Comme toujours après une intervention ou une mission, Riley sent déjà toute l’adrénaline cumulée lui échapper pour ne laisser qu’un engourdissement certain qu’elle combat comme elle peut. Mais trop de choses se sont passées pour qu’elle arrive à compartimenter, organiser et comprendre.

Alors elle marche, la main proche de son holster…un pied devant l’autre, en silence, l’envie terrible de rentrer chez eux, dormir, oublier, disparaitre sous la couette. Mais ce « chez eux » n’existe plus, prisonnier du Brouillard.  
Le soulagement d’avoir retrouvé Ohanzee vivant a été de courte durée et l’Apocalypse semble décider à ne pas lui laisser le temps de reprendre son souffle. Elle relève la tête, pense croiser le regard d’Ohanzee mais celui-ci est braqué dans celui de la jolie rousse étrange. Bien qu’étrange ne veuille plus rien dire. Qu’est-ce qui ne l’est pas aujourd’hui ?

« Qui es-tu ? »
Elle n’en sait rien.

Il semble intarissable sur son sujet en tout cas. Elle les a sans doute sauvés mais l’instinct de Riley lui souffle de ne pas lui faire confiance. Jalousie ? Sans doute un peu. Son regard revient sur Ohanzee.

« Et toi…qui es-tu ? »
Elle n’en sait rien.

La révélation est brutale mais elle n’a aucune idée de qui il est vraiment…ce qu’il est vraiment…Est-ce que ça lui fait peur ? Evidemment. Qu’il ne le sache pas lui-même est plus perturbant encore. Il rayonne à nouveau d’une aura tranquille. Malgré la dureté des évènements dont il a été victime, il a …presque l’air d’aller bien.  

« Tant mieux ? »
Elle n’en sait rien.

Sa foi retrouvée, elle a conscience que rien ne l’arrêtera. S’il croit…s’il est…une pièce importante du puzzle dont les pièces sont encore éparpillées et incompréhensibles, elle devra faire un choix. Le suivre, sachant qu’il n’a plus besoin d’elle ou s’éloigner pour préserver ce qu’elle doit préserver.

Imperceptiblement son allure ralentie. Son corps, harassé de trop de fatigue et d’une nutrition aléatoire, cède du terrain. Il a beau être entrainé il n’est qu’une machine dont elle n’a pas franchement pris soin, et puis il n’a pas l’habitude qu’une toute petite forme de vie lui pompe de l’énergie.

« Enceinte…je suis enceinte…pourquoi ? Pourquoi maintenant ? »
Son esprit a enfin le temps d'assimiler cette information.
« Un coup du Destin » pense-t-elle avec ironie. Elle perçoit les nombreux coups d’œil et les sourires échangés avec Beitris – difficile de ne pas retenir son prénom, il n’a que lui à la bouche -. Ils semblent partager quelque chose…une connivence, une complicité dont elle se sent fatalement exclue.
Elle ne pose aucune question. Elle grapille autant de temps qu’elle peut à croire que tout n’a pas changé. Irrémédiablement.

« Ça n’est pas grave. »
Bien sûr… elle est simplement fatiguée. Elle va devoir penser à elle et cette petite vie qu’elle protégera envers et contre tout. Son pas ralenti encore, son teint devient de plus en plus blanc, mais Riley avance.

C’est tout ce qu’elle sait faire.

Soothsayer, can you change this?
Can you see the coming flood?
The warring in your name?
Soothsayer, can you change this?

Soothsayer can you save them?

La première chose qu'il fit en découvrant le ciel, fut de sourire. Le vent de la bruyère fouettait ses cheveux, les berçant d'embruns. Le sel, la mer, les ajoncs... Le monde terrestre demeurait tangible, réel, concret, tout comme le miracle qu'il venait d'accomplir. Il tourna le visage vers la femme qui se tenait à côté de lui, sa main gracile toujours dans la sienne. Malgré ses grands yeux myopes, il sut immédiatement qu'elle voyait tout en lui. Absolument tout. Elle lui rendit son sourire, dépourvu de peur et de doute.

- Nous avons accompli l'impossible.
- Rien n'est impossible à celui qui croit. La foi rend tout ce que nous imaginons possible.
- Oui, fit-il avec une émotion terrible, profonde, solennelle telle qui le l'avait jamais ressentie auparavant. La lumière inondait à nouveau la cavité froide et vide de ses espoirs.
- Et maintenant... ?
- A toi de me dire, fit Beitris avec un rire de petite fille. C'est toi le Prophète, je ne suis que la Vestale.

Elle lui déposa un chaste baiser sur la joue et s'en retourna auprès de l'homme-goudron aux allures de colosse. Ohanzee se caressa la joue et contempla le bout de ses phalanges comme touché par la Grâce.

Une poignée de secondes plus tard, on leur annonçait qu'Unseelie et son Brouillard avaient conquis la ville.

***

- Il existe un haras à quelques kilomètres d'ici, avait-il annoncé aux principaux chefs de guerre, désormais unis dans une misère commune. Nous pourrons y prendre du repos et nous mettre à l'abri le temps de réfléchir à la suite. Je vais vous guider.

La sorcière d'Emeraude, dernière gradée de ses ravisseurs, avait hoché sobrement la tête. Kaelig et Elehiel avaient abondé en son sens. Les Heksens s'en étaient allés de leur côté. Comme il s'y attendait, Rouge ne le suivit pas. Il la gratifia d'une étreinte sincère avant de la laisser repartir en compagnie de son Agneau Sacré. Une fausse Idole, il le savait désormais.

A présent, ils cheminent tous de concert, harassés et pressés de trouver refuge, comme le peuple hébreu mené par Moïse. Ohanzee n'a nullement conscience des regards qu'on lui jette, entre curiosité, crainte et révérence. Beitris fait l'objet des mêmes, tout comme Elehiel et l'étrange gamine qui lévite en faisant des ronds autour du patriarche Taur et répondant au prénom de "Lévi". Le Fils de Destin, marche en tête, aux côtés de Riley qu'il abreuve d'un flot continu de paroles. Son enthousiasme volubile tranche avec les horribles nouvelles reçues dans la journée.

-... Te rends-tu compte ? Beitris est comme moi, en vibre de la même fibre particulière, elle a tant à m'apprendre ! Il jette un regard vers la rouquine qui, comme si une connexion invisible s'était établie entre eux, tourne la tête au même moment pour le lui rendre. Certes, Unseelie a remporté cette bataille, mais nous venons de prouver que nous n'étions pas sans arme contre elle. Nous pouvons la combattre. Je peux la combattre. Dieu et le Paradis n'existent peut-être pas, mais il y a une volonté supérieure à l'œuvre ici, supérieure à toutes divinités et les dogmes connus..... Mon rôle est plus actif que celui auquel je m'étais cantonné : Peut-être... Peut-être que je me dois de conduire ces pèlerins vers une nouvelle lumière.... Riley... ? Tu m'écoutes ?

Il se retourne et constate qu'elle a ralenti l'allure et traine la patte à quelques enjambée de lui. Il rebrousse chemin pour la retrouver.

- Est-ce que tout va bien, mon amour ? Il lui prend la main et constate qu'elle est glacée. A la lueur rougeoyante de fin d'après-midi, elle parait bien livide. Tu es si pâle... s'inquiète-t-il, se rendant brusquement compte qu'il n'a pas pris soin de s'enquérir de sa santé après un tel raid guerrier. Tu désires faire halte pour te reposer un peu ?

- Est-ce que tout va bien, mon amour ?
Riley est si surprise qu’il s’adresse pleinement à elle qu’elle s’arrête et le fixe enfin dans les yeux. Elle peut y lire une lueur nouvelle, radieuse presque fiévreuse. Elle met quelques secondes à répondre et seul un « Oui » balbutiant lui échappe, peu convaincant même pour ses oreilles. Mais elle n’a pas la force de faire plus. Elle sert ses doigts un instant puis se dérobe pour repartir.  

- Tu es si pâle...
- Je vais bien, assure-t-elle, les dents un peu trop serrées. Je manque un peu de sommeil c’est tout.
Et de nourriture, de lui, d’un moment de paix…
Sans doute a-t-elle l’air d’une loque humaine à ses yeux maintenant qu’il l’a enfin regardée. C’est bien ce qu’elle est, sans doute, alors que lui rayonne.  
- Tu désires faire halte pour te reposer un peu ?
- Non, on y est presque. Je me reposerai une fois arrivés, s’obstine-t-elle, le front buté alors même qu’elle sent littéralement ses forces s’amenuiser. Elle a l’abdomen qui la tiraille, sans doute les effets de l’espace de lasso créer par l’un des sorciers qui s’en ai servi pour cercler sa taille. Riley pose machinalement un bras protecteur contre son ventre.

Elle chemine à nouveau en silence mais après une ultime œillade entre Beitris et Ohanzee, elle sait qu’elle ne peut plus étirer ses œillères plus longtemps.
Bien sûr que si tout a changé. Leur situation est plus précaire que jamais. Lui a changé, elle n’a pas besoin de plus de temps pour le constater et ce nouvel Ohanzee lui est totalement inconnu. Combien d’autres lui referme-t-il ? L’homme qu’elle aime est-il encore là ?  

- Je suis…très heureuse que tu aies une nouvelle raison de te battre Ohanzee. Un nouveau but.
Même si elle ne comprend pas pourquoi il doit absolument croire être l’objet, non le pion, d’une force toute puissante et mystique pour avoir la force de lutter. N’était-elle pas une raison suffisante ? Leur avenir n’était-il pas suffisant ? Non. Apparemment pas. Sa foi réclame quelque chose de plus. De plus grand, de plus important. Riley cherche son regard, la mine grave, les traits tendus par la fatigue.
- J’aimerais simplement que tu te rappelles que, peu importe ton pouvoir, tu n’es qu’un homme Ohanzee. De chair et de sang et que…

« Et que je ne veux plus te perdre. »
Mais elle ne finit pas sa phrase. A quoi bon de toute façon… ? Elle ne veut pas troubler son bonheur tout neuf. Une horrible petite voix lui souffle que l’annonce de sa grossesse n’aurait sans doute pas eu autant d’effet que la révélation de son importance dans cette guerre contre Unseelie. Elle tourne la tête vers le haras qui se profile à l’horizon et pousse un profond soupir de soulagement. Elle n’aurait sans doute pas pu tenir plus longtemps. La vue de leur destination lui donne le courage d’accélérer. Un homme à la pipe les attend aux côtés d’une jeune fille à la mine revêche – Hina – que Kaelig et Ohanzee vont aussitôt voir. Leur petite troupe s’arrête, attend. Mais Riley est au bout de ses forces, elle s’approche à son tour et pose une main sur le bras du Dormeur.

- Kealig ? Je suis désolée…j’ai…vraiment besoin de m’allonger.
Hina et Gaffney échange un regard et la jeune fille fait éclater la bulle de son chewing-gum.
- Riley, c’est ça ? Je me souviens de vous. Venez, je vais vous montrer l’une des chambres d’amis. Je vais vous aider…vous êtes vraiment toute pâlichonne.
Elle tente de rassurer tout le monde d’un sourire qui n’a plus rien de lumineux.
- Tout va bien.
Ensemble, elles grimpent les marches et Hina ouvre la première porte sur la droite.
- Je vous laisse là. Vous êtes certaine que vous avez pas besoin que je vous monte un truc à manger ?
Riley la remercie d’un sourire.
- C’est gentil Hina. Plus tard peut-être.
La jeune fille partie, Riley retire son holster et sa ceinture pour relever son tee-shirt avec une grimace. Une large bande de peau rougie ceint sa taille. Lentement, elle se laisse tomber sur le lit et s’allonge en chien de fusil. Une main contre son ventre, elle répète dans un murmure comme un mantra :
- Ca va aller…ça va aller…
Comme pour essayer de s’en convaincre elle-même.

- Non, on y est presque.
- Es-tu sûre ?
- Je me reposerai une fois arrivés.
- Bien, nous ferrons comme tu désires.
- Je suis…très heureuse que tu aies une nouvelle raison de te battre Ohanzee. Un nouveau but.
- J'en ai toujours eu une, mon aimée, fait-il en la regardant avec tendresse, ne comprenant pas ce qu'elle veut dire. Je dispose simplement de nouvelles armes dont j'ai tout à découvrir.
- J’aimerais simplement que tu te rappelles que, peu importe ton pouvoir, tu n’es qu’un homme Ohanzee. De chair et de sang et que…

Elle n'achève pas sa phrase et il ne lui offre aucune réponse. Il n'est pas qu'un homme. Il en est persuadé aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'arrogance mais de certitude. Il est différent, n'appartenant ni au monde naturel, ni au monde surnaturel. Il n'est pas que chair et sang, il est spiritualité. Son esprit porte la marque d'une essence primitive et puissante inexplicable au commun des mortels.

Il ne peut point lui confier cela.
Riley s'en effraierait.
Elle n'est qu'un être humain avec ses limites.

Ohanzee pose une paume sur le dos de sa compagne, mais malgré ce contact, il perçoit une distance entre elle et lui. L'épuisement y est sûrement pour quelque chose. Fort heureusement, la silhouette du haras des Gaffney se découpe sur l'horizon. Ohanzee se porte au devant du propriétaire avec Kaelig, exposant leur situation. Le vieil homme se montre profondément compatissant et le métisse lui presse les mains de gratitude.

- Merci Gaff, merci infiniment.
- Kealig ?
- Oui, fiica mea ?
- Je suis désolée…j’ai…vraiment besoin de m’allonger.
- Evidemment, ma belle. Il lui embrasse le front. Dans ton état, tu as déjà beaucoup fait. Il faut te ménager maintenant.

Ohanzee fronce les sourcils. De quel "état" parle-t-il ? Il fait mine de la suivre, mais Taur pose sa paluche sur son épaule pour l'en empêcher.

- Laisse-la faire un somme. Profites-en pour te faire examiner par Salomon. T'es encore tout amoché, fils.

Il lui jette un regard étonné.

- Oh... je.. je n'avais même pas fait attention. Vous avez raison...

Ohanzee s'exécute docilement, un peu confus. Sans doute que la pression des derniers jours et de cette effroyable journée retombe brutalement sur ses épaules. Il ne rejoint Riley que plus tard, après avoir été pansé, nourri et avoir effectué un brin de toilette. Il a demandé au guérisseur des Taur, ce Salomon, de l'accompagner. L'homme blond a l'air lui même terriblement harassé. Ohanzee toque à la porte que la jeune Hina lui a indiquée avec une certaine appréhension.

- Mon amour ? C'est moi. Je viens avec l'homme-médecine m' enquérir de ta santé.

Les coups à la porte la réveillent en sursaut. Riley a encore l’esprit cotonneux, machinalement, sa main cherche la présence d’Ohanzee à côté d’elle pour ne trouver que le vide. La réalité lui revient doucement. Il a disparu…elle l’a retrouvé…alors pourquoi se sent-elle si vide ?
Elle a peut-être dormi, un peu. Mais son sommeil n’a pas été franchement reposant, parasité par des rêves et des scènes d’horreur qui se sont tellement imbriquées les unes dans les autres qu’eux qu’elle n’en garde qu’une sensation de malaise. Quelle heure peut-il bien être ? L’obscurité a envahi la chambre en tout cas.

- Mon amour ? C'est moi. Je viens avec l'homme-médecine m'enquérir de ta santé.

Elle envisage un instant de ne pas répondre, de rester simplement allongée. Mais elle ne peut pas faire l’autruche indéfiniment et doit affronter la suite. Peu importe ce qu’elle lui réserve.  
Avec des gestes prudents, elle se redresse et pousse une petite exclamation de douleur en baissant les yeux. La rougeur s’est aggravée et le frottement des draps contre la chair meurtrie déclenche une sensation de brûlure difficile à supporter.

Elle prend une profonde inspiration et se relève, rabattant le tee-shirt sur son ventre et allume la lampe de chevet. Elle croise son reflet dans le miroir et s’effraie elle-même de son apparence.
Elle a vraiment l’air d’un zombie ! Elle défait sa queue de cheval dans un état pitoyable et tente de se redonner une apparence plus humaine avant d’aller ouvrir.

Un Ohanzee plus alerte et propre et Salomon un peu hagard l’attendent sur le seuil. Pour un peu, elle demanderait presque à Ohanzee de ne pas entrer par peur que le démon laisse « échapper » l’information qu’il lui a balancé comme une petite bombe. Mais d’une part cela ferait sans doute encore plus suspect et d’autre part… après autant de temps séparer, le simple fait de le voir lui procure malgré tout une sensation d’apaisement qu’elle ne trouve nulle part ailleurs.

Elle se décale pour les laisser passer et arrête Salomon d’une main sur son bras en passant pour lui murmurer.
- Ne lui dites rien, s’il vous plait… puis elle ajoute, plus fort et avec une vraie note de compassion. Je suis désolée…que vous « amie » ne vous ait pas suivi. Je suis certaine qu’elle reviendra.

Une fois tous les deux dans la pièce, elle s’appuie contre la commode avant de grimacer quand le meuble cogne contre ses brûlures.
- C’est gentil d’être passé mais j’ai juste besoin de dormir et de manger pour me retaper un peu. Il y a juste ça…fait-elle comme si elle parlait d’une écharde en soulevant un tout petit peu son tee-shirt pour révéler son ventre.

Riley ouvre, le visage décomposé et pâle. Ohanzee s'en inquiète et fait un pas vers elle mais elle se décale pour intercepter Salomon à qui elle chuchote quelque chose qu'il ne parvient pas à entendre. Le jeune homme fronce les sourcils. Son inquiétude se meut en un sentiment plus brouillon, opaque et lourd. Pourquoi Riley se comporte-t-elle ainsi ? Pourquoi se montre-t-elle si distante, si secrète ?

- Riley ? Que se passe-t-il ?
- Monsieur Figtree, pourriez-vous sortir, je vous prie ?
- Je vous demande pardon ?
- Je vais examiner Miss Finglass. Les entretiens entre patients et médecins sont confidentiels.
- Vous êtes... Vous êtes fleuriste et n'avait nullement prêté serment d'Hippocrate, s'agace le jeune ancêtre. Riley est ma femme, j'ai le droit de savoir ce qu'il se pa...
- Votre femme ne veut pas de vous présentement dans cette pièce, déclare abruptement le démon, les prunelles verdoyantes d'autorité. Elle dispose encore de son propre corps et de son libre-arbitre, il me semble, Monsieur Figtree.

Incrédule, Ohanzee jette un regard à sa moitié et ce qu'il lit dans ses yeux le blesse profondément. Salomon a raison. Riley ne veut pas de lui ici.

- Très bien. Je serais derrière la porte.

Il s'exécute et sort.
Salomon ferme la porte et contemple l'humaine.

- Êtes-vous certaine de vouloir cela, ma chère. Le mensonge demeure le poison qui corrompt le plus l'amour, même le plus pur. Il a un sourire d'une mélancolie terrible. Je vous remercie pour votre compassion, mais je n'en mérite aucune. Jhaelynra ne reviendra pas : sa foi primera toujours sur les sentiments qu'elle éprouve à mon égard. On lui a appris à abhorrer mon engeance depuis sa plus tendre enfance. Elle ne reviendra jamais.... Montrez-moi donc ça.

Riley dévoile l'hématome et les brulures de strangulation. Le front du démon prend un pli soucieux.

- Allongez-vous Riley, je vais devoir faire un examen obstétrique, pour vérifier sur le fœtus est toujours bien attaché. Rassurez-vous, je n'irais pas mettre les doigts dans votre vagin, je vais en rester à l'apposition des mains.

Une fois étendue, il relève son vêtement et lui palpe l'abdomen avec doigté et douceur. Une fois encore ses paumes dégagent des rhizomes luminescents qui s'invitent sous sa peau. Une agréable odeur de terre humide et d'herbe fraiche palpite dans l'air.

- Vous êtes de constitution solide et l'embryon semble avoir hérité de la même capacité de résistance. Cette petite pousse n'a subi aucun dommage. Je vais faire disparaitre ces vilaines marques mais je note une tendance à l'anémie et la déshydratation. Il vous faut manger et boire, jeune fille. Vous êtes deux à présent. Votre corps va subir des changements conséquents ces premiers mois qui puiseront dans vos réserves énergétiques. Du repos, une bonne alimentation, pas d'efforts trop violents et, bien que je puisse concevoir que le contexte ne s'y prête guère, éviter les sources de stress.... Voilà, comme un sou neuf ! Vous devez vous sentir en meilleure forme, déjà.

Il a un sourire qui manque de cette flamboyance infatuée de lui même qui l'anime d'ordinaire.

- Je fais entrer votre compagnon ?

- Êtes-vous certaine de vouloir cela, ma chère.

Riley contemple la porte fermée, le cœur lourd.

- Je ne sais pas…Fatalement il l’apprendra bien un jour,  tente-t-elle avec une dérision grinçante. Je ne sais pas comment lui annoncer. C’est sans doute le pire moment au monde pour tomber enceinte et puis… je veux être d’abord certaine…qu’il est toujours là.  
- Le mensonge demeure le poison qui corrompt le plus l'amour, même le plus pur.
La mélancolie du démon est si palpable qu’elle tente de lui offrir un peu de réconfort. Et égoïstement…ça la distrait de la sienne…
- Je vous remercie pour votre compassion, mais je n'en mérite aucune. Jhaelynra ne reviendra pas : sa foi primera toujours sur les sentiments qu'elle éprouve à mon égard. On lui a appris à abhorrer mon engeance depuis sa plus tendre enfance. Elle ne reviendra jamais....
Cette foi… elle commence à la haïr de tout son cœur.
- Vous êtes bien dur avec vous-même. Si elle vous aime, elle reviendra vers vous, réaffirme-t-elle, sûre d’elle. Moi je veux croire que l’amour est plus fort qu’un Dieu inexistant.  
- Montrez-moi donc ça.

C’est ce qu’elle fait et l’air inquiet de Salomon ne la rassure pas tellement.
- Allongez-vous Riley, je vais devoir faire un examen obstétrique, pour vérifier sur le fœtus est toujours bien attaché.
- Co…comment ça ? Obstétrique ?
- Rassurez-vous, je n'irais pas mettre les doigts dans votre vagin, je vais en rester à l'apposition des mains.
- Ah…tant mieux. Je pense que ça aurait achevé cette merveilleuse journée.

Riley s’allonge et prend une profonde inspiration. Tout se passe comme la première fois ou presque, ses doigts sur son ventre sont étrangement frais et apaisants et l’empêche de paniquer lorsque les minuscules pousses s’invitent sous sa peau. La même odeur qu’elle associe au printemps plane dans la chambre.
Inquiète, son regard passe du visage éclairé du démon à ses mains tandis qu’elle tente de contrôler sa respiration.  

- Alors… ? ne peut-elle s’empêcher de demander.
- Vous êtes de constitution solide et l'embryon semble avoir hérité de la même capacité de résistance. Cette petite pousse n'a subi aucun dommage.
Riley pousse un profond soupir de soulagement et pose une main sur son front, le visage enfin éclairé par un vrai sourire. Elle émet même un petit rire. Elle écoute avec attention les recommandations du démon et commente.
- Certaines choses me paraissent plus faisables que d’autres. Mais je ferais au mieux, promis.
- Voilà, comme un sou neuf ! Vous devez vous sentir en meilleure forme, déjà.
- Effectivement !
Elle ne remarque qu’à présent que les brûlures et hématomes ont disparu. Elle se redresse en position assise et ne ressent plus aucune douleur.
- Je fais entrer votre compagnon ?

Riley hoche la tête.
- S’il vous plait. Elle l’arrête à nouveau avant qu’il ne s’éclipse. Merci Salomon…Ne perdez pas espoir, d’accord ? Laissez-lui un peu de temps… Au moment où il ouvre la porte, elle lance une dernière question. Est-ce que…je pourrais venir vous voir ? En cas de problème ?

De l’autre côté de la porte, Hina est venue apporter un plateau avec un encas et l'a laissé entre les mains d’Ohanzee pour « sa nana ». Salomon parti, Riley cale un oreiller dans son dos et tapote la place à côté d’elle sur le lit.

- Entre, Zee … , déclare-t-elle avec un sourire un peu hésitant.

Ohanzee sent monter en lui une angoisse sourde qui lui presse le cœur terriblement. Il n'y a jamais eu le moindre secret entre eux. Pourquoi cela devrait-il commencer en ce jour ? Est-elle souffrante ? La maladie du Brouillard l'a-t-elle frappée ? Le dos appuyé contre la porte, il se tient inconsciemment la poitrine. Gaff lui a prêté un jean et une vieille chemise à carreaux qui hume malgré la lessive, la paille et les box équestres. Hina apporte un plateau et le fait presque sursauter.

- Hina, je ne vous.. t'avais pas entendu. Merci mille fois de nous accueillir, nous n'avions nulle part où aller. As-tu des nouvelles de Malone et Shareen depuis "l'incident" de la dernière fois ?

La jeune fille lui apprend qu'ils sont coincés en ville et Ohanzee s'en attriste.

- Je suis navré Hina. Je suis certain qu'ils sauront survivre à cette épreuve. Ils sont résilients. Nous devons garder la foi et croire en eux.

La demoiselle prend congé et Salomon ouvre la porte.

- Nous en avons terminé.
- Est-ce que tout va bien ? s'alarme aussitôt le Fils du Destin.
- On ne peut mieux. Vous faites bien d'aller la nourrir, elle a besoin de se remplumer.
- Est-ce que…je pourrais venir vous voir ? En cas de problème ?
- Bien entendu, chère enfant. Je suis votre praticien attitré à présent, répond le démon avec un hochement de tête et un faible sourire.

Ohanzee se fait la remarque que malgré sa nature démoniaque, il fait preuve d'une délicatesse appréciable. Il des yeux d'enfant triste et le prénom d'un sage.

- Merci beaucoup, Salomon.
- Entre, Zee …

Le jeune ancêtre ne se fait pas prier. Il vient s'asseoir auprès d'elle et dépose le plateau sur ses cuisses.

- Comment te sens-tu ? Il lui caresse la joue. Tu m'as fait peur tout à l'heure, tu sais ?... Il cherche sa bouche pour y déposer un baiser. Front contre le sien, il soupire de soulagement. Toi aussi, tu es faite de chair et de sang, ma guerrière.

- Bien entendu, chère enfant. Je suis votre praticien attitré à présent.
Riley a une petite moue amusée sans trop savoir si cette idée la réjouie ou non. Au moins, le bébé est entre de bonnes mains. Démoniaques certes, mais bienveillantes. Elle se rend soudain compte qu’il est fort possible qu’elle accouche dans ce contexte là…sans hôpital… sans péridurale… sans tout ce que le monde moderne a à offrir de facilités… cette pensée est vertigineuse en soi et elle préfère la repousser pour prendre les choses l’une après l’autre.

- Merci beaucoup, Salomon.

Elle reporte son attention sur Ohanzee qui la regarde avec une certaine inquiétude au fond des yeux. Difficile de le blâmer. A sa place, elle serait dans le même état.
Elle ne peut pas lui cacher. C’est trop important…  
- Entre, Zee …

Elle regarde le plateau avec un sourire et se sent soudain affamée. Si bien qu’elle ne tarde pas à grignoter le repas froid en poussant un soupir de bien-être. Elle ne s’était même pas rendu compte à quel point elle avait faim !
- Merci…pour le plateau,déclare-t-elle alors qu’il vient s’assoir à côté d’elle.
- Comment te sens-tu ?
Elle ferme un instant les yeux en sentant sa caresse sur sa peau. Elle a passé des semaines à craindre de ne plus sentir cette sensation-là et la savoure d’autant plus.
- Mieux. J’avais besoin de repos et …j’étais légèrement blessée. Salomon a arrangé tout ça. Toi aussi tu as l’air…bien. Joli look bûcheron,se moque-t-elle gentiment.
- Tu m'as fait peur tout à l'heure, tu sais ?...
Elle baisse les yeux sur le plateau en grignotant un morceau de fromage.
- Ah… désolée… ça faisait quelques jours que le sommeil m’échappait totalement et comme toujours après une mission, mon corps me lâche un peu. Il est un peu mis à rude épreuve. Mais tu as entendu le « docteur », tout va bien !

Le baiser qu’ils échangent lui fait l’effet d’une goulée d’air salvatrice qui regonfle ses pauvres poumons en apnée depuis sa disparition. Front à front, yeux dans les yeux, elle retrouve enfin son Ohanzee et revient pour un autre tendre baiser.
- Toi aussi, tu es faite de chair et de sang, ma guerrière.
Riley a une expression un peu douloureuse, plus que consciente de ce fait. Rien que de la chair et du sang… pas de pouvoir… pas d’arme…rien qu’une pauvre humaine.
- Je sais…
Elle décale le plateau sur la couette et se tourne vers lui.
- Il y a … il y a quelque chose que je dois te dire. Si je voulais que Salomon m’ausculte seule c’est…c’est parce que je voulais être certaine que…tout allait bien.  
Elle plonge à nouveau ses yeux dans les siens, cherche sa main en nouant leurs doigts.
- Zee… je suis…enceinte. On va…avoir un bébé. Je suis désolée… j’ai conscience que ça n’est absolument pas le bon moment et je ne sais même pas comment c’est possible mais il est là …et il s’accroche…pour le moment. Les larmes aux yeux, les mots semblent se précipiter hors de sa bouche. Je ne sais même pas quel genre de monde on va pouvoir lui offrir…mais il est là, répète-t-elle en posant sa main sur son ventre qui abrite la petite graine de leur amour.  

- Je sais…Il y a … il y a quelque chose que je dois te dire.
- Oui. Dis-moi, je suis tout ouïe.
- Si je voulais que Salomon m’ausculte seule c’est…c’est parce que je voulais être certaine que…tout allait bien.
- À quel propos ?
- Zee… je suis…enceinte.

Ohanzee ouvre la bouche, comme abasourdi.

- On va…avoir un bébé.

Un enfant.
Une enfant
La petite Caroline.
Elle est donc là, si tôt.

Sa poitrine se gonfle d'un sentiment ambivalent : une vague de chaleur qui crépite et fait vibrer coeur et âme ; Une appréhension sinueuse, sournoise, qui se love comme un serpent au creux de ses entrailles. Il ne sait si ses poumons sont gonflés d'un oxygène nouveau, ou oppressés de dioxyde. Il est heureux, ému, inquiet. Extatique et terrifié.

- Je suis désolée…
- Ne le sois pas. Ohanzee s'empare des mains de Riley avec une ferveur qui fait trembler son timbre. Notre amour a porté ses fruits et nous savons l'un comme l'autre qu'ils seront merveilleux.
- J’ai conscience que ça n’est absolument pas le bon moment et je ne sais même pas comment c’est possible mais il est là …et il s’accroche…pour le moment.
- Caroline est une petite coriace, tu le sais bien, lui répond-il avec un petit rire humide et gorgé d'émerveillement.
- Je ne sais même pas quel genre de monde on va pouvoir lui offrir…mais il est là.

Ohanzee recouvre tendrement la main de sa compagne, nattant ses phalanges aux siennes. Il la contemple, ses prunelles noires et profondes baignées de larmes.

- Je n'ai aucune certitude à ce sujet, si ce n'est que ce sera un monde où ses parents l'aimeront plus que tout. Il pleure sans le dissimuler à présent. Je vais être père... Il rit en essuyant fugacement ses larmes. Je suis un homme comblé. Tu m'offres tant de merveilles de l'existence, Riley, tant de choses dont je me croyais privé. D'abord l'Amour, et désormais, la Famille..... Je t'aime de tout mon être.

- J’ai conscience que ça n’est absolument pas le bon moment et je ne sais même pas comment c’est possible mais il est là …et il s’accroche…pour le moment.
- Caroline est une petite coriace, tu le sais bien…
- Zee…Elle lui caresse tendre la joue à son tour. J’aimerais croire aussi que c’est bien elle mais…on ne le sait pas encore. Beaucoup de premières grossesses finissent en fausse couche alors… on va attendre un peu avant de l’appeler comme ça… d’accord ? Trois mois…avant d’être certains que ce petit bout est bien accroché à moi… Je ne sais même pas quel genre de monde on va pouvoir lui offrir…mais il est là.

Elle sert avec force les doigts du jeune homme, leurs deux mains unies contre son ventre formant une protection bien maigre contre les incertitudes de l’avenir.
- Je n'ai aucune certitude à ce sujet, si ce n'est que ce sera un monde où ses parents l'aimeront plus que tout.
Riley vient essuyer du pouce les larmes d’émotions d’Ohanzee. Le voir si heureux la rend heureuse par un ricochet naturel. Elle savait qu’il serait heureux, mais pas à quel point.
- Oui…oui nous l’aimerons.
Elle espère simplement que cela suffira.
- Je vais être père...
- Un formidable papa…Et moi mère…
Elle rit à son tour, caresse ses pommettes tachetées du pouce, un sourire tremblotant sur ses lèvres.
- Je suis un homme comblé. Tu m'offres tant de merveilles de l'existence, Riley, tant de choses dont je me croyais privé. D'abord l'Amour, et désormais, la Famille...
Le sourire de Riley s’élargit, retrouve de sa lumière si caractéristique. Elle revient poser son front contre le sien.  
- Je pourrais te dire la même chose. Tu m’offres tout ça en retour.
- Je t'aime de tout mon être.
- Et moi plus encore… Quand…quand je t’ai perdu… j’ai cru devenir folle. Je n’avais plus le goût de rien… Je ne veux plus jamais revivre ça…

Elle vient se glisser contre lui, entre ses bras, et cale sa tête contre son épaule.

- Je sais que tu vas sans doute être très…occupé mais… moi aussi je vais avoir besoin de toi. Elle replace délicatement sa main contre son ventre. On va avoir besoin de toi…Je ne sais absolument pas comment on va pouvoir gérer tout ça ici et maintenant. Je suis sensée prendre des compléments de vitamines pendant ma grossesse…faire des prises de sang régulièrement, des échographies pour qu’on s’assure que tout va bien…or on aura rien de tout ça… Je doute que la situation s’améliore d’ici neuf mois…Tu te rends compte…peut-être que d’ici septembre, on sera trois…Pardon...je pars dans tous les sens… il a tellement à penser.

Elle sert convulsivement les doigts d’Ohanzee dans les siens.

- Et moi plus encore… Quand…quand je t’ai perdu… j’ai cru devenir folle. Je n’avais plus le goût de rien… Je ne veux plus jamais revivre ça…

Alors c'était cela, cette distance, cette crevasse entre eux ?
Ohanzee la sert tout contre lui, l'enlaçant à deux bras, sa joue pressée contre son crâne dont il embrasse le sommet.

- Je sais que tu vas sans doute être très…occupé mais… moi aussi je vais avoir besoin de toi. Elle touche de nouveau son abdomen. On va avoir besoin de toi…
- Mon rôle premier est d'être auprès de vous, Riley. Toujours.
- Je ne sais absolument pas comment on va pouvoir gérer tout ça ici et maintenant. Je suis sensée prendre des compléments de vitamines pendant ma grossesse…faire des prises de sang régulièrement, des échographies pour qu’on s’assure que tout va bien…or on aura rien de tout ça…
- Nous trouverons. Monsieur Grass est un homme étrange et plein de ressources. Et puis, je sais où nous fournir en matériel médical.

Il ne précise pas sa pensée. Il se doute que Riley comprend son sous-entendu à l'Institut. Rouge était là, à sa recherche, dans la Cité d'Emeraude. Elle s'est mise en danger pour lui. Elle a été témoins du Miracle.

- Je doute que la situation s’améliore d’ici neuf mois…Tu te rends compte…peut-être que d’ici septembre, on sera trois…Pardon...je pars dans tous les sens… il y a tellement à penser.

Ohanzee caresse délicatement le ventre de son aimée.

- Le monde évolue vite. Je vais avoir un rôle à y jouer, mais toi également. Tu portes l'espoir en toi. Il faut le voir de cette manière. Il attrape délicatement son menton et le soulève pour mieux contempler son visage. Il l'embrasse passionnément. Epouse-moi, Riley. Deviens ma femme aux yeux du monde naturel et surnaturel. Aux yeux du Destin et de ces autres entités à l'œuvre dont j'ignore encore tout.

- Nous trouverons. Monsieur Grass est un homme étrange et plein de ressources. Et puis, je sais où nous fournir en matériel médical.

Riley pivote la tête vers lui, sourcils froncés. Elle a évidemment une petite idée de ce à quoi il pense et ça ne lui plait absolument pas.

- Tu penses à Rouge et à l’ICV, c’est ça ? … Juste pour le matériel alors… je crois que je préfère qu’un démon qui un certain sens moral m’ausculte plutôt que ces sales types... et puis je ne suis pas certaine que Rouge acceptera. Elle marque une pause. Il est…possible que je lui ai mis mon poing sur la figure. Elle lève une paume en l'air pour stopper toute protestation. Et avant de t’offusquer sache que je l’ai fait pour une excellente raison : j’ai appris que l’ICV avait placé une puce sous ta peau…comme un espèce d’animal.

Rien que d’y penser, elle en a des bouffés de colère terribles. Ses mâchoires se crispent et son corps se tend.

« Du calme Riley…pense au bébé. »

Elle prend une profonde inspiration pour se détendre, comme pour entrer en méditation comme elle en a l’habitude.

- Pardon, petite crevette…maman se calme. Il va falloir qu’on s’occupe de te l’enlever cette…chose, d’ailleurs… et que je me résous à avoir un bébé en plein Apocalypse… Je doute que la situation s’améliore d’ici neuf mois…Tu te rends compte…peut-être que d’ici septembre, on sera trois…Pardon...je pars dans tous les sens… il y a tellement à penser.

Sa paume vient se poser d’elle-même sur la main contre son ventre.  

- Le monde évolue vite. Je vais avoir un rôle à y jouer, mais toi également. Tu portes l'espoir en toi. Il faut le voir de cette manière.

Et ce rôle qu’il va porter… elle le craint et s’en méfie comme la peste sans pouvoir vraiment expliquer ce sentiment qui ne s’appuie que sur des impressions. Riley émet un rire bref.

- L’espoir ? J’aimerai beaucoup Zee… mais non je porte simplement beaucoup trop de doutes et un enfant… c’est déjà pas si mal non ?

Il l’oblige à affronter son regard, si déterminé, serein et plein d’une lumière qu’elle lui a rarement, voire jamais, vu avant. Ses doigts viennent frôler sa joue. Comme elle aimera pouvoir puiser dans ses nouvelles certitudes qui semblent le guider…
- Je t’aime, Z…
Mais il vient voler la dernière syllabe de son prénom directement à sa bouche.
- Epouse-moi, Riley.
Riley recule la tête, abasourdie. Elle le contemple, les yeux agrandis par la surprise, la bouche encore ouverte.
- Quoi ? murmure-t-elle.
- Deviens ma femme aux yeux du monde naturel et surnaturel. Aux yeux du Destin et de ces autres entités à l'œuvre dont j'ignore encore tout.

La jeune femme rit, les zygomatiques largement à l’œuvre. Emue, sa paume englobe la joue d’Ohanzee alors qu’elle l’embrasse à son tour sans vraiment pouvoir s’arrêter. Tout va si vite ! Ils ne se connaissent finalement que depuis quelques mois mais elle porte déjà leur enfant et maintenant cette demande…

- Il n’y a que les tiens qui m’intéressent… tu le sais. Elle plante ses yeux dans les siens, une lueur taquine au fond de ses iris à la chaude couleur du chocolat. Tu n’as pas à m’épouser parce que je suis enceinte de ton enfant…les choses ne se font plus comme ça. Et puis comment veux-tu qu’on se marie ? Il n’y a plus de mairie… plus … rien.

Si elle n’a jamais été une indécrottable romantique, elle espérait au moins une jolie robe, être entourée par Molly…et sa mère, peut-être son père pour une belle cérémonie intimiste.

- Tu penses à Rouge et à l’ICV, c’est ça ? … Juste pour le matériel alors… je crois que je préfère qu’un démon qui un certain sens moral m’ausculte plutôt que ces sales types... et puis je ne suis pas certaine que Rouge acceptera.
- Pour quelle raison ? Il n'y a aucun mal à essayer de...
- Il est…possible que je lui ai mis mon poing sur la figure.

Ohanzee est pris d'un fou rire incontrôlable.

- Tu as quoi ?!
- ..... Et avant de t’offusquer sache que je l’ai fait pour une excellente raison : j’ai appris que l’ICV avait placé une puce sous ta peau…comme un espèce d’animal.

Le jeune ancêtre essaie de reprendre son sérieux.

- Pardon, petite crevette…maman se calme. Il va falloir qu’on s’occupe de te l’enlever cette…chose, d’ailleurs…
- Les sorciers d'Emeraude s'en sont déjà chargés. J'ai fait de nombreux passages à l'infirmerie, explique-t-il sans s'appesantir sur les maltraitances subies. Les guérisseurs l'ont détecté dès ma première visite et on extrait la fameuse "tique" ou.... euh.. "puce" ? Enfin, choisis l'insecte de ton choix.
-...et que je me résous à avoir un bébé en plein Apocalypse… Je doute que la situation s’améliore d’ici neuf mois…Tu te rends compte…peut-être que d’ici septembre, on sera trois…Pardon...je pars dans tous les sens… il y a tellement à penser.
- Le monde évolue vite. Je vais avoir un rôle à y jouer, mais toi également. Tu portes l'espoir en toi. Il faut le voir de cette manière.
- L’espoir ? J’aimerai beaucoup Zee… mais non je porte simplement beaucoup trop de doutes et un enfant… c’est déjà pas si mal non ?....Je t’aime, Z...
- Epouse-moi, Riley.
- Quoi ?
- Deviens ma femme aux yeux du monde naturel et surnaturel. Aux yeux du Destin et de ces autres entités à l'œuvre dont j'ignore encore tout.
- Il n’y a que les tiens qui m’intéressent… tu le sais.

Ohanzee sourit jusqu'aux yeux et ses prunelles de vieillard pétillent comme celles d'un enfant. Il l'embrasse à pleine bouche.

- Tu n’as pas à m’épouser parce que je suis enceinte de ton enfant…les choses ne se font plus comme ça.
- Je veux t'épouser parce que je t'aime et que je veux le crier au monde entier.
- Et puis comment veux-tu qu’on se marie ? Il n’y a plus de mairie… plus … rien.
- Qu'importe tout cela ! Il y a nous. Toi, moi, elle. Il palpe son ventre encore plat. Dieux anciens, démons, sorciers... Nous ne manquons pas de gens pour officier. Il rit doucement et frotte son front contre le sien. J'ai conscience que cela n'a rien de conventionnel, que tu aurais aimé avoir Molly, ta mère et ton père à tes côtés... Mais nous ne sommes pas complétement seuls ici, au cœur de ce monde en péril. Et je veux pouvoir affirmer que la vie continuera envers et contre tout. Ma main, dans la tienne... Tu comprends ?

- Et puis comment veux-tu qu’on se marie ? Il n’y a plus de mairie… plus … rien.
- Qu'importe tout cela ! Il y a nous. Toi, moi, elle.
Instinctivement, elle fait glisser la main d’Ohanzee sur la peau nue de son ventre, sous son tee-shirt.
- Et ça ne suffit pas ? souffle-t-elle en le regardant dans les yeux, mais il ne semble pas l’avoir entendu, toute à son idée.
- Dieux anciens, démons, sorciers... Nous ne manquons pas de gens pour officier.

Le simple fait qu’il suggère qu’ils se marient devant un démon lui prouvent à quel point Ohanzee a changé. Comme il est loin le temps où il ne supportait même pas de la regarder dans les yeux. Et évidemment elle est très fière de lui sans pouvoir s’empêcher de se dire qu’il est presque passé d’un extrême à un autre.

- Tu sais que ça n’aurait pas plus de légalité que si on échangeait des vœux, là maintenant…
Le rire du jeune homme est doux et Riley ferme les yeux pour mieux le savourer.
- J'ai conscience que cela n'a rien de conventionnel, que tu aurais aimé avoir Molly, ta mère et ton père à tes côtés... Mais nous ne sommes pas complétement seuls ici, au cœur de ce monde en péril.
Riley se mord la lèvre, indécise. Il semble avoir lu dans ses pensées.
- Je sais bien mais…
- Et je veux pouvoir affirmer que la vie continuera envers et contre tout. Ma main, dans la tienne... Tu comprends ?

Oui elle comprend et ça n’est pas qu’elle refuse tout net, loin de là. Ils savent depuis quelques temps déjà qu’ils finiraient liés pour la vie. Mais une petite voix en elle lui souffle que ça n’est pas comme ça qu’elle aurait voulu que les choses se passent. C’est une pensée stupide…vraiment. Tout a changé. Peut-être que rien ne reviendrait à la normale, sauf si elle en croit la « vision » qu’Ohanzee et elle ont partagé.
Pourquoi ne pas attendre alors ?

- La vie est déjà là Ohanzee, sous tes doigts…

La vérité c’est qu’elle ne souhaite pas attirer plus l’attention sur eux…sur lui. Devenir une sorte de bête de foire…
- Est-ce que tu as vu comment les gens te regardaient après …après ce qui s’est passé chez les Dragons d’Emeraude ? Comme… comme une sorte de messie…Et ils te fixaient avec...avec une sorte d'avidité étrange... Elle détourne le regard, se redresse pour manger bien plus mollement, poussée plus par la nécessité que la faim. Je ne veux pas que notre mariage soit un « message »… ou le symbole de quoi que ce soit d’autre que notre amour. Je veux être ta femme, Zee mais je ne suis pas certaine que ça soit le moment idéal pour ça.

- La vie est déjà là Ohanzee, sous tes doigts…
- Et j'en suis très ému et terriblement heureux, réplique celui-ci sans saisir où veut en venir la jeune femme.
- Est-ce que tu as vu comment les gens te regardaient après …après ce qui s’est passé chez les Dragons d’Emeraude ?
- Non... Comment donc ?
- Comme… comme une sorte de messie… Et ils te fixaient avec...avec une sorte d'avidité étrange...
- Non... Il secoue la tête. Ils ont assisté à un Miracle. Ils sont simplement choqués par son existence et en quête de compréhension. Ils sont avide d'espérances, Riley. Comme nous tous. Je ne suis pas un messie. Un prophète tout au plus.

Et quand bien même serait-il un messie, il ne serait pas le seul. Il a encore beaucoup à comprendre et à faire : un long chemin à parcourir avant d'être digne de se distinguer.
Riley mange en silence, préoccupée. Ohanzee tente de comprendre pourquoi elle ne partage pas sa joie.

- Je ne veux pas que notre mariage soit un « message »… ou le symbole de quoi que ce soit d’autre que notre amour. Je veux être ta femme, Zee mais je ne suis pas certaine que ça soit le moment idéal pour ça.
- Il n'y a pas plus idéal que l'adversité à laquelle nous faisons face. J'ai besoin de toi à mes côtés. De toi et de notre fille. Un silence. Tu as raison, déclare-t-il soudain. Nous n'avons pas besoin de la validation d'une institution pour proclamer nos vœux.

Il attrape le couteau sur le plateau et coupe une de ses longues mèches de cheveux sombres pour l'enrouler  et la nouer à son annulaire.

- Riley Finglas, mon aimée, ma moitié, la lumière de ma vie, le nutriment de ma Foi. Je promets de te chérir sur le plan terrestre comme spirituel, d'un amour qui ne fanera jamais. Je suis ton ami,  ton amant, ton époux, ta famille, ton partenaire pour l'éternité. Je suis tien depuis que j'ai croisé ton regard sur la lande, dans ton armure de guerrière. Je serais tien, en dépit des plans du Destin, n'en déplaise à Unseelie, dans un futur heureux où nos enfant pourront s'épanouir. Je t'aime, Riley, tu es la seule chose à laquelle j'aspire en ce monde. Fais-moi l'honneur d'accepter cette modeste preuve de cet amour infini, s'il te plait...

- Je veux être ta femme, Zee mais je ne suis pas certaine que ça soit le moment idéal pour ça.
- Il n'y a pas plus idéal que l'adversité à laquelle nous faisons face.
Riley fronce les sourcils, sans réellement comprendre en quoi le moment est si idéal que cela. Sans doute parce qu’elle a beaucoup de mal à voir ce qu’Ohanzee perçoit.
- J'ai besoin de toi à mes côtés. De toi et de notre fille.
Elle pivote la tête pour croiser son regard, toujours aussi lumineux, toujours aussi pur.  
- Mais je suis là Zee…on est là tous les deux.
Sa main cherche la sienne, la serre avec force.
- Je serais toujours là, chuchote-t-elle. Aussi longtemps qu’il aura besoin d’elle.  
- Tu as raison. Nous n'avons pas besoin de la validation d'une institution pour proclamer nos vœux.

Riley lui sourit jusqu’à ce qu’il prenne le couteau. Elle l’observe avec curiosité se couper une longue mèche de cheveux qui finit au tour de son doigt. La mine profondément perplexe, elle demande :
- Qu’est-ce que tu fais…
- Riley Finglas, mon aimée, ma moitié, la lumière de ma vie, le nutriment de ma Foi. Je promets de te chérir sur le plan terrestre comme spirituel, d'un amour qui ne fanera jamais. Je suis ton ami, ton amant, ton époux, ta famille, ton partenaire pour l'éternité. Je suis tien depuis que j'ai croisé ton regard sur la lande, dans ton armure de guerrière. Je serais tien, en dépit des plans du Destin, n'en déplaise à Unseelie, dans un futur heureux où nos enfants pourront s'épanouir. Je t'aime, Riley, tu es la seule chose à laquelle j'aspire en ce monde. Fais-moi l'honneur d'accepter cette modeste preuve de cet amour infini, s'il te plait...

Les yeux écarquillés, elle le scrute avec intensité pendant qu’il l’inonde de mots tendres, vrais et d’un amour qui irradie si fort qu’elle s’en trouve aveuglée. Les cheveux autour de son doigt sont incroyablement doux et elle les caresse du pouce. C’est si inattendu…si étrange…si loin de ce qu’elle avait imaginé mais parfait en même temps.

- Zee…je…je… La gorge nouée par l’émotion, elle n’arrive même plus à parler. Les yeux embrumés, elle encadre très délicatement le visage du jeune homme et l’embrasse à perdre haleine, tantôt tendre, passionnée, amoureuse ou avec révérence. Elle boit à sa bouche avec une soif renforcée par le manque, l’absence, le soulagement et le bonheur de l’avoir retrouvé.
Elle a tant besoin de lui…
Enfin elle arrive à se détacher de lui, un large sourire sur les lèvres.
- Tu es si…désarmant…
Elle essuie les quelques larmes qui lui ont échappées et prend le couteau. A son tour, elle découpe une mèche de ses cheveux et l’enroule autour de son annulaire.

- Ohanzee Figtree, mon cœur, ma force, ma famille et mon avenir. Je promets de t’aimer, te soutenir et de me tenir à tes côtés jusqu’à mon dernier souffle. Je suis ton amie, ton amante et ton âme-sœur et je serai ton bouclier tant que mon corps le permettra. Elle caresse doucement sa joue du dos de sa main. Je t’aime tellement, Ohanzee… tellement… Je ne pensais pas pouvoir aimer si fort un jour. Je ne laisserai plus rien ni personne nous séparer. Quoi qu’il se passe par la suite, je suis tienne. Elle prend sa main et la pose contre son cœur qui bat à un rythme puissant. Je te confie mon corps, mon cœur et mon âme. Je veux te donner tout l’amour et le respect que tu n’as pas reçu, construire avec toi un foyer heureux, plein de rire et bonheur… un jour.