Left, Right, Left
Then take five more steps
Do a pirouette 'round the statuette
(...)
Mind the map now and watch your step
Or you'll end up in an Oubliette
One wrong move and it's down, down, down

Patrick est un trublion, un bout-en-train, un joli-coeur surtout d'artichaud, mais avant tout, Patrick est un rebelle. Dans son jeune temps, il en avait fait tomber de la donzelle avec sa tignasse gominée et sa bécane chromée. Un mauvais garçon à l'ancienne, quand le rock avait encore une mélodie et un "king" pour le rendre sexy. D'ailleurs, Patrick, punk un jour, punk toujours, ne se départit jamais de ses santiags, même au lit malgré les remontrances nombreuse de l'infirmière. Ce n'est pas à quatre-vingt-dix balais - "qu'il n'a pas dans le cul, lui !" - qu'on allait le faire changer. Il se plait, lui, dans cet atmosphère chaotique d'Apocalypse où ses vieux numéros de Métal Hurlant deviennent réalité, et le haras du bon Gaff est de loin la maison de retraite la plus cool où il n'est jamais été.

Cette nuit, Patrick va encore faire des siennes.
Il le sait.
Andrew le sait (mais restera au lit ce coup-ci, il a failli y laisser sa hanche lors de la dernière escapade.)
Même la jolie pépé qui fait les yeux doux au Doc s'en doute et il compte bien là dessus.
C'est toujours mieux quand on a du public.

Sans un bruit, le vieil homme sort de son lit qu'il rembourre d'oreillers et de paille pour bomber la couverture et attrape son dentier dans son verre à trempette. Ses bonnes vieilles santiag aux pieds, il file en douce du dispensaire en direction de la Forêt aux Fées...

- Ciaos, les natchos ! souffle-t-il dans l'obscurité. Cette fois-ci j'me pette pour de bon.

***

Salomon ouvre grand les yeux, le coeur battant, la respiration courte, le corps bizarrement tendu.
Il a encore fait ce drôle de songe où Octavia dans un déshabillé de dentelles rouge sang se glissait dans son lit pour venir se blottir contre lui. Son corps voluptueux frôlait sa peau comme autant de brins d'herbes lascifs, mettant sa volonté -et une certaine partie de son anatomie- au supplice. Alors que la belle Marquise bécotait sa peau frissonnante, il découvrait que sa tête reposait sur les cuisses de Jhaelynra, lui câlinant le front avec douceur. Alors qu'Octavia lui croquait amoureusement les angles de sa mâchoire jusqu'aux oreilles, L'Agneau sacrée lui demandait avec tendresse si il l'aimait. Son indécision quant à la réponse le menait invariablement à un abandon honteux et dévorant dont il se réveillait toujours fiévreux... et physiologiquement très crispé.

Des coups sont portés à sa porte et il s'active dès lors à trouver un pantalon pour couvrir l'ignominie de ses rêves sulfureux.

- Plait-il ? fait-il en ouvrant à la volée, ébouriffé et la mine encore hagarde.

Voilà.
Elle y était.
La limite de ce que la Marquise pouvait supporter d’imbécilité humaine.
Franchement, la première fois, qu’elle avait constaté la fugue nocturne des patients indisciplinés de Salomon, elle avait trouvé cela irrévérencieux et drôle.
La deuxième, adorable.
La troisième commençait déjà à sentir le réchauffé.
Et toutes les autres, franchement stupides.

Elle n’avait aucune idée de ce que cherchait ce vieillard si ce n’est de mourir prématurément. Pourquoi pas après tout ? Mais le ramdam qu’il provoquait à chaque fois lui faisait lever les yeux au ciel.
Il faisait tout cela en pleine conscience évidemment.
Si bien que lorsqu’elle passe devant sa couche vide – croit-il vraiment que ces pauvres coussins donneraient l’illusion d’un corps ? Il n’a même pas essayé de la tromper… – elle hésite un instant à ne faire comme si de rien n’était. Ça n’est pas parce qu’elle a du mal à s’endormir la nuit venue que cela fait d’elle une geôlière ou pire… une baby-sitter.

Elle pousse un soupir si lourd qu’Andrew, profondément endormi, a un petit ronflement sonore en réponse.
- Vous avez été mieux inspiré vous…

Octavia se masse les tempes, ressert la ceinture de son kimono (enfin celui de Salomon mais peu importe) puis se téléporte jusqu’à la porte du Jardinier sur laquelle elle frappe fermement.
L’air hagard de celui-ci lui indique qu’elle vient de le réveiller et cela ne fait qu’accroitre son agacement contre le vieux sénile.

- Plait-il ?
- Navrée de vous réveiller. Patrick. Encore une fois. Inutile qu’elle développe. Seul. Je vous laisse gérer la situation à votre guise. C’est vous son praticien après tout. Petit tapotement de commisération sur son bras. Bon courage Salomon ! lance-t-elle prête à retourner dans sa cha... son espace de vie ouvert aux quatre vents.

Les yeux du démon chutent sur la plaisante -et troublante- vision d'Octavia. Il lui faut quelques secondes pour chasser les images parasites de son rêve encore frais.

- O.. octavia .. Tu ...Il se frotte les yeux pour se reprendre. Vous...
- Navrée de vous réveiller.
- Que se passe-t-il ?
- Patrick. Encore une fois.

Le jardinier pousse un soupire à fendre l'âme et se masse les tempes.

- Seul.
- Merveilleux.
- Je vous laisse gérer la situation à votre guise.
- Vous m'abandonnez ?
- C’est vous son praticien après tout. Bon courage Salomon !
- De grâce ! Ne laissez pas un pauvre Jardinier en carence de sommeil face à l'ampleur de cette tâche ! gémit-il avec une petite moue d'enfant contrarié.

Pour le coup, il ressemble en tout point à un oisillon dépenaillé qu'on aurait jeté hors de son nid et lui lâchant un simple "vole", sans préambule ni consigne.

- Je ne sais même pas par où il s'en est allé cette fois...

L'idée le traverse de repousser la traque du grabataire rebelle au lendemain, mais il se souvient alors de la pathologie du patient.

- Patrick souffre de démence fronto-temporal, ce qui favorise sa... désinhibition. Jusqu'à présent cela ne s'est manifesté que par des crises comportementales bégnines, mais si cela dégénère en pleine Faërie et qu'il offense un sidhe... Je n'ose imaginer les retombées funestes...

- Vous m'abandonnez ?
- Tout de suite les grands mots ! Vous êtes un démon plein de ressources... vous vous en sortirez à merveille. Et puis… c’est vous son praticien après tout. Bon courage Salomon !
- De grâce ! Ne laissez pas un pauvre Jardinier en carence de sommeil face à l'ampleur de cette tâche !

Octavia se retourne et se laisse attendrir quelques minutes par son petit air complètement perdu. Si perdu qu’il a failli la tutoyer. Non pas que la chose lui semble terrible. Cela traduit simplement une intimité… et bien qu’ils partagent à vrai dire… ou alors ce lapsus est seulement un symptôme de ce fameux manque de sommeil.  
Elle le contemple, bras croisés sur sa poitrine.

- Pourquoi manquez-vous de sommeil Salomon ? Vous aussi vous courrez la campagne jusqu’à des heures indues ?
- Je ne sais même pas par où il s'en est allé cette fois...
Elle hausse les épaules.
- Je ne suis pas plus avancée que vous. Et je n’ai aucun don pour la traque… ou la chasse, appelez cela comme vous voulez.
- Patrick souffre de démence fronto-temporal, ce qui favorise sa... désinhibition.
Octavia hoche la tête.
- Oui j’ai pu le constater lorsqu’il m’a touché les fesses pas plus tard qu’hier matin.
- Jusqu'à présent cela ne s'est manifesté que par des crises comportementales bégnines…
- Dites cela à mon postérieur.
- … Mais si cela dégénère en pleine Faërie et qu'il offense un sidhe... Je n'ose imaginer les retombées funestes...

Elle est à deux doigts de lui dire qu’elle n’est pas là pour cela mais ses yeux suppliants finissent de l’achever.

- C’est parfaitement injuste ce que vous faites, vous savez ? A me regarder de cette façon comment voulez-vous que je vous dise non ?  
Pieds nus, décoiffée et en kimono de soie, la voilà donc partie à la chasse au Patrick sénile. Elle attrape la main de Salomon et les amène directement à l’orée de la forêt.
- Bien ! Autant être efficace. Essayez donc de communiquer avec les arbres comme vous l’avez fait pour retrouver ce jeune homme. Il ne doit pas être bien loin ! Patrick a la capacité pulmonaire d’un escargot asthmatique. Même si la perceptive de vous emmerder religieusement semble lui donner des ailes.

Oui la Marquise s’avère particulièrement grinçante lorsqu’on l’oblige à courir à la pleine …
Elle pose soudain sa main sur celle de Salomon, tournant son visage éclairé par la lueur laiteuse de l'astre nocturne.  
- Très cher… combien y’a-t-il de loups garous actifs dans le coin ? Nous ferions effectivement mieux de le retrouver au plus vite. Entier de préférence.
Bravo…
Maintenant elle s’inquiète vraiment pour cet imbécile d’humain !

- C’est parfaitement injuste ce que vous faites, vous savez ?
- Quoi donc ?! Vous exposer les retombées plausibles de cette échappée belle ? Demande Salomon, stupéfait .
- A me regarder de cette façon comment voulez-vous que je vous dise non ?

Le démon bat des cils avec une certaine incompréhension, puis une hypothèse fait jour à mesure qu'un petit sourire ourle sa bouche.

- Dois-je mettre cela sur le compte de mes "charmes" ? s'enquiert-il innocemment.

La Marquise élude d'un air agacé.

- Bien ! Autant être efficace. Essayez donc de communiquer avec les arbres comme vous l’avez fait pour retrouver ce jeune homme.
- Marcus ? Je n'avais pas exactement procédé ainsi mais...
- Il ne doit pas être bien loin ! Patrick a la capacité pulmonaire d’un escargot asthmatique. Même si la perceptive de vous emmerder religieusement semble lui donner des ailes.
- Avez-vous remarqué que vos excès d'autoritarisme s'accompagne souvent de jurons... note-t-il avec un soupçon d'attendrissement, alors qu'il la couve de son regard.

Certaine femme porte l'irritation comme un bijou précieux, Octavia est de celles-là. N'est-il pas un peu toqué pour trouver que la demoiselle est fort jolie lorsque l'énervement la taquine ? Sans doute les reliquats de ce rêve sulfureux indigne pèse-t-il encore sur ses pensées. L'obscurité relative masque ses joues échauffées et il bénit la pleine lune d'être si blafarde.

Une seconde...

Lui ôtant les mots de la bouche, Octavia semble s'être faite la même réflexion.

- Très cher… combien y’a-t-il de loups garous actifs dans le coin ?
- Depuis la mort des Vulpes, quatre : son seul rescapé, Tristan Babhdán, la jeune Hina -la petite palefrenière- et son compagnon Scott, et un loup solitaire qui vient régulièrement se réapprovisionner ici du nom de Fenrir Lasota. Mais nous ignorons s'il en existe d'autres non recensés. Quoi qu'il en soit, Patrick est en danger.
- Nous ferions effectivement mieux de le retrouver au plus vite. Entier de préférence.
- Je ne peux qu'abonder dans votre sens !

Les traces du passage de Patrick gagnent la lisière du bois. Le Jardinier pose sa main sur le premier arbre qu'il trouve : un gros chêne noueux.

- Cher cousin, pardonnez-moi cette intrusion cavalière dans la quiétude de votre existence, mais je suis face à un état d'urgence. Un vieil humain s'est égaré dans la forêt. Il n'a plus toute sa tête et risque d'aller au devant du danger. C'est une nuit de chasse pour les loups...

Dans un premier temps, il ne se passe rien, puis une brise légère bruisse parmi les frondaisons et semble se répandre parmi les tronc.

- Merci, vénérable, fait le démon en hochant la tête. Il se tourne vers sa comparse. Le message est passé, dès qu'ils l'auront localisé, il nous le feront savoir. En attendant, il faut le pister nous même...

Un hurlement lupin des plus funestes ponctue sa tirade.

- Avez-vous remarqué que vos excès d'autoritarisme s’accompagnent souvent de jurons...
Octavia lui lance un coup d’œil torve.
- Moi ? Autoritaire ? Et de mauvaise foi, elle sait parfaitement qu’elle a tendance à l’être. Surtout lorsqu’elle est agacée. J’ai dépassé mon seuil de patience, semble-t-il. J’ai beau être morte, c’est encore du sang latin qui coule dans mes veines.

Et elle se considère comme tout à fait pondérée… d’ordinaire. Mais un autre problème vient s’empiler sur celui qu’ils possèdent déjà.  

- Très cher… combien y’a-t-il de loups garous actifs dans le coin ?
- Depuis la mort des Vulpes, quatre : son seul rescapé, Tristan Babhdán, la jeune Hina -la petite palefrenière- et son compagnon Scott, et un loup solitaire qui vient régulièrement se réapprovisionner ici du nom de Fenrir Lasota. Mais nous ignorons s'il en existe d'autres non recensés. Quoi qu'il en soit, Patrick est en danger.
- Des êtres sensés à priori. Mais dans le doute, nous ferions effectivement mieux de le retrouver au plus vite. Entier de préférence.
- Je ne peux qu'abonder dans votre sens !

Elle le laisse exécuter son appel et sourit en coin en entendant sa très grande politesse et sa verve coutumière. Elle n’est pas certaine que le vocabulaire arbre inclus autant de mots mais après tout, qu’en sait-elle.
La démone se trouve un peu déçue de ne rien voir de spécial pendant ce phénomène et sa moue le traduit. Aucun bruit, aucune lumière, aucune manifestation qu’il se passe quelque chose d’ailleurs. A peine une légère brise vient-elle ébouriffer ses cheveux.

- Merci, vénérable
- Et alors ?
- Le message est passé, dès qu'ils l'auront localisé, ils nous le feront savoir. En attendant, il faut le pister nous-même...

- Le pister nous-même… répète-t-elle. Ah ! Par tous les dieux du Mont Olympe... Le hurlement lupin ne fait rien pour calmer le gloussement qui lui échappe. Est-ce le moment où je me penche sur des traces qui pourraient tout à fait être celles d’une biche en ayant l’air très concentrée ? Je n’ai aucune espèce de talent pour cela, je vous l’ai dit, Salomon.  

Être prise en défaut n’est pas un sentiment agréable pour la démone efficace et pleine de ressources qu’elle est. Donnez-lui une situation diplomatiquement tendue et elle saura y répondre mais elle n’entend rien à … ce genre de chose.

- Ne serait-il pas plus judicieux que j’aille vous quérir Cazdyan ? Ou n’importe qui de plus compétent en la matière ?
Enfin si seulement elle savait où le Leshi dort… A la réflexion, un arbre a-t-il besoin de repos ? Elle tente de prendre le problème sous un angle plus logique.
- Où se rend-il d’ordinaire ? A-t-il un « modèle » de fuite et un but dans tout cela ?

- Le pister nous-même… Ah ! Par tous les dieux du Mont Olympe...Est-ce le moment où je me penche sur des traces qui pourraient tout à fait être celles d’une biche en ayant l’air très concentrée ?
- Vous perdez vos moyens, ma chère. Je sens comme un effritement certain de vos nerfs.
- Je n’ai aucune espèce de talent pour cela, je vous l’ai dit, Salomon.
- Nous ne sommes point chasseurs mais nous possédons d'autres ressources, déclare le Jardinier, très calme.
- Ne serait-il pas plus judicieux que j’aille vous quérir Cazdyan ? Ou n’importe qui de plus compétent en la matière ?
- Doutez-vous de mes capacités, Marquise ? Je pourrais en prendre ombrage, à force. C'est moi que vous êtes venue quérir, pas Cazdyan. Navré que vous ne puissiez disposer de mieux.

Le démon rajuste le châle qu'il a jeté sur ses épaules avant de partir, avec la superbe d'une cape et s'accroupit pour enfoncer profondément ses phalanges dans la terre.

- Où se rend-il d’ordinaire ? A-t-il un « modèle » de fuite et un but dans tout cela ?
- Silence, coupe impérieusement Salomon avec une autorité dont il fait rarement démonstration, et surtout pas avec elle.

Ses prunelles verdoient, poinçonnant l'obscurité de deux points néons irradiants. Relié à la terre, à toutes les formes de vie qui la foulent, il cartographie leur présence sur un périmètre qu'il étend au maximum de ses perceptions : faune, flore, sidhes et humanoïdes... Le battement de coeur affolé, brulant, de la démone couvre presque tous les autres signes qu'il pourrait capter. Pourtant, faiblement, il croit entrevoir une forme de vie au nord-ouest qui s'enfonce au plus profond des territoires de la Faërie. Lentement, il ferme les yeux et se redresse avec cette grâce dont il est coutumier.

- Il y a quelque chose par là. Ce peut-être lui, comme ce peut-être un sidhe ou un autre humanoïde. C'est de chair, en tous cas.

Il ouvre la marche sans attendre.

- Pour répondre à votre question, Patrick à promis à sa petite fille d'attraper la petite souris. Il a surveillé la première dent de lait perdue de cette dernière et croit avoir pisté le dit rongeur jusqu'à son repère. Depuis, il cherche à retrouver le dit-repère. J'ai tendance à penser que ce ne sont là que fariboles, mais nous sommes jumelés à la Faërie. Tout est possible.

- Doutez-vous de mes capacités, Marquise ?
- Nullement. C’est mon rôle dans tout cela qui me pose question.  
- Je pourrais en prendre ombrage, à force.
- Vous pourriez, mais cela serait vraiment contreproductif pour ne pas dire inutile puisque vous prendriez la mouche sur des suppositions tout à fait erronées. Je suis désolée si vous l’avez pris pour vous. Il n’était pas dans mon intention de vous froisser.
- C'est moi que vous êtes venue quérir, pas Cazdyan. Navré que vous ne puissiez disposer de mieux.
Elle se tourne vers lui, étonnée.
- Etes-vous en train de me faire une crise de jalousie, carrisime ? Vu son attitude cela semble tout à fait possible. La Marquise secoue la tête. Je vous proposais un meilleur assistant, Salomon. Procédez donc, monsieur le spécialiste bafoué par mes malheureux doutes quant à ma personne. Où se rend-il d’ordinaire ? A-t-il un « modèle » de fuite et un but dans tout cela ?
- Silence.

La démone pince les lèvres en fronçant les sourcils. Parfait. Il est donc avéré qu’elle ne sert à rien. Elle l’observe sans mot dire et sans bouger alors qu’il enfouit ses doigts dans la terre, le regard vert perçant.

- Il y a quelque chose par là. Ce peut-être lui, comme ce peut-être un sidhe ou un autre humanoïde. C'est de chair, en tous cas.

Elle hausse les épaules et se met en marche au même instant que le démon. Entre cela ou rester ici à ne rien faire…

- Pour répondre à votre question, Patrick a promis à sa petite fille d'attraper la petite souris.
- La petite souris ? Qu’est-ce encore que cela ? lance-t-elle.
- Il a surveillé la première dent de lait perdue de cette dernière et croit avoir pisté le dit rongeur jusqu'à son repère. Depuis, il cherche à retrouver le dit-repère.
- Mais enfin dans quel but ?
- J'ai tendance à penser que ce ne sont là que fariboles, mais nous sommes jumelés à la Faërie. Tout est possible.
- Nous le saurons rapidement, j’imagine. Néanmoins sa rapidité de marche me pose question. Il aurait réussi l’exploit de nous devancer de la sorte ?

Elle préfère garder le silence pendant le trajet qui les rapprochent – ou non – de l’être qu’a senti Salomon. Elle espère sincèrement qu’il s’agit de Patrick et qu’ils puissent regagner le ranch.  

Lui ? Jaloux ?
L'idée ne l'a même pas effleurée.
Peut-être un tantinet.
Trois fois rien.

- Pour répondre à votre question, Patrick a promis à sa petite fille d'attraper la petite souris.
- La petite souris ? Qu’est-ce encore que cela ?
- La fée des dents si vous préférez. Une croyance folklorique qui accompagne la perte des premières dents d'enfant. En mettant sa dent fraichement tombée sous son oreiller avant d'aller se coucher, l'enfant retrouve une piécette au réveil. Il a surveillé la première dent de lait perdue de cette dernière et croit avoir pisté le dit rongeur jusqu'à son repère. Depuis, il cherche à retrouver le dit-repère.
-Mais enfin dans quel but ?
- Je crois que nous sous-estimons souvent la puissance des liens familiaux. Avec l'Apocalypse, la petite pensait que la Petite Souris ne passerait plus, qu'elle était peut-être morte. Ce cher Patrick a simplement voulu lui prouver le contraire. J'ai tendance à penser que ce ne sont là que fariboles, mais nous sommes jumelés à la Faërie. Tout est possible.
- Nous le saurons rapidement, j’imagine. Néanmoins sa rapidité de marche me pose question. Il aurait réussi l’exploit de nous devancer de la sorte ?
- Où il s'est trouvé une sorte de véhicule ?

A mesure qu'ils cheminent au travers des troncs et enjambent des racines, dans la simplicité de leurs atours de nuit, la forêt semble se faire plus dense. Les fées mineurs d'ordinaire si promptes à venir batifoler auprès des promeneurs sont absentes, comme si elles mêmes craignaient un danger invisible. L'idée que Patrick ait pu aller aussi loin avec ses jambes de vieillard est aussi troublante qu'improbable.
Pourtant c'est sa voix qui finit par filtrer entre les troncs.

- Tout doux ! Touuut doux mes jolies. J'veux juste qu'on discuuute ...

Le grabataire semble tenter de négocier avec une masse grouillante, accrochant la clarté lunaire. Un amas de petites créatures frétillantes et agitées qui poussent une symphonie de petits couinements furieux.
Des souris.

- Allez quoi, les filles... Vous ne m'avez pas amené jusqu'ici pour me bouffer... Le ton de Patrick se fait moins certain. ... Hein ?

Si on omet la situation plutôt urgente et inquiétante, il y a quelque chose d’assez exaltant à marcher pieds nus entre les racines sous la pâle lumière lunaire.
Des souvenirs très lointains refont surface dans l’esprit d’Octavia qui lève le tissu du kimono sur ses jambes nues pour éviter de l’abimer à mesure qu’ils s’enfoncent dans la forêt.
Attirés par la voix de Patrick qui se fait de plus en plus nette, ils pressent le pas.
La scène qui les attend alerte aussitôt la jeune femme qui lit parfaitement la menace que représente les rongeurs en colère. La situation requiert une intervention d’urgence avant qu’elle n’empire.

- Salomon, pouvez-vous tenter d’exfiltrer ou d'éloigner Patrick ?

En un battement de cil et une légère odeur de souffre, elle se trouve soudain devant Patrick, tout près de lui, faisant barrage de son propre corps face à la horde furieuse.

- Allez quoi, les filles... Vous ne m'avez pas amené jusqu'ici pour me bouffer... Hein ?
- Que croyez-vous donc Patrick ? siffle la démone entre ses dents. Elles ne vous ont pas conviées pour un thé. Reculez doucement vers Salomon et pas de mais !

Elle reporte ensuite toute son attention vers les rongeurs et déclare d’une voix claire, les mains légèrement levées en signe universel de paix. Mais aussi pour attirer l’attention des souris sur elle.

- Chères faes, je suis navrée si notre compagnon vous a importunées. Je conçois parfaitement que vous en conceviez du ressentiment. Toutefois il n’y avait là aucune volonté de vous nuire. Il souhaitait simplement vous rencontrer. La chose étant faite, nous allons nous en retourner si vous le permettez et vous promettre de ne plus chercher à vous revoir. N’est-ce pas Patrick ? Tout bas, elle ajoute. Je suis certaine que votre petite fille tient bien plus à vous qu’à sa petite souris.

- Que croyez-vous donc Patrick ? Elles ne vous ont pas conviées pour un thé.
- Octie ?! Qu'est-ce tu fous là ma jolie ? s'étonne le vieil homme avec sa familiarité proverbiale d'homme du peuple qui ne manquera pas de froisser la Marquise.
- Nous sommes ici pour sauver vos abatis, déclare Salomon, poing sur les hanche avec sa cape son châle de super héros.
- Doc'!!! M'avez suivi aussi ? Ou.. ptêt que vous vous faisiez un petit rendez-vous grivois dans les bois...
- Reculez doucement vers Salomon et pas de mais ! coupe Octavia fort énervée.
- Je serais vous j'obtempérerais en silence, mon cher,
souffle le Jardinier.
Le démon attrape doucement mais fermement le grabataire par l'épaule et le poste derrière lui, faisant rempart courageusement de sa personne.

- Chères faes, je suis navrée si notre compagnon vous a importunées. Je conçois parfaitement que vous en conceviez du ressentiment. Toutefois il n’y avait là aucune volonté de vous nuire. Il souhaitait simplement vous rencontrer. La chose étant faite, nous allons nous en retourner si vous le permettez et vous promettre de ne plus chercher à vous revoir. N’est-ce pas Patrick ?
- Bah en fait...
- Je suis certaine que votre petite fille tient bien plus à vous qu’à sa petite souris, intime Octavia pour la survie de ce vieil imbécile.

L'argument semble faire mouche et le vieil homme baisse le regard penaud.

- Pourquoi ? fait une voix féminine qui claque sobrement au dessus de la nuée de rongeurs. Pourquoi souhaite-t-il tant me rencontrer ?

Une femme à la blondeur lisse, à la beauté de poupée, darde ses grands yeux gris et froids sur les trois représentants de l'Humanité, égarés dans ces bois. Elle est toute habillée de satin rose et de dentelles blanches et crémeuses. Elle tient à la main une flûte traversière taillée dans une écorce sombre et antique. Son apparition est soudaine comme si elle avait émergée du maëlstrom de souris s'écartant comme un rideau vivant. De part et d'autre de sa personne, les minuscules bêtes semblent se prosterner comme des sujets.

- Que désirez-vous de la Fée des Dents, "Patrick" ?
- Une 'tite selfie, ce serait possible ? demande l'interpellé en dégainant un téléphone portable à l'écran ébréché.
- Une quoi ??!! fait la fée comme si elle suspectait une insulte.
- Une photo, pour prouver à ma p'tite Mary qu'vous existez, comprenez ? Avec l'Apocalypse, tout ça.... Ben... Elle avait peur que vous vous occupiez plus des dents d'lait.
- C'est ma source première de nourriture, je ne vais pas me laisser dépérir, répond sèchement la - décidément- peu agréable fae. Une fae sans ailes d'ailleurs.
- Vous vous nourrissez d'émail ? s'intéresse brusquement Salomon. C'est fascinant ! Je suis curieux de savoir comment votre système digestif assimile la chose. Pourquoi êtes vous dépourvue d'ailes ? Je croyais que toutes les fées en étaient dotées.
- Pourquoi vous promenez-vous à moitié nus une nuit de lune pleine à part pour servir de buffet gratuit aux Garous de tous poils ? réplique vertement la fée des dents.

Salomon se tourne vers Octavia avec un air surpris.

- Etait-ce impoli de demander ?
- Hé... euh.... Ma photo alors ? reprend Patrick, focalisé sur les vrais sujets.

Un nouvel hurlement lupin se fait entendre, dangereusement proche...

Octavia se masse les tempes, sentant poindre une migraine carabinée à mesure qu’elle se sent devenir la seule adulte raisonnable dans cette étrange assemblée. Migraine qu’elle ne devrait même pas ressentir vu son métabolisme. Signe qu’elle a atteint un seuil critique.
Entre un vieil imbécile sénile qui n’a nulle conscience de son environnement et de ses dangers, un génie à l’instinct de survie proche du néant et une fae adolescente aussi soupe au lait que certains démons, elle a soudainement l’impression d’être une directrice de colonie de vacances.

Ah ! Et évidemment, il faut rajouter à cela les hurlements lupins de plus en plus proches.

- Ca suffit ! persiffle-t-elle à l’intention des deux mâles de l’assistance, ayant décrété que pour l’instant, la fae ne représentait plus la menace la plus urgente. Patrick, cessez immédiatement de parler. Mary n’a nullement besoin d’une preuve de l’existence de la demoiselle, elle s’en est passé depuis tout ce temps. Elle continuera bien à se satisfaire de notre parole à tous les trois. Salomon, personne ne pose ce genre de questions indiscrètes si vous n’y avez pas été invité de prime abord ! De plates excuses sont donc de rigueur. Maintenant, veuillez cesser vos enfantillages, les Loups se rapprochent.  

Enfin elle se tourne vers la fae ayant repris une profonde inspiration pour calmer sa contrariété.

- Veuillez pardonnez mes compagnons. Tout ce que nous souhaitons c'est rentrer au plus vite, sain et sauf si possible et vous laissez vaquer à vos occupations en vous assurant que vous ne nous verrez plus de sitôt !

Du coin de l’œil, elle surveille le côté des arbres d’où les hurlements leur parviennent et se déporte pour se trouver entre Patrick et les créatures en chasse.

- Salomon ? Le corps de Patrick est-il apte à supporter une téléportation ? Si c’est le cas je vous suggère de l’effectuer au plus vite. Je vous suivrai ensuite.

La Marquise explose et chacun en prend pour son matricule. Le grabataire rebelle range son smartphone, penaud, et Salomon exécute une courbette surannée suivie d'excuses ampoulées. La Fée des dents pose un regard nouveau sur la petite brune qui semble détenir toute autorité.

- Je ne savais pas que le matriarcat était devenu de rigueur dans le Monde Ordinaire, je vais peut-être y revenir...
- Veuillez pardonnez mes compagnons.
- Laissez-moi étudiez la question....
- Tout ce que nous souhaitons c'est rentrer au plus vite, sains et saufs si possible et vous laissez vaquer à vos occupations en vous assurant que vous ne nous verrez plus de sitôt !
- Un souhait qui a le don de me plaire mais qui me semble on ne peut plus naïf en ce qui concerne les épithètes de "sains" et "saufs".
- Salomon ?
- Oui, très chère ?
- Le corps de Patrick est-il apte à supporter une téléportation ?
- D'la téléportation ? Comme dans Star Trek ! ? Andrew va être trop vert !
- Si c’est le cas je vous suggère de l’effectuer au plus vite. Je vous suivrai ensuite.
- Je vous le déconseille, humaine. L'intrication des réalités modifie la topographie surtout en période de pleine lune. Votre téléportation pourrait s'avérer hasardeuse voir mortelle.
- Oh ! Comme sieur Hierra s'étant retrouvé coincé dans le tronc d'un arbre-prison du Bosquet des Murmures ?
- Par exemple...

Cette anecdote semble beaucoup amuser la Fées des dents dont les lèvres s'ourlent d'un vilain sourire. Une petite souris blanche se perche alors sur son épaule et  baragouine quelque chose à son oreille.
Les loups sont là, tout proches. Ils hument certainement la fragrance irrésistible de la chair fraiche - ou presque eût égard de l'âge et de la nature des proies. Cela ne semble pas presser la majestueuse fae en mousseline rose.

- Es-tu certaine de ce que tu avances, Tomasine ? s'enquiert sa maitresse. Elle fixe Patrick de ses prunelles d'acier. Bien, comme tu voudras... Tomasine vient de plaider en votre faveur. Je consens donc à sauver vos misérables et insignifiantes existences pour cette nuit. Alignez-vous derrière moi je vous prie.

Portant la flûte à sa bouche, la Fée des dents entonne une trille irrésistible qui met immédiatement en branle le magma de rongeurs. Se glissant sous les pieds des trois égarés, les rats forment comme un tapis roulant qui se meut au rythme des notes, les emportant dans un cortège surréaliste.  La mélopée guillerette semble tenir à distance les prédateurs menaçants dont ils croisent les silhouettes floues sur leur passage. La procession va à une vitesse qui ne cesse de s'accroitre jusqu'à dépasser la puissance de tout engin motorisé.
Finalement, l'étrange cavalcade prend fin dans une clairière où trône une adorable maisonnette composée... de pain d'épice et de sucreries.

- Entrez, chers invités, déclare leur hôtesse avec une expression peu rassurante. Mais surtout, ne mangez rien que je ne vous ais préalablement servi. Croquer ma chaumière vous enchainerait à elle pour l'éternité....

- Je vous le déconseille, humaine.
- Je ne suis plus humaine depuis longtemps, ma chère, rétorque tranquillement Octavia. Pourquoi donc ?
- L'intrication des réalités modifie la topographie surtout en période de pleine lune. Votre téléportation pourrait s'avérer hasardeuse voire mortelle.
- Oh ! Comme sieur Hierra s'étant retrouvé coincé dans le troc d'un arbre-prison du Bosquet des Murmures ?
- Par exemple...
- Je l’ai pourtant effectué sans problème jusqu’à présent. Tout comme vous, Salomon.

Octavia plisse les yeux en dévisageant la fae, bien décidée à ne prendre aucune parole de cet être pour argent comptant. Et le sourire qu’elle arbore ne lui plait nullement.
Elle ne sait pas qui est cet Hierra mais il n’est certainement pas un démon. Elle en a rapidement fait le tour parmi les survivants. Et puis rien ne semble avoir de logique ou de sens ici. La règle chez l’un ne s’applique pas forcément chez l’autre.

Elle n’a aucune envie de suivre la fae mais espère que leurs mésaventures nocturnes finiront ici et maintenant grâce à l’aide de leur exécrable « sauveteuse ». Elle ne pourra la qualifier de la sorte qu’à la condition qu’ils s’en sortent tous vivants.
Et ses inconscients compagnons sont déjà en place comme des touristes facilement manipulables.
Elle exècre par-dessus tout la sensation de la fourrure mouvante sous ses pieds nus et ferme les yeux pour se reconcentrer.
Ils ne sont pas à l’abri d’une entourloupe féérique.

Oh tiens ! N’en serait-ce pas une sous forme de charmante maisonnette ?
Que c’est étonnant…

- Entrez, chers invités. Mais surtout, ne mangez rien que je ne vous ai préalablement servi. Croquer ma chaumière vous enchainerez à elle pour l'éternité...
- Voilà qui est charmant ! Je n’ai jamais été adepte de sucrerie pour ma part, lâche-t-elle avec un sourire impeccablement poli. Merci d’avoir pris le temps de… porter secours à nos misérables vies mais nous n’allons pas vous suivre plus avant.

Elle tient fermement le bras des deux hommes pour les empêcher de faire toute idiotie, comme vouloir la suivre.
L’instinct de la Marquise lui ordonne de se tenir éloignée de ce lieu et c’est bien ce qu’elle compte faire.

- Maintenant que les prédateurs sont éloignés grâce à vous, nous allons rentrer. Patrick a besoin de soins réguliers et de sommeil. Tout comme nous d'ailleurs. Allons messieurs, pressons un peu, je ne tiens pas à sacrifier la totalité de ma nuit à gambader en forêt.

Son ton est ferme et n’admettra aucune réplique alors qu'elle les tire légèrement vers l'arrière. Maintenant qu’ils sont débarrassés des Loups, elle ne compte pas se jeter inconsciemment dans la gueule d’un autre.

- Voilà qui est charmant ! Je n’ai jamais été adepte de sucrerie pour ma part.
- Vous ne manquez pas de sel, humaine. Je puis le constater, déclare la blonde créature, amusée.
- Merci d’avoir pris le temps de… porter secours à nos misérables vies mais nous n’allons pas vous suivre plus avant.
- Bah pourquoi ?! demande soudain Patrick qui ne semble pas fleurer le moindre traquenard.

Octavia se doit d'insister, tandis que Salomon se fait étrangement silencieux. Il fixe la Fée des Dents avec une expression d'une neutralité imperturbable.

- Maintenant que les prédateurs sont éloignés grâce à vous, nous allons rentrer. Patrick a besoin de soins réguliers et de sommeil.
- Je ne peux qu'abonder en ce sens, déclare finalement le Jardinier des Enfers d'un ton pensif.
- Tout comme nous d'ailleurs.
- Mais ! Heeey ! C'est pas si souvent qu'on peut visiter l'cabanon d'la Fée des Dents ! J'avais pas réussi à retomber d'sus d'puis la der !
- Allons messieurs, pressons un peu, je ne tiens pas à sacrifier la totalité de ma nuit à gambader en forêt.
- AH! lâche brusquement le démon. Je comprends mieux ce qui me chiffonnait ! Pardonnez-moi de revenir dessus mais mon cerveau grandiose ne peut supporter l'absence d'explication. Vous n'avez point d'ailes car vous n'êtes qu'à moitié Sidhe ! C'est pour cela que je retrouve dans votre code génétique des traces chromosomiques tout à fait humain.

La Fée des Dents perd tout sourire et son expression se décompose.

- Comment ... Vous ?!
- Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : L'un de vos parents était humain, vous avez choisi de renier une partie de votre nature pour devenir humaine, comme cette chère Urgèle...
- Ne me comparez pas à cette Bannie !
- Pourtant vous vivez recluse, comme elle. Ce qui tend à me faire penser que vous n'avez pas vos entrées à la cour de Titania.
- Taisez-vous, abominable épouvantail ! Je suis LA Fée des Dents.
- Sans doute pas la toute première en ce cas, si j'en crois la datation de vos os. Par ailleurs, le terreau que j'ai sous mes pieds est riche, ce qui signifie qu'il a abondamment été nourri en compost de premier choix et pour cela, rien de mieux que des corps en décomposition. Il doit y avoir bon nombre de cadavres sous votre bucolique cottage !

Son sourire bonhomme et ses déclarations laissent la sidhe interdite. Les traits de son visage hésitent entre colère indignée et blessure plus profonde.

- Je ne suis pas comme ma mère ! tente-t-elle de se justifier, telle une fillette prise en faute. Je n'attire pas les enfants avec cette maison de pain d'épice pour les tuer ! Je ne prends que ce dont j'ai besoin !
- Leur dents, de fait. J'entend bien. C'est fort louable de votre part. Pardonnez ma franchise, je ne souhaitais nullement vous porter atteinte. Malgré vos manières revêches ...
- Je ne vous permets pas, malotru !
-... Vous avez choisi de nous secourir, ce qui est gage, à mes yeux, d'un "bon fond" comme on le dit familièrement. En tant que démon, Miss Tiberia et moi même, avons souvent souffert de la défiance d'autrui. Mais les temps changent ! Nous ne pouvons répondre à votre invitation ce soir, mais l'honorons avec plaisir une autre fois. Passez nous voir à l'occasion !
- Allez-vous en !, bredouille la fae, quelque peu déconcertée par cette attitude singulièrement avenante. Que je ne vous revois jamais dans les parages !
- La bonne nuit à vous aussi ma chère !

le Jardinier attrape par les épaules la Marquise et le Fuyard et se téléporte avec eux jusqu'au haras des Gaffney.

Octavia suit l’échange avec attention, prête à intervenir à la moindre velléité violente de la part de la fae, qui semble se décomposer à vue d’œil face au discours de Salomon. Tout à leur échange, ni l’un ni l’autre ne remarquent les volutes de fumée qui s’enroulent paresseusement autour de ses doigts.
Au moment de quitter la fée des dents, elle se décale pour laisser le Jardinier et l’humain se téléporter sans elle, échangeant un bref coup d’œil avec Salomon.
- Je serais bien moins clémente que mon compagnon, déclare-t-elle à la fae abasourdie. Vous auriez pu nous ramener en lisière de forêt, en sécurité, mais vous avez préféré nous attirer ici. Si le motif m’échappe ce lieu pue effectivement la mort. Ce qui ne tend guère à vous faire confiance. De fait… restez éloignée du monde des humains, Mademoiselle la Fée de Dents.

Son avertissement donné, elle se téléporte à son tour devant la Grange où Salomon et Patrick discutent. Une colère froide la saisit en voyant à quel point ils sont passés à côté du pire. Elle sait bien que Patrick n’a plus toute sa tête et fait au mieux pour ravaler son ressentiment.
Elle se plante devant l’humain, bras croisés sur sa poitrine.  

- Que les choses soient claires, Patrick, lance-t-elle sur un ton bien trop calme et doucereux. La prochaine fois que vous vous mettez dans ce genre de pétrin, ne comptez sur personne pour venir à votre secours. Je ne donne alors pas cher de votre peau. Si votre trépas vous importe aussi peu que votre première chaussette, je vous invite à réfléchir à ceux qui tiennent à vous ici : votre famille, Andrew et toute la communauté de personnes âges. Que vous le vouliez où non vous en êtes un des piliers. Le monde est aujourd’hui assez terrible pour qu’ils n’aient pas à encaisser votre disparition, causée par votre manque total de considération et d’instinct de survie.
Elle lève la main alors qu’il ouvre la bouche.
- Je ne veux rien entendre ! Si je vous revoie quitter le dispensaire durant la nuit, je vous sédate ! Ai-je été claire ? Maintenant au lit et sans réveiller vos camarades.

Une fois Patrick rentré, elle se masse à nouveau les tempes, paupières closes, en poussant un soupir à fendre l’âme.

- Dieux que les humains sont épuisants…

Octavia échappe à l'étreinte de Salomon au dernier moment, le laissant quelque peu interdit à l'arrivée. Qu'a-t-elle voulu livrer comme message en privé à la Fée des Dents ? Peu lui chaut, finalement. La voilà déjà de retour auprès d'eux.
Surtout, de lui.

Patrick se fait passer un savon monumental sous le regard amusé du démon. Il pince les lèvres pour ne pas rire ostensiblement dans le dos de la Marquise alors que le vieil homme lui lance des œillades désespérées.

- Ne me regardez pas ainsi, Patrick. La parole de ma très chère Octavia est d'or et je partage son point de vue. Vos frasque doivent cesser. Mary préfèrera toujours un grand-père encore présent que des preuves qu'il est extraordinaire. Elle n'en a pas besoin, elle le sait déjà parfaitement.

Le grabataire, ému par les paroles des deux êtres démoniaques, bredouille des excuses mouillées et se montre extraordinairement obéissant. A l'avenir, il y a de fortes chances qu'il se montre docile face à toutes démonstrations d'autorité d'Octavia.

- Dieux que les humains sont épuisants…
- Les Dieux le sont tout autant...

Tout en glissant ces quelques mots à l'oreille de son amie, il pose ses doigts délicatement sur le crâne et les tempes de celle-ci pour lui masser.

- Souffrez-vous d'une migraine ? Je sens un début de congestion mais rien d'alarmant... fait-il tout en lui pétrissant le scalp d'un geste expert.

- Dieux que les humains sont épuisants…
- Les Dieux le sont tout autant...
- Au moins ont-ils le mérite de se faire discrets. Les miens en tout cas. J'ai eu la désagréable impression d'être de service de baby-sitting... y seriez-vous aller, sans mon intervention ? Chez la fée des Dents ? demande-t-elle par curiosité.

Sentant les doigts effilés de Salomon exercer des points de pression précis sur son crâne, Octavia se laisse aller, la tête légèrement penchée vers l’arrière. Elle exhale un profond soupir de satisfaction.

- Mmm cela fait un bien fou… gémit-elle.
- Souffrez-vous d'une migraine ? Je sens un début de congestion mais rien d'alarmant...

Elle émet un petit rire, gardant les yeux fermés. Elle est si alanguie à présent qu’elle n’est pas loin de s’appuyer contre la haute silhouette du Jardinier.

- Sans doute que de courir en pleine forêt à la recherche d’un humain sénile en beau milieu de loups affamés et d’une fae peu amène a eu raison de mes nerfs. Cela passe grâce à vos manipulations expertes. Quelle histoire tout de même… j’ai connu nombres de démons plus dociles que ce diable d’homme ! Elle garde un instant le silence, maltraitant sa lèvre inférieure de ses dents. Ai-je été trop dure avec Patrick ? Le pauvre m’a semblé particulièrement penaud. Mais il n’a pas eu l’air de saisir un seul instant le danger qu’il a couru cette nuit… Pensez-vous qu’il soit nécessaire de monter la garde quelques instants pour s’assurer qu’il n’oublie pas nos mises en garde et de chercher à s’enfuir à nouveau ?

A vrai dire, elle n’aspire qu’à prendre du repos… et à nettoyer ses jambes et ses pieds, salies par l’humus et la terre. Elle finit par attraper délicatement le poignet de Salomon pour se retourner, dardant son regard dans le sien.

- Maintenant que vous avez résolu le mystère de la fée des Dents, promettez-moi vous aussi de ne pas chercher à la revoir… du moins pas seul. J’ai vu vos yeux briller de curiosité devant sa maison pâtisserie.  

Salomon sent Octavia ostensiblement se détendre sous ses doigts et en éprouve une profonde satisfaction. Il aime se savoir utile et il préfère la Marquise dans cette bien meilleure disposition.

- Sans doute que de courir en pleine forêt à la recherche d’un humain sénile en beau milieu de loups affamés et d’une fae peu amène a eu raison de mes nerfs.
- Ce fût une nuit haute en couleurs , je vous le concède. Vos nerfs m'apparaissent plus sensibles que je ne l'aurais cru de prime abord. Fort et fragile coquelicot que vous êtes... lui souffle-t-il avec une tendresse compatissante.
- Cela passe grâce à vos manipulations expertes.
- J'en suis heureux.
- Quelle histoire tout de même… j’ai connu nombres de démons plus dociles que ce diable d’homme !
- Ainsi s'avère l'humanité : déterminée et inventive. D'admirables qualités comme de terribles défauts. A l'aube de la fin, certain être sont animés d'une appétence urgente de vivre sans le moindre regret.
- Ai-je été trop dure avec Patrick ? Le pauvre m’a semblé particulièrement penaud. Mais il n’a pas eu l’air de saisir un seul instant le danger qu’il a couru cette nuit…
- Je ne le pense pas. Je ne suis guère expert en sentiments, loin s'en faut, mais j'ai plutôt eu la sensation que votre souci de sa personne, exprimée certes abruptement, l'a plutôt touché. Vous avez eu les mots justes, j'en suis persuadé.
- Pensez-vous qu’il soit nécessaire de monter la garde quelques instants pour s’assurer qu’il n’oublie pas nos mises en garde et de chercher à s’enfuir à nouveau ?

Le Jardinier a un petit rire étouffé et se laisse aller à déposer un baiser sur le haut de ce crâne agité d'angoisses.

- Je crois que vous en avez assez fait, et plus qu'il n'en faut encore, pour cette nuit.
- Maintenant que vous avez résolu le mystère de la fée des Dents, promettez-moi vous aussi de ne pas chercher à la revoir… du moins pas seul. J’ai vu vos yeux briller de curiosité devant sa maison pâtisserie.

Un pétillement inattendu fleurit dans la poitrine puis le ventre du démon.

- Aurais-je l'audace de déceler une quelconque inquiétude à mon propos, Marquise ?... Rassurez-vous ma seule intention présentement est de prendre soin de vous et de vos nerfs. Me faites-vous confiance, Octavia ? Il la couve d'un sourire bienveillant. Je vais vous demander de fermer les yeux et de ne pas les ouvrir quoi qu'il vous en coute. Laissez-vous simplement faire, entendu ? déclare-t-il d'une voix douce en recouvrant ses yeux d'une de ses grandes paumes élégantes.

L'atmosphère électrique, le changement de tessiture de l'air, le parfum de pétrichor, lui indiquent qu'ils se sont téléportés. Il y a un carrelage frais au contact de sa voute plantaire désormais.

- Je vous ai conduit dans la seule salle de bain du secteur disposant d'une baignoire. Cependant, je ne souhaite pas que vous vous sentiez oppressée par les murs, alors, gardez paupières closes et imaginez que nous sommes en extérieur, dans une source d'eau chaude et saine, d'accord ?

Il la fait asseoir avec beaucoup d'égard sur le rebord de la baignoire et fait couler l'eau et les sels de bain dans la cuve d'émail. Le temps qu'elle se remplisse, il saisit une éponge de bain qu'il mouille et essore. Agenouillé sur le tapis de bain, il s'emploie à nettoyer les pieds et les mollets crottés de terre et de poussière de la Marquise. Ses gestes sont d'une infinie délicatesse et ne s'accompagne d'aucun mot superflus, simplement de sensations. Le liquide ruisselant sur la peau nue, la caresse de doigts appliqués, la présence muette du Jardinier affairé qui n'existe que par ce parfum herbacé persistant, le clapotis tranquille de l'eau qui embue la faïence...

- Je ne le pense pas. Je ne suis guère expert en sentiments, loin s'en faut, mais j'ai plutôt eu la sensation que votre souci de sa personne, exprimée certes abruptement, l'a plutôt touché. Vous avez eu les mots justes, j'en suis persuadé.
La Marquise garde un instant le silence, soulagée que sa réprimande n’est pas été que cela.  
- Tant mieux. Si tout cela me met dans cet état c’est parce que … je ne souhaite pas que lui, ou les autres d’ailleurs, ne meurent trop vite. Pas avant que nous ayons autre chose à leur proposer pour leurs morts que de devenir une archive dans un dossier. Nouveau soupir. Voilà que je verse à nouveau dans le sentimentalisme. Pensez-vous qu’il soit nécessaire de monter la garde quelques instants pour s’assurer qu’il n’oublie pas nos mises en garde et de chercher à s’enfuir à nouveau ?

Le rire comme le baiser la surprennent et elle lève les yeux vers lui, sourcils froncés et faussement accusateurs mais véritablement embarrassés.

- Ne vous moquez pas !
- Je crois que vous en avez assez fait, et plus qu'il n'en faut encore, pour cette nuit.
- Maintenant que vous avez résolu le mystère de la fée des Dents, promettez-moi vous aussi de ne pas chercher à la revoir… du moins pas seul. J’ai vu vos yeux briller de curiosité devant sa maison pâtisserie.
- Aurais-je l'audace de déceler une quelconque inquiétude à mon propos, Marquise ?...
- C’est effectivement très audacieux, réplique-t-elle avec un petit sourire mystérieux qui ne dupe personne et qui ne le cherche même pas à vrai dire.
- Rassurez-vous ma seule intention présentement est de prendre soin de vous et de vos nerfs.
Elle ne peut s’empêcher de glousser joyeusement.
- Intéressant programme. Et inattendu. Il est bien rare que l’on prenne soin d’elle. Plus depuis des temps très lointain. Et comment comptez-vous vous y prendre ?
- Me faites-vous confiance, Octavia ?
- Evidemment.
La rapidité de sa réponse la surprend elle-même. L’absolue de cette confiance est aussi agréable que dangereuse mais elle se surprend à lui rendre son sourire.
- Je vais vous demander de fermer les yeux et de ne pas les ouvrir quoi qu'il vous en coute.
- Pourquoi ? Où m’emmenez-vous ?
Elle est aussi curieuse que légèrement sur la défensive.
- Laissez-vous simplement faire, entendu ?

Ses sourcils frémissent un instant tandis qu’elle le fixe quelques secondes. Puis elle s’exécute docilement alors qu’il dépose une main devant ses yeux clos.  
Elle sait qu’ils ne se trouvent plus devant la grange et la fraicheur du carrelage sous ses pieds la fait frissonner. Et puis… et puis elle comprend pourquoi elle doit garder les yeux fermés, où le Jardinier l’a conduite.
A l’intérieur d’une maison. Entre quatre murs. Quatre murs qui arrivent à l’écraser alors même qu’elle ne les voit pas. Un moment de panique l’a fait s’agripper à Salomon, la respiration raccourcie.

- Salomon, gémit-elle piteusement, où m’avez-vous amenée ?
Sous la paume du démon, tout son visage s’est crispé alors qu’elle n’en ferme que plus les paupières.  
- Je vous ai conduit dans la seule salle de bain du secteur disposant d'une baignoire.
- Pour… pourquoi ?
- Cependant, je ne souhaite pas que vous vous sentiez oppressée par les murs, alors, gardez paupières closes et imaginez que nous sommes en extérieur, dans une source d'eau chaude et saine, d'accord ?
- Ca… n’est pas un exercice facile, vous savez.

Sa voix est aussi blanche que son teint. Octavia a bien du mal à le lâcher lorsqu’il la guide vers de la faïence qu’elle agrippe si fort que les jointures de ses doigts deviennent aussi pâles que le reste de sa personne. Seuls la présence et le parfum de Salomon lui sont familiers.
De multiples sensations l’assaillent petit à petit : l’eau qui s’écoule, l’odeur d’un savon, la caresse de la soie qui révèle ses jambes - peut-être un peu plus haut que ne le voudrait la décence - puis celle des doigts de Salomon et de l’éponge sur son derme sensibilisé par sa perte de repères.

Sa profonde angoisse est toujours là, tapie au fond d’elle, prête à surgir. Mais petit à petit, elle se mêle à quelque chose de plus proche de la sensualité. Quelque chose de trouble et de doux à la fois. Le silence est lourd et ni l’un ni l’autre ne souhaite le briser. Inconsciemment, sa tête bascule lentement sur le côté puis vers le plafond, les yeux toujours fermement clos, les doigts accrochés à la baignoire.  

Jamais le toucher de ses esclaves, lorsqu’elle fut humaine, ne l’a mise dans cet état-là. C’est pourtant dans l’un de ces bains à ciel ouvert qu’elle fait de son mieux pour les imaginer, dans leurs plus simples appareils, prenant du bon temps à la lueur des bougies. Elle se sent fébrile, tendue à la fois par ses craintes et par tout autre chose. Sa respiration s’est calmée mais semble presque trop forte dans ce silence enveloppant.
Son esprit est partagé entre des souvenirs de terreur et de morts atroces et des images fantasmées accompagnées de pulsions bien plus inavouables.

Mais tout finit soudain et elle perd subitement la douceur des doigts de Salomon et celle de l’éponge. Deux repères qui s’avéraient essentiels pour maintenir ses craintes à distance. Alors, avant d’être submergée, l’une de ses mains libère la faillance et cherche désespérément le contact avec le démon. La retenue qu'elle exerce sur elle et ses nerfs, la fait légèrement trembler sans qu'elle ne s'en rende compte.

- Salomon ! implore-t-elle à voix basse.

La pulpe de ses doigts entre en contact avec la joue du Jardinier et s’y glisse délicatement jusqu’à ce que sa paume l’englobe parfaitement.
Octavia aimerait pouvoir le regarder à cet instant, aimerait savoir ce qu’il éprouve tout en se disant que son propre regard trahirait sans doute ce qu’elle-même ne peut avouer. Elle sert plus fort son autre main, mais cette fois dans l’espoir de contrôler toute envie inadéquate.

- Merci, chuchote-t-elle avec une esquisse de sourire. Je crois… je crois qu’il voudrait mieux que je quitte les lieux.

- Salomon, où m’avez-vous amenée ?
- Je vous ai conduit dans la seule salle de bain du secteur disposant d'une baignoire.
- Pour… pourquoi ?
- Pour vous faire couler un bain et vous délasser. Cependant, je ne souhaite pas que vous vous sentiez oppressée par les murs, alors, gardez paupières closes et imaginez que nous sommes en extérieur, dans une source d'eau chaude et saine, d'accord ?
- Ca… n’est pas un exercice facile, vous savez.
- Imaginez-vous dans l'un de vos thermes d'antan. Je serais l'un de ces esclaves m'occupant de votre toilette. Concentrez-vous sur ma voix, les bruits, ma seule présence, les sensations éprouvées. La réponse autonome du méridien sensoriel est une technique de relaxation qui a su faire ses preuves. Tout ira bien, je vous le promets...

Une promesse qu'il n'est plus sûr de tenir après plusieurs longues et langoureuses minutes à effectuer ablutions et massages sur son derme souillé. Sa peau de lait est incroyablement veloutée et, même humide, produit sur lui d'étranges frissons agréables. A mesure que le silence s'éternise entre eux, il se sent gagné par une tension fébrile, anormale et désarçonnante. Plus il touche Octavia, plus il souhaite le faire davantage, soulevant toujours plus haut la soie sur ses cuisses charnues. Appétentes. La Marquise tremble à chaque caresse de l'éponge, gagnée - est-ce possible ? - par une fièvre semblable. Est-ce la vapeur d'eau chaude qui accentue cette sensation de chaleur et de picotement dans son ventre.

Que m'arrive-t-il ?

Au prix d'un énorme effort de volonté, il reflue pour couper le robinet. La démone l'agrippe alors, tout son être trépidant. Sa joue est envahie par des phalanges douces et frissonnantes.

- Salomon !

La détresse dans la voix de son amie lui fait chanceler le coeur. Il recouvre sa main de la sienne et enroule son bras libre autour de sa taille pour l'ancrer à lui, dans l'instant présent, loin de la pièce sordide où son corps humain c'est autrefois consumé et qui la détient encore prisonnière sous son crâne.

- Je suis là, Octavia...

Mu par une ferveur innopinée, il embrasse le creux de sa paume, puis la chair de ce poignet pulsant d'inquiétude, ses lèvres goutant avec délectation le charnu de ce bras pâle.

- Je serais toujours là pour vous... s'entend-il dire, d'un timbre presque plaintif. Toujours...

Le visage Jhaelynra surgit alors dans son esprit comme un diable expulsé de sa boite. Si belle, si pure, si honnête.
"Est-ce que tu m'aimes ?"

Il s'interrompt soudain, envahit d'une honte putride qui lui brûle le visage. Il se fait l'effet d'un odieux personnage qui non seulement profite de l'état de faiblesse d'une amie qui lui est chère, mais trahit la confiance de la femme qu'il aime.
Qu'il aime !
Qu'il aime ?

Je ne sais plus....

- Merci, murmure Octavia, le sortant de sa transe. Je crois… je crois qu’il voudrait mieux que je quitte les lieux.
- Oui... Oui vous avez raison. Je suis navré de vous avoir imposé cela.

Il se téléporte en une fraction abandonnant l'eau au froid de la salle de bain. Les voilà dans le patio qui lui sert d'antre. Octavia n'est plus assise sur le rebord de la baignoire mais sur celui de son lit de mousse.

- Vous pouvez ouvrir les yeux, déclare-t-il alors en lui lâchant les mains pour se redresser. Afin d'obtenir votre pardon, permettez-moi de vous laisser mon propre lit. Je n'ai plus sommeil de toute façon... fait-il en enfilant une de ses chemises imprimées à l'envers, signe patent de son profond trouble.

- Je suis là, Octavia...

Elle retrouve le contact bien réel de Salomon qui fait refluer tout début de panique. Si elle était plus courageuse, elle ouvrirait les yeux pour vérifier s’il partage le même trouble qu’elle, celui qu’elle a lu dans son regard lors de cette fameuse nuit où elle l’a rejoint dans sa chambre pour une tisane nocturne.
Sans doute que non ! Que va-t-elle s’imaginer ?

- Je sais, déclare-t-elle plus calmement avec un sourire sur les lèvres tandis que son pouce caresse tendrement sa joue.

Les lèvres de Salomon sur sa peau réveillent instantanément ce désir inopiné et latent et sa peau se couvre de chair de poule.  

- Je serais toujours là pour vous... Toujours...
Le ton qu’il emploie lui sert le cœur, ce cœur qui pulse follement contre la veine de son poignet qu’il bénit d’un baiser.
- Je vous crois, carissime. Notre… amitié est de celle qui durera, se force-t-elle à dire pour rappeler à son traitre de corps qu’il n’est nullement question de quoi que ce soit de cette sorte entre elle et lui. A croire que son séjour sur Terre réveille en elle des envies d’union charnelle parfaitement inappropriées.  
Si Salomon avait pu lire ne serait-ce qu’un instant dans ses pensées, il en aurait été parfaitement horrifié !

- Merci. Je crois… je crois qu’il voudrait mieux que je quitte les lieux.
- Oui... Oui vous avez raison. Je suis navré de vous avoir imposé cela.
Ses lèvres s’ourlent d’un sourire.
- Ce ne fut pas si terrible.Enfin d’une certaine façon, ce le fut mais pas exactement de la manière dont il le pense. Et je suis propre à présent.  

Elle sent aussitôt qu’ils se déplacent à nouveau et la douceur sur laquelle elle se trouve soudain lui est plutôt familière.

- Vous pouvez ouvrir les yeux.
C’est ce qu’elle fait aussitôt et elle papillonne des cils pour retirer les désagréables points noirs qui obstruent sa vision. Pourquoi l’a-t-il ramenée dans sa chambre ? Son idiot de cœur se met à frapper plus fort contre sa poitrine. Mais il s’éloigne déjà et la brutalité de ce vide soudain lui pèse inexplicablement.
- Salomon … ? commence-t-elle avant de se faire couper.
- Afin d'obtenir votre pardon, permettez-moi de vous laisser mon propre lit.
Désarçonnée, elle ouvre et ferme la bouche avant de demander.
- Mais et vous… ?
- Je n'ai plus sommeil de toute façon...

Evidemment… vraiment cette imagination trop fertile va commencer à devenir un véritable problème.
Elle note alors l’état de cette pauvre chemise enfilée à l’envers et se lève pour s’approcher de lui dans l’optique de l’aider. Mais il lui souhaite bonne nuit avec beaucoup d’empressement et s’éclipse en une fraction de seconde.

Elle n’est pas idiote.
Il la fuit.

Octavia reste donc debout, le bras tendu dans l’air comme une sombre idiote. A-t-il malgré tout noté ce qui s’est passé dans cette salle d’eau ? Lui en veut-il d’éprouver… elle pousse un gémissement de désespoir et de frustration autant que d’agacement.
Si son attitude a réussi à entacher d’une quelconque façon l’amitié ou le respect qu’il éprouve pour elle, elle s’en voudra éternellement.
Peut-être doit-elle trouver quelqu’un pour… étancher ce désir charnel et ne plus se comporter de cette manière avec ce pauvre Salomon…
La mort dans l’âme, elle regagne le lit de mousse et s’y recroqueville comme si elle espèrerait pouvoir y être engloutie.