Sometimes I can't help blaming You
For leaving me here, what am I supposed to do?

J'irai donc avec toi.
Mais tu ne recevras aucun honneur dans cette bataille.
En effet, c'est à une femme que le SEIGNEUR livrera Sisra..
[Juges 4.9]

Le vent fouette la lande pour y déposer une pellicule de sel. La mer danse contre les falaise et chante au loin. Les embruns parfument l'air et la terre, fait ployer bruyère et ajoncs. Dieu est partout et sa puissance tranquille domine les éléments, comme pour faire comprendre aux érections de granit païennes que leur temps est révolu.

C'est pourtant là que ses pas le portent, froissant l'herbe mouillée. Les bas de son pantalon de coton léger sont trempés, et ses chaussons de toile tout autant. Il frissonne, drapé dans une couverture bleue qui rappelle la literie des hôpitaux. On ne lui donne pas de vêtements chauds puisqu'il n'est pas destiné à affronter l'extérieur. Pourtant, depuis que Dame Rouge lui a donné  secrètement cette clé d'accès il s'enhardit.

Jamais, cependant, il n'a osé s'aventurer aussi loin, jamais en plein jour.

Emerveillé, Ohanzee caresse la pierre rugueuse creusée de symboles. Il y a une forme de sainteté dans tout ceci, une émotion sacrée qui lui presse le coeur. Dieu est miséricordieux. Il tolère cette extravagance profane car il sait reconnaitre la beauté.

Il n'a guerre de temps à perdre en contemplation.
Le couvre feu sonnera bientôt.

Le jeune homme s'agenouille au centre du cercle de pierre et sort de sa besace -une simple taie d'oreiller accroché à une bande de drap en guise de hanse- une boite en carton. Il en retire le couvercle pour que l'oisillon mort puisse voir l'immensité du ciel une dernière fois.
Sieur White, dans sa mansuétude immense, lui avait offert l'oiseau en cage. Ohanzee le voyant dépérir jour après jour lui avait rendu sa liberté. Une bourrasque de vent l'avait emporté, le fracassant contre un rocher. L'amérindien en avait pleuré toutes les larmes de son corps. Il s'était dit alors qu'il l'enterrait, là où Dieu pourrait toujours le veiller, puisqu'il avait décidé de sa mort.

- Pardonne-moi... fait-il d'une voix douce, caressant le plumage abimé.

Il ne comprend toujours pas pourquoi cet être innocent s'est éteint, alors que son existence à lui se prolonge au delà des siècles. Ohanzee plonge ses doigts dans la terre meuble et creuse, creuse , creuse encore. La boue s'enfonce sous ses ongles, les cailloux esquintent ses phalange. Il n'en a cure. C'est là sa pénitence pour avoir braver l'interdit, pour n'être qu'une incarnation sacrilège.

Lorsque la tombe est assez large, il y dépose délicatement le corps de volatile. Lentement, il égraine la terre au dessus du cadavre.

- "Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais ayant été rendu vivant quant à l’Esprit." récite-t-il en référence à Pierre l'Apôtre. "L'Éternel fait mourir et il fait vivre. Il fait descendre au séjour des morts et il en fait remonter." Puisse ton esprit innocent et pure voler à nouveau dans une vie qui ne t'aura pas coupé les ailes.

Ohanzee tasse la terre sur le tombeau de l'Oiseau, métaphore tragique de sa propre existence. Puis, il joint les mains et psalmodie dans le silence habité de la prière. Tout dévoué à sa foi, il se fait sourd au bruit des pas qui guette sa présence.

- Hey, le couvre-feu va bientôt commencer. Vous allez devoir regagner votre domicile.

Ohanzee sursaute d'effroi. Il se retourne et lance à la jeune femme un regard de biche prise dans les phares d'une voiture. Ses long cheveux bouclés volent en tout sens accentuant son expression dramatique. Une scène d'une saisissante picturalité. Un instant, il a pour crainte que ce ne soit un des agents de l'I.C.V. ayant remarqué son absence mais la guerrière ne porte pas les armoiries de sieur White.
Son domicile?
Il n'a pas de domicile.
Il a une cellule, tout au plus.
Il prend soudainement conscience de sa mise déplorable qui lui fait paraitre comme le plus démuni des démunis. Il rabat ses bras sur sa maigre couverture, la rajustant aussi dignement qu'il le peu.

- Je... Je... Il ne sait que répondre alors il baisse le regard et se recroqueville sur lui même.
- Qu’est-ce que vous faites au juste ?
- J'ai mis en terre un ami, murmure-t-il tout doucement. Son timbre est doux, pétri de chaleur et de mélancolie. Je ne souhaitais point enfreindre la règle.

Il range la boite à chaussures vide dans la taie d'oreiller et se lève. Son ensemble monacal de coton gri est taché de boue et de traces de chlorophylle aux genoux. Malgré sa toge bleue, il frissonne, le froid s'insinuant par toutes les fibres du tissus humide.

- Veuillez m'excuser, Dame.

Il s'incline, et même lorsqu'il se redresse, sa tête se fait basse. Il ne parvient pas à la regarder dans les yeux. Pourtant, ses traits se sont gravés sur sa rétine, malgré le casque, les gantelets et l'armure. Monte en lui une brusque envie de la dessiner.
Une tentation à laquelle il ne doit céder.

- Suis-je aux arrêts? demande-t-il doucement

Le contact le paralyse et l'irradie en même temps. Il ne se rappelle plus la dernière fois qu'une main amicale s'est posée sur lui. Il a été manipulé, ausculté, pétri, palpé par des doigts gantés et impersonnels, associés à des visages masqués. Dame Rouge ne le touche pas. Elle ne touche personne. C'est le seul visage qu'il connait, avec celui de Sieur White, son bienfaiteur.

Et Geôlier.

Cette guerrière profère des paroles bienveillantes et possède une bouche incroyablement bien dessinée. Il n'ose pas lever le regard plus haut, de peur de découvrir sa beauté. Il la peint dans l'atelier secret de sa tête. Il a mentalement noirci tout un carnet.

- M.. Merci, bredouille-t-il.

Le poids de la veste s'abat sur ses frêles épaules. De surprise, il en oublie sa pudeur et la dévisage. Il n'aurait pas du. Son facies a du caractère, une structure osseuse harmonieuse mais l'arcade sourcilière volontaire. Elle irradie d'une virilité dont il s'est toujours senti dépourvu.
Elle est magnifique, en somme.

- Venez, vous allez chopper la mort si vous restez ici. Je vais vous raccompagner. Où est-ce que vous logez ?
- Me.. Me raccompagner ??! N.. non ! Il ne faut pas ! panique-t-il avant de se mordre la lèvre. Il s'agite, ne sachant comment se sortir de cette situation. Mentir est hors de question. Le mensonge et la dissimulation sont un péché.

Et pourtant, ne le fais-je pas chaque jour que Dieu crée ?

- Dame, vous êtes miséricordieuse et je vous en remercie. Je ne peux cependant pas accepter votre...

La phrase reste en suspend. L'air se gorge d'un froid plus insidieux. Ohanzee tourne la tête de tout côté, inquiet.

Pas maintenant.
Pas maintenant, je vous en prie.

Ses prunelles accrochent alors la silhouette fantomatique de l'égaré. Il ressemble à un guerrier, lui aussi, mort jeune. Son visage ensanglanté et partiellement brulé sont les témoignages d'une fin aussi douloureuse que précipitée. Ohanzee clôt ses paupières et se signe. Il semble prêt à se blottir contre la femme qui lui a offert ce manteau tout en se retenant de le faire.

Je vous en supplie.
Partez.

La douleur, pourtant, s'installe et cuit sa chair à peine cicatrisée.
"Rileeey...." siffle le revenant au travers de sa bouche à moitié fondue.

- Dame.... murmure Ohanzee soudain fiévreux et au comble de la peine. Re.. reprenez votre habit. Je ne veux pas le tâcher.

Le sang goutte, paresseusement, sur l'arrière de son pantalon et sur l'herbe. La couverture en est toute rougie et, lorsque sa chemise de coton se dévoile, elle s'avère trempée de sang frais. Le jeune homme grelotte et se retient au bras de la militaire. Il a le front poisseux.

- Il ne faut pas que vous restiez là... Ce peut-être dangereux....Je vous en conjure.... halète-t-il, fébrile.

Chaque fois que sonne l'Appel, que ses plaies s'ébrèchent et s'épanchent, Ohanzee sait que la Mort le réclame car il n'a pas payé son tribut. Chaque fois qu'il croise un Egaré, il se sent plus mort que vivant. Après tout, il n'est pas si différent d'eux.

- Hey ? Hey ! Qu’est-ce qui vous arrive ? Vous êtes blessé ?

Ohanzee aimerait lui offrir une réponse cohérente, une de celles qui ne se heurtent pas à l'incrédulité. Il aimerait lui dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, que ces stigmates et cette souffrance sont son fardeau quotidien pour avoir ressuscité. Il ne peut pas ainsi effrayer la guerrière. Son esprit n'est pas prêt. Il ne l'est jamais. La voir dégainer son arme ne fait que le confirmer.

- Qu’est-ce qui se passe, putain ?

Ohanzee se voit enlacé, presser contre le giron de la jeune femme qui souhaite manifestement le protéger. Elle ignore que pour lui les jeux sont déjà faits. Elle ne voit pas la menace et pourtant la décèle dans le néant. Ses sens sont incroyablement affutés. Le jeune amérindien est troublé par cette proximité, cette chaleur trop humaine, ce parfum de peau frictionnée à la laine, de poudre et d'acier. Une odeur différente de la sienne.
Peut-être est-ce cela qui lui insuffle un regain d'énergie : ce rappel de la Vie.

"Rileeeeeeey" suppure le mort, faisant un pas dans leur direction. "Rileeeeeeeey ...."

Le jeune homme pose sa paume sur le dessus du pistolet. Cette fois, il la regarde droit dans les yeux, avec une intensité presque électrique. Il s'est résolu à affronter son rôle.

- Riley, c'est votre prénom, n'est-ce pas ? Ce tromblon ne vous sera d'aucun secours. Il n'est pas belliqueux, simplement perdu. Je dois l'aider à retrouver la paix, comprenez-vous ? Ils n'ont que moi pour les aider. Il n'y a que moi qui puisse les voir.

Le timbre d'Ohanzee est empreint d'une étrange sérénité. Ses mots coulent paisiblement en son interlocutrice pour, il espère, s'y enraciner.

- Tout va bien se passer... Je vous en conjure.

Le jeune métisse s'écarte lentement et fait face au mort. Il retire la veste, la couverture sanglante et la chemise imbibée. Son dos mis à nu est lacéré de striures carmines qui suintent tout le long de sa colonne. La personne qui lui a infligé pareil supplice s'est acharné comme un dément. Malgré les bourrasque glacée, malgré la morsure des plaies, Ohanzee ouvre ses bras tel un saint.

- Riley ne vous entends pas. Quel est votre nom, pèlerin du Voile?

Un silence s'ensuit. Le fantôme semble réfléchir pesamment à la question.

"Ja... red."
- Jared, votre place n'est pas ici. Il vous faut retourner de l'autre côté du Voile.

Le revenant ne semble pas l'entendre ainsi et pousse une plainte qui fait grincer des dents d'Ohanzee.

- Jared, vous savez qu'il en est ainsi. Je peux me faire messager pour votre compte, transmettre ce que vous désirer à Riley. Mais cela s'arrêtera là. Je n'ai pas le pouvoir de vous garder parmi nous.

Le fantôme fait un pas de plus et entre dans le cercle de pierre. Se produit alors un événement inattendu. L'ancienne magie qui baigne le cimetière de Lubdan révèle l'intangible de l'ectoplasme et sous le regard éberlué de Riley Finglas, apparait son frère tel qu'il fût à sa mort : à moitié carbonisé par le crash de son avion.

- Jared…

Ohanzee constate avec horreur que désormais Riley distingue l'Egaré aussi bien que lui. D'un geste rendu brusque par l'urgence, il s'interpose et la ceinture.

- Riley, je vous en prie ! Ne faites pas ça ! Vous ne devez aps le toucher!

"Riley" gémit le fantôme de sa voix sifflante. "Viens....."
- Riley, ne l'écoutez pas. Jared ne vous veut pas de mal mais toutes les âmes errantes souffrent de leur solitude. Il serait capable de tout pour que vous le rejoignez et il n'existe qu'un seul moyen pour cela... Comprenez-vous ?
"Vieeeens...."
- S'il vous plait... Il faut que vous reculiez...

Le jeune homme fait fi de ses propres meurtrissures et de sa répugnance à trop de proximité. Il ne pense qu'à sauver la Guerrière d'une fin prématurée. Aussi attrape-t-il son visage entre ses mains et colle son front contre le sien. Il bouche complétement son champ de vision, et voile son audition. Ohanzee est brulant de fièvre malgré la grêle de sa peau.

" Soeur..."
- Je sais que cela est difficile. Je sens au travers de vos larmes tout l'amour que vous avez pour lui. Laissez-moi sauver son âme Riley...
"Petite soeur..."
- Laissez-moi le guider là où il doit aller. Je ne peux pas le faire si j'essaie de vous préserver.

Ohanzee attend d'entendre son consentement distinct avant de lentement lui rendre sa liberté. Alors, seulement, il fait face au revenant.

- Le Très Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint a dit :" J'ai beau habiter dans les lieux élevés et dans la sainteté, je n'en demeure pas moins proche de l'homme contrit et humilié, j'ai vu le chemin parcouru et les embûches endurée, et je l'en guérirai ; Je lui servirai de guide, et je le consolerai, lui et ceux qui pleurent avec lui. Je mettrai la louange sur les lèvres. Paix, paix à celui qui est loin et à celui qui est près ! Tous, Je les guérirai."

Le jeune homme prend une pieuse inspiration.

- Le Seigneur vous attend en sa maison. Vous n'avez que trop erré, accroché au pas de votre soeur. Vous avez craint pour son existence et soutenu son âme dans l'adversité. C'était votre but premier, un but que vous avez perdu de vue par la suite. Vous l'avez hantée, ne cessant de poser des obstacles sur sa route, espérant qu'elle finisse par vous rejoindre abimée de désespoir. Tous les Egarés se laissent submerger par leur profond isolement, vous n'avez pas à vous fustiger. Je vous rappelle à présent à votre serment premier. Votre soeur a prouvé sa force et sa résilience. Elle saura se prémunir des épreuves à venir.

Jared semble méditer ce discours puis lâche dans le vent un écho orageux : "Ville... Cette Ville.... Maudite.... Qui ... protéger Riley?"

Ohanzee déglutit.
Il ne peut répondre à cette crainte. Il a été témoin de ce qui circule dans cette ville, de ce qui est disséqué dans les sous-sols de l'ICV.

- Je... fait-il hésitant.... Je vous promets de veiller sur elle.

Par quel miraculeux artifice ?
Il n'est qu'un oiseau en cage.
Une âme perdue avec un reste de chair.
Pourquoi a-t-il proféré pareille promesse ? Il n'a pas réfléchi. Le coeur a parlé sans raison gardée.

"Jure-le."

Ohanzee frémit de tout son être. Finalement, poings serrés, il s'engage sur une voie sans retour.

- Je le jure sur ma foi.

Un long silence s'ensuit.

"Je t'aime... Lutin..."

L'ectoplasme de Jared Finglas semble sourire à sa soeur avant de se dissoudre dans la lumière du soleil couchant. Ohanzee Figtree, lui, s'écroule tout bonnement.

Mon coeur tremble au dedans de moi,
Et les terreurs de la mort me surprennent;
La crainte et l'épouvante m'assaillent,
Et le frisson m'enveloppe.
Je dis: Oh! si j'avais les ailes de la colombe,
Je m'envolerais, et je trouverais le repos;
Voici, je fuirais bien loin,
J'irais séjourner au désert;
Je m'échapperais en toute hâte,
Plus rapide que le vent impétueux, que la tempête.
[Psaumes 55:4-8]

Je suis mort...

Chaque fois qu'Ohanzee ferme les yeux, il se dit qu'il ne les réouvrira plus. Le "Repos Eternel", voilà bien une expression à double tranchant. La Mort n'a été pour lui qu'un long sommeil aussi lui est-il difficile de convaincre les égarés d'une vie spirituelle après trépas. Qu'y a-t-il au delà ? Dieu offre-t-il vraiment un Paradis pour les pieux et un Enfer pour les pécheurs ? Et si il n'y avait simplement rien? Dieu lui a refusé le droit de le découvrir.

Le poids d'un vêtement lourd et chaud.
La moiteur de l'herbe.
Une caresse délicate sur son front.
La fragrance de cet autre.
Le Parfum de la vie.

Ohanzee papillonne des paupières.

Je suis en vie.

Encore.
Une nouvelle fois désappointé par la morsure de cette réalité pleine de bruits, de fragrances, de contacts. Rien n'est reposant ici. Il se sent si fatigué. La situation lui revient en mémoire, il réintègre sa conscience avec clarté.
Riley occupe tout son champ de vision.
Le jeune homme se redresse mollement, échevelé et à demi-nu, la joue maculée de terre. Il contemple de ses prunelles profondes le visage de la Guerrière, ses yeux rougis, son hébétement.

- Riley... Est-ce que vous allez bien ?

Il n'a nul égard pour lui-même. Il se sait futile instrument. Il n'y a qu'elle qui l'intéresse et ce chagrin qui sublime son visage éplorée. Une peinture biblique.

- Je suis désolé... s'excuse-t-il dans un souffle.

Tout cela est de sa faute.
Cela a toujours été.
Son père l'a gravé dans sa chair.

Le contact peau à peau le perturbe. Il est si peu familier de cette chaleur infusée par autrui. Il découvre avec un trouble certain, qu'il apprécie le toucher de ce derme étranger. Riley a beau avoir les paumes froides, rendues caleuses par le port des armes, il en apprécie chaque relief. Il contemple cette main dans la sienne et referme ses doigts dessus. Ceci est un cadeau. Une bénédiction.
Une fois que l'on se rappelle cette délicieuse sensation, il est impossible de revenir en arrière.

Riley retire son couvre-chef. Sa chevelure est d'un brun lisse et soyeux, certes ébouriffés à présent.

- Non, je vous en prie, ne vous excusez pas… j’ai beau ne pas saisir grand-chose, je doute que ce qui vient de se passer soit de votre faute …votre état … les saignements, c’est à cause de Jared, je me trompe ?

Ohanzee hoche lentement la tête à l'affirmative.

- Est-ce que…est-ce que c’est de ma faute s’il n’a pas pu trouver la paix ? Est-ce que c’est moi qui l’ai retenu ici ?
- Non ! Bien sur que non! s'empresse-t-il de démentir avec une véhémence qui contraste avec sa lassitude.
- Merde ! Je vous presse de questions alors que vous avez besoin de soin. Je ne connais même pas votre nom…

Ohanzee sourit tristement.

- Ne vous en faite pas pour moi. J'y suis habitué. Il contemple cette main dans sa sienne puis la recouvre de celle qu'il lui reste. Ohanzee, fait-il avec douceur en s'autorisant le droit de la regarder sans constamment baisser le nez. Je m'appelle Ohanzee....

Un silence file.

- Cela signifie "Ombre" en sioux... se sent-il obligé de justifier (ce qu'i lui apparait subitement totalement ridicule : un métisse amérindien perdu sur les côte d'Irlande. Cela n'explique rien.)

Ohanzee rosit et Riley a tout loisir de constater que ses joues sont constellées de tâches de rousseurs.

-V.. vous n'êtes pas responsables des atermoiements de votre frère, Riley. Les défunts en proie à une mort violente s'accrochent en générale à ce qui leur importe le plus dans l'existence au moment de leur décès. Jared nourrissait pour vous une affection sans borne et une inquiétude pour votre bien être sans sa protection. C'est ce puissant sentiment qui l'a rattaché à ce plan d'existence, rien d'autre.

Son pouce caresse doucement le plat de la main de la jeune femme. C'est un geste audacieux, venant de lui, mais il perçoit confusément qu'elle en ressent le besoin. Il souhaite vivement la rassurer. Son cœur est plein d'une commisération immense pour cette demoiselle à la fois inconnue et désormais intime.

- Je lui ai fait une promesse devant Dieu. Je dois la tenir. Pardonnez-moi cette hardiesse impromptue: par ma faute nous sommes désormais liés par un serment. On ne se dérobe pas devant un tel engagement.

Son expression est déterminée. Il semble à la fois si juvénile et tellement vénérable. Lui donner un âge exact est impossible.

- Je veillerais sur vous Riley.

A moi de trouver comment...

- C’est…vraiment très gentil, mais rassure toi, je sais parfaitement prendre soin de moi. Tu ne te dérobes pas, c’est moi qui te libère de ta promesse, Ohanzee

Le jeune homme la regarde et laisse fleurir un sourire sur sa mine épuisée. Il est touché par cette familiarité du tutoiement qu'en d'autres temps il aurait jugé indécente. Les femmes modernes sont des créatures bien étranges aux règles bien particulières.

- Je ne doute pas de vos capacités, Riley, loin de là. Il irradie de vous une grande force et une détermination qui vous a clairement façonnée au fil des ans. Cependant, vous ignorez tout de l'Outre-monde. Tir Nà Nog est... Son expression se voile comme si il craignait d'en dire trop. Cette ville n'a rien d'ordinaire. Et quoi qu'il en soit, vous n'êtes pas en mesure de me libérer : c'est un engagement que j'ai pris avec votre frère et Dieu.

Craintif, il a un léger mouvement de recul lorsqu'elle approche son autre main pour jouer avec une de ses mèches de cheveux. Il fixe les doigts qui triturent ses boucles entre inquiétude et perplexité. Il ne comprends pas ce geste. Il ne sait pas quel sens lui donner. Ses épaules se détendent peu à peu, se laissant lentement envahir par Riley.
Il n'a pas l'habitude d'être touché. Il faut simplement qu'il s'y habitue. Ce n'est pas si désagréable, après tout.

Mais la colombe ne trouva aucun lieu pour poser la plante de son pied, et elle revint à lui dans l'arche, car il y avait des eaux à la surface de toute la terre. Il avança la main, la prit, et la fit rentrer auprès de lui dans l'arche.
[Génèse 8.9]

- Qui es-tu Ohanzee ?

Il l'observe comme le faon observe le promeneur. A l'ombre des noisetiers de ses grands yeux, Ohanzee ne sait que répondre. Il fut quelqu'un, c'est vrai. Cette existence n'est plus et son identité est un mystère pour lui même, un rebus du passé.

- D’où est-ce que tu viens ?
- Cela n'a que peu d'importance. Je ne suis pas important, déclare-t-il avec une humilité poignante.

Je ne suis personne.
Je ne viens de nulle part
J'accepte ce fardeau comme un châtiment mérité :
ma seule existence est une offense aux lois du créateur.

Ohanzee grelotte brusquement de froid. Il est impératif qu'il se mette à l'abri, qu'il regagne le monastère où il tombera malade. Il ne parvient pas à ne serait-ce qu'esquisser le mouvement de se lever. Il est bien, là, sous le regard de cette femme, qui lui prodigue bienveillance et humanité. Il veut simplement prolonger se contact qu'il n'aura peut-être plus jamais.

- Riley... Il faut.. il faut que vous repreniez votre route. Vos frères d'armes vont s'inquiéter.

La raison et la vérité franchissent ses lèvres. Il aurait aimé les gober.

Ohanzee louche sur la veste puis se décide à rompre le contact pour enfiler le vêtement. Il s'y glisse avec toute délicatesse du monde, comme si le tissus de l'habit était de la soie précieuse. Il fait courir la pulpe de son index sur le ruban cranté de la fermeture. Il a déjà pu observer des mécanismes similaires sur les mises de Dame Rouge. Il n'a jamais eu l'occasion de les utiliser : personne n'a jugé bon de le lui apprendre.

-...Non ils ne s’inquiéteront pas, crois-moi. De toute façon il est hors de question que je te laisse seul ici dans ton état. Ma voiture n’est pas loin, je te raccompagne chez toi. Et c’est même pas la peine d’essayer de me dissuader à nouveau.

Une voiture.
Il visualise les fameuses charrettes sans chevaux dont ont lui a parlé. Il n'en a vu que sur les peintures animées dénommées "écrans".

- C'est que... Je n'ai pas de chez moi, fait-il fortement embarrassé.

Ce n'est techniquement pas un mensonge. Juste une demi-vérité. Sa cellule monacale dans les sous-sols gardés de l'ICV ne lui appartient nullement. Son existence ne lui appartient pas plus.

- Tu peux te lever ?
- Oui, fait-il en attrapant de nouveau sa main, trop heureux de se voir octroyer la grâce de la tenir à nouveau. Il ne la lui rend pas immédiatement. Cependant, il ne trouve pas de justification pour ainsi la lui confisquer. Oh.. hum... Il la libère, les pommettes en feu. Je vous suis où que vous déniez m'emmener.

Puis au bout de trois foulées où le vent s'engouffre dans la veste pour la gonfler, il s'immobilise.

- J.. je suis navré de vous demander cela. Je suis certain que vous trouverez ça idiot mais.. euh.. hum... Comment ferme-t-on cette tunique ?

Il se sent gauche et un tantinet stupide. Il concentre toute son attention sur le geste de Riley pour pouvoir le reproduire. Ca ne semble pas si complexe, c'est même fort ingénieux : les boutons et les lacets ferment avec moins d'étanchéité. Le zip coulisse jusqu'à son cou. Il a tout loisir de voir son visage de très prêt. Elle possède des cils d'une longueur fascinante. Une fois de plus, à l'abri de sa chapelle intérieure, il entame une nouvelle toile, mémorisant le grain de sa peau, le hâle discret de son derme, la couleur raffinée de sa carnation naturelle. Lorsque leurs regards se croisent, il déglutit et lève les yeux comme un bandit levant les mains en l'air. Il se sent coupable sans pour autant avoir commis un acte répréhensible.

Je ne fais que tenter de te saisir sur mes carnets.
Personne ne va jusqu'ici les compulser.

La Voiture est une invention absolument iconoclaste. Il s'était trompé : elle tient davantage du carrosse que de la charrette. Il s'interroge juste sur l'orientation des sièges passagers : pourquoi ne se font-ils pas face comme il est d'usage d'ordinaire? Lorsque Riley appuie sur une sorte d'artefact, l'automobile pépie, tel un oiseau. Elle donne l'impression d'avoir sifflé son fidèle destrier. C'est donc la fusion réussie entre un carrosse et son attelage.

Incroyable !

- Monte.

Riley semble avoir deviné son manque de compréhension des instruments modernes. Elle le guide avec patience, l'installe, l'harnache. Il ne peut s'empêcher d'effleurer l'intérieur de l'habitacle, les relief du tableau de bord. Il se dandine sur le cuir de son siège le faisant quelque peu couiner. Tout ce qui s'offre à lui est neuf au regard, plaisant à découvrir. Presqu'amusant.

- Bon, ok ! Tu es un genre de sans-abris… Il ignore ce que cela signifie avec exactitude mais il suppute par déduction littérale qu'il s'agit d'indigents dépourvus de toit. En tout cas, tu n’as nulle part où aller et il est hors de question de t’amener à ma hiérarchie.

D'une certaine manière, il lui en est gré. Il n'imagine pas les dérangements que cela pourrait occasionner pour l'ICV. Sieur White serait forcément déçu de son comportement, Dame Rouge passablement agacée de devoir régler pareil trivialité avec des non-initiés. Il ne souhaite pas subir le courroux et le désappointement de ses bienfaiteurs.

Riley enfonce un morceau de métal sous une sorte de disque qu'elle empoigne à deux mains. La machine vrombit, le moteur ronfle, Ohanzee lâche un hoquet de surprise. Ses doigts agrippent inconsciemment son siège comme s'il s'attendait à en être projeté. Le démarrage, passé, le paysage défile devant ses yeux ébahis. Comme l'enfant émerveillé, il colle ses mains  à la vitre, et tourne le visage en tout sens. Le paysage a tout d'une aquarelle que l'on dilue en tant réel, rien que pour lui. Ses craintes se sont muées en une sourde excitation qui ourle ses lèvres. Il ne se rend pas compte que son sourire illumine son visage moucheté, lui conférant une aura bien différente que celle entrevue sur les falaises.

- Ca t’ennuie de me dire pourquoi tu ne sais pas fermer tout seul une simple veste ?
- Je.... Pardon ? Fait-il pris au dépourvu. Oh...vous évoquez le pourpoint.... Je veux dire la veste. Hé bien... Tout mes vêtements s'enfilent, se boutonnent ou se lacent. Je n'ai jamais eu d'habit disposant de ce mécanisme de fermeture. Pressé de détourne la conversation sur un autre sujet, il poursuit : Où m'emmenez-vous, finalement ?

Ohanzee ouvre grand les yeux. Dans son expression se mêle suprise, angoisse et intense curiosité.

- E.. En ville ? Nous allons en ville ?

Il n'a jamais été dans la cité de Tir Nà Nog. Tout juste a-t-il pu contempler les lumières de cette Babylone du rivage. Jamais il ne s'est aventuré aussi loin.

- Les émotions ça me creusent toujours l’appétit, pas toi ? Peut-être. Maintenant qu'elle l'évoque, il sent bel et bien son ventre gargouiller. Et puis on sera au chaud.
- D'accord, opine-t-il doucement.

Un silence quelque peu pesant s'installe, habité simplement par le moteur du véhicule et la morsure des pneus sur la route abimée.

- Et où est-ce que tu te procures ses vêtements alors ?

Voilà Riley qui revient à la charge. Ohanzee est pris en étau entre sa volonté de la préserver et l'impossibilité de mentir.

- Je veux dire… à moins d’être un Ange et de descendre tout droit du Ciel, tu dois bien les trouver quelque part en ville ?
- Je n'ai rien d'un Ange, Riley, dit -il doucement en regardant ses doigts esquintés et ses ongles terreux. Ce serait même tout le contraire. Il pince les lèvres et se résout à lui livrer une parcelle de réponse. Il s'agit de dons, du monastère Manaigh Iascairí. Je ne possède rien qui ne soit à moi.

Même pas moi-même.

Ils arrivent en périphérie de la ville, abordant celle-ci par l'un de ses quartiers les plus populaires : le Westside. Des usines de conditionnement de conserves, des manufactures, des entrepôts, des docks... Le port et son atmosphère d'embruns et de goudron règne sur ce coin de métropole. Ohanzee est littéralement happé par cette urbanité spectaculaire. Tout lui semble monstrueux, démesuré, irréel.

Sur son front était écrit un nom,
un mystère: Babylone la grande,
la mère des impudiques et des abominations de la terre.

[Apocalypse 17]

Au milieu de cette fourmilière peu orthodoxe, brille les néons du Gontr'hamburger, un drive-in à l'américaine qui promet des burger de la mort. Le propriétaire @Gontrand Copperman est un excentrique sympathique et qui par un miraculeux hasard administratif, a réussi à obtenir une dérogation pour ouvrir pendant le couvre-feu.

Riley se déshabille devant lui, ce qui laisse Ohanzee bouche bée. Ce qu'il ne faisait que se deviner sous la laine, se précise avec une déconcertante crudité. Le jeune homme discerne un peu trop nettement la rondeur d'un sein dans ce col qui blouse, une pointe de hanche et un creux de nombril dans ce tissus qui rebique. Il détourne vivement la tête, une sensation de cuisson sur l'ensemble du visage. Les femmes de ce temps sont incroyablement impudiques.

Riley a un corps sublime,
magnifiquement proportionné.

Lorsque Riley s'approche, la ceinture entrave son mouvement de recul défensif. Elle ne fait que l'en libérer. Le clin d'oeil le déconcerte. Il se sent le jouet de quelques manipulations féminine dont il ignore les arcanes.

J'aimerais la peindre.
Maintenant.

Il se demande si c'est ainsi que son père fût charmé par son indigène de mère, si c'est de cette manière délicieusement désarmante qu'il a laissé ses remparts s'effriter. Il le lui a toujours répété : les femmes sont des créature malignes, pétries par le mensonge et l'impiété.

Riley est bonne avec moi.
Elle n'est pas comme ça.

Peut-il vraiment s'y fier ?
Ohanzee se laisse docilement guider dans la chapelle de néons qui hume si bon la viande cuite. Il y a une sorte de musique étrange, point désagréable, mais un peu virevoltante qui s'échappe d'une machine jaune et noir pleine de boutons. Tout ici résonne de couleurs festives qui tranchent avec la grisaille extérieure : du rouge clinquant, du bleu pastel, de l'orange crémeux... Ohanzee fait quelques pas, tourne sur lui même, le nez en l'air, passablement étourdi par toutes ces visions nouvelles. Le duo s'installe sur des banquettes rebondies. Sur la table, il y a une sorte de tube jaune et un autre rouge. Ohanzee les manipule en se demandant si il s'agit là de matériel pour saltimbanque.

- Alors qu’est-ce qui te tente ? Sucré ou salé ? Personnellement j’ai bien envie d’une crêpe avec une montagne de chantilly ! Le sucre ça remonte toujours le moral.

Ohanzee l'observe, s'amusant des variations animées qui marquent ses joues de fossettes. Il dissimule mal un sourire attendri.

- Je n'ai pas beaucoup d'expérience en matière de sucre.

De son temps c'était un luxe qu'il ne pouvait s'offrir.

- Ou le must du must en terme de péché de gourmandise, des frites avec du chocolat chaud.
- Qu'est-ce que des frites ? questionne-t-il. Il parvient à visualiser ce qu'est le chocolat : une boisson extrêmement onéreuse à base de lait et de cacao. Si cela est péché, je devrais peut-être m'en abstenir.... Riley.... ? Je.. je n'ai nulle fortune vous savez ?

Jamais il ne pourra payer une boisson comme du chocolat ou de la crème fouettée française. un homme s'avance vers eux, grisonnant et sympathique. Il porte un tablier à motif vichy et une mine enjouée. Il chantonne un "pompompompom" sautillant en cheminant vers eux.

- Salut les amoureux ! qu'est-ce que je vous sers ?

Au comptoir, une donzelle avec une coupe qui fleure bon les années 70 mâchouille un stylobille en faisant des mots-croisés. Son rouge à lèvre tirant sur l'orange, macule le capuchon.

- "Sa Larve aime la luzerne mais ça n'est pas réciproque" en six lettres, lance-t-elle à la cantonade à l'adresse de tout le restaurant tout en fixant sa grille.

- T'entends ça Lionel ? Une portion de frites Classic-chic, une autre "Gargantua", Deux "Suprême de chez Tonton" supplément chantilly.
Une voix de barriton jaillit des enfers de la cuisine.
- C'est parti, patron.
- Je m'occupe de votre jus de chaussette et de votre petite douceur tout de suite... Pompompompom... et le voilà qui s'éloigne derrière le comptoir pour s'occuper des boissons.
- "Sa Larve aime la luzerne mais ça n'est pas réciproque" en six lettres.
- Mmm vous avez essayez aoutât ?

La demoiselle griffonne sur son journal plié en quatre et ses lèvres peinturlurées laisse apparaitre une parfaite rangée de quenottes blanches.

- C'est que ça rentre! La poupette là bas, elle est meilleure en mot-croisés que toi, Gontrand, fait-elle au patron qui hausse tranquillement les épaules.
- C'est parce que je suis plus doué en coloriage, c'est tout!

Le jukebox change brusquement de titre pour lacer "La Grange" des ZZ-top et la joueuse de mots-croisés balance sa grille par dessus sa tête. Les feuilles de journal volent en tout sens.

- Gontrand... fait-elle habitée. J'ADORE CETTE CHANSON !

Elle retire ses chaussures et tend théâtralement une main au patron qui la prend par dessus le bar avec la même emphase. Ils se retrouvent en bout de comptoir et se mettent brutalement à danser.

- Putain Klaudia ! C'est pas toi qui ramasse... gronde le dit-Lionnel de sa cuisine.

Personne ne l'écoute. Les deux trublions sont dans une transe rock'n roll qui de l'extérieur est assez drolatique : Klaudia twiste pendant que Gontrand fait de la air-guitare sur chaque riff. Ohanzee les observe, médusé. Sa théorie sur une échoppe de saltimbanques prend corps à chaque minute qui s'écoule.

-Bon Ohanzee,... Il sursaute. Il a l'impression qu'elle lui a susurré son prénom juste au creux de l'oreille. Son imagination a du lui jouer un tour. Tu ne veux pas essayer de me tutoyer ? J'ai l'impression d'être une petite vieille ou au travail...
- Je.. Je vais essayer. Je ne vous... tu.. garantie rien. Il a la terrible impression de l'avoir effeuillée un peu plus et ses joues brulantes ne font que le lui confirmer. C'est très osé, ce "tutoiement". Il ne l'a jamais pratiqué auparavant. Vous.. tu.. n'a rien d'une vieillarde, s'empresse-t-il d'ajouter, de peur de l'avoir offusquée. V... tu est bien trop belle pour cela, déclare-t-il ingénument.
- ....deuxièmement, qu’est-ce que je vais faire de toi après ?
- Je.. je ne sais pas.

Certes, l'expérience est déroutante, mais également fort plaisante. Le monde s'offre à lui comme jamais auparavant, pourtant, cela fait presque dix ans qu'il s'est réveillé. Il baisse la tête. Il n'a pas envie de décider.

- Il n’y a nulle part où tu veux aller ? Où tu pourrais te…refugier ? Et ne me dis pas que ça n'a pas d'importance, s'il te plait. Je veux t'aider.
-....
- Ma chérie, tu vois pas qu'il crève d'envie que tu le ramènes chez-toi ? balance la dénommée Klaudia en se déhanchant jusqu'à eux. Elle pince les joues d'Ohanzee qui se dégage aussi terrifié que mortifié. Il se frotte copieusement les pommettes. Regarde moi cette bouille de chiot mouillé, ça s'ramasse et ça s'adopte ces mignons là.

Elle ricane et repart en marchant à l'égyptienne. Derrière elle, Gontrand fait la danse du robot.