Installée confortablement sur son canapé, les doigts serrés autour d’un mug rempli d’un thé à la menthe, Riley contemple pensivement le ciel particulièrement bleu aujourd’hui.
Un ciel qu’elle sait maintenant vide de toute présence divine.
Elle referme le livre qu’elle tient dans l’autre main. Impossible de se concentrer sur l’histoire de toute façon. Depuis sa rude mais enrichissante conversation avec Kaelig, elle ressasse beaucoup tout ce qu’elle a appris sur la vie après la mort.

Le repos éternel n’existe pas. Pas de paradis gardé par des Anges.

A croire que l’humain a été créé pour en chier jusqu’à la fin des temps… Si tout ça la perturbe grandement, elle n’imagine même pas le bouleversement que cela aura sur Ohanzee. Et en plus de tout le reste, ça la travaille constamment.

Lui dire ? Garder le silence ?

Comment lui enlever sa foi, la seule ancre qui l’a aidé à traverser toutes les épreuves de sa vie et qui continue à le guider encore aujourd'hui ? Mais en même temps, se taire reviendrait à utiliser les pratiques minables de l’ICV, le garder dans une bulle, lui refuser la vérité…Et elle préfère mourir que de se comporter avec lui comme ces connards en blouses blanches.
Choix cornélien. Choix impossible.
Mais plus elle y pense et plus elle se dit qu’elle se doit d’être honnête.
Même si c'est dur.
Même si ça fait mal.
Elle sera là pour le soutenir, ramasser et recoller les morceaux s’il le faut. La franchise c’est la base de tout. Et s'il l’apprend par quelqu’un d’autre, au mauvais moment, au mauvais endroit, ça sera sans doute pire.  

Comment amener la chose ?

« Hey Zee, tu sais le Dieu auquel tu crois si fort ? Bah il n’existe pas. Et les morts que tu renvoies ? Ils passent directement par la case Pandémonium pour probablement devenir des dossiers administratifs vite classé. »

Parce qu’évidemment il y a aussi ça. Elle imagine qu’il est plus facile pour lui de croire qu’il renvoie les fantômes vers un monde meilleur que dans l’enfer d’une administration démoniaque, au mieux ou vers la torture dans les Fosses, au pire.

Il faut que je lui parle.

Le plus tôt sera le mieux avant qu’elle ne se dégonfle et ne change d’avis.
C’est le moment qu’Ohanzee choisit pour redescendre de son atelier. Elle tourne la tête vers lui, la mine grave, un peu paniquée à l’idée de ce qu’elle devait faire mais résolue à aller jusqu’au bout.

- Zee ? Tu veux bien venir t’assoir à côté de moi ? J’ai…j’ai quelque chose à te dire.

Pourvu que je ne le brise pas…pitié…

Sauf qu’il n’y a personne pour entendre sa prière.

So do me damage or do me right
We could be the ones who see the other side
So do me damage or do me right
We could be the only lovers left alive

La foi est de l'or,
et l'or ne meurt pas dans le feu,
il est purifié.
La vraie foi résiste à l'épreuve.
[Actes 14:22 ; Jacques 1 :2-4, Matthieu 13 :18-23]

Aussitôt, Jésus étendit la main,
le saisit et lui dit :
« Comme ta confiance est faible !
Pourquoi as-tu douté ? »
[Matthieu 14.31]

Une longue expiration désengorge l'air accumulé dans sa poitrine. Ses sensation lui reviennent par métonymie instinctive : l'odeur prégnante de l'essence de térébenthine, le poil humide de peinture de ses pinceaux sous la pulpe de ses doigts, la lumière matinale révélant les couleurs vivides de sa fresque.

Ohanzee contemple les résultats picturaux de ses transes. Le futur a encore ouvert une nouvelle porte, déblayé des pistes neuves, renouveler certaines scènes. Tout cela le déroute plus que cela ne l'instruit. Unseelie reste indubitablement la même : ailée, gigantesque, féminine, ombre planant en menace constante. Il est convaincu que l'homme-taureau et la femme volante flamboyante sont Kaelig Taur et Elehiel Thatcher. Qui peut bien être la fillette et son armée de cauchemars monstrueux ou cette femme rousse qui ouvre la bouche et charrie de l'or, juché sur un homme-vase ? D'autre figure lui paraisse familières mais il n'est encore certain de rien. Alors il note tout, absolument tout, dans le carnet noirci de visions successives, changeantes, paraphée par ses pensées et autres interprétations.

Depuis peu, un nouvel être a fait son apparition sur la représentation de cette armée hétéroclite et de ses généraux partant à l'assaut de la vile Unseelie. Un homme sans visage qui se tient en périphérie de l'action, presque à l'extrémité de la peinture. Ses traits ont beaux être indistincts, ils semblent familiers à Ohanzee : plus exactement ses yeux blanc et l'oeil ouvert sur son front qui le ramènent à ses propres marques de sorcellerie. Il observe la bataille sans réellement y prendre part, les mains dans le dos, tel un observateur tranquille. A ses pieds ou lévitant devant lui il y a systématiquement un bouclier doré, gravé du facies d'une femme en plein hurlement.
Serait-ce lui ?
Serait-ce Riley ?
La réponse lui semble pour le moins obscure. Il lui manque tant de clés pour comprendre ses visions.

Ohanzee soupire.
Une trêve avec son esprit semble necessaire.

Il prend soin de nettoyer ses pinceaux mais pas ses doigts maculés de pigment, ni les traces colorées sur son torse et ses joues. Il remet sa chemise à la hâte et ferme la porte de l'atelier. Dans l'escalier il croise l'une de leur voisine qu'il salue d'un sourire avenant. Il ne se rend pas compte que la demoiselle louche sur son buste offert partiellement à la vue, son cerveau le mène déjà chez lui, auprès de Riley, d'une bonne douche, d'un repas chaud et d'un thé.

- C'est moi ! déclare-t-il guilleret en franchissant le palier de leur foyer.

La pesanteur de l'atmosphère qui le cueille le désarçonne une poignée de seconde. Il regarde sa chère et tendre, assise sur le canapé, la mine grave. Elle se tourne vers lui et son expression solennelle de fait que confirmer son impression première.

- Zee ? Tu veux bien venir t’assoir à côté de moi ? J’ai…j’ai quelque chose à te dire.
- Oh..... Fort bien. Il la rejoint et pose son séant sur la banquette. Ses mains entourent les doigts crispés sur leur tasse de Riley. Qu'y a-t-il mon amour ? Quelque chose est arrivé ?

Lui l'Oracle, lui le Devin, est bien incapable de prévoir ce qui le concerne.

- Qu'y a-t-il mon amour ? Quelque chose est arrivé ?

Riley repose sa tasse sur la table basse puis se tourne face à lui sur le canapé. Sourire attendri sur les lèvres, elle frotte une trace de peinture qui s’est installée sur la joue du jeune homme. Bien inutilement puisque non seulement elle a déjà séché mais qu’elle a en plus de nombreuses comparses logées sur ses doigts, son cou et le haut de son torse visible. Rien d’anormal après une séance dans son atelier.
Habituellement, elle lui aurait sans doute proposé une boisson mais à cet instant, cela ne lui servirait que d’excuse pour repousser le moment fatidique.

- Non. Enfin oui. Pas… dans le sens où tu l’entends.

Merde ! C’est encore plus dur que prévu. Riley prend une profonde inspiration et se force à fixer son regard dans le sien. Les mots tournent dans sa tête puis s’effacent. Elle ouvre la bouche, la referme aussitôt après.
Peut-être le moment est-il mal choisi ?
Alors quand ?
Lorsqu’il sera mis devant le fait accompli ?
Non il n’y aura jamais de « bons moment ». Sa main trouve la sienne, leurs doigts se nouent instantanément. Il faut qu’elle parle, elle ne fait que l’angoisser un peu plus à chaque seconde de silence et d’hésitation. La mort dans l’âme, elle entame l’une des conversations les plus difficiles de sa vie.

- Quand…quand je suis allée voir Kaelig Taur il y a quelques jours, il m’a expliqué un peu plus en détail certaines…notions sur le monde surnaturel. Sache juste que si j’ai mis aussi longtemps à t’en parler, c’est parce que je ne voulais pas … te blesser inutilement et que… pour être franche… j’ai peur de ta réaction. Mais je ne veux et ne peux pas de cacher quoique ce soit sous prétexte de te protéger. Je te dois la vérité. J’espère juste…que tu ne m’en voudras pas…
Elle marque une courte pause, décidée à ne pas s’attarder en circonvolutions.  

- Je… je ne sais pas trop comment te dire ça alors je vais y aller franchement d’accord ?

Méthode sparadrap. Le retirer le plus vite possible. La douleur est forte pendant quelques secondes mais reflue rapidement. En théorie. De toute façon, elle en a assez de tourner autour du pot. Elle reprend d’une voix plus ferme.

- Il m’a notamment parlé de la vie après la mort et … de l’existence d’un plan démoniaque. Mais il n’a rien à voir avec ce que peut en dire la religion. Il faut plutôt voir ça comme une sorte … de grosse administration. Et…c’est là que nous allons tous après la mort sauf…les quelques âmes qui s’attardent ici et que tu es capable de voir et de renvoyer. Les démons ne font que nous…ranger selon…certains critères ou nous permettent de nous réincarner parfois. Les Fosses et le sort de ceux qui y sont précipités peuvent attendre un peu. Son pouce trace de petits cercles, lentes caresses apaisantes sur sa peau. Insuffisantes certainement pour apaiser la tempête qui doit couver derrière ses yeux sombres. Ca… ça implique qu’il n’existe pas…de Paradis. Pour personne. Pas de Seigneur ou de présence divine qui veille sur nous…pas de repos éternel dans un monde meilleur... Je suis désolée…

Elle se tait à présent, le laisse digérer l’information puis demande tout doucement.

- Tu vas bien ?

- Non. Enfin oui. Pas… dans le sens où tu l’entends.

Ohanzee fronce légèrement les sourcils. Patient, il attend que Riley dompte le verbe et libère sa parole. Les mots prennent des chemins détournés, choisissent une introduction un peu longue en la matière. Le jeune homme ne brusque rien, il a tout son temps et toute la douceur de caractère qui convient.

- Je… je ne sais pas trop comment te dire ça alors je vais y aller franchement d’accord ?
- Je t'écoute, fait-il de son timbre calme et paisible.

Son esprit n'est pas prêt pour la suite. Les phrases affluent, se déversent hors de cette bouche maintes fois embrassées. Il n'en perçoit que le bruit, la musique, mais pas le sens. Celui-ci lui échappe ou bien est-ce ça cervelle, rétive, qui s'y refuse. Ainsi reste-il figé, une poignée de longues et interminables secondes.

Jusqu'à ce que le poison de la vérité infiltre sa réflexion.

... Et ternisse sa foi.

"Toutes ces âmes que j'ai envoyé en pâture au néant."

- Tu vas bien ?
- Hein... ? ... Quoi ? Il la contemple, comme s' il remarquait sa présence dans la pièce pour la première fois. Il est secoué d'un petit rire nerveux. Dissonant. Je.. Je ne comprends pas ce que tu dis, ça n'a pas de sens. Le monde est construit sur la notion de bien et de mal. S'il y a des démons, il y a forcément des anges , s'il y a un Enfer, il y a nécessairement un Paradis... Comme.. Comme si une âme pouvait se ranger dans un album photo et s'oublier là, dans un tiroir ou une étagère... Nouveau ricanement fêlé. C'est ridicule....

Il lève un regard vers Riley. Son expression de détresse poignante , presque enfantine, est déchirante.

- C'est ridicule, n'est-ce pas ?

Ses mains sont prise de tremblements. Ses yeux dérivent dans le vide.

- Dieu ne le permettrait pas...

Or, sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu,
car il faut que celui qui s'approche de lui croie que Dieu existe
et qu'il récompense ceux qui le cherchent.
[Hébreux 11:6]

L’affliction et la désespérance brute qu’elle lit dans les yeux d’Ohanzee, dans son rire qui n’en ai pas un, lui fait soudain ressentir la cruelle morsure du regret. Il semble si perdu…
Pourtant les dés sont jetés.
Maintenant elle va devoir assumer les conséquences de son choix. Une part d’elle sait pourtant qu’elle a fait le bon. Elle se penche vers lui, attrape ses deux mains tremblantes dans les siennes et les serre doucement.

- Je ne sais pas … je n'ai pas...les réponses que tu cherches.

Elle cherche les bons mots et se dit que peut-être ce ne sont pas les siens dont il a besoin à cet instant. Elle est trop incroyante, trop athée pour servir de béquille à sa foi. Mais elle essaie quand même parce qu’elle ne se voit pas reculer et le laisser se dépatouiller seul après lui avoir lâcher une telle bombe.
Le regard d’Ohanzee se perd dans le néant. Alors, d’un doigt sous son menton, elle l’oblige à le remonter lentement vers ses yeux, à ne pas se laisser noyer par les sombres pensées qui doivent l’assaillir.

- Je ne comprends pas tout non plus à vrai dire… Mais cette dichotomie du bien et du mal, elle sert plus souvent de pilier aux histoires que l’Homme s’est racontées au fil du temps et se racontent toujours. Ici, dans le monde réel, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Les choses sont plus complexes et les êtres qui le composent plus nuancées que ça. Comment rendre ses nuances dans des lieux comme le Paradis ou l’Enfer qui représentent simplement les deux extrêmes d’un grand nuancier de gris ?

J’avoue que savoir qu’on va tous ou presque finir en paperasserie cosmique n’est pas très…réjouissant. Mais rien ne nous oblige à penser que c’est là que tout s’arrête. Après tout s’ils s’embêtent à nous trier c’est bien pour une raison non ? C’est ce que moi je veux croire. Que Jared et ma grand-mère se trouvent dans le même dossier et qu’elle le roule au poker comme une pro. Que Caroline a été rangée aux côtés des grands esprits de l’histoire et qu’elle papote féminisme avec Olympe de Gouge ou Emmeline Pankhurst… Peu importe que ça soit vrai ou pas, après tout la foi n’a pas besoin de certitude… Petit sourire. Ça s’est quelque chose que tu m’as fait comprendre.

Elle remonte l’une des mains d’Ohanzee vers son visage et y cale sa joue.

- Remettre en question ta foi ne veut pas dire la perdre. C’est… sans doute l’épreuve la plus importante qu’elle va subir, mais je trouve ça plutôt sain de se poser des questions parfois, de ne pas se laisser aveugler. Je…je voulais que tu aies toutes les cartes en main Zee… pas détruite tes croyances. Elle embrasse le creux de sa paume. Tu sais, il existe beaucoup de scientifiques dont les travaux nous poussent de plus en plus à remettre en question l'existence de Dieu. Pourtant, ces hommes et ces femmes restent souvent de fervents croyants. Parce qu’ils choisissent de l'être. Malgré tout.
Et toi aussi tu as ce choix. Avoir connaissances de certaines aspects de l'univers ne doit pas t'empêcher de croire en quoi que ce soit.

Elle marque une pause, ne sachant plus trop quoi ajouter pour apaiser le cataclysme qu'elle vient de déclencher chez son compagnon.

- Je suis désolée...répète-t-elle à nouveau, les yeux brillants de compassion et de culpabilité. Je n'ai sans doute pas les mots justes mais...dis-moi ce que je peux faire pour t'aider ? Quoi qu'il arrive tu n'es pas seul, d'accord ?

Dieux existe-t-il seulement... ?

Ohanzee est parcouru d'un frisson.
Pendant des siècles, sa foi a été son refuge, sa conseillère, sa matrice. Il a été pétri par les enseignements de la bible et de la parole sainte. Il a été éduqué dans la chrétienté et ses dogmes. Sa croyance comme seul habit lorsqu'il était nu, il a traversé le temps et l'inconnu. Ce fut son seul rempart contre la peur, sa seule source de force face à l'adversité et ce pendant des années.

- Je ne sais pas … je n'ai pas...les réponses que tu cherches.
- Et pourtant, tu es certaines de ce qu'avance Kaelig Taur. Pourquoi ?
- Je ne comprends pas tout non plus à vrai dire… Mais cette dichotomie du bien et du mal, elle sert plus souvent de pilier aux histoires que l’Homme s’est racontées au fil du temps et se racontent toujours. Ici, dans le monde réel, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Les choses sont plus complexes et les êtres qui le composent plus nuancées que ça.

Riley parle avec un bon sens qui l'atteint malgré les strates de déni.

- Comment rendre ses nuances dans des lieux comme le Paradis ou l’Enfer qui représentent simplement les deux extrêmes d’un grand nuancier de gris ?
- C'est parce que ces lieux sont dépourvus de ces nuances que l'homme peut tendre vers l'un ou l'autre. Si tu m'affirmes que ces idéaux n'existent pas comment apprendre l'équilibre ? Comment guider son voyage dans la vie sans boussole ? Sa voix cassée trahit une émotion taillée dans la chair à vif de son coeur. J'ai.. J'ai envoyé toutes ces âmes vers un monde qui ne sera ni meilleur, ni pire que celui-ci. Je les ai conduit au néant... Un terrible et absolu néant.

Des larmes roulent sur ses joues.

- J'ai trahi tous ces fantômes qui ont crut en mes paroles chimériques... Où sont-il maintenant ? Oubliés dans des chemises cartonnées ? Condamnés à sécher dans des herbiers ? Sa lèvre tremble. Il réprime un sanglot. Où est l'espoir et la paix que je leur ai promis?
- J’avoue que savoir qu’on va tous ou presque finir en paperasserie cosmique n’est pas très…réjouissant. Mais rien ne nous oblige à penser que c’est là que tout s’arrête. Après tout s’ils s’embêtent à nous trier c’est bien pour une raison non ? C’est ce que moi je veux croire. Que Jared et ma grand-mère se trouvent dans le même dossier et qu’elle le roule au poker comme une pro. Que Caroline a été rangée aux côtés des grands esprits de l’histoire et qu’elle papote féminisme avec Olympe de Gouge ou Emmeline Pankhurst… Peu importe que ça soit vrai ou pas, après tout la foi n’a pas besoin de certitude…Ça s’est quelque chose que tu m’as fait comprendre.

Un sourire se dessine sous l'ondée, maladroit et timide. Ses pommettes trempées font ressortir plus que jamais l'ocre et le terre de sienne de ses tâches de rousseur.

- Depuis quand es-tu devenue si sage, Riley Finglas ?
- Remettre en question ta foi ne veut pas dire la perdre. C’est… sans doute l’épreuve la plus importante qu’elle va subir, mais je trouve ça plutôt sain de se poser des questions parfois, de ne pas se laisser aveugler. Je…je voulais que tu aies toutes les cartes en main Zee… pas détruite tes croyances.
- Je sais, répond-il malgré son expression de profonde affliction. Il ne peut pas en vouloir au messager de porter pareil message.
- Tu sais, il existe beaucoup de scientifiques dont les travaux nous poussent de plus en plus à remettre en question l'existence de Dieu. Pourtant, ces hommes et ces femmes restent souvent de fervents croyants. Parce qu’ils choisissent de l'être. Malgré tout. Et toi aussi tu as ce choix. Avoir connaissances de certaines aspects de l'univers ne doit pas t'empêcher de croire en quoi que ce soit.

Il ne trouve pas de réponse à lui offrir. Tout ce qu'il éprouve présentement c'est un grand vide. Celui que laisse les pertes immenses et les deuils insurmontables.

- Je suis désolée...Je n'ai sans doute pas les mots justes mais...dis-moi ce que je peux faire pour t'aider ? Quoi qu'il arrive tu n'es pas seul, d'accord ?

Le jeune homme s'enferme dans un mutisme qui semble interminable. Son regard est d'une fixité inquiétante. Il bout quelque chose d'opaque, de terrible, sous la surface de ces deux lacs sombres. Les larmes se sont taries, nourrissant une puissante détermination lorsqu'il pose à nouveau le regard sur Riley.

- Kaelig Taur t'a-t-il révélé comment se rendre en Enfer ?

Comme le silence s’éternise, elle se sent presque obligée de parler encore, de le rassurer, de tout tenter avant de le laisser digérer tout ça. Le vide qu’elle perçoit chez lui l’effraie, elle ne l’a jamais vu aussi…désenchanté.

- Tu n’as trahi personne Ohanzee. Personne. Même si ceux que tu as renvoyé n’ont pas trouvé exactement ce que tu leur as promis, ils sont partis en paix. Son pouce vient effacer quelques larmes sur ses pommettes constellées de tâches. Je l’ai vu chez Jared. Ce que tu as fait pour lui et pour d’autres… ça n’a pas de prix ! Et pour certains…le néant et sans doute mieux qu’une non-vie d’errance. A s’accrocher aux choses que l’ont a perdu…à faire du mal à ceux que l’on a aimé… à perdre de toute façon petit à petit ce qu’on a été dans un monde familier mais qui ne nous reconnait plus.

Là encore elle pense à son frère. Son frère adoré qui sans le vouloir lui a rendu la vie infernale alors qu’il ne voulait que la protéger. Ce sentiment s’est perverti avec le temps mais grâce à Ohanzee, il a fini par libérer sa sœur du poids de sa présence.  

- Et puis tu ne leur offre pas que des paroles rassurantes. Tu leur donne ta compassion, ta gentillesse, ton attention pleine et entière, à eux qui ne font que traverser ce monde sans jamais plus avoir d’interactions ou d’impact sur qui que ce soit et surtout un moyen de s’exprimer une dernière fois. Tu leur fais bien plus de bien que de mal !

Que peut-elle faire de plus ? Que peut-elle dire de plus ? Sans doute rien. Il va avoir besoin de temps, Elle se sent aussi inutile qu’un morceau de scotch sur un vase en mille morceaux. Sauf qu’elle perçoit un changement certain chez lui. L’immobilité de son regard l’inquiète tout comme son visage soudain fermé.

- Kaelig Taur t'a-t-il révélé comment se rendre en Enfer ?

Riley fronce les sourcils et scrute les yeux sombres d’Ohanzee qui expriment une détermination presque…effrayante. Elle donnerait cher pour savoir ce qui se trame derrière leurs obscurités mais pressent qu’elle n’aimerait sans doute pas ce qu’elle y trouverait.

- Non…pourquoi ? Pourquoi tu me poses la question Zee ? demande-t-elle en se reculant un peu, de la méfiance plein la voix.

Ohanzee ne se laisse que fort rarement gagné par la colère. Celle si n'a que peu de prise sur sa tranquillité de caractère. Il la laisse venir à lui, le traverser et s'étioler d'elle même, imperméable à ses griffes. Cependant, demeure au fond des puits sombres de ses yeux, une passion tapie dans l'obscurité, une puissance qui ne souffre ni raison ni refus.

- Non…pourquoi ? Pourquoi tu me poses la question Zee ?
- Parce que je sais qu'il s'y rendra tôt ou tard, et ce jour là, je serais du voyage. Il lève une main pour stopper toutes objections de sa part. Non! C'est absolument non négociable. J'irais, Riley. J'irais et j'ouvrirais chaque tiroir, chaque feuillet, chaque dossier pour libérer les âmes qui y sont retenues.

Il se lève avec une brusquerie inhabituelle. Pour la première fois, la fureur abreuve ses veines : l'ire sauvage d'une victime de tromperie.

- Le Paradis est peut-être un mensonge, Dieu n'existe peut-être pas, mais ma parole est un engagement fiable ! Ces gens avait foi en moi ! Moi je ne les trahirais pas ! Je n'ai pas vécu plusieurs siècles enfermé dans une caisse et une décennie derrière les barreaux pour imposer ça à des êtres que j'étais sensé libérer !

Il déglutit, se rendant compte de son algarade : il est clairement en train d'effrayer Riley.

- E.. Excuse-moi.... Il se frotte le visage d'une main, puis de deux. Ses épaules s'affaissent sous le poids d'un long soupir. J'ai menti à toutes ces personnes, Riley! Peu importe qu'ils aient été en paix en acceptant de franchir le Voile. Ils ont certainement déchanté une fois de l'autre côté! Cette simple idée m'est insupportable !

Les tremblements le reprennent. Il réprime une envie de pleurer, d'impuissance et d'indignation. Il a été, malgré lui, l'instrument d'une félonie à l'échelle cosmique.

Riley le regarde s’agiter, proférer des volontés qui lui paraissent aberrantes. Elle perçoit sa colère grandissante et fronce de plus en plus les sourcils. Son inquiétude de le voir dans cet état se dispute bientôt la place avec sa propre colère qu’elle ravale du mieux qu’elle peut. Elle est pourtant perceptible dans sa voix lorsqu’elle se lève pour le rejoindre et se poster en face de lui.

- Tu te rends compte de ce que tu dis ? De l’énormité de ce que tu veux faire ? As-tu seulement la moindre idée de ce que c’est là-bas ?
Elle tente d’apaiser son ton et ferme les yeux pour prendre une profonde inspiration.
Tu crois qu’on y descend comme on prend une autoroute et qu’on remonte quand on en a marre ? Qu’on va te laisser faire tranquillement ? J’arrive à peine à te protéger de ce qui se passe sur Terre, mais là-bas, je… ses épaules s’affaissent d’impuissance, j'en serais incapable...

- E.. Excuse-moi... J'ai menti à toutes ces personnes, Riley! Peu importe qu'ils aient été en paix en acceptant de franchir le Voile. Ils ont certainement déchanté une fois de l'autre côté! Cette simple idée m'est insupportable !

- Je comprends… vraiment je comprends que tu te sentes trahi et… ta colère est parfaitement justifiée. Mais ne la laisse pas te faire faire n’importe quoi. Comment tu peux être si sûr que les « libérer » de cet endroit les mènera vers une meilleure alternative ? Si c’était pire hein ? Tu n’en sais rien du tout mais tu es prêt à y aller tête baissée…sans prendre la peine d’y réfléchir, en nous entrainant tous les deux vers une quête insensée. Et si on ne revenait pas ? Moi c’est cette idée qui m’est insupportable.

Elle essuie rageusement les quelques larmes qu’elle n’a pas su retenir, regrettant à chaque seconde qui passe de lui avoir parler de tout ça.

- J’ai accepté de rester à Tir Na Nog pour qu’on s’occupe d’Unseelie parce que moi aussi je veux protéger les habitants de cette ville. Des personnes de chair et de sang. Mais je refuse de donner ma vie pour des morts. Je refuse que tu donnes la tienne… Même pour l’âme de Jared je ne le ferai pas. Ne me demande pas de mettre notre avenir en péril pour des êtres qui n’en ont plus…Je t’en prie…

Il tremble à nouveau, son visage perd cette dureté si peu familière sur ses traits. Elle effectue les quelques centimètres qui les séparent encore et frôle sa joue du bout des doigts.

- On commet tous des erreurs Zee, mais on ne peut pas toujours les réparer. On finit par les assumer, par en tirer des leçons et par grandir grâce à elles. Tu n’es en rien responsable des lois de l’Univers et ça n’est pas ton rôle de les changer. Tout ce que tu peux faire, c’est de les accepter au pire, trouver une parade au mieux.

Il sait qu'elle agit pour son bien.
Il sait que ses paroles sont pétries de bon sens.
Il sait qu'elle n'a pas voulu le blesser.

Ohanzee sait tout cela et pourtant sa colère ne s'apaise pas. Elle se nourrit d'un profond sentiment d'injustice, du poison suave et piquant de la trahison. Il se sent meurtri par cette réalité qui ne fonde en l'humain aucun espoir, aucune aspiration. Le salut est un leurre, la rédemption une chimère. Il n'existe pas de lendemain radieux pour les morts. Nulle paix, nulle repos.

Simplement du rien.

Lorsque Riley s'approche de lui, il a un vif mouvement de recul. Epidermique. Il se sent souillé, sale, mauvais. Il se sent comme un charlatan, pire comme un imbécile.

- Je.. Je ne peux pas. Pas maintenant...

Il fixe le sol, nerveux. Il a reprit de vieux tiques qu'il était parvenu à effacer, des traces des traumatismes endurés. Son éloquence s'évapore.

- Faut.. Faut que je sorte.

Il attrape son manteau, sans un seul égard pour les tâche de peinture qui s'écaillent sur ses joues. Il l'enfile à l'emporte-pièce.

- J'ai besoin d'air... Réflechir.... Je dois réfléchir... Si Riley fait un seul pas de plus vers lui, il se défile, un nouveau pas en arrière, incapable de soutenir son regard. J'ai besoin d'être seul, s'il te plait.

Il lui adresse une oeillade emplie de tristesse.

- Je sais que tu veux m'aider... Je sais... Mais tu ne le peux pas. Pas pour le moment.

Il ouvre la porte et sort. Il ne sait pas où il va, il se contente simplement de marcher. Le vent mordant de l'hiver lui pique les joues. Il se rend compte alors que ses pas l'ont mené devant l'Eglise qui trône au centre de Tir Na Nog. Sa gorge se sert. Il pénètre dans le lieu saint avec une angoisse qui ne l'a jamais étreint dans l'antre de Dieu.

Mirage que tout cela.
Illusions.
Mensonges.

Les yeux embué de larmes, il fait quelque pas vers l'autel où trône la croix sacrée et son martyre. Ohanzee tombe alors à genoux, comme foudroyé par cette vision. Son chagrin se mêle à ses prières désespérées.
Quelques pincées de sel jetées dans le vide sidérale.

Me voilà complètement brisé par leurs insultes,
quand ils me disent sans cesse :
« Ton Dieu, que fait-il donc ? »
[Psaume 42.11]

Il s’échappe. Inaccessible. Déchiré par une tristesse qu’elle a provoquée.
Elle ne comprend pas son premier geste de recul. Est-ce qu’il la déteste au point de ne plus supporter qu’elle s’approche ? Elle qui s'est faite la messagère d’une réalité trop difficile à supporter ?
Elle esquisse un pas vers lui mais il en fait à nouveau un en arrière et elle renonce à l’atteindre, se pétrifie sur place.

- J'ai besoin d'air... Réflechir.... Je dois réfléchir...  J'ai besoin d'être seul, s'il te plait.

- D’a…d’accord.

- Je sais que tu veux m'aider... Je sais... Mais tu ne le peux pas. Pas pour le moment.

La confirmation de ce qu’elle sait déjà plus ou moins fait bien plus mal qu’elle ne l’a anticipé. Non seulement elle est responsable de sa détresse mais elle ne peut même pas l’aider à la surmonter.
Son inutilité lui fait horreur et elle s’accroche à son « pas pour le moment » comme une bouée de sauvetage.

Est-ce que la vérité à tout prix vaut l’affliction qu’elle lit dans son regard perdu ?
Le mal est fait de toute façon.
Lorsqu’il referme doucement la porte derrière lui, c’est comme s’il l’avait claquée. Elle sursaute, debout au milieu de leur salon, les bras ballants, les yeux rivés vers la porte. Des larmes silencieuses strient ses joues et elle ne fait rien pour les arrêter.
Elle n’a aucune idée du temps qui s’écoule alors qu’elle reste là, à attendre son retour. Elle finit par bouger à nouveau, le corps et l’esprit engourdi, la peur au ventre. Elle se traine jusque l'atelier d'Ohanzee et colle son oreille à la porte mais comme elle s’y attend, elle n’entendait rien de l’autre côté. Il est vraiment sorti.

Et s’il ne rentrait pas ?

L’angoisse d’être devenue « celle qui a brisé quelque chose en lui » s’ajoute à celle qui pèse sur leurs épaules depuis la tentative de kidnapping du coven d’Emeraude.

Je t’en supplie…reviens-moi…

Mais la journée passe et il n’est toujours pas là. Riley alterne entre moment d’apathie et dépense d’énergie éperdue à nettoyer et ranger l’appartement. Juste pour occuper son esprit et ses mains.
Invariablement, son regard se dirige vers la porte qui reste obstinément fermée. En fin d'après-midi, elle se décide à préparer quelque chose à manger. Non pas pour elle, son ventre est vide depuis le petit-déjeuner et elle se sent incapable de manger quoi que ce soit. Mais elle veut que s’il lorsqu’il rentrera, l’appartement soit plein de bonnes odeurs de cuisine et de chaleur. Une manière de l’accueillir chez lui. Gratin, viande en sauce et même un cake au citron. Il y en a trois fois trop mais l’objectif est atteint. Les effluves de cuisine se sentent surement jusque dans le couloir et le four a agréablement réchauffé l'atmosphère.

Sauf qu’il ne revient toujours pas. Le nez collé à la vitre, elle se poste sur la pointe des pieds pour observer la rue en contrebas. Déserte. Il a commencé à neiger et une couverture blanche tapisse déjà tout le paysage. Tout le monde en a profité pour rentrer plus tôt avant le couvre-feu.

S’il se fait arrêter par l’armée ou les flics ?

Les plats sont tièdes à présent, l’heure tourne et la panique la gagne. Elle se sent incapable de se coucher sans avoir au moins la certitude qu'il va bien, qu’il est à l’abri quelque part. Même si c’est sans elle.

Et s’il est retourné à l’ICV ?

Non ça, elle ne le supporterait pas… Plus les minutes s’égrènent, plus elle imagine les pires scénarios.
Un bruit de clés dans la serrure.
Une porte qui s’ouvre.
Elle se retourne, le cœur battant.
Il est là.
Pourtant elle ne bouge pas et garde le silence.

Le front en sueur, les draps trempés de ses propres humeurs, il tourne mollement la tête vers la silhouette qu'il devine à son chevet. Une forme familière et masculine dont il connait les contours et les aspérités par cœur.

- Père...
- Je suis là, mon fils.
- Père c'est vous?
- Oui
- Alors tout cela n'était qu'un rêve ? Un rêve suave, triste et doux... Tout cela n'était dû qu'à la fièvre?

Un tissus frais et humide caresse sa peau en feu. Alaric Figtree -si c'est bien lui- nettoie son visage épuisé par l'infection.

- Pas du tout.
- C.. Comment ?
- Ne t'avais-je pas dit que ce vieux barbu était un charlatan de premier ordre. T'es-tu fait enfin une raison ?

Alaric Figtree se penche vers son fils : ses yeux sont laiteux, luminescents, et sur son front un oeil blanc tatoué de lumière fixe Ohanzee. Alaric sourit, une rangée de dents blanches parfaitement alignées.
Ohanzee se redresse avec un puissant mouvement de recul qui l'amène à se cogner contre les barreaux de son lit.

- VOUS ?!
- "Vous", est-ce une manière de parler à son père ?
- Vous n'êtes pas mon père! Cessez cette mascarade!
- Je le suis davantage que ce... Il désigne d'un mouvement négligeant de la main l'enveloppe du pasteur Figtree... Ce mortel.
- Je vous demande pardon ? Ohanzee s'agite et regarde autour de lui. Où sommes nous ?
- Dans ton rêve. On y entre comme une passoire depuis que la petite dernière tient les rennes du domaine. Cela ne tiendrait qu'à moi, on aurait déjà du la déloger.
- Je ne comprends pas un mot de ce vous dites...
- Détail. Ce qui m'importe, c'est que tu fasse toujours ton travail malgré tes petites désillusions personnelles.
- Mon travail ?
- Ton travail d'Oracle, fils. Diantre, je ne pensais pas t'avoir conçu si lent. Je m'étais dit naïvement que te mettre en caisse quelques siècles te ferait mâturer comme du bon vin, mais cela t'a peut-être ramolli la cervelle...
- C'est.. C'est à vous que je dois ma résurrection ?
- Evidemment, qui d'autre ? Je suis ton Maitre, ton Créateur, ton Père... Use le vocable que tu préfères : c'est moi qui tire les ficelles... Il se gausse tout seul de sa blague.
- Destin, vous êtes vraiment le Destin.
- Aussi sûrement que tu es Fatalité, mon rejeton. Maintenant, si je puis dire, "Lève toi et marche".  C'est bien comme ça qu'on le dit dans ton livre de contes ?
- V.. Vous êtes odieux.
- Les contes sont cruels pour mieux faire retenir la moral de leurs fins. Cela fonctionne, d'ordinaire, sur les enfants. Dis-toi seulement que tu grandis...

Les perceptions d'Ohanzee deviennent floues. Il se sent sombrer dans un océan d'obscurité dont le seul point de lumière reste cet oeil cyclopéen qui grandit démesurément jusqu'à devenir gigantesque et globuleux. L'iris s'ouvre sur une rangée de quenottes pointues qui le gobe goulument.

Au commencement était la Nuit.
Et puis, vinrent ses enfants....

+++

Le paillasson sous ses chaussures est celui de son propre palier. La porte n'a pas changé. Il tient la clé qui déverrouille la serrure dans ses mains. Comment est-il arrivé là ? Il ne se souviens pas avoir fait le chemin depuis l'église. Il ignore même l'heure qu'il est.
Confus, il décide d'entrer malgré tout.
Une odeur de savoureuse cuisine flotte dans l'air, mais étiolée et refroidie par l'attente. La fenêtre révèle qu'il fait nuit noire. Ohanzee déglutit en observant la silhouette dressée devant lui. Riley a les trait tirés, le bord des yeux rougis. Elle l'a attendu, inquiète, certainement terrifiée et il est incapable de lui expliquer où sont passées ces heures perdues.

Sans un mot, sans une seule respiration superflue, il comble la distance qui les sépare et la sert dans ses bras. Sa chaleur est réelle. Son odeur est réelle. Riley existe. Peu importe l'existence du Paradis, de Dieu ou de la parole sainte. Riley existe et c'est la seule chose à laquelle il a besoin de se rattacher pour le moment.

Son père n'est pas Destin.
Il ne sera jamais Fatalité.

Il s’approche, referme ses bras sur elle et le monde retrouve sa place et sa stabilité. Riley ferme les yeux et laisse échapper un long soupir de soulagement, le visage calé dans le creux de son cou. Elle ne se rend compte qu’à présent combien elle a craint qu’il ne rentre pas…ou qu’il ne rentre plus.
Ses propres bras glissent autour de sa taille et elle se blottit contre lui, imprimant un très léger balancement à leurs deux corps enlacés, presque un bercement.

- Tu ne me détestes pas alors…

Murmure un peu piteux qui tient autant de la question que du constat.

- Je suis tellement désolée…

Elle a l’impression de répéter ses excuses en boucle sans pouvoir s’arrêter. Tout simplement parce qu’elle sait à quel point elle lui a fait mal. La boule qui s’est logée au creux de son ventre refuse de partir, manifestation physique de sa culpabilité.
Même si elle se pose mille questions sur ce qu’il a fait pendant toutes ses heures, Riley se refuse à les formuler à voix haute. Peu importe après tout ; ce qu’il a fait, avec qui il l’a fait… c’est entre lui et lui-même.

L’essentiel c’est qu’il soit là maintenant. C'est tout ce qui compte.

Elle recule légèrement, prend son visage entre ses mains et l’observe avec attention, soucieuse.
La colère bouillonnante et très peu habituelle chez lui semble avoir disparue. Ce qui l’inquiète plus c’est son air hagard, encore perdu. Celui-là même qu’il arbore après une crise d’angoisse. Ses yeux semblent hantés, à moitié ailleurs. Elle se hisse vers lui et vient poser son front contre le sien dans une tentative timide de le ramener à elle.

Combien d’épreuves devrait-il encore subir ? Est-ce que ce fameux Destin qui suit ses pas de très près ne peut pas le laisser tranquille ?
Sauf que le Destin n'a rien à voir avec tout ça. C'est elle et uniquement elle qu'elle peut blâmer aujourd'hui.
Dans les moments comme celui-ci elle se demande si elle lui apporte plus de bien que de mal.
Tout ce qu’elle veut c’est qu’il soit heureux et en sécurité. Mais sans doute est-ce trop demandé ici, à Tir Na Nog.

- Tu… tu vas bien ?

Au final, c’est la seule question qui lui importe, la seule réponse qu’elle attend.

- Tu ne me détestes pas alors…
- Bien sûr que non... souffle-t-il, la voix encore ténue par l'hébétement.
- Je suis tellement désolée…
- Tu.. Tu n'a rien fait de mal. Rien du tout... L'honnêteté est une vertu...

Aussitôt un proverbe de la bible lui vient en tête : "L'intégrité des hommes droits est leur guide,
mais les tromperies des traîtres causent leur ruine." Ces paroles sont à présent vidées de leur sens, telles des poissons équarris. Il se sent une nouvelle fois vaciller, la coque de son navire prête à rompre. L'émotion déborde, encore. Son arche est percée.

- R.. Riley... Je crois que je deviens fou !

Il éclate en sanglot, comme l'enfant apeuré, sensible et craintif qu'il fût.

- J'ai.... J'ai peur. Hoquète-t-il à travers ses larmes. Je ne me souviens pas de comment.. de.. Je ne sais pas où j'ai pu aller... toutes ces heures... C...Co... Comment est-ce.. p.. possible ? I..Il est revenu ... me visiter. I.. Il me fait peur....

Il est effondré, fissuré, liquide. Il se sent perdu plus que jamais.

- I... Il a dit que.. que je devais faire mon travail... Ohanzee s'enfouit le visage entre ses mains. P.. parce que je suis la Fatalité...

Il pousse un nouveau gémissement plaintif, comme une bête blessée à mort.

- D.. dieu n'existe pas... I.. il n'y a aucun... aucun espoir.....de.. de rédemption ... Je.. Je suis un mensonge....

- R.. Riley... Je crois que je deviens fou !

- Pourquoi tu dis ça ?

L’inquiétude la gagne aussitôt. Loin de lui avoir fait du bien, ces heures de solitude et de réflexion semblent l’avoir plongé dans un état proche de la panique, la même qui le tenaillait à chaque fois qu’elle évoquait la possibilité qu’il quitte l’ICV. Elle a la désagréable impression d’être revenue des mois en arrière, que les épreuves traversées et les efforts consentis n’ont servi à rien.

Un pas en avant. Deux en arrière.

Comment avancer dans ces conditions ?
Riley se laisse submerger par l’impuissance et l’abattement. Ses épaules s’affaissent mais elle reprend vite le dessus.
Elle ne lâchera pas aussi facilement ! Elle ne le lâchera pas. Jamais. Et le relèvera autant de fois qu’il le faut.

- J'ai... J'ai peur. Je ne me souviens pas de comment… de… Je ne sais pas où j'ai pu aller... toutes ces heures... C... Co... Comment est-ce… p… possible ? I... Il est revenu ... me visiter. I… Il me fait peur...

Riley fronce les sourcils et tente de démêler les paroles entrecoupées de sanglots étranglés d’Ohanzee. Ses pouces cueillent ses larmes et les effacent avec douceur.

- Hey doucement, d’accord ? Respire. Tout va bien, tu es à la maison, maintenant. On va bien réussir à comprendre ce qui s’est passé. C’est qui ce il ? Elle réfléchit quelques secondes et devine finalement toute seule. Une seule personne lui vient à l’esprit. Oh… tu veux parler de cet homme qui se dit être ton Maître ? Destin ?

- I... Il a dit que… que je devais faire mon travail... P… parce que je suis la Fatalité... D… dieu n'existe pas... I… il n'y a aucun... aucun espoir...de… de rédemption ... Je… Je suis un mensonge…

De plus en plus perplexe, Riley se mord la lèvre et se contente de le prendre dans ses bras et de le serrer contre elle avec force. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fatalité ? Elle déteste ce mot. Elle n'imagine même pas combien ça doit être effrayant et usant de se savoir un simple jouet entre les mains d'une entité étrange et qui semble se croire au-dessus de tout...
Si elle tenait ce Destin entre ses mains, elle lui dirait sa façon de penser.

Sauf que ça n’est pas moi qui t’intéresse !

Elle oblige soudain Ohanzee à relever la tête et retire gentiment ses doigts qui cachent son visage.

- Ohanzee ? Regarde-moi ! Calme-toi mon cœur. On va reprendre tout ça dans l’ordre, tu veux bien ?
Elle croise son doux regard totalement à la dérive et attrape l’une de ses mains pour la poser contre sa poitrine, tout contre les battements réguliers qui se devinent à travers le tissu.
Ok manifestement cet… « être » veut quelque chose de toi. Je sais que c’est sans doute plus facile à dire qu’à faire mais …tu ne dois pas te laisser déstabiliser ! Essaie de comprendre ce qu’il te veut exactement…s’il tient tellement à ce que tu fasses quelque chose pour lui, il va devoir se montrer plus explicite. Ça rime à quoi de venir te harceler à coup de phrases cryptiques ? La Fatalité ça n’existe pas Zee. Moi je n’y crois pas. Et je crois encore moins que tu en es la personnification. Elle dégage doucement une longue mèche de ses cheveux venues se coller à ses joues mouillées. Rien n’est inévitable. Rien n’est gravé dans le marbre parce qu’on bénéficie tous du libre-arbitre. La preuve, tes visions du futur fluctuent non ? Un faible sourire se fraie un chemin sur ses lèvres. Ce qui veut bien dire que même monsieur Destin n’est pas maitre de tout et que sa Fatalité il peut se la mettre là où je pense.
Pour le reste…

Elle pousse un petit soupir, craignant que ce fameux reste finisse par devenir une plaie à jamais ouverte.

- Aujourd’hui ça te semble sans doute difficile à entendre mais l’amour, le pardon, l’espoir… ils existent eux, je t’assure. En dehors de toute religion. Et la rédemption se trouve ailleurs que dans le pardon divin. Mais tu vas avoir besoin de temps pour le voir. Je sais combien ta foi te servait de pilier pour avancer et que…que je viens de le pulvériser. Tu as le droit d’être perdu, tu as le droit de pleurer sa perte. Mais tu n’as pas le droit de t’effondrer avec lui. Il n’était qu’une partie de toi. Pas toi tout entier. Alors tu te relèveras de tout ça et tu trouveras un autre soutien. Je t’aiderais s’il le faut. Parce que si ton Seigneur n’est pas là, ça n’est pas mon cas.

- Oh… tu veux parler de cet homme qui se dit être ton Maître ? Destin ?

Ohanzee hoche vivement la tête, désemparé.
La première fois qu'il lui était apparu c'était lors d'une séance de méditation collective avec Riley, juste après une séance d'apprentissage de la "défense de soi". Jusqu'alors, il n'avait jamais interagi directement avec une de ses visions. Il était spectateur, témoin silencieux et impuissant des scènes qui venaient à lui. Cette étrange entité avait pris son propre visage pour lui parler.
Il avait pris cela pour une simple affabulation.

- Il.. Il a dit qu'il était mon père ! parvient-t-il à articuler  dans sa profonde détresse. J.. J'ai déjà un.. Un... P.. père !

Il ne parvient pas à se calmer. Il tremble comme une feuille ballotée par des vent violents, prête à craqueler sous le pas du mauvais temps. Ses nerfs ne lui obéissent plus et il perd complétement pied. Les pensées raisonnables n'ont plus prise sur son cerveau agité.
Le monde n'a plus de sens.
Tout n'est plus que bruits de fond. Lointains.

- Ohanzee ? Regarde-moi ! Calme-toi mon cœur. On va reprendre tout ça dans l’ordre, tu veux bien ?

Des mains, chaudes, douces.
Une voix familière.
Là, sous sa paume, un battement sourd et régulier.
Là.
Un coeur qui bat.
Métronome apaisant.

Sans s'en apercevoir, le souffle affolé d'Ohanzee se régule, empruntant le rythme qui palpite sous ses doigts. Sa respiration s'écoule à nouveau normalement, sans cette sensation d'étouffement.

- La Fatalité ça n’existe pas Zee. Moi je n’y crois pas. Et je crois encore moins que tu en es la personnification.
- Co.. Comment peux-tu en être sûre ?
- Rien n’est inévitable. Rien n’est gravé dans le marbre parce qu’on bénéficie tous du libre-arbitre. La preuve, tes visions du futur fluctuent non ?
- C'est... Oui.. Oui.. C'est vrai.
Il s'accroche à ce fait, tangible. Concret.
- Ce qui veut bien dire que même monsieur Destin n’est pas maitre de tout et que sa Fatalité il peut se la mettre là où je pense.
Ohanzee a un rire faible qui ressemble davantage à un couinement.
- Pour le reste... Aujourd’hui ça te semble sans doute difficile à entendre mais l’amour, le pardon, l’espoir… ils existent eux, je t’assure. En dehors de toute religion. Et la rédemption se trouve ailleurs que dans le pardon divin. Mais tu vas avoir besoin de temps pour le voir.
Il darde sur un elle un regard éperdu. A-t-il le droit de s'accorder cette affirmation , Est-ce possible , Est-ce réel ?
- Nous sommes seuls, Riley. Nous sommes seuls et livrés à nous même. Peut-on croire encore quand il ne reste que l'humain : l'être humain est si faillible, Riley... Voilà pourquoi il était primordial de croire en meilleur et plus grand que soi !
-  Je sais combien ta foi te servait de pilier pour avancer et que…que je viens de le pulvériser. Tu as le droit d’être perdu, tu as le droit de pleurer sa perte. Mais tu n’as pas le droit de t’effondrer avec lui. Il n’était qu’une partie de toi. Pas toi tout entier. Alors tu te relèveras de tout ça et tu trouveras un autre soutien. Je t’aiderais s’il le faut. Parce que si ton Seigneur n’est pas là, ça n’est pas mon cas.

Ohanzee pose sur elle ses deux billes sombres, avec une intensité qui la dépiaute jusqu'à l'âme. Dans ces moments là, il a quelque chose de fatal, en effet. Son front chute pour rencontrer le sien.

- Ne me laisse pas devenir fou, ne me laisse pas partir en miettes, Riley. Empêche-moi de me perdre...

- Ne me laisse pas devenir fou, ne me laisse pas partir en miettes, Riley. Empêche-moi de me perdre…

Comme toujours Riley se noie dans l'insondable obscurité de ses yeux. Ils vibrent avec une telle intensité qu'elle se trouve harponnée. Dans ces moments-là, elle sent le poids de quelque chose au-dessus d’elle, quelque chose d’intangible qui le pousse irrémédiablement vers lui et ça l’effraie parfois.
L’absolu de ce qu’elle ressent pour lui, lui fait peur. Tout comme le fait qu’elle se sent prête à tous les sacrifices pour son bonheur.

Elle sent l'air picoté autour d’elle, l'instant solennel. Sa réponse est donc aussi sérieuse et grave que le moment présent. Sa main glisse sur sa nuque pour le rapprocher encore plus près. Elle vrille ses yeux aux siens et déclare sur un ton déterminé, la voix vibrante d’une vérité incontestable.

- Je serai toujours là pour toi Zee. Peu importe ce que l’avenir nous réserve, peu importe l’évolution que prendra nos vies. Tu pourras toujours compter sur moi. Je ne te laisserai pas. Jamais. Je serai ton bouclier aussi longtemps que je le pourrai.
Je te le jure sur ce que j’ai de plus précieux…

La paume d’Ohanzee est toujours placée contre son cœur et depuis qu’elle y repose il semble s’être apaisé par un miracle qu’elle ne s’explique pas. Soulagée qu’il est recouvert un peu de sérénité, Riley lui sourit plus largement, caresse sa joue du bout des doigts.

- Je serai ton garde-fou, mais je sais aussi combien tu es résilient, toute la force qui t’habite malgré ce que tu penses. Même si…même si ce dernier choc te parait insurmontable, tu ne partiras pas en miette. Si jamais c'est le cas, je recollerai les morceaux, un à un.
Et tu ne deviens pas fou … ce n’est pas un hasard si ce Destin se manifeste pile au moment où tu es enfin libre d’agir comme tu le souhaites, d’être qui tu veux, loin du carcan de l’ICV ou du moule dans lequel ton père a tenté de t’enfermer. Si on laisse de côté ces conneries de Fatalité ou de « Je suis ton père » peut-être qu’il t’apparait parce qu’il est tant que tu découvres ce dont tu es capable, d’affirmer le potentiel que tu n’as jamais pu laisser s’exprimer dans le carcan de ton époque ou pendant ta…détention à l’ICV.

Elle le scrute avec une intensité nouvelle, comme si elle le voyait pour la première fois.

- Tu es Ohanzee Figtree. Sorcier, Oracle, l’appellation n’a pas d’importance, mais tu as quelque chose en plus, quelque chose que tu as toujours repoussé de toute tes forces. N’aie pas peur de ce pouvoir qui coule en toi. N’aie pas peur de celui que tu es vraiment. Pas parce que c’est ta Destinée, on emmerde ce type et son arrogance, mais parce que c’est ton héritage.

Les yeux fermés, il boit les paroles de Riley et s'en imprègne profondément. Ses hoquets s'apaisent et se transforment en soupirs qui s'étiolent, en souffles qui s'étirent et se meurent sur les rivages de ses lèvres.

-Et tu ne deviens pas fou … ce n’est pas un hasard si ce Destin se manifeste pile au moment où tu es enfin libre d’agir comme tu le souhaites, d’être qui tu veux, loin du carcan de l’ICV ou du moule dans lequel ton père a tenté de t’enfermer. Si on laisse de côté ces conneries de Fatalité ou de « Je suis ton père » peut-être qu’il t’apparait parce qu’il est tant que tu découvres ce dont tu es capable, d’affirmer le potentiel que tu n’as jamais pu laisser s’exprimer dans le carcan de ton époque ou pendant ta…détention à l’ICV.
- Tu penses que c'est une mise à l'épreuve ? murmure à peine audible. Tu penses que c'est parce que je fais usage de mon libre-arbitre ?

Il n'a pas réouvert les yeux. Peut-être est-il tenaillé par la peur : celle, enfantine et viscérale, de constater que le monde sera toujours aussi effrayant, une fois ses paupières relevées.

- Tu es Ohanzee Figtree.
- Je.. je suis Ohanzee Figtree... Répète-t-il, d'un ton incertain. Qui est vraiment Ohanzee Figtree ? questionne-t-il tout haut. Il l'observe de nouveau, une détresse palpable dans le reflet de ses prunelles.
- Sorcier, Oracle, l’appellation n’a pas d’importance, mais tu as quelque chose en plus, quelque chose que tu as toujours repoussé de toute tes forces. N’aie pas peur de ce pouvoir qui coule en toi. N’aie pas peur de celui que tu es vraiment. Pas parce que c’est ta Destinée, on emmerde ce type et son arrogance, mais parce que c’est ton héritage.
- Et si c'est exactement ce qu'attendait Destin de moi ? Cette quête que j'ai fait mienne : défaire l'Apocalypse, défaire Unseelie.... Et si c'était juste sa volonté ? Si ce pouvoir faisait de moi un instrument malfaisant ?

Ohanzee a l'air si malheureux, accablé par l'immensité de sa propre ignorance.

- Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus... Tu es la seule chose qui ne soit pas un mensonge........... Tu es réelle, n'est-ce pas ? balbutie-t-il soudain.

Peut-être que tout cela n'est encore qu'un rêve affreux, une illusion.

Mort ou vivant.
Endormie entre deux mondes.
A jamais, perdu.

- Et si c'est exactement ce qu'attendait Destin de moi ? Cette quête que j'ai fait mienne : défaire l'Apocalypse, défaire Unseelie.... Et si c'était juste sa volonté ? Si ce pouvoir faisait de moi un instrument malfaisant ?

Incrédule, Riley comprend à quel point Ohanzee semble avoir perdu tout repère, toute logique. Perdu et chamboulé, il tient des propos qui lui paraissent incohérents. Elle tente donc de se faire la voix de la raison.

- Ca n’a pas de sens Zee… ta volonté d’arrêter ce qui se trame à Tir Na Nog est bien plus ancienne que ta rencontre avec cet être ! Tu n’es la marionnette de personne ! Justement parce que tu fais tes propres choix. Et j’ai toute confiance en toi pour qu’ils soient justes et sensé parce que c’est ce que tu es. Si ça t’inquiète tellement je suis là aussi pour veiller à ce que cette nouvelle facette de tes pouvoirs ne te change pas. Mais je sais d’avance que jamais tu ne deviendras malfaisant. Pas toi. Tu es incapable de l’être.

- Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus... Tu es la seule chose qui ne soit pas un mensonge........... Tu es réelle, n'est-ce pas ?

Son impuissance à le rassurer totalement est soudain nourri d’une certaine exaspération et de colère. Comment peut-il douter à ce point ? Comment peut-il croire que tout ce qu’ils ont partagé n’est pas réel ? Qu’elle n’est pas réelle ? Elle est inexplicablement blessée et à bien du mal à le cacher. Qu’il soit complètement paumé, elle le conçoit totalement, mais qu’il remette en question son existence et donc tout ce qu’ils ont vécu lui fait un méchant pincement au cœur. Elle pose sa main contre la sienne, celle qui couvre toujours son cœur et la serre. Sans doute un peu trop rudement. Elle l’appuie plus fort contre sa poitrine où son cœur saigne un peu à cet instant.

- C’est pas assez réel pour toi ?

Elle remonte la main d’Ohanzee vers son visage et la pose sur sa joue. Elle vrille son regard chargé de d’une certaine amertume dans le sien.

- Je ne suis pas assez tangible ?

Sa voix se brise un peu et elle déglutit pour faire passer la boule qui se forme dans sa gorge. Cherchant par tous les moyens à s’inscrire dans sa réalité, elle finit par agripper le devant de son pull pour l’attirer jusqu’à elle. Dans un même mouvement elle se hisse jusqu’à ses lèvres qu’elle embrasse sans délicatesse. Elle voulait le baiser bref, mais elle s’attarde contre sa bouche, tente de le ramener à elle, de lui rappeler qu’il est vivant et libre.
Qu’elle est vivante.
Qu’ils sont ensemble.
Qu'il est bel et bien éveillé.
Elle finit même par enrouler ses bras autour de son cou. Elle s’écarte au bout de quelques secondes ? Minutes ? Elle a sans doute un peu perdu la notion du temps.

- Et ça ? C’est pas réel non plus ? Le ton est aussi farouche que la lueur qui brille à présent dans ses yeux légèrement embués. Oses me dire encore une fois que je n’existe pas ! Que ce qu'on ressent l'un pour l'autre n'est qu'une illusion de ton esprit !

Le visage de Riley s'anime d'une fureur intérieure qui le laisse pantois. La chair de la jeune femme pulse sous ses doigts, gorgée de vie, de combativité, de colère justifiée. Une pluie de sentiments contradictoires éclaboussent Ohanzee : inquiétude, admiration, regret, désir...

- C’est pas assez réel pour toi ?

Il ouvre la bouche. Les mots ne sortent pas. Il aimerait lui hurler qu'il la sent, qu'il la voit, qu'il la respire mais sa gorge bloque tout passage du verbe. Son éloquence est condamnée.

- Je ne suis pas assez tangible ?

Il déglutit, conscient d'être au bord d'un précipice. L'abîme est vertigineuse. Ohanzee réalise qu'il craint viscéralement de la perdre. Leurs lèvres se cognent. Leurs bouches bataillent. Leurs respirations s'entrechoquent. Ce n'est plus de l'amour, c'est de la rage, du désespoir. Ohanzee est harponné sans ménagement, secoué. Les sangs à vif, le cœur ballottant, il la regarde de ces prunelles sans fond. Riley incarne la vie, le temps présent, une réalité palpable, vibrante. Elle dégorge d'émotions, d'énergie. De Verité.

Son âme l'éblouit.
Elle est sublime.

- Et ça ? C’est pas réel non plus ? Oses me dire encore une fois que je n’existe pas ! Que ce qu'on ressent l'un pour l'autre n'est qu'une illusion de ton esprit !

Abandonnant toute réflexion, le jeune homme se laisse guider jusqu'à sa bouche par une pulsion primaire, répondant par un geste plus éloquent que de vaines paroles. Baiser profond, fervent, c'est comme s'il souhaitait aspirer toute cette vigueur en la puisant à sa source.
Respirer.
Il doit à absolument respirer.
Riley représente à elle seule sa réserve d'oxygène.

Lorsqu'il reflue, le souffle erratique, les poumons douloureux, c'est  avec une expression transie de repentir.

- Je t'aime Riley. Pardonne moi d'être si faible.. Pardonne-moi s'il te plait, supplie-t-il. Tu es la seule chose qui me tient encore debout...constate-t-il avant de l'embrasser à nouveau, cette fois en pleine conscience de son appétit d'elle. Ses doigts glissent sous les couches de tissus parasites, se font conquérant de sa peau. Je veux vivre.... avec toi........en toi......

Il a besoin de cette connexion.
Maintenant.

La réponse d’Ohanzee est sans appel.
Riley s’en veut d’abord d’utiliser leur alchimie physique pour le ramener à elle. Mais comme la méthode fonctionne elle oublie sa légère culpabilité et profite de le retrouver au moins sur ce plan-là. Cette fois, leur étreinte est moins empreinte de désespoir et de colère. Il semble lui en demander plus, toujours plus. Et elle est prête à donner. A tout lui donner s’il le faut.

Ils finissent par se séparer, les yeux voilés, le souffle précipité. Tous les sens de la jeune femme s’éveillent face à sa démonstration de désir.  

- Je t'aime Riley. Pardonne moi d'être si faible... Pardonne-moi s'il te plait.

Elle prend son visage en coupe, câline son nez contre le sien.
- Je t’aime aussi et il n’y a rien à pardonner Zee… Arrête de te déprécier comme ça ! Avoir des moments de faiblesse n’a rien à voir avec le fait d’être faible… Tu n’es pas faible ! Tu es loin de l’être… je te l’ai déjà dit.

- Tu es la seule chose qui me tient encore debout.

Leurs regards ne se quittent plus et si celui d’Ohanzee exprime une ferveur qui l’effraie parfois, le sien montrent sans doute sa perplexité.
Riley prend pour la première fois conscience et en pleine face d’être devenue indispensable pour lui, admettant enfin qu’il ne s’agit pas de figure de style lorsqu’il parle de cette façon. A-t-elle la force de les porter tous les deux ? La réponse est évidente. Elle en est capable. Elle a de toute façon toujours su qu’il se reposait beaucoup sur elle et à vrai dire ça n’a jamais été un problème. S’il a besoin d’elle, elle est là, tout simplement et sans condition. Comme elle sait qu’il sera là si elle flanche. Parce qu’elle flanchera un jour ou l’autre. Elle n’est pas infaillible.

- Je suis là...je serai toujours là...

Elle se laisse embrasser encore et pousse un faible gémissement en sentant ses doigts coulisser sous son pull et courir sur sa peau nue.

- Je veux vivre.... avec toi........

- C'est déjà le cas, répond-elle avec un faible sourire.

- En toi......

- Oh...

Cette fois sa respiration se coupe. Elle n’a pas l’habitude de l’entendre exprimer aussi clairement ses envies. Son corps n’y est pas insensible…il ne l’est jamais comme il s’agit du jeune homme. Elle peut sentir d’ici sa fébrilité, son besoin qu’elle lit très clairement dans son regard. Il la dévore de ses deux puits sombres comme lui seul sait le faire. Pupilles dilatées, yeux grands ouverts, elle dépose un baiser léger sur ses lèvres puis un deuxième et un troisième. Elle devrait être la plus raisonnable des deux, le laisser respirer et retrouver sa stabilité après une journée aussi chargée émotionnellement.
Pourtant ses baisers se font plus francs, plus appuyés et elle s’entend murmurer sur un ton déjà rendu rauque.

- Alors viens si c’est ce que tu veux …

Son pull tombe à terre dans un mouvement souple, ébouriffant ses cheveux au passage. Elle le fixe avec une envie similaire à la sienne.

- Qu’est-ce que tu attends ?

[Toi qui lit, petit curieux, tu entres dans le domaine du NSFW]




You'll be given love
You'll be taken care of
You'll be given love
You have to trust it

- Alors viens si c’est ce que tu veux … Qu’est-ce que tu attends ?

Le sang bouillonne dans ses veines, précipite ses battements. Son coeur bourdonne dans ses tympans. La raison se détricote à la seule vue de son torse dénudé. Riley est d'une beauté picturale : il n'a pas assez de pinceaux ni de couleur pour rendre le grain de sa peau, le hâle léger de son teint, le nacre rose qui accroche la lumière en touches diffuses...Cependant, il ne sera pas peintre, ce soir, mais sculpteur. Il veut plonger les mains sur elle, pétrir sa glaise avec chaleur, creuser la courbe traitre de ses reins, ériger ses mamelons trop imbus de leur fierté.
Il veut s'oublier en elle comme dans l'acte de créer.

Il le veut et il le fait.

Délicat, toutefois, Il glisse ses doigts sous les bretelles de son soutien-gorge, jouant sur l'élasticité des dentelles avant qu'elle ne chute le long de ses bras. Il les redessine d'une caresse tendre. Il ne la quitte pas des yeux. Sa guerrière, son amante, son ancre au milieu des tempêtes. Ses lèvres frôlent les siennes sans jamais les toucher, comme s'il n'osait, souiller la pulpe vermeille de sa bouche.
A présent, il sait comment amadouer les agrafes de sa lingerie. Elles se déverrouillent, dociles, sous la pression mesurée de ses phalanges. Avec une pieuse révérence, il embrasse cette gorge offerte, désavouée par sa prison de tissu. Il fait sienne la volupté des pleins et des déliés de son anatomie, descend, précautionneusement, jusqu'au creux de ce coeur pulsant de vie. Il s'y attarde, un temps, définissant les volumes qui s'offre à lui du bout de la langue, puis chemine jusqu'à son nombril, qu'il bénit à genoux. Littéralement à ses pieds, il défait l'attache de son jean. Ses prunelles l'effeuillent déjà, la perçant jusqu'à l'âme, ne laissant que les os derrière lui. Le pantalon roule sur ses hanches, dévale un fessier qui s'affermit lorsqu'il l'empoigne. Il fait montre d'une pernicieuse et savante lenteur, mordillant ce bas-ventre libéré dont le derme grêle à chaque bouchée.
Ohanzee, l'esprit ensuqué de désir, s'aventure au delà des barrières de Riley, là où l'intimité est la plus crue...

Sa bravade n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Les secondes et les minutes s’allongent, s’étirent encore et encore alors qu’il prend un temps infini à mettre à exécution sa volonté. Pourtant elle le laisse faire sans réagir, le laisse suspendre l’instant pour les enfermer dans une bulle où seule l’existence de l’Autre importe.  
La gorge de Riley monte et descend au rythme de son souffle erratique. Ses yeux suivent chaque geste, chaque mouvement. Ne pas agir lui demande un effort considérable mais elle sait de manière implicite qu’il a besoin de contrôler cet instant. De prendre ce qu’elle a à lui offrir. C’est plus ou moins ce qu’elle l’a défié de faire…  
Seuls quelques bruyantes inspirations traversent la barrière de ses lèvres qu’elle mordille pour ne pas en laisser filtrer plus. Il la dépouille de ses vêtements avec une lenteur exaspérante, faisant monter avec une aisance certaine son désir. Qu’il ne l’embrasse pas la frustre au possible, elle est même à deux doigts d’agripper son visage pour l’embrasser à sa guise.
Il ne s’attarde nulle part tout en recouvrant chaque parcelle de sa peau de baisers légers ou de caresses qui éveillent un peu plus ses sens sans jamais la satisfaire totalement.

Au jeu de la patience et de l’attente, Ohanzee est passé maitre.
Ce qui est loin d’être son cas.

Lorsqu’il se met finalement à genou devant elle, comme un suppliant devant une idole, elle lui sourit puis lève son beau visage vers le sien pour en tracer les contours. Son regard est si sombre à cet instant, si intense, qu’elle en a des frissons. Son pouce s’attarde sur sa bouche qu’elle voudrait encore goûter quand son pantalon tombe finalement au sol, tout comme son dernier sous-vêtement. Lorsqu’il se penche vers elle, un cri incontrôlable monte vers le plafond et elle pose instinctivement une main sur le haut de sa tête.
Ce qui se passe ensuite s’apparente presque à de la torture. Une savante et délicieuse torture qu’il maitrise à la perfection. Ses gémissements et plaintes se perdent vers le ciel. Peu lui importe à elle qu’il soit vide de toute présence. Ca n’est pas le nom du Seigneur qui passe ses lèvres de toute façon.
Se savoir nue, au milieu de son salon pendant qu’Ohanzee, encore tout habillé, lui donne un plaisir inégalé fait grimper le sien à une vitesse vertigineuse. Elle reste pourtant sur le seuil de la jouissance car c’est là qu’il la maintient, entre deux eaux. Ses doigts s’enfoncent d’eux-même sur son cuir chevelu tandis que ses cris se transforment petit à petit en supplication.

- Zee…s’il te plait…tu vas me tuer…

Supplications qu’il ne semble pas entendre puisqu’il poursuit son rythme langoureux, affolant tous ses sens au passage. Elle a l’impression d’être retenu au bord du précipice alors qu’elle désire tomber, s'envoler enfin... et c’est finalement ce qu’elle fait. Presque par surprise, alors qu’elle pensait ne jamais y parvenir.
Elle se retient à ses épaules et sa prise dans sa chevelure sombre s’affermit. Eperdue, le souffle coupé, les jambes flageolantes, elle oublie tout pendant d’exquises secondes.

Ohanzee connait par cœur, les contrées qu'il visite. Il trouve et flatte les points culminants de ce paysage vallonné. Riley soupire, se crispe, gémit. Une mélodie honnête et électrisante. En musicien qui n'a jamais appris qu'à l'oreille, il s'évertue à faire chanter le corps de sa compagne jusqu'à l'état de grâce. Elle supplie, implore, marchande avec lui, une libération dont lui seul détient la clé.

Lorsqu'il la lui concède enfin, elle s'envole à tir d'ailes. Il n'éprouve aucun mal à l'attirer au sol, jouant de la faiblesse de ses jambes cotonneuses. Elle atterrit à califourchon sur ses cuisses, et prend toute la mesure de sa virilité tendue, qui pulse au travers de son pantalon. Le jeune homme mordille sa gorge offerte avant de trouver sa bouche. Cette fois, il la lui dévore sans ménagement. Il lui vole des miettes de souffle encore erratique et vaporeux.

Il l'allonge avec la douceur qu'on ménage d'ordinaire pour la porcelaine ou le verre.
Un sourire énamouré.
Une caresse sur le velours grêlé de sa peau.
L'amour qu'il éprouve pour Riley est au delà des mots.
Ohanzee retire à son tour ses vêtements, dévoilant ce qui n'était jusqu'alors que suggéré. Il a ce regard fauve, chargé d'une ardeur brute et sauvage d'exister, de vivre, d'aimer. Ses phalanges s'attarde sur son ventre ferme et investissent sa toison pubienne. Il contemple cette femme qu'il respecte plus religieusement que cette foi erronée, qu'il révère davantage que n'importe quel dieu; Il la voit et son cœur explose en myriades d'étoiles lumineuses.

Pour elle.
Par elle.
Sa seule raison de vivre.
Sa justification d'exister.
Ce sera elle, désormais.

Il ouvre tendrement ses cuisses et entre en elle. Ohanzee pousse un gémissement sincère, de satisfaction et de bonheur mêlés. Jamais il ne s'est mieux senti à sa place que dans les bras de Riley.

Riley a l’impression de flotter et a bien du mal à reprendre ses esprits. En a-t-elle seulement envie ?
Elle est bien là où elle est.
Elle ne se souvient plus s’être laissée tomber à terre et ça n’a pas d’importance. Seul le corps contre le sien, encore enveloppé de vêtements, en a. Seules les sensations qu’il éveille en elle, en a.

Le colibri sur sa poitrine palpite, sa respiration a bien du mal à retrouver un rythme normal et la bouche d’Ohanzee s’acharne à lui voler le peu de souffle qu’elle possède encore. Pourtant, il ne lui viendrait pas un instant à l’esprit de l’arrêter, trop heureuse de retrouver le contact de ses lèvres contre les siennes. Elle répond même avec ardeur à ses baisers, noue ses bras autour de son cou pour se rapprocher encore plus. Elle se presse, se frotte contre lui, cherche la moindre friction. Elle se croyait rassasiée mais son désir pour lui ne semble avoir ni limite, ni barrière. Elle devrait pourtant s’y habituer…

Il l’allonge par terre et retire enfin ses vêtements, la couvant de ce regard vibrant qu’elle a bien du mal à déchiffrer. Elle-même le contemple, les yeux enfiévrés, le cœur et l’âme gonflé d’un amour qu’elle ne croyait même plus possible.  Elle geint faiblement lorsque ses doigts s’attardent à nouveau sur les parties les plus sensibles de son anatomie.
Ca n’est pas de ses doigts dont elle a envie…

- S’il te plait…

Elle supplie encore, elle ne sait plus faire que ça. Demander grâce. Mais sa prière à peine chuchotée, elle obtient entière satisfaction.
Son hoquet de plaisir se mêle au gémissement d’Ohanzee, douce mélopée qui gagne vite en intensité. Elle se cambre vers lui, ses cuisses se referment sur ses hanches pour s’offrir plus encore. L’attirant toujours plus près, toujours plus loin.
La sensation qu’elle éprouve à ne faire qu’un avec Ohanzee est inégalée. L’impression d’être à sa place, d’être aimée comme elle ne l’a jamais été.

C’est tout ce qu’elle a toujours voulu et désespérément cherché toute sa vie.

S’en est grisant au possible. Son self contrôle ne tenant plus qu’à un fil, elle tente maladroitement d’imposer son rythme, ondulant sous lui, cherchant à être plus proche encore. Elle voudrait pouvoir se glisser sous sa peau, laisser son empreinte partout sur son corps.
Riley comprend que son existence est irrémédiablement liée à la sienne.

Le point de non-retour est atteint.
Pour lui, elle est prête à tout. Sans aucune exception.
Sans lui elle n’est plus rien.

L’épiphanie est brutale et déterminée. Terrifiante aussi. Qu’il soit dépendant d’elle est une chose mais la réciproque est inattendue. Jamais elle n’a encore éprouvé ce genre de choses.

Un bref sentiment d’insécurité la saisit et elle l’attire tout contre elle, caresse son visage, baise ses lèvres tout en murmurant son prénom comme on incante une formule magique. Là dans la profondeur de ses yeux si sombres, elle retrouve ses marques et sa place. Ses murmures amoureux se transforment petit à petit en cri plus affirmés, en gémissement évocateurs du plaisir presque violent qu’elle éprouve.
Son corps se laisse à nouveau porter vers les hauteurs du septième ciel, guidée par l’homme qui tient son bonheur entre ses mains.