Doucement…lentement…douloureusement, sa conscience s’arrache au bonheur et à l’oubli de l’inconscience.

Ou est-elle ?
Chez elle ?

Non, elle a déménagé chez Ebène. Alors pourquoi ne ressent-elle pas la chaleur de son corps tout près du sien ? Elle est gêlée…glacée jusqu’au os, comme si le froid c’était installé tout au fond de son être.

"Sekhmet ?"

Elle la sens à peine.
Et puis soudain, tout revient en vrac, avec la violence d’un train lancé à pleine vitesse.
Le brouillard. Les créatures. La peur. Ses collègues et des réfugiés à protéger. Sekhmet qui lui ordonne ne reprendre ses Khépesh en main et puis l’explosion de son pouvoir soudain.

Theo a tenté de lutter, essayer de contrôler la déesse enchantée de pouvoir libérer sa colère et ses aptitudes guerrières contre les créatures qui semblaient pourtant la fuir, elle et son rayonnement solaire. Humaines et entité égyptienne ont ainsi mené un petit groupe dans le brouillard, cherchant désespérément une sortie dans cette horreur. Et puis, Theo a senti la présence d’Ebène dans les rues et s’est précipité vers lui, reprenant le contrôle de son corps. Mais lorsqu’elle l’a vu, elle a su que quelque chose avant changé. Sekhmet a profité de cette faiblesse soudaine pour reprendre le contrôle et puis…

Et puis plus rien.
Theo ne se souvient plus de rien du tout.

Elle ouvre les paupières et cligne plusieurs fois des yeux pour essayer de faire la mise au point. Mais ses pupilles refusent d’enlever ce filtre qui les recouvre comme si elle avait fixé le soleil trop longtemps. Elle commence à paniquer, la peur la reprend et elle s’agite, sentant une présence à ses côtés.

- Ébène ? croasse-t-elle difficilement. Elle a si froid… si horriblement froid qu'elle en tremble de façon incontrôlable. Elle est pourtant enrobée d’épaisses couvertures. Où je suis ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

I’m a man, I’m a twisted fool
My hands are twisted too
Five fingers to black hooves
I’m a man don’t spin me a lie
Got toes and I can smile
I’m crooked but upright

Depuis quand ?
Était-ce un de ses vilains tours ? Une nouvelle lubie de sa part ?
Non.
Non, il le sentait au fond de ses tripes.
La chappe de plomb sur ses émotions et sa capacité à les exprimer, c'était sa présence lovée autour de son coeur. Erzulie Dantor occultait le palpitant comme la lune éclipse le soleil. Elle s'était joué de lui, tout ce temps, l'amenant à croire qu'il était juste son zombie, un être humain maudit, une ombre d'humanité. Tout ce temps, il n'avait été qu'un vêtement saillant, une jolie robe sur sa peau aussi noire que ses desseins. Il ne s'était jamais posé de question sur ses vastes connaissances en matière de vaudou, sa capacité surpassant les houngans et les manbos les plus aguerris. Cela allait de paire avec la malédiction, selon lui. Erzulie Dantor avait pétri son outil pour qu'il épouse parfaitement sa main, comme le poignard qui avait servi à tué le mari de sa soeur et qui le suivait partout, même ici, dans les bunkers.

Je suis un idiot.
Mais il était son idiot, depuis une éternité ou deux.
Où es-tu maintenant ?
Sans doute avec lui, ses annaux sombres enroulés autour de son myocarde pour s'y réchauffer.

Son regard glisse sur le visage de Theodora assoupi. Elle dort, le visage détendu, après avoir été terriblement difficile à calmer. Sekmet leur a été d'une grande aide, mais lui faire admettre qu'il fallait se replier fût une gageure. Elle voulait retourner à la surface, réduire l'ennemi à l'état de charpie. Il n'avait pas eu d'autre solution que de lui faire boire du vin de force afin de l'assommer. L'amulette qu'il lui avait confectionnée ressemblait à un petit amas de métal fondu qui avait laissé une marque indélébile sur la peau d'albâtre de l'archéologue. Une de plus. Il avait fallu en produire une autre avec les moyens du bord et pour cela, il avait exploité la brulure du bijoux. Il devra en répondre quand elle se réveillera.

Dans le lit contiguë, est étendue sa fille, Marisol, elle aussi consumée par son essence divine. Elle a, semble-t-il, rayonné si fort dans l'infirmerie qu'elle en a brulé plusieurs des médecins présents. Seuls ses fidèles, les loups bénis de sa meute, on pu l'approcher et la calmer. Elle ne s'est pas réveillée depuis. Le foetus accroché fermement à son placenta, n'a, visiblement, pas souffert de ces turbulences cosmiques et la plupart des Abyssaux ont été guidés grâce à leur Etoile de Venus. Il n'empêche qu'elle aurait pu y laisser bien plus que sa propre vie.

Ebène soupire.
Père d'une Déesse.
Compagnon d'une Déesse.
Avatar d'une Déesse.
Les femmes de sa vie s'évertuent à ne pas la lui rendre facile. Depuis quand n'a-t-il pas mangé ou bien dormi ? Il a oublié. Josie s'en souvient pour lui, fort heureusement, maintenant que Theodora n'est plus en mesure de le faire.

- Ébène ?

L'interpellé tourne brusquement la tête vers la voix éraillée. Theodora émerge. Les effets de sa cataracte ne se sont pas encore estompés et elle tremble toujours. Néanmoins, elle est consciente. C'est un soulagement.

- Je suis là. Il l'attrape par les épaules et la force à se rallonger. Il lui caresse doucement le visage.
- Où je suis ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Tu as été possédée par Sekmet. Elle t'as sauvé la vie ainsi que bien d'autres. Mais il a été difficile de lui demander de déposer les armes par la suite. Il s'humecte la lèvre inférieure d'un passage de langue. La ville a été prise par Unseelie. Nous sommes coincé dans son Brouillard. Nous sommes réfugiés dans les bunkers créés par une organisation du nom de Malsheem qui visiblement préparent cet éventualité depuis longtemps. Nous sommes... tous entassés ici : humain et... surnaturels.

Tout en l'informant de son timbre monocorde, il lui sert la main sous la couche de couvertures et d'édredons.

- Je suis là.

Elle pousse un bref soupir de soulagement et se laisse docilement rallonger sur l’oreiller. La caresse des doigts d’Ebène, familière, calme une partie de ses angoisses et elle ferme brièvement ses yeux, pour l’instant inutiles de toute façon. Le trou noir de sa mémoire reste pourtant angoissant et elle finit par demander.  

- Où je suis ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Tu as été possédée par Sekhmet.
- Quoi ?

Elle se relève aussitôt, tâte son visage comme si elle avait peur d’y trouver de la fourrure à la place de la peau humaine puis ses doigts glissent sur gorge. Elle y trouve une nouvelle cicatrice en forme de soleil et attrape un autre pendentif que celui offert par son grand-père. Etrangement, son esprit se focalise sur cette perte alors qu’elle remonte les draps sur son corps.

- Elle t'as sauvé la vie ainsi que bien d'autres. Mais il a été difficile de lui demander de déposer les armes par la suite.
- Je… je ne la sens presque plus…qu’as-tu… été obligé de lui faire ? Est-ce qu’elle pourra recommencer...à prendre possession de mon corps ? J’ai si froid…

Theodora se prend le visage entre les mains, abattue par une sorte d’impuissance et de frustration de ne se souvenir de rien. Elle finit par redresser la tête et constate que le voile noir s’estompe enfin. Elle perçoit enfin le visage d’Ebène et lui sourit en effleurant son visage du bout des doigts. Elle note l’absence de ses gants et enfouit ses mains sous la couverture.

- Je suis heureuse qu’elle ait pu être utile…mais je n’arrive pas à me souvenir de ce qui s’est passé…
- La ville a été prise par Unseelie. Nous sommes coincés dans son Brouillard. Theodora lui lance un regard interloqué. Nous sommes réfugiés dans les bunkers créés par une organisation du nom de Malsheem qui visiblement préparent cette éventualité depuis longtemps. Nous sommes... tous entassés ici : humain et... surnaturels.
Elle lève les yeux vers le plafond, du béton froid.
- Nous sommes…sous terre ? Dans des…bunkers… ? C’est…complètement surréaliste ! Elle déglutit difficilement. Elle qui a toujours eu pour passion de découvrir des choses enfouies sous terre n’aurait jamais cru finir un jour enterrée. Tous ensemble ?

Elle attrape la main d’Ebène qui cherche la sienne et la serre avec force.
C’est alors qu’elle le sent.
Quelque chose a changé...
Elle dévisage attentivement Ebène, tente de percer l’obscurité qui recule petit à petit jusqu’à ce que sa vision se fasse à nouveau plus claire. Son aura semble différente, bien plus similaire à la sienne, bien plus…
- Que t’est-il arrivé ? s'alarme-t-elle. Tu vas bien ?

Elle est là… la petite couarde se cachait mais elle a fini par se révéler et ne peut plus se dissimuler aussi bien. Pas aux yeux de ses semblables.

Sans que Theo ne s’en rende vraiment compte, Sekhmet vient de lui faire adopter une posture défensive et bien plus méfiante, trop accaparée par le soulagement de réentendre la voix de la déesse.

- C’est… Erzulie ? devina-t-elle.

- Je… je ne la sens presque plus…qu’as-tu… été obligé de lui faire ?

Fugace spasme facial, une esquisse de grimace.

- Je... L'ai soulée. Et j'ai scarifié son enveloppe avec une marque durable........... Toi, donc.

Le bon docteur désigne maladroitement u vague emplacement endessous de ses propres clavicules.

- C'est... la brulure... là.
- Est-ce qu’elle pourra recommencer...à prendre possession de mon corps ? J’ai si froid…
- Contrecoup. Tout usage de pouvoir divin, a un contrecoup. Tu as fait appel au soleil. Il se trouve que c'est la seule chose qui semble effrayer les Priants.

Silence bref. Il se gratte le crâne de l'auriculaire. Il poursuit, ton égal mais regard fuyant.

- Normalement, non. Pas sans ton consentement. C'est écrit dans ta chair maintenant.

Ce n'est pas le seul fait nouveau qu'il doit porter à sa connaissance. Il y en a une foultitude. Il lui fait un exposé concis de son timbre atone de conférencier barbant. Elle encaisse plutôt gracieusement ces changements.
Pas tous, cependant.

- Que t’est-il arrivé ?

Silence. Il n'a pas envie de se lancer dans une explication de ce qu'il a du mal, lui même à admettre.

- Tu vas bien ?
- Oui.

L'attitude de Theodora produit d'étrange fritures cardiaques. Supportables, mais désagréables.

- C’est… Erzulie ?

Il prend une longue inspiration.

- Je suis Erzulie.

Il n'enchaine pas sur une vaine tentative d'éclaircissement. C'est comme ça, c'est tout, pour lui comme pour les autres.

- Je suis Erzulie.

Theo reste silencieuse et se replie contre l’oreiller.

On ne peut faire confiance à cet homme.

Il est très étrange de constater qu’il est si différent alors que pourtant rien n’a changé. Il a le même air neutre que d’ordinaire, indéchiffrable.

Il m’a saoulé comme l’a fait tous les hommes qui ont cherché à taire notre pouvoir.

Machinalement ses doigts cherchent la cicatrice. Il a imprégné une sorte de sceau sur sa peau. Pour elle ? Ou parce qu’elle devenait dangereuse ? Il est même aller jusqu’à la gaver d’alcool. En ressentit-il de la gêne ? Ne serait-ce qu’un peu… Impossible à dire.

Il n’est peut-être pas le zombie de sa déesse mais le dessein de cet être sont louvoyants. Eloigne-nous de lui, il n’a rien de bon à t’apporter ! Ni lui, ni sa déesse. Ils ne cherchent qu’à brider notre pouvoir.

Non…elle sait que c’est faux. Elle… elle a l’esprit encore embrouillé et les paroles de Sekhmet s’imprègnent dans son esprit malgré elle.
Elle se masse délicatement les tempes en tentant de la faire taire.
- Son silence n'a pas duré longtemps. Sekhmet te méprise pour ce que tu lui as fait… Elle ne cesse de dire des horreurs sur toi…
Elle prend une profonde inspiration et finit par demande.
- Zombie ou avatar d’Erzulie… cela fait-il une différence pour toi ?

Le mutisme qui accueille cette déclaration s'éternise. Il est aussi inconfortable pour elle que pour lui. Il a ça pour lui de ne pas le montrer. Pour quiconque le pratiquant quelque peu, son regard fuyant, les contractions répétées de sa mâchoire et les syllabes qui se détache de chaque mot comme de la viande trop cuite de ses os sont autant de signew de son malaise. Theodora manque simplement de pratique.

- Son silence n'a pas duré longtemps. Sekhmet te méprise pour ce que tu lui as fait… Elle ne cesse de dire des horreurs sur toi…

Long soupir.

- Je ne voulais pas en arriver là. Mais elle a blessé plusieurs personnes en les traitant de couards, certaines gravement. Il a fallu plusieurs surnaturels et leurs forces décuplées pour parvenir à la maintenir suffisamment tranquille le temps que je trouve un anesthésiant efficace. Le vin... C'est tout ce que j'ai pu trouver. C'était déloyal, j'en conviens. Je n'avais simplement aucune envie qu'elle suce toute ton énergie et que vous mourriez à la surface des conséquences de vos actes. Elle peut crever en guerrière inutilement, mais uniquement en pensées et sans t'impliquer. Merci.

Il s'est animé légèrement en disant cela, comme si la situation suscitait en lui une vive certaine indignation.

- Zombie ou avatar d’Erzulie… cela fait-il une différence pour toi ?
- Aucune... Si ce n'est les monologues pompeux qu'elle m'inflige de temps à autres en créole. J'avais été épargné jusque là.

Il passe une main dans ses boucles brunes déjà désordonnées.

- Je n'avais pas compris. Avant.... Maintenant cela me semble d'une évidence criante. Je suis un foutu crétin.

Jis yon gason, ti bebe. Jis yon gason...
*Juste un homme, mon petit, juste un homme...

Theodora écoute les explications d’Ebène en l’observant avec attention. Une très légère agitation secoue son être, sans qu’elle ne sache l’interpréter vraiment. Elle n’a pas encore le traducteur tout à fait au point. Un frisson la parcourt de part en part et elle se rencogne plus encore entre les couvertures.

- Elle nous trouve effectivement bien lâches de nous terrer sous terre. C’est une guerrière jusqu’au fond de l’âme… Je vais devoir apprendre à l’être si nous pouvons être utile un jour à la surface. Elle marque un nouveau silence, incongru, inconfortable, gênant comme il n’y en a jamais eu entre eux. Je comprends pourquoi tu l’as arrêtée. Elle non. Evidemment.

Elle pousse un soupir alors que Sekhmet continue de lui débiter des horreurs sur l’homme qui a, comme tous les autres, trahit sa confiance. Plus rapidement que ces prédécesseurs cela dit. Elle y met tellement de conviction que Theodora a du mal à dénouer ses sentiments des siens, comme lorsque leurs colères ne fait plus qu’une.
Vient-elle de franchir un pas vers une fusion ? Ou une assimilation de la déesse qui l’écrase petit à petit ?
C’est en tout cas la première fois qu’elle perd ainsi le contrôle.

Tu as peur…tu as raison. Je te pensais plus forte que cela, mais sans ton perfide homme sans âme, tu ne serais plus...
« S’il te plait arrête ! Stop ! »

Elle touche à nouveau sa cicatrice

- Je dois donc te remercier… de m’avoir sauvée. Encore. Zombie ou avatar d’Erzulie… cela fait-il une différence pour toi ?
- Aucune... Si ce n'est les monologues pompeux qu'elle m'inflige de temps à autres en créole. J'avais été épargné jusque là.

Elle a un sourire un peu faiblard.
- Je compatis. Tu... ne ressens donc toujours rien.
Le mince espoir qu'elle nourrissait d'un changement de ce côté là s'éteint très vite.
- Je n'avais pas compris. Avant.... Maintenant cela me semble d'une évidence criante. Je suis un foutu crétin.
- Sans doute que tu refusais de le voir… Il y a beaucoup de sujets que tu sembles avoir préféré fuir. Elle se mord la lèvre en contemplant les draps. Pardon. C’était…déplacé. Peux-tu me rendre mes gants s’il te plait ?Sekhmet est ravie, elle, et Theo se demande même si elle ne lui a pas soufflé cette remarque mesquine. Combien de temps je vais devoir rester ici ? Elle observe un peu mieux son environnement. C'est une sorte d'infirmerie je suppose.

- Je comprends pourquoi tu l’as arrêtée. Elle non. Evidemment.
- Elle ne tient pas à toi. Moi si.

Cette fois, il la regarde droit dans les yeux.
Deux puits sombres et bouillonnants.

- Je dois donc te remercier… de m’avoir sauvée. Encore.
- Techniquement tu m'as également sauvé. Sans ton intervention "solaire" le Goliath n'aurait pas fuit et nous serions tous morts.
- Zombie ou avatar d’Erzulie… cela fait-il une différence pour toi ?
- Aucune... Si ce n'est les monologues pompeux qu'elle m'inflige de temps à autres en créole. J'avais été épargné jusque là.

Pâle sourire. Une copie bien fade en comparaison de ceux dont elle est capable d'ordinaire.

- Je compatis. Tu... ne ressens donc toujours rien.
- Je ne sais pas... Finit-il par répondre après un moment de réflexion qui lui fait froncer les sourcils. Je ressens des choses. Peut-être depuis des années, mais c'est comme...comme si Erzulie les aspirait, ou les couvait si fort que je ne les perçois qu'étouffées. Comme une surdité partielle, mais... du coeur. Il penche la tête sur le côté et se touche le torse, comme pour retrouver les picotements éprouvés tantôt. Tout à l'heure, tu m'as regardé avec défiance, comme si j'étais ton ennemi... Et.. J'ai eu l'impression qu'on me frottait des bogues de châtaignes à l'intérieur. Je ne sais pas ce que ça signifie. Il y a longtemps que.. que je suis déconnecté de ces perceptions, que je les néglige. Je n'avais pas compris. Avant.... Maintenant cela me semble d'une évidence criante. Je suis un foutu crétin.
- Sans doute que tu refusais de le voir… Il y a beaucoup de sujets que tu sembles avoir préféré fuir.

Ebène la contemple avec un fugace haussement de sourcils. Sa meilleure expression interloquée pour le moment.

Chat la lèd...
*Le vilain chat...
Nou nwaye vakabon chat yo
*Nous noyons les vilains chats...

- Pardon. C’était…déplacé.
- Non.... Non c'est juste. Sekmet a raison sur ce point, il m'était plus facile de fuir la réalité que de l'affronter.
- Peux-tu me rendre mes gants s’il te plait ?
- Si tu y tiens...

Il les trouve très bien comme ça, ses mains.

- Combien de temps je vais devoir rester ici ?
- Tu es encore en hypothermie, mais j'ai l'impression que la cécité s'est complétement estompée. Dès que tu auras repris une température stable de 38°.
- C'est une sorte d'infirmerie je suppose.
- En effet. Les équipes médicales sont très compétentes. Josie, Eoghan, Arianne et moi y avons pris rapidement nos marques. Avec un interne et un homme d'entretien, ce sont les seuls survivants de l'hôpital. Le reste a été tué ou converti....

Un silence.

- Je t'ai installée à côté de Marisol. Elle dort pour le moment. Son bébé va bien. Tu croiseras certainement Colgan, il passe toutes ses nuits à la veiller, quand ça n'est pas la journée. Elle reçoit la visite des autres loups également. Je découvre un peu... Ces gens.... Ils sont.... Bigarrés.

C'est le seul mot qui lui vient.

Mwen jwenn yo enteresan.
*Moi je les trouve intéressants.
Mwen pwoteje jennès kèlkeswa nati yo, pa bliye li...
*Je protège les prostituées quelque soit leur nature, ne l'oublie pas....

- Pardon. C’était…déplacé.
C’est très étrange de ressentir à la fois de la culpabilité et de la satisfaction crasse. Theo fixe cette main qu’il a posé sur son cœur alors qu’elle ne sait que penser de son explication. Une part d’elle s’accroche à tout cela et à ce « Moi si » qui trotte dans sa tête.

Tu es bien naïve de te laisser endormir par de simples paroles. Regarde donc où cela m’a menée. Seules les actions comptent ! Et elles ne parlent pas vraiment en sa faveur…
Theo ne cherche même pas à répliquer, tentant de ne pas se laisser submergée par la rancœur et le mépris de sa colocataire.

- Non.... Non c'est juste. Sekmet a raison sur ce point, il m'était plus facile de fuir la réalité que de l'affronter.
La jeune femme le regarde, interloquée.
- Comment sais-tu que c’est Sekhmet qui… peu importe. Peux-tu me rendre mes gants s’il te plait ?
- Si tu y tiens...

Elle n’a certes pas moins froid en les enfilant mais se sent au moins un peu plus elle-même et en contrôle de la situation. Du moins le croit-elle.
- Combien de temps je vais devoir rester ici ?
- Tu es encore en hypothermie, mais j'ai l'impression que la cécité s'est complétement estompée. Dès que tu auras repris une température stable de 38°.
- Oui je vois mieux maintenant. Combien de temps suis-je restée inconsciente ? Elle se touche machinalement le front. A combien suis-je descendue ? C'est une sorte d'infirmerie je suppose.
- En effet. Les équipes médicales sont très compétentes. Josie, Eoghan, Arianne et moi y avons pris rapidement nos marques. Avec un interne et un homme d'entretien, ce sont les seuls survivants de l'hôpital. Le reste a été tué ou converti....
Theo brise le silence qui plane soudain.
- Je suis désolée pour tes collègues et les patients de l'hôpital…
- Je t'ai installée à côté de Marisol.

Machinalement elle pivote la tête sur le côté. Oui…en se concentrant, elle peut effectivement sentir l’aura, paisible, de la déesse stellaire.

- Comment va-t-elle ? Elle aussi a fait un usage excessif de son pouvoir ?
- Elle dort pour le moment. Son bébé va bien. Tu croiseras certainement Colgan, il passe toutes ses nuits à la veiller, quand ça n'est pas la journée. Elle reçoit la visite des autres loups également. Je découvre un peu... Ces gens.... Ils sont.... Bigarrés.
- Oh. Eh bien ça me fera de la compagnie par procuration. Elle n’attend pas de visite après tout. Je suppose que tu es très occupé. Il n’y a aucun ressentiment dans sa voix, elle sait combien son travail est important pour lui. Elle resserre les couvertures autour d’elle. Que ne donnerait-elle pas pour un bain de soleil pour réchauffer sa peau et son être. A défaut, elle se contenterait bien des bras d'Ébène mais craint la réaction de Sekhmet. Est-ce que tu sais ce que sont devenus les gens qui étaient avec moi ? Mes collègues du musée…les visiteurs…il y avait un groupe scolaire…

- Comment sais-tu que c’est Sekhmet qui…
-.. Erzulie... Elle vient de dire "vilain chat".... Il évite soigneusement de dévoiler la seconde partie du commentaire divin.
- Peu importe. Peux-tu me rendre mes gants s’il te plait ?
- Si tu y tiens...
- Combien de temps je vais devoir rester ici ?
- Tu es encore en hypothermie, mais j'ai l'impression que la cécité s'est complétement estompée. Dès que tu auras repris une température stable de 38°.
- Oui je vois mieux maintenant. Combien de temps suis-je restée inconsciente ?

Le Docteur Maintenon consulte sa montre.

- 51heures, 33 minute et 28 secondes.
- A combien suis-je descendue ?
- Sous la barre des 30°. Un long silence. J'ai... eu peur que ton coeur s'arrête. Contraction de mâchoire, il déglutit. Il a sincèrement cru la perdre. Il contemple encore l'abîme du vertige où cela l'aurait fait dégringoler.

Ou renmen vre.
Onètman
Tankou yon timoun.
Poukisa ou panse mwen te chwazi ou?
Emosyon ou yo pwisan ak bon gou !
*Tu aimes franchement.
Honnêtement.
Comme les enfants.
Pourquoi penses-tu que je t'ai choisi ?
Tes émotions sont puissantes et délicieuses !

- C'est une sorte d'infirmerie je suppose.
- En effet. Les équipes médicales sont très compétentes. Josie, Eoghan, Arianne et moi y avons pris rapidement nos marques. Avec un interne et un homme d'entretien, ce sont les seuls survivants de l'hôpital. Le reste a été tué ou converti....
- Je suis désolée pour tes collègues et les patients de l'hôpital…
- J'ai pensé.. à toi. Pour sortir... Vivant. J'ai pensé à toi, fort. Silence profondément gêné. Palpable par son regard fuyant et la façon dont il froisse la couverture entre ses doigts. Je t'ai installée à côté de Marisol.
- Comment va-t-elle ? Elle aussi a fait un usage excessif de son pouvoir ?
- Elle dort pour le moment. Son bébé va bien. Elle a brûlé beaucoup d'énergie pour protéger sa meute de lycanthropes. Tu croiseras certainement Colgan, il passe toutes ses nuits à la veiller, quand ça n'est pas la journée. Elle reçoit la visite des autres loups également. Je découvre un peu... Ces gens.... Ils sont.... Bigarrés.
- Oh. Eh bien ça me fera de la compagnie par procuration.... Je suppose que tu es très occupé.
- Pas spécialement. Mes nouveaux collaborateurs se sont montrés conciliants en apprenant que ma compagne et ma fille se trouvaient toutes deux alités. Ils m'ont laissé vous veiller.

Ce qu'il a fait.
Sans dormir, ni manger.
Sauf quand Josie l'y forçait ou que Colgan le rouspétait.

- Est-ce que tu sais ce que sont devenus les gens qui étaient avec moi ? Mes collègues du musée…les visiteurs…il y avait un groupe scolaire…
- Ils sont tous indemnes. Grace à vous deux...

Men pran l nan bra w, moun sòt !
*Mais prends-la dans tes bras, imbécile !
Et Sekmet ?
Chat, menm pi gwo yo, renmen akolad...
*Les chats, même les plus gros, aiment les câlins...

Ebène s'approche alors, s'assoie sur le bord du lit et enlace délicatement Theodora, la pressant contre lui. Il a l'air aussi gauche que compassé. Pourtant, le baiser sur son front est on ne peut plus sincère.

Moins de 30° ! Aussi froide qu’un cadavre !
Elle a du mal à se faire à cette idée.
Elle a vraiment failli mourir.

« Il a eu peur pour moi ! »
Oui comme un homme a peur de casser son jouet !
« Tu dis n’importe quoi ! »
Theo s’agace, s’agite intérieurement contre cette rancune qui n’est pas la sienne mais que Sekhmet lui déverse sans filtre.

- Oh. Eh bien ça me fera de la compagnie par procuration.... Je suppose que tu es très occupé.
- Pas spécialement. Mes nouveaux collaborateurs se sont montrés conciliants en apprenant que ma compagne et ma fille se trouvaient toutes deux alités. Ils m'ont laissé vous veiller.

Theodora l’observe avec plus d’attention, constate son air fatigué, la pâleur de son teint. Lentement, elle lève sa main gantée et trace du pouce les marques de ses cernes.

- Tu as l’air épuisé… Tu as dormi au moins ? Elle soupire, se doute que non. Tu devrais… Marisol va bien…et moi aussi. Du moins à peu près. Est-ce que tu sais ce que sont devenus les gens qui étaient avec moi ? Mes collègues du musée…les visiteurs…il y avait un groupe scolaire…
- Ils sont tous indemnes. Grace à vous deux...
- Grâce à Sekhmet. Je ne suis... qu'un contenant.
Le bout de ses doigts retrouve sa cicatrice alors qu’elle sourit distraitement.
- Mais ça valait le coup.

C’est stupide mais elle a une pensée soudaine pour son chat. Il risque bien de dépérir, enfermé dans leur appartement et cette pensée lui donne soudain les larmes aux yeux. Tout a tellement changé en une après-midi.
Elle bat des paupières pour faire partir l’humidité qui les a envahie, puis lève son regard vers le sien. Si noir, si profond. Elle est incapable de savoir jusqu’où s’étendent ses changements, a sans doute un peu peur de le constater.
Il bouge alors, vient s’assoir à ses côtés. Theo s’écarte un peu, toujours terrifiée de la réaction de la déesse.

- Je ne suis pas certaine que…
Mais il l’a déjà serrée contre lui, maladroitement, à sa manière, et sans hésiter plus longtemps, mettant de côté ses craintes, elle se love contre lui, ferme les yeux en sentant la pression de ses lèvres sur sa peau. Sekhmet s’insurge, gronde et tente de reprendre le contrôle sur le corps de Theo pour repousser Ébène mais la jeune femme s’accroche au sens propre comme au figuré.
Fébrilement ses mains remontent pour encadrer le visage mal rasé de son médecin et elle relève la tête. Leurs nez se frôlent, leurs bouchent se cherchent quelques secondes avant qu’elle ne l’embrasse avec une urgence désespérée, s’attendant à tout instant à ce qu’elle soit contrainte de s’arracher à lui. Cette fois, ses tremblements ont une autre origine. Lutter contre Sekhmet l’épuise mais elle refuse obstinément de lâcher.
- Pardon…je suis désolée… chuchote-t-elle contre sa bouche sans savoir de quoi elle s’excuse exactement.

D’abriter une déesse si belliqueuse qui semble le détester ?
De ne pas réussir à la maîtriser ?
De ressentir une partie de sa haine brûlante ?
D’avoir failli mourir ?

Sans doute un peu de tout ça.

- Je ne suis pas certaine que…

Il s'en fiche bien, le voilà lancé. Ses geste mécanique s'huile d'un peu plus de naturel, retrouvant ses marques sur ce corps qu'il a maintes fois possédé avec passion. La voix profonde d'Erzulie Dantor se gargarise d'un ricanement  de gorge.

Ou wè lè ou vle!
Li pral ronron byento.
Kwè nan eksperyans mwen,
Chat sa a gwonde anpil, men sèlman tann pou karese...
*Tu vois quand tu veux !
Elle ronronnera bientot.
Crois-en mon expérience,
Cette chatte rugit beaucoup, mais n'attend que d'être caressée...

Comme pour répondre aux attentes de la loa, Theodora cherche sa bouche et l'embrasse avec une urgence qui a de quoi enflammer même le plus stoïque des hommes.

- Pardon…je suis désolée…
- Tu n'as rien fait de mal... Rien du tout... articule le bon docteur entre deux baisers fiévreux qui hachent menu sa respiration. Nous n'avons rien... fait de mal... répète-t-il le souffle court et les doigts plongés amoureusement dans ses boucles folles. Nous avons fait...ce qu'il fallait...pour rester en vie...

Ebène oblitère le contexte, le morne décor, la présence de sa fille assoupie, non loin, et la mort qui rôde au dessus de leurs têtes. Theodora est en vie. C'est tout ce qui importe. Le reste, et bien, ils aviseront une fois qu'il aura terminé de lui prodiguer toute la chaleur dont elle a besoin.

Ti gason an panse li se yon gason !
*Petit garçon pense qu'il est un homme !
Pretansyon...
*Présomptueux.

Un toussotement le sort de leur bulle d'intimité. Josie les regarde avec un air franchement goguenard. Elle porte une assiette avec un sandwich garni de viande froide à l'intérieur.

- .. Je ne vous dérange pas en pleine thérapie au moins ? Je savais pas que c'était une méthode homologuée par l'ordre des médecins pour soigner l'hypothermie.

Ebène lui lance un regard noir.

- Ne me fais pas regretter de t'avoir sauvé les miches.
- Mes miches t'en doivent une, mais ça m'empêchera jamais de me payer ta tête, mon gaillard ! Grand sourire. Comment ça va Theo ? T'as faim ? J'avais apporté ça pour Ebony Boy, vu qu'il fait le planton comme une âme en peine auprès de toi en oubliant de becter, mais tu as peut-être la dalle toi aussi ? Ta soeur... pardon ta fille pionce encore ? Faut que je relève ses constantes.
- Sa fille essaie d'être mentalement ailleurs depuis dix minutes... émet une voix faible derrière le rideau. Et si personne veut du sandwich, quiero sacrificarme...

Là, enfin dans ses bras, elle se réchauffe, s’embrase de l’intérieur.
Leurs corps se connaissent, savent où se toucher, s’attiser, s’embrasser.
Il n’y a que les rugissements furieux de Sekhmet qui empêche l’instant d’être parfait. La déesse semble avoir à redire sur les excuses d’Ebène si Theo doit en croire la volée de jurons qu’elle lui lançait à la tête. Elle fait mine de ne pas les entendre, se concentrant sur les sensations qu’il lui procure.

Mais bien trop vite, un toussotement les ramène à la réalité et Theo en gémirait presque de dépit si elle n’était pas si embarrassée.

Rapidement, à regret, elle se détache du docteur, comblant le vœu de Sekhmet d’arrêter de le toucher. Elle a pourtant su dès le départ que l’interlude serait de courte durée. Le froid revient et elle se glisse sous les draps le dos collé contre la tête de lit.

Elle a la désagréable impression d’être comme une adolescente prise en faute, non pas que la chose lui ait déjà arrivé auparavant. Elle découvre que c’est profondément désagréable.
Il n’y a que la déesse lionne qui trouve la situation à son goût.

La nouvelle venue les toise avec un petit air moqueur et Theo se gratte nerveusement la gorge en rougissant à vu d’œil.
- ... Je ne vous dérange pas en pleine thérapie au moins ? Je savais pas que c'était une méthode homologuée par l'ordre des médecins pour soigner l'hypothermie.
- Eh bien l’ordre des médecins à tort ; c’est très efficace. Je suppose que vous êtes Josie ? Enchantée de vous rencontrer. Theodora Henning, enfin Theo…
- Ne me fais pas regretter de t'avoir sauvé les miches.
Lui au moins n’affiche pas aussi clairement qu’elle son embarras.
- Mes miches t'en doivent une, mais ça m'empêchera jamais de me payer ta tête, mon gaillard. Comment ça va Theo ?

« Bien jusqu’à ce que vous nous interrompiez. »

Ca c’est ce qu’elle aurait dit si elle pouvait se permettre d’être tout à fait franche. Mais Theodora est une jeune femme bien élevée en toute circonstance.
- A part le froid, je crois que tout va bien.
- T'as faim ? J'avais apporté ça pour Ebony Boy, vu qu'il fait le planton comme une âme en peine auprès de toi en oubliant de becter, mais tu as peut-être la dalle toi aussi ?
Theo coule un regard et un léger sourire vers Ébène.
- Vous m’en direz tant…merci d’avoir veiller sur lui pendant mon…absence. Depuis quand tu n’as pas mangé ? demande-t-elle à l’attention d’Ebène avec un soupir. Donnez-lui le sandwich alors. Je n’ai pas très faim de toute façon.
- Ta soeur... pardon ta fille pionce encore ? Faut que je relève ses constantes.
- Sa fille essaie d'être mentalement ailleurs depuis dix minutes... Et si personne veut du sandwich, quiero sacrificarme...

Parfait…Theo vire au rouge tomate. Sa seule satisfaction c’est qu’au moins Marisol ne peut pas la voir.

- Bonjour Marisol. Contente de savoir que tu vas bien. Désolée si on t’as réveillé. Comment tu te sens ?