Moi ça m’est égale.
- Je.. euh... oui ?

Je m'éponge la face et la chemise avec le torchon humide, reposant la bouteille sur la table basse. Une voix s'élève du fond de la chambre.

- Trouvééééées! Klaudia revient de la pièce connexe en brandissant ses ballerines bien haut. Puis, sans le moindre complexe, se déshabille intégralement devant nous pour s’envelopper dans le peignoir offert par Gontrand.
- Dis Klau, c’est pas toi qu’est partie avec la bouteille que m’a envoyé Louis, par hasard?
- Poooosssible..... Elle bat des cils sur ses yeux de biche. Je suis fasciné et pétrifié d'angoisse à la fois.
- Elle était si bonne que ça? Honnêtement, j’avais des doutes.
- Chais pas, je l'ai vidée dans le caniveau. Il avait qu'à m'en envoyer une à moi aussi de bouteille. Nah !
- J’suis sûr que c’était une bouteille piégée pour avoir foutu en l’air sa dernière lecture.
- Et ben dans ce cas je t'ai sauvé la vie, chéri ! Elle  lui colle un bécot sonore sur le pif et s'étale entre nous avec un air goguenard.
- Je... Je vais vous laisser, que je murmure gêné de tenir une hypothétique chandelle.
- Oooh non ! Pars pas ! La polymorphe me claque la cuisse. C'est pas tous les jours que je papote avec le chef des Sang-Coureur ! Tu sais que j'ai failli proposer mes services à ta femme ?
- Pour quoi faire ?
- Te tuer, pardi !
-... Ah.... Frisson qui picote l'échine.
- Mais quand j'ai compris le micmac avec la pitchoune cancéreuse, j'ai renoncé. Elle était bath cette gamine.
- Quel est ton métier... Klaudia ? dis-je d'une voix lente.
- Je butte les maris infidèles de manière à jamais incriminer leurs épouses.

Mon regard glisse vers Gontrand."Que veux-tu que je foute de cette information, Rahat ?!!!" hurle-t-il.

-Chouette ! Tu te remets à la chasse ?

Je pouffe de rire en secouant la tête. C’est pas prêt d’arriver, j’m’amuse beaucoup trop depuis que j’ai arrêté. Je dis pas que j’y retournerais pas occasionnellement. L’idée, c’est de surtout pas se fermer des portes, après tout.
Pendant ce temps-là, Kaelig a l’air complètement perdu et complètement recouvert d’eau de pluie et de bière. Il répond à peine et ça me fait sourire. Il est marrant ce gars, tout guindé, là. Assez sûr que la petite devait obtenir cette tête souvent, vu le phénomène.


Une fois les chaussures retrouvées, Klaudia se déshabille, enfile le peignoire -comme à la maison. En même temps, c’est sans doute beaucoup sa maison.

- Et ben dans ce cas je t'ai sauvé la vie, chéri !

Je ris un peu et la laisse s’étaler sur le canapé. Je tire une latte et exhale tranquillement la fumée.

-C’est dommage, c’était un super bourgogne, j’aurais pu te faire un boeuf bourguignon… Bah, j’irais pourrir une autre lecture...

-Je…

Il croit qu’il tient la chandelle, lui…

-Je vais vous laisser.

Klaudia embraye sur un oh non déçue. C’est pas tout les jours qu’elle peut discuter avec Kaelig, tout le monde sait qui c’est. Tiens, je savais pas qu’elle avait failli proposer ses services à sa femme, c’est marrant.

-Elle était bath cette gamine.
-Grave. T’rappelle le show que vous aviez fait dans la salle, sur les tables. C’était marrant.
- Quel est ton métier... Klaudia ?

Y a une lenteur dans sa voix.

- Je butte les maris infidèles de manière à jamais incriminer leurs épouses.

Nos regards se croisent et Kaelig a l’air d’être un peu en panique. Je hausse les épaules, me penche en avant et lui tend le joint.

-Détends toi. Sans déconné, tire là-dessus, ça va te faire du bien.

Je lance un coup d’oeil à Klaudia avec un sourire amusé.

-Chui sûr que t’es ravie de ton p’tit effet, pas vrai?

Je ris un peu et  m’allonge à nouveau sur le canapé.

-Ca manque de musique… Tiens, t’écoutes quoi, Kaelig? Y a des vinyls, t’as qu’à choisir.

Monsieur le Roumain tire une tronche de mille pieds de long, un peu plus et il fore le parquet avec son menton. J'ai un petit rire mutin que Gontrand ne connait que trop bien. Nous échangeons un regard complice.
Et comme souvent quand je suis avec lui, Yvain boude dans un recoin de cervelle. Silencieux.

-Détends toi. Sans déconné, tire là-dessus, ça va te faire du bien. Chuis sûr que t’es ravie de ton p’tit effet, pas vrai?
- Evidemment! Regarde-le suer à grosses gouttes "Merde ! Merde ! Merde ! Une changeforme féminazie tueuse à gage ! C'est pas kasher !"
- Je suis roumain, pas juif, réplique Kaelig d'un ton morne.
- Détaiiiil ! que je ponctue en lui pinçant une joue. Aller, fais donc tourner !

Le chasseur considère un moment le spliff entre ses doigts. Il semble en pourparlers avec lui même. Puis, j'assiste à une complète abdication de la raison au profit du je-m’en-foutisme. C'est émouvant! Le Roumain soupire, ses épaules s'affaissent, il tire quelques lattes de marie-jeanne résignées avant de me tendre le joint.
Je porte le pétard à ma bouche sans le quitter des yeux : nous sommes complices de déveine, désormais. Je me laisse aller, tète renversée sur le dossier du canapé, avant de perpétuer la farandole.

- Ça manque de musique… Tiens, t’écoutes quoi, Kaelig? Y a des vinyles, t’as qu’à choisir.

L'homme se lève pesamment : la tristesse lui écrase les cervicales et enfonce ses pieds dans le sol. C'est irritant. Cela me renvoie à des choses que je garde planquées sous mon tapis en poil de Déni. Soyeux le poil. Je n'aime pas renifler la poussière des reliques du passé.
Je me pelotonne sans y penser contre Gontrand.
Chasse les fantômes de ma caboche, s'il te plait.

Contre toutes attentes, le chef des Sang-Coureur opte pour une galette antique des Clash qu'il manipule avec infiniment de révérence. Le gros son des guitares punk de "London Calling" déferlent dans la pièce jusqu’à agresser le plafond. Un mince sourire égaie la barbe du roumain, fatigué mais sincère, alors qu'il contemple la pochette de l'album, la prunelle brillante.

- Va nous falloir un truc plus fort... Fais nous ton fameux cocktail "Dérapage dans la Chicane" que je souligne discrètement à Gontrand en quittant le canapé. Hey, Kaelig... Tu veux un câlin ?
- Je.. Euh.. Non, mer....

Je tends les bras tranquillement, dans mon peignoir trop grand. Sans lui demander son avis, je l'enlace comme un très vieux copain.

- ...... Ci......................

Et lorsque je décrète que c'est finit, je balance simplement.

- Allez, on danse! Un bon pogo endiablé ça relance le coeur !

Je sautille déjà, l’entraînant avec moi dans l'effervescence d'un concert privé.

Il tire sur le spliff d’un air résigné et moi, je lève les bras en signe de victoire en riant comme une andouille. Pour l’instant, il prend ça pour de l’abdication mais je pense que ce mec manque de distraction dans la vie. Sans déconné, faut vivre un peu, hein. La petite était une boule de vie, même à demi-morte, alors faisons lui honneur. Il va mettre de la musique et Klaudia se blottit contre moi. J’observe Kaelig, ça me rappelle mon état après la mort de Lili, j’embrasse le haut du crâne de Klau avant de dodeliner de la tête au son des Clashs. Klau ne lache pas Kaelig des yeux et je vois bien que quelque chose l’irrite. J’l’a connais par coeur, vous voyez.

-Va nous falloir un truc plus fort… Fais nous ton fameux cocktail “Dérapage dans la Chicane”.

Je hausse un sourcil. Le dernier humain qui a bu ce truc a fait un arrêt cardiaque.
Bon.
Ok.
J’suis pas mort.
Mais c’était bizarre.
Bon ok.
C’était super fun.

Je me lève pour aller derrière le petit bar et m’exécute en ponctuant mes mélanges de brillants enchaînements d’air guitares.
J’suis trop vieux pour avoir encore envie d’être sérieux.
Klau fait un câlin à Kaelig qui, à priori, ne sait pas quoi faire de cette information. Ca me fait marrer. Je finis ma mixture qui a un aspect particulièrement étrange. C’est entre une cervelle, un bloody mary et une embuscade. Bref, la boisson ultime, quelque part.
Je participe à l’effervescence avec une interprétation d’air guitare qui épargne ma cuisse en cicatrisation.
Sans déconner, c’est pas que c’est douloureux, c’est juste que j’ai envie d’aller à la piscine et je risque pas de pouvoir avec une blessure ouverte.
Donc c’est un peu nul.
Je finis par aller chercher le joint sur lequel je tire tranquillement avant d’en faire tirer une nouvelle latte à Kaelig avec un clin d’oeil complice puis de le refourguer à Klaudia. Nos verres nous attendent tranquillement alors je finis par baisser le son.

-Chers amis! L’heure est à la gravitude… Ce soir! On célèbre une drôle de gamine avec un dérapage mémorable et nécessaire. Si vous voulez bien me suivre!

Je les emmène au bar et pose en équilibre sur les verres un shot de vodka.

-Bienvenue au dérapage dans la Chicane, les règles sont simples mais…. Mortelles… ouuuuuh! A trois! Vous faites tomber le verre dans le verre et vous videz ça le plus vite possible. Ensuite vous tournez sur vous-même trois fois et vous vous étalez au sol. PRETS?

Je pose mon doigts sur le bord du verre et les regarde en laissant monter la tension avant de hurler.

-TROIS!

Le verre tombe et je chope le verre pour participer au meilleur concours de beuverie au monde.

Klaudia me terrifie. Il y a dans son regard une forme de folie froide et pourtant pleinement assumée. Son affection débordante me fait l'impression de taquiner les caresses d'un grand requin blanc. Je reste figé entre ses petits bras d'inhumaine, incapable de réagir autrement que par un frisson contrôlé. Elle me fout plus les chocottes que la Mère des Cauchemars.

La diablesse a le rythme dans la peau et elle m'entraine de ses pieds nus en plein sabbat. Ma carcasse est comme possédée par la musique et se trémousse contre mon gré. Rahat.. Je suis en train de me déhancher, là, non ?

Gontrand revient vers nous avec trois verres plein d'une mixture que j'ai du mal à déterminer. Pourquoi fait-il des châteaux avec les verres ?

- Chers amis! L’heure est à la gravitude… Ce soir! On célèbre une drôle de gamine avec un dérapage mémorable et nécessaire. Si vous voulez bien me suivre!

Klaudia ondule en me tirant à sa suite m'obligeant à faire la chenille. Je n'arrive pas à mobiliser la volonté de lui résister. Elle rit, échevelée.

-Bienvenue au dérapage dans la Chicane, les règles sont simples mais…. Mortelles… ouuuuuh!
- OUUUUH !!! Fait Klaudia en cœur. Elle me donne un coup de coude. Fait "OOOUUh" avec moi !
-.... Ouh ? que je répète sans grande conviction.
- A trois! Vous faites tomber le verre dans le verre et vous videz ça le plus vite possible. Ensuite vous tournez sur vous-même trois fois et vous vous étalez au sol. PRÊTS?
- PRÊTS ! Klaudia jette vers moi avec un sourire coquin. T'es prêt le roumain ?
- Non.
- TROIS!

Et pourtant, j’imite en décalé l'espèce de rituel grotesque de mes deux compagnons. Le mélange est fortement alcoolisé, brulant et poivré. Avec un arrière gout de bonbon arlequin à la banane.

- Qu'est-ce que t'as foutu la de... Woooh...

Je perd pieds et je m'écrase violemment sur le sol, enchevêtré à Klaudia et Gontrand. Je perçois les soubresauts hilares de l'une et les "vroum vroum" sauvage de l'autre. Je regarde le plafond qui gondole, complétement déstructuré. Grotesque. J'ai les vertiges des montagnes russes sans me déplacer. Je sens les coins de ma bouche qui se redressent finalement. Un long et puissant ricanement s'effiloche loin de mes lèvres.

Je crois que je suis en train de chialer de rire et d'ivresse.