La soirée est anormalement calme à la cantina, mais Keelan ne s’en plaindra pas et à vrai dire, cela tombe plutôt bien. Hui avait l’air tellement fatiguée que le reste de la team Cantina – lui et Nathan donc – lui ont ordonné d’aller se reposer. Elle avait sans doute mis beaucoup d’énergie dans la confection du lieu et en ressentait le contre-coup. Ne reste donc que lui et le djinn à qui il sourit discrètement et quatre loups qui finissent leurs verres. Keelan et Nathan ne font que se croiser depuis quelques temps et le loup ne serait pas contre une soirée à regarder un film avec lui plutôt que de surveiller le bar.  

- Je comprends pas… comment j’peux faire pour qu’elle m’aime ? geint Chung, l’air malheureux à regarder le fond de son verre.
Assis avec lui Arthur lui tapote gentiment l’épaule.
- Ca se commande pas, tu sais.
- Et tu ferais mieux de lâcher l’affaire. Ca s’apparente presque à du harcèlement là, indique Keelan, les fesses en appui contre une table proche de celle de ses camarades.

Il glisse de temps en temps des œillades vers le djinn sans qu’il ne puisse s’en empêcher. Il se sent tellement mieux depuis qu’il le « fréquente », même si c’est en secret pour le moment. Peut-être s’afficheront-ils un jour, lorsqu’ils seront prêt. La culpabilité est toujours présente parfois, chez Nathan aussi, il le sent. Mais pour lui, elle s’envole sitôt qu’il pose les yeux sur le maritin ou que son odeur lui parvient. Keelan sait bien qu’il devrait s’en vouloir bien plus que ça, mais le loup a décidé de savourer chaque instant avec Nathan comme si c’était le dernier. Après tout, il n’a aucune idée de quoi demain sera fait.
Peut-être qu’ils ne sortiront jamais d’ici… peut-être que les créatures qui grouillent en ville réussiront à s’infiltrer ici… peut-être qu’ils sortiraient et retrouveront les autres… peut-être qu’une fois en présence d’Amon, Nathan l’oubliera.
Il n’exclue aucune possibilité et essaie de ne pas y penser.

Vivre l’instant, chaque moment – volé à un autre lui susurre sa conscience – comme un cadeau précieux malgré l’illégitimité de leur relation. Peu importe, il n’a, paradoxalement, jamais été aussi heureux qu’à présent.

Ayda prend sa paille en bouche et finit sa consommation.
- Il a raison. Arrête un peu avec ça.
- Bon c’est pas que je m’emmerde à t’entendre chouiner, Chung, mais je suis vanné. Zean s’étire le dos avant de se relever. Allez viens, on va se pieuter. Demain, ça ira mieux.
- Tu veux dire qu’il retentera sa chance, ricane Ayda, lucide.

La petite bande salue les « tenanciers » et s’éclipse enfin. Keelan débarrasse leurs verres vides qu’il ramène derrière le comptoir. Il tourne la tête vers le djinn, le sourire plus large, plus tendre aussi.

- Je sais qu’il est encore techniquement tôt mais comme il n’y a pas un chat ce soir, tu crois qu’on pourrait fermer maintenant et profiter de notre soirée toi et moi ?
Il encadre son visage de ses paumes et l’embrasse presque timidement avant de reculer.
- Ensemble, je veux dire… ça me manque un peu nos moments rien qu’à nous. Je deviens peut-être accro aux Dramas ? fait-il mine de s'inquiéter.

Il sait parfaitement à quoi il devient vraiment accro...

◈الحب السري◈
"Amour Secret"
I look for you
And you look for me, whoa, ohh

J'ai succombé à la tentation.
Une fois.
Plusieurs fois.
Un nombre incalculable de fois toutes plus délicieuses les unes que les autres.

Je devrais avoir honte, et cela m'arrive parfois, quand je suis seul et que mon cerveau me rappelle à quel point je suis un sale type. Mais le plus souvent, je l'avoue, il suffit que mon regard s'attarde sur ses épaules larges (assez solides pour me supporter), ses grandes mains caleuses (et pourtant capable des plus délicates caresses) ou ses grands yeux honnêtes et bleus (et là je suis foutu) pour oublier que je suis un salaud.
Un salaud qui trompe un homme bien.
Un salaud qui sourit comme un couillon dès qu'il croise son amant au détour d'un couloir, qui fait tout pour le frôler "par mégarde", qui lui vole un baiser quand les autres ont le dos tourner, qui lui ouvre ma chambre à la nuit tombée... Je baigne allégrement dans la dopamine et l'ocytocine ce qui, pour le moment, éloigne toutes les tentatives de putsch de ma Culpabilité sur ma cervelle.

Les soirées à la Cantina se succèdent avec plus ou moins de fréquentations. Globalement c'est un succès et nous n'avons eu à déplorer aucun débordement pour le moment. Ce soir, c'est clairement vide et, accoudé au comptoir, j'ai tout loisir de m'adonner à mon péché mignon favori : observer Keelan en catimini. On échange des sourires coquins, des œillades pleines de promesses muettes, des mordillements de lippe à peine discrets... J'ai l'impression de fondre à feu doux. Mon coeur rissole à la broche, cuit à point, et mes joues l'expriment à grand renfort de couleurs. Heureusement que Chung c'est (encore) fait jeté par Sasha. C'est une diversion parfaite pour notre petit manège.

J'ai hâte qu'ils s'en aillent.
J'ai terriblement envie de tranquillité.
D'intimité.

Je ne tarde pas à être exaucé.

- Je sais qu’il est encore techniquement tôt mais comme il n’y a pas un chat ce soir, tu crois qu’on pourrait fermer maintenant et profiter de notre soirée toi et moi ?

Je me retourne, les reins appuyés sur l'arrête du comptoir et soupire. Je pourrais me damner pour ne serait-ce qu'un seul de ses sourires. Il est taillé pour être heureux, pour l'exprimer au mieux, avec sa franchise tranquille. C'est indécent à quel point je me fais l'effet d'une adolescente en crush. Je suis ridicule.

- Dieux merci ! J'ai cru que tu n'allais jamais me le proposer ! fais-je en riant.

Il me prend le visage avec ses larges paumes rugueuses et pleine de chaleur (Je vous ais déjà parlé de ses mains ? J'adore ses mains, leur texture, leur forme, la manière dont il les promène sur mon corps quand... Bon, j'aime ses mains. Ok ?) et m'embrasse.
Un goût de trop peu.
Un gout de "Reviens-y"
Les doigts accrochés à son bas de pull qu'ils triturent, je lui rend son baiser de manière bien plus directe.

- Ensemble, je veux dire…

Je glousse.

- Je me doute que ça n'était pas chacun de notre côté. Je t'en aurais voulu sinon... Je frotte mon nez contre le sien.
- ça me manque un peu nos moments rien qu’à nous.
- Moi aussi...

Comme toutes ces interludes arrachées à nos emplois du temps respectifs. Parfois j'aimerais pouvoir le hurler dans tous les Shelter et le kidnapper à vélo (et techniquement, on se vautrerait au premier nid de poule.)

- Je deviens peut-être accro aux Dramas ?
- Hum.. Oui.. très certainement... C'est leur jeu tout en subtilité qui t'a fait succomber... dis-je en souriant contre ses lèvres avant de les lui croquer.

C'est risqué de nous câliner ici, dans un lieu public, mais à cet instant précis, c'est la dernière de mes préoccupations.

- Dieux merci ! J'ai cru que tu n'allais jamais me le proposer !

Il faut toute la volonté de Keelan pour réussir à se montrer raisonnable et discret malgré son envie de lui montrer à quel point il lui manque vraiment.

- Ensemble, je veux dire…
Le loup caresse du pouce le sourire qui s’esquisse sur les lèvres de Nathan. Qu’il aime le voir sourire et rire ! Ca aussi, ce sont des cadeaux précieux qu’il garde pour lui seul.

- Je me doute que ça n'était pas chacun de notre côté. Je t'en aurais voulu sinon...
Keelan rit à son tour lorsque le djinn câline son nez du sien, geste bien plus lupin qu’humain et qu’il effectue souvent. Il veut croire que ce geste aussi n’est qu’à lui, à eux.  
- Heureusement pour toi, les seuls moments que j’ai envie de passer sont avec toi. Ah si… j’ai promis à Shane et Fiadh une soirée jeu après-demain...mais…tu pourrais peut-être venir aussi ? Sinon, le reste de mon temps est à toi, si tu veux… petit soupir… Ca me manque un peu nos moments rien qu’à nous.
Le dos de ses phalanges caresse délicatement la joue de Nathan.
- Moi aussi...
- Je deviens peut-être accro aux Dramas ?
- Hum… Oui… très certainement... C'est leur jeu tout en subtilité qui t'a fait succomber...
- J’ai effectivement un faible pour la subtilité coréenne… ou peut-être pour ce grand lit… ou alors le djinn sexy qui s’y trouve très souvent… j’hésite…

Ils sourient comme des idiots, mais être un idiot n’a jamais été aussi doux. Nathan revient l’embrasser et Keelan, non seulement se laisse faire, mais, oublieux pendant quelques secondes de leur environnement, le lui rend avec plus de fougue, un bras passé possessivement autour de sa taille, la main calée contre sa nuque.

- Ca aussi ça me manque, avoue-t-il dans un souffle, le front contre le sien, son regard planté dans les yeux bleu du djinn. Galvanisé par ce qu’il y lit, ce qu’il n’a jamais vu chez aucun de ses autres amants et encore moins dans ceux de Remus, il lui vole un nouveau baiser en le serrant plus fort contre lui.
- Je propose un épisode d’une série…c’est plus court qu’un film… plaisante-t-il, leurs lèvres séparées uniquement par quelques centimètres.

Il est tellement intoxiqué de la présence et du contact de Nathan que Keelan n’entend ni ne sent les intrus arrivés. Chung revient précipitamment dans le bar.

- Je crois que j’ai fait tomber mon dernier jeton comme un…
Il se fige soudain à la vue du couple étroitement enlacé et Keelan s’éloigne précipitamment de Nathan tout en sachant que c’est inutile, le cœur galopant comme un fou, ses joues barbues envahies de rouge. Paniqué, il en perd la notion de temps et d’espace et une peur marquée et martelée au fer par son ancien Alpha le prend à la gorge.

« Il va le dire à Remus… il va faire du mal à Nathan ! »

Il ne le permettra pas. Malgré la trouille profonde qui lui tord les tripes.
- Chung ? Qu’est-ce que tu fo…
Zean arrive à son tour et fronce les sourcils. Keelan s’est instinctivement posté devant Nathan dans une attitude clairement menaçante pour les deux autres loups.
- Qu’est-ce qui se passe ? demande le loup à la peau ébène, lui aussi sur ses gardes. Keelan ?
Celui-ci reprend finalement ses esprits.

Remus est mort.
Il ne peut plus faire de mal à personne.

- Bah… j’viens de capter ses deux là en train de se bécoter, répond Chung à sa place. L’asiatique dévisage le loup avec un soupçon de curiosité, de surprise, de mépris... voir de dégoût. Keelan n’arrive pas à savoir et bande tous ses muscles comme s’il se préparait à recevoir un coup. Merde… j’pensais pas que t’étais une pédale… T’as bien caché ton jeu !
- Y’a pas de « jeu », arrive-t-il à articuler, la voix basse, presque honteuse.

Il sait pourtant qu’il n’a aucune honte à avoir. Il est comme il est. Aimer Nathan le rend heureux, c’est tout ce qui devrait compter. De jolies paroles en partie vraies. Mais il se rend également compte à quel point l’opinion des siens compte pour lui et combien il est difficile de sortir de ce fichu placard après y avoir été enfermé si longtemps. Caché par le comptoir, sa main vient machinalement chercher celle de Nathan et il s’y accroche comme une bouée de sauvetage.  

Keelan m'enveloppe dans ses bras massif et je m'y sens étrangement à ma place, comme je ne l'ai plus été en ce monde ces quelques derniers mois. Il dégage une chaleur naturelle, animale, contre laquelle j'adore me lover. Mes mains glissent sur ses hanches et viennent se ficher dans les poches arrières de son jean, épousant le galbe de ses fesses. (J'ai passé un temps infini à le contempler de dos lorsqu'il travaillait au Silo, à fantasmer sur la courbe aguicheuse de sa colonne vertébrale pointant sur ces fesses fermes et sexy moulées dans leurs pantalons. Les tenir entre mes doigts est devenu une forme de plaisir coupable dont j'ai du mal à me débarrasser...)

- Ca aussi ça me manque...
- Quoi dooonc... que je susurre avec un sourire aussi idiot que malicieux. Mon nez frotte le sien. ça ? Je viens mordiller son menton barbu.... ça ? Je lape ses lèvre du bout de ma langue... ou ça peut-être.... ? Je pouffe comme un imbécile heureux -Très heureux -juste avant de me faire embrasser avec délice.
- Je propose un épisode d’une série…c’est plus court qu’un film…
- Tu es pressé ? que je taquine. Tu as un programme précis en tête pour après.... ?

Je suis sur le point de l'embrasser à nouveau quand Chung fait une apparition inattendue. Keelan se détache aussitôt de moi (et j'ai la sensation qu'une aiguille à tricoter vient de me percer le coeur.) Je détourne le regard vers le mur, main sur la bouche, l'autre sagement sur le bar.
Je ne conserve pas cette attitude longtemps.
Keelan est tendu au point que je vois saillir ses veines sur ses poings serrés. il a la mâchoire tellement serrée que j'entends presque ses dents grincer. J'éprouve un brusque élan d'inquiétude et pose ma main gantée sur son bras.

- Kee... que je murmure en tentant d'être apaisant (et de refouler loin ma culpabilité et ma crainte que cela ne remonte aux oreilles d'autres.)

Comme un mal n'arrive jamais seul, Zean rejoint Chung et s'interroge sur cette drôle de scène.

- Qu’est-ce qui se passe ?... Keelan ?
- Bah… j’viens de capter ses deux là en train de se bécoter. Merde… j’pensais pas que t’étais une pédale… T’as bien caché ton jeu !
- Y’a pas de « jeu »...
- Hé Ho ! que j'interviens, la moutarde me montant au nez. On ne te traite pas de sale bridé ou de bouffeur de riz, que je sache, alors tu vas me faire le plaisir de ne pas te montrer injurieux !

Je tiens fermement (et fièrement[) la main de Keelan, animé par une vive colère nourrie par toutes les années de discrimination de mon adolescence pas si lointaine.

- Qu'est-ce que ça peu te faire, au juste ? C'est toujours ton frère de meute et ton ami, que je sache ! Insulte-le encore et je te ferais ravaler chaque mot. Oui, on se bécote, on couche ensemble et on s'aime, ça vous pose un problème ? Parce que si oui, on ne sortira pas de cette pièce sans avoir régler le souci.

- Bah… j’viens de capter ses deux-là en train de se bécoter. Merde… j’pensais pas que t’étais une pédale… T’as bien caché ton jeu !
- Y’a pas de « jeu »...
- Hé Ho ! On ne te traite pas de sale bridé ou de bouffeur de riz, que je sache, alors tu vas me faire le plaisir de ne pas te montrer injurieux !

Keelan observe Nathan qui affiche une expression déterminée et vindicative qu’il ne lui a encore jamais vu. Mais, encore pétri d’angoisse et d’un fond de honte, Keelan se contente de nouer ses doigts aux siens, d’y puiser un courage qu’il n’arrive pas encore à trouver.
Chung a le visage fermé, les sourcils légèrement froncés alors que Zean pénètre un peu plus dans la pièce, son regard glissant entre ses deux camarades loups et le djinn comme s’il était prêt à tout instant à intervenir.

- Qu'est-ce que ça peu te faire, au juste ?
- J’ai le droit d’exprimer mon opinion et je trouve ça dégueulasse c’est tout.
- C'est toujours ton frère de meute et ton ami, que je sache !
Chung fixe Keelan un moment avant d’hausser les épaules sans qu’il ne sache vraiment ce que ça veut dire mais ça lui fait immanquablement mal.
- Insulte-le encore et je te ferais ravaler chaque mot.
Cette fois l’asiatique se crispe à son tour et ses yeux se font plus noir encore.
- Tu te calmes le maritin ! Personne ne me menace, ok ?

L’envenimement de la situation réveille enfin Keelan. Rapidement, il secoue la tête en direction de Nathan pour lui indiquer de ne rien faire et se poste devant Chung en essayant de garder son calme habituel. Il pose la main sur le torse de son camarade loup qui recule brusquement comme si le contact de Keelan l’avait brûlé. Nouveau pincement de douleur dans la poitrine qu’il fait mine d’oublier.

- On se détend ! Va te coucher, tu tiens pas l’alcool et t’es malheureux mais c’est pas une raison pour nous en mettre plein la tronche.
- Me touche pas toi !
- Oui, on se bécote, on couche ensemble et on s'aime, ça vous pose un problème ?

Keelan pivote si vite la tête vers Nathan qu’il en fait craquer ses cervicales. Il le dévisage avec un étonnement qui n’a d’égal que l’espoir fou qui court dans ses veines et inonde sa poitrine d’une chaleur qui se traduit pas un sourire incertain mais qui illumine tout son visage. Jamais personne n’a revendiqué à voix haute son amour pour lui. Même Shane ne l’exprime jamais aussi clairement. Il ne le quitte pas du regard, oublie à nouveau la présence de Chung et sa grimace et Zean.
Lui aussi l’aime déjà comme un fou. Et son instinct de loup lui souffle avec une certitude tranquille qu’il a trouvé son âme sœur.

Nathan l’aime ?
Nathan l’aime !
« Il m’aime, il m’aime, il m’aime… » chatonne son cœur à chaque battement rapide.

- Parce que si oui, on ne sortira pas de cette pièce sans avoir régler le souci.
Il le trouve si courageux de se lancer dans cette bataille pour tous les deux. Chung a un petit ricanement moqueur qui vient tout briser.
- Sérieusement, je comprends même pas comment t’as pu survivre aussi longtemps dans l’ancienne Meute. Les mecs comme toi sont tués ou utilisés. J’ai déjà vu le phénomène une fois. Surtout qu’il parait que l’ancien Alpha des Abyssaux était pas un tendre. Ah mais attends …
Keelan sait presque par avance ce que Chung va ajouter et il crispe les poings.
- Tais-toi, Chung… le prévient-il entre ses dents serrées.
- C’est bon, on va se coucher, tente Zean qui sent lui aussi le dérapage arrivé, mais l’asiatique est parti sur sa lancée et scrute Keelan.
- C’est vrai alors les rumeurs que Sasha a entendues… t’étais la petite trainée perso de ton Alpha. Ça explique des trucs. C’est certain que la survie est plus simple quand on a qu’à écarter les fesses et lustrer son Alpha.

Cette fois il le regarde avec un mépris affiché pensant certainement qu'il ne devait sa survie qu’à ses talents sexuels alors que lui se considère comme un vrai survivant.

Malgré toute sa retenu, malgré son calme pourtant presque inébranlable, Keelan voit rouge. Son poing s’écrase contre la joue de Chung dans un craquement de mâchoire. Mais ça ne l’arrête pas et il bourrine son camarade, celui qu’il pensait être son ami, de coups. Il ne s’arrête pas, ne réfléchit plus droit au seuil de son animalité. Chung se défend comme il peut, Zean tente de les séparer mais se prend aussi les coups de Keelan qui grogne comme une bête blessée.
- Retire…ce que…t’as dit !

- Tu te calmes le maritin ! Personne ne me menace, ok ?
- Crois-moi que si je voulais vraiment te menacer tu serais en train de te pisser dessus. J'exige simplement un minimum de respect et une discussion. C'est trop demander à un hétéro bas de plafond ?

Ce fumier me chauffe profondément. En ce moment, je perds plus facilement qu'avant mon sens de la diplomatie et mon doigté. Je n'ai pas envie d'être gentil, pas envie de m'aplatir, pas envie de faire semblant. Je crois que j'apprends tout simplement à mieux m'assumer.

- On se détend ! Essaie de tempérer Keelan. Va te coucher, tu tiens pas l’alcool et t’es malheureux mais c’est pas une raison pour nous en mettre plein la tronche.
- Me touche pas toi !
-  HEY ! Arrête de nous traiter en pestiférés ! Oui, on se bécote, on couche ensemble et on s'aime, ça vous pose un problème ?

Les mots ont franchi ma bouche avec le plus grand des naturels. Spontanément. Je n'ai pas réfléchi, pas tergiversé, c'est venu crument en bouche comme c'est : une vérité. (J'aurais tout le temps d'y réfléchir par la suite.)

- Parce que si oui, on ne sortira pas de cette pièce sans avoir régler le souci.
- Sérieusement, je comprends même pas comment t’as pu survivre aussi longtemps dans l’ancienne Meute. Terrain glissant et profondément miné. Les mecs comme toi sont tués ou utilisés. J’ai déjà vu le phénomène une fois. Surtout qu’il parait que l’ancien Alpha des Abyssaux était pas un tendre. Ah mais attends …
- Tais-toi, Chung…
- Zean, reconduit ton pote dans ses quartiers. On ne tira rien de bon de tout ça dans son état, dis-je en essayant de faire appel à la tempérance appréciable du loup comme allié.
- C’est bon, on va se coucher.

Mais c'est sans compter sur le besoin de Chung de provoquer.

- C’est vrai alors les rumeurs que Sasha a entendues… t’étais la petite trainée perso de ton Alpha. Ça explique des trucs. C’est certain que la survie est plus simple quand on a qu’à écarter les fesses et lustrer son Alpha.

La situation dérape.
Keelan perd tout contrôle de lui même.
La violence déployée me fait presque suffoquer. Toute sa souffrance vertigineuse se meut en rage aveugle et j'ai les larmes qui me montent aux yeux. Je retire mon gant et me fraie un chemin parmi les gesticulations et les coups pour l'enlacer, mes doigts contre sa peau. Les tatouages turquoises se révèlent et éclaboussent la scène d'une lumière mélancolique. Je régule doucement la circulation sanguine de Keelan, le forçant à s'apaiser. Je frotte désespérément mon nez contre sa joue, cherche à focaliser son attention avec des mots tendres.

- Kee... sshhhh... Calme-toi, je t'en supplie ! Ecoute-moi.... Son visage entre mes paumes, je l'oblige à me regarder. Ca va aller... C'est terminé...

Je ne me rends compte que je pleure que parce que ma vue s'est brouillée. J'enfouie la tête de mon pauvre loup abîmé dans mon cou, pour qu'il ne sente que moi, et mon pouvoir élémentaire cesse de faire effet, une fois assuré que toute son agressivité s'est évacuée.

Je me tourne vers Zean et Chung.

- Allez-vous en ! Je ne veux plus jamais vous revoir ici. Vous avez suffisamment fait de mal comme ça....

Malgré l'humidité sur mes joues, mon regard est d'une dureté polaire. Une horrible pensée m'est venue : "Si ce déchet insiste, je le tue". Pour la première fois, je ne fais absolument rien pour maquiller cette pulsion mortifère qui se dégage de moi par tous les pores.
Tuer par amour, je l'ai déjà fait.

Même s’il le voulait, Keelan ne pourrait plus s’arrêter. Hors de son propre corps, toute raison envolée, il étouffe sous la rage ou la douleur. Il n’arrive pas à savoir exactement mais passe ses nerfs en harcelant Chung de coups, les yeux plus bleus que jamais, le loup sur le point de glisser sa fourrure sur sa peau.
Il ne sent pas sa lèvre fendue, les coups que l’asiatique fait pleuvoir en retour sur sa carcasse en souffrance.

Frapper. Lui faire ravaler ses mots. Il est tellement hors de lui qu’il a l’impression de voir Remus à sa place, lui et son sourire le plus souvent moqueur.
Il est au-dessus de Chung, le visage déformé par l’horreur et le désespoir et il cogne.
Encore et encore.
Et puis un corps se love contre son dos, une main touche son bras nu, quelque chose frotte contre sa joue et une lumière bleue illumine la pièce. Il connait tout ça, ce toucher, cette odeur, le poids de ce corps et les couleurs qui s’en dégagent. Il s’arrête soudain, tremblant et son cœur cesse petit à petit de cogner comme un fou.

- Kee... sshhhh... Calme-toi, je t'en supplie ! Ecoute-moi....

Soudain, Keelan revient à lui et recule. Il regarde, horrifié, ses propres poings ensanglantés, la peau explosée par endroit puis l’état pitoyable de Chung qui respire fort, le visage tuméfié et presque méconnaissable. Zean en a profité pour le tirer loin du loup qui le regarde faire, hébété.
Les mains de Nathan l’obligent à tourner la tête vers lui et son visage se plisse de regret en le voyant pleurer.  

Il lève spontanément la main pour chasser les trainées salées sur son visage mais a peur de le salir et s’arrête.
- Je… je suis désolé… je sais pas ce qui m’a pris… je voulais pas…
- Ca va aller... C'est terminé...
- Je suis désolé…désolé…

Il se répète encore et encore. De honte, il enfouit son visage contre le cou du djinn et le sert avec force contre lui. Il inspire sa peau comme un camé. Il se fait horreur. Il a perdu tout contrôle, comme une bête sauvage. Jamais il n’aurait eu ce comportement avant Remus… Ses doigts se crispent sur le pull de Nathan et ses larges épaules sont secouées de sanglots sans larme. Elles restent coincées dans sa gorge, prisonnières. Comme lui se sent encore prisonnier de l’emprise de son ancien Alpha.

« Il est mort…il est mort… » se répète-t-il en se gorgeant de l’odeur de Nathan qui chasse petit à petit tout ce qui n’est pas lui.  

- Allez-vous en ! Je ne veux plus jamais vous revoir ici. Vous avez suffisamment fait de mal comme ça...
Zean aide Chung à se relever et le maintient pour qu’il reste debout. L’asiatique fusille Keelan du regard.
- T’es un malade, mec ! Ca en restera pas là…
Les poils sur la peau de Keelan se hérissent alors qu’il se sert plus encore contre Nathan pour ne pas replonger dans cette rage aveugle. Il sait bien qu’il va devoir payer pour ce qu’il a fait.
- Ta gueule Chung !
L’instinct de Zean lui indique très clairement que le djinn n’est pas une menace à prendre à la légère et il déplore ce dérapage parfaitement évitable.
- On s’en va. T’inquiète pas…

Ils repartent enfin mais Keelan ne bouge pas pendant de longues secondes avant d’attirer le djinn sur ses genoux. Il redresse finalement la tête et à défaut de pouvoir utiliser ses mains meurtries, il baise les joues humides du djinn, aspire son chagrin entre ses lèvres.

- Je suis désolé, Nath…que t’ai eu à subir ça… j’ai pas réussi à… pleure pas, il pose son front contre le sien et soupire, j’aime pas te voir pleurer à cause de moi mon cœur. Merci… de m’avoir empêcher d’aller plus loin… je ne contrôlais plus rien. Jamais j’ai eu ça avant…

Et il a eu la trouille. Une trouille terrible de ce qu’il aurait été capable de faire sans l’intervention de Nathan.

- T’es un malade, mec ! Ca en restera pas là…

Mon corps se tend, mes yeux crépitent, mon envie de meurtre est puissante. Bien heureusement, Zean intime à Chung de se taire et l'évacue. Je peux me concentrer complétement sur Keelan qui tremble comme une feuille, secoué par sa propre sauvagerie.
Il ignore sans doute que la mienne est pire.
Je l'enlace, lui caresse le dos et les épaules, lui gratte nuque, passe mes doigts dans sa blondeur drue. J'use de toute ma tendresse pour le câliner, déposant des baisers ça et là, comme pour assouplir son chagrin, le détricoter du bout de mes phalanges.
Comme si j'avais ce pouvoir.
Keelan réagit enfin, embrassant mes larmes dont je prends conscience petit à petit. Il se laisse tomber sur une chaise et je m'installe à califourchon sur ses genoux, sans cesser de le cajoler

- Je suis désolé, Nath…que t’ai eu à subir ça…
- SSssshhh....Ne sois pas désolé, ce n'est pas de ta faute...
- J’ai pas réussi à… pleure pas...

Front contre le mien, je lui répond posément.

- Je n'ai pas subi, mon chéri, j'ai ressenti toute ta souffrance, toutes tes blessures ouvertes comme si c'était les miennes. C'est pour ça que je pleure. Je pleure de rage et de frustration.
- J’aime pas te voir pleurer à cause de moi mon cœur. Merci… de m’avoir empêché d’aller plus loin… je ne contrôlais plus rien. Jamais j’ai eu ça avant…

Je prends ses mains sanglantes dans les miennes et bécote le sommet de ses métacarpes dont l'os pointe sous les plaies ouvertes. Je dépose des baisers délicats sur ses pauvres phalanges. Mon pouvoir à l'œuvre active la cicatrisation. Je relève la tête et plante mes prunelles limpides dans les siennes.

- Moi, j'étais en contrôle et j'ai eu envie de lui exploser le palpitant façon pulpe. Quelque part, c'est un bien que ce soit toi qui ais dégainé le premier et que j'ai dû me concentrer sur toi. Là où nous déplorons un blessé, il y aurait pu y avoir un mort.

Je suis terriblement sérieux.

- Je ne supporte pas de te voir souffrir. Je ne permettrais pas qu'on te fasse sciemment du mal. Jamais, tu entends...J'embrasse son visage d'homme bon, droit et honnête. Moi, je ne le suis pas. Tu as vécu plusieurs traumatismes, Keelan, dont tu n'as jamais pris le temps de guérir. Cet imbécile homophobe a appuyé dessus par pure méchanceté... J'irais parler à Colgan, je lui expliquerais ce qu'il s'est passé. Chung ne te nuira pas...

Et cette Sasha, non plus.
C'est une promesse.

Jamais on ne l’a apaisé de cette façon. D’habitude c’est lui qui prodigue tendresse et affection. Il a bien eu le droit à celle, plus brute et bien moins démonstrative d’Hunter mais c’est tout. Il presse Nathan tout contre lui, embrasse son visage et son cou pour faire redescendre le flot de haine, de honte et de chagrin qui s’attarde comme un arrière-goût amer.

- Je n'ai pas subi, mon chéri, j'ai ressenti toute ta souffrance, toutes tes blessures ouvertes comme si c'était les miennes. C'est pour ça que je pleure. Je pleure de rage et de frustration.
Il le fixe un moment et câline son nez contre le sien.
- J’ai pas à te rejeter tout ça à la tronche. Et puis… j’aime pas te voir pleurer à cause de moi, mon cœur. Merci… de m’avoir empêché d’aller plus loin… je ne contrôlais plus rien. Jamais j’ai eu ça avant…

Les mains meurtries du loup finissent dans celle de Nathan qui s’applique à embrasser très délicatement les plaies qui les zèbrent et creusent des trous dans sa chair. Il ne sent même pas la douleur, simplement comme s’il venait de les tremper dans de l’eau froide et bientôt le pouvoir de Nathan accroit son métabolisme de régénération.

- Merci, souffle-t-il.
- Moi, j'étais en contrôle et j'ai eu envie de lui exploser le palpitant façon pulpe.
Keelan le scrute avec intensité alors qu’un mince sourire barre son faciès. Il l’en croit effectivement tout à fait capable, il se souvient parfaitement comment il a ralenti son cœur. S’il l’avait souhaité, il aurait pu le tuer.
- Une part de moi pense qu’il l’aurait mérité. Comme une part de moi aurait voulu que tu ne m’arrêtes pas.
- Quelque part, c'est un bien que ce soit toi qui ais dégainé le premier et que j'ai dû me concentrer sur toi. Là où nous déplorons un blessé, il y aurait pu y avoir un mort.

Sa paume guérie encadre la joue de Nathan sans que son regard ne quitte l’éclat bleu du sien. Il y décèle une détermination et une gravité qu’il ne lui a jamais vu.
- C’est toi qui caches bien ton jeu en vérité. Tu es aussi sauvage et féroce qu’un loup peut l’être.

Il découvre cette face-là de Nathan et l’accepte comme le djinn accepte l’animal qu’il est aussi. Tout le monde a un côté plus sombre. Ils viennent tous les deux de le démontrer. Le pouce de Keelan caresse délicatement sa pommette.

- Je ne supporte pas de te voir souffrir. Je ne permettrais pas qu'on te fasse sciemment du mal. Jamais, tu entends...
Keelan lui sourit plus franchement.
- Je sais… Je l’ai vu, entendu et senti… ta force nourrit la mienne. Aujourd’hui c’était pour lutter contre mes instincts et sans elle, sans toi, j’aurais pu faire beaucoup de dégâts… Il laisse planer un silence avant d'avouer à son tour. Je serais capable de tout pour te rendre heureux, Nathan. Absolument tout.

Keelan n'a jamais su aimer autrement.
Il enserre à nouveau étroitement le djinn dans ses bras et intercepte ses lèvres baladeuses avec les siennes, lui dérobant un baiser à couper le souffle. Il se fiche bien de se faire surprendre maintenant. Il a besoin de sa tendresse, de la sensation de son corps contre le sien, de lui, tout simplement.

- Tu as vécu plusieurs traumatismes, Keelan, dont tu n'as jamais pris le temps de guérir. Cet imbécile homophobe a appuyé dessus par pure méchanceté...
Keelan soupire et pose son front contre l’épaule de Nathan.
- Je ne sais pas ce qu’il lui a pris… on s’entend… s’entendait pourtant bien. Reste que je n’aurais pas dû l’attaquer comme je l’ai fait. Traumatismes ou non. Mais tu as raison, j’ai encore l’impression parfois que Remus est en vie, qu’il me tient toujours dans le creux de sa main. Il faut que je me débarrasse de lui une bonne fois pour toute.

Il ne sait simplement pas comment s’y prendre pour le moment.

- J'irais parler à Colgan, je lui expliquerais ce qu'il s'est passé. Chung ne te nuira pas...
Keelan grimace et se pince les lèvres. A vrai dire il craint un peu les retombées de cette histoire. Pas pour lui mais pour la Meute avait trouvé un équilibre certain et cet évènement risque de séparer leur belle famille unie en deux.
- Quand bien même tu ferais un excellent avocat – après tout, il a sauvé leur étoile – je ne vais pas te laisser assumer mes fautes à ma place, Nath. J’irai parler avec Colgan. Le plus tôt sera le mieux j’imagine. Et j’accepterai la punition qui conviendra. Mais…il dépose un bref baiser sur sa bouche…merci de me le proposer.

Il revient planter son regard dans le sien. Il hésite un moment, gêné, et finalement il pose la question qui tourne dans son esprit depuis quelques minutes, celle qui lui a fait palpiter le cœur bien plus efficacement que la rage ou la douleur.
- Est-ce que… tu étais sérieux…quand tu as dit…que tu m’aimais ? Il a un petit rire nerveux. Ou c’était simplement pour clouer le bec de Chung...

- C’est toi qui caches bien ton jeu en vérité. Tu es aussi sauvage et féroce qu’un loup peut l’être.

Je ne sais pas pourquoi, mais les paroles de Keelan touchent quelque chose de profond en moi et résonnent dans tout mon être telle une fleur qui s'épanouit. J'ai la sensation, plus que jamais, que lui me voit vraiment, tel que je suis.
Et qu'il accepte ma part de laideur d'obscurité.

- Je ne suis pas un gentil garçon. Surtout pas lorsque l'on touche à mes proches. encore moi quand il s'agit de toi. Je ne supporte pas de te voir souffrir. Je ne permettrais pas qu'on te fasse sciemment du mal. Jamais, tu entends...
- Je sais… Je l’ai vu, entendu et senti… ta force nourrit la mienne. Aujourd’hui c’était pour lutter contre mes instincts et sans elle, sans toi, j’aurais pu faire beaucoup de dégâts… Je serais capable de tout pour te rendre heureux, Nathan. Absolument tout.

Une bouffée brutale de sentiments mêlées m'étreint la poitrine à m'en fêler les côtes. Je n'ose pas y mettre un mot ("Mais Nathan... Tu ne l'as pas fait tout à l'heure?!" me susurre ma conscience -qui a toujours la voix de Hui au passage. Je l'ai fait ? Vraiment ?....) Le baiser de Keelan est si magistrale qu'il m'empêche de réfléchir. Flambée de désir. J'ai l'impression d'être toujours en manque comme un gros nymphomane. Mon coeur palpite et ma respiration se fait erratique alors que je la reprends, loin de ses lèvres voraces.

- Tu as vécu plusieurs traumatismes, Keelan, dont tu n'as jamais pris le temps de guérir. Cet imbécile homophobe a appuyé dessus par pure méchanceté... fais-je en lui flattant la nuque du frétillement de mes ongles.
- Je ne sais pas ce qu’il lui a pris… on s’entend… s’entendait pourtant bien.
- Il était soul, jaloux et sans doute instinctivement homophobe. C'est difficile quand on est simplement humain, mais c'est pire dans les sociétés lycanthropes. De ma propre expérience, il faut du temps, du dialogue, et de l'éducation sur le sujet... Chung a j'imagine un tas de préjugés homophobes dans la tête qu'il va falloir méticuleusement casser.
- Reste que je n’aurais pas dû l’attaquer comme je l’ai fait. Traumatismes ou non. Mais tu as raison, j’ai encore l’impression parfois que Remus est en vie, qu’il me tient toujours dans le creux de sa main. Il faut que je me débarrasse de lui une bonne fois pour toute.
- Discuter avec un psy ça aide, ou je ne sais pas ce que vous avez d'équivalent dans votre meute... Votre chaman ou votre déesse, peut-être ? Je serais avec toi, Keelan. Je t'épaulerais dans ce travail sur tes angoisses. D'accord ? Bécot tendre sur son nez. Dans l'immédiat, j'irais parler à Colgan, je lui expliquerais ce qu'il s'est passé. Chung ne te nuira pas...
- Quand bien même tu ferais un excellent avocat je ne vais pas te laisser assumer mes fautes à ma place, Nath. J’irai parler avec Colgan. Le plus tôt sera le mieux j’imagine. Et j’acceptera la punition qui conviendra. Mais... merci de me le proposer.
- Je t'accompagnerais quand même. On ira tous les deux, main dans la main.
- Est-ce que… tu étais sérieux…quand tu as dit…que tu m’aimais ? Ou c’était simplement pour clouer le bec de Chung...

Ah.
Donc, je l'ai bien dit. Haut et fort.
Comme une andouille.
Mes joues s'empourprent.

- J'ai.. Mes mots on dépassé ma pensée... Je fronce les sourcils et m'empêtre. Pardon, ça n'est pas la bonne expression ! Ce que je veux dire c'est que je n'ai pas réfléchi et... Non, ça non plus ça n'est pas... Je me couvre le visage avec mes mains, de plus en plus écarlate. Merde* ! Je l'ai dit spontanément, C'est sorti brut, mais j'aurais voulu attendre le bon moment, .... le.. la certitude... Ma voix se fait misérable...... C'est venu du fond du cœur. J'ai voulu lui cracher au visage que ça n'avait rien de sale d'être... amoureux... de toi... mais je sais que je suis engagé à l'extérieur, et que ça peut sembler léger de ma part. Trop rapide... Pas sérieux.... Que ça fait de moi une sorte de... Je ne sais pas ce que ça fait de moi... Je voulais attendre pour te le dire, pour que ça ait du poids...Pour que tu n'en doutes pas... Je.. je voulais....

Ma voix s'éteint dans ma gorge sans terminer ma phrase. Mon discours est totalement confus. J'ai coulé dans mes propres sables mouvants. La culpabilité envers Amon, mais également envers lui, me ronge comme un acide corrosif. C'est mal.
Ce que je fais est mal.
Je suis mortifié. Je me sens ridicule. J'ai honte.

Je l'aime.

Keelan n’ose pas lui dire qu’il vient sans doute de perdre tout respect aux yeux de Chung. Pas seulement à cause de ses préférences sexuelles, mais parce qu’en acceptant cette domination de son ancien Alpha, il en a été réduit à moins qu’un loup à ses yeux.
Une trainée.
Un jouet.
Naturellement, le sujet dévie vers Remus.

- Il faut que je me débarrasse de lui une bonne fois pour toute.
- Discuter avec un psy ça aide, ou je ne sais pas ce que vous avez d'équivalent dans votre meute... Votre chaman ou votre déesse, peut-être ?
- Hunter était son frère et Marisol… a d’autres préoccupations en tête. Je…j’iras voir Hunter… il aura peut-être une idée.
- Je serais avec toi, Keelan. Je t'épaulerais dans ce travail sur tes angoisses. D'accord ?
Keelan a un mince sourire et il noue sa main à celle de Nathan.
- C’est nouveau pour moi tu sais…d’avoir quelqu’un sur qui compter.

A nouveau il revient vers cette bouche qui se dérobe après un chaste baiser sur son nez, mettant à profit ses réflexes plus développés qu’un humain, et l’embrasse longuement.

- Mais c’est pas désagréable…

Il est entendu que Colgan doit être mis au courant de ce qui vient de se passer. Et Keelan préfère que l’aveu vienne de sa bouche à lui. Il lève leurs mains enlacées et baise les phalanges du djinn.

- Ok, mains dans la main. Mais une autre question lui brûle les lèvres et quand bien même il risque de le regretter après, il demande. Est-ce que… tu étais sérieux…quand tu as dit…que tu m’aimais ? Ou c’était simplement pour clouer le bec de Chung...

- J'ai.. Mes mots on dépassé ma pensée...
- Oh… d’accord.
Brut mais honnête. Keelan préfère toutefois la vérité même si elle fait mal. Il encaisse la déception mais Nathan semble embarrassé et cherche encore ses mots.
- Pardon, ça n'est pas la bonne expression ! Ce que je veux dire c'est que je n'ai pas réfléchi et... Non, ça non plus ça n'est pas... Merde* !
Avec un petit rire qu’il n’espère pas aussi faux qu’il ne le parait à ses oreilles, il défait gentiment le rideau de ses paumes.
- Tu jures en français, l’heure est grave donc.
- Je l'ai dit spontanément. C'est sorti brut, mais j'aurais voulu attendre le bon moment, .... le… la certitude...
Le moment et la certitude. Il a l’un mais n’a jamais trouvé l’autre. Ca fait quelques jours qu’il cherche ce moment tout en sachant qu’il ne viendra sans doute jamais.
- T’en fais pas d’accord. Je vais faire comme si j’avais rien entendu.
Il pourra essayer. Il sait qu’il échouera.
- C'est venu du fond du cœur.
- Je… je suis un peu perdu là, lâche Keelan qui cherche son regard.
- J'ai voulu lui cracher au visage que ça n'avait rien de sale d'être... amoureux... de toi... mais je sais que je suis engagé à l'extérieur, et que ça peut sembler léger de ma part. Trop rapide... Pas sérieux.... Que ça fait de moi une sorte de... Je ne sais pas ce que ça fait de moi... Je voulais attendre pour te le dire, pour que ça ait du poids...Pour que tu n'en doutes pas... Je… je voulais...

Keelan a du mal à savoir exactement à quoi il doit s’accrocher dans ce discours décousu. Tout ce qu’il sait c’est qu’il a bien fait de ne rien avouer de ses sentiments à lui. Lui dire « Je t’aime » ne ferait que compliquer une situation déjà assez pesante pour le djinn. Keelan ne souhaite pas non plus qu’une déclaration de sa part le mette mal à l’aise ou qu’il se sente piégé.

Nathan a vraiment l’air gêné et honteux, sans doute coupable aussi. Mais Keelan le lui a dit : il est prêt à tout pour son bonheur, même à ravaler l’affirmation de son amour pour lui qui lui brûle pourtant les lèvres. Ou à faire comme si ces deux petits mots lâchés par l’homme qu’il aime ne lui ont pas apporté, un court instant, un bonheur intense, violent même et la sensation d’exister vraiment et pleinement aux yeux de quelqu’un d’autre.
Le loup trouve donc la force de sourire comme si tout allait pour le mieux et embrasse sa joue avec beaucoup de délicatesse avant de le serrer dans ses bras. Il sent confusément qu’il a besoin de réconfort à son tour et le lui offre spontanément.

- Je comprends. C’est pas grave, ok ? T'as pas à te justifier. On oublie. Que tu sois là, ça me suffit. Juste… pour ton information, je me fous du bon moment, tente-t-il de plaisanter.

Il sourit toujours et arrive à donner admirablement le change alors qu’il se trouve profondément chamboulé par les dernières minutes qui viennent de s’écouler.
- Je… tu crois qu’il vaut mieux aller voir Colgan ce soir ?  

Non ... Non .. Non !
Tout va de travers ! Tous mes mots sortent à l'envers, ma langue les tourne d'une façon qui les vide de sens. J'ai l'impression de dire tout et son contraire, juste parce que j'ai peur.
J'ai peur de moi même.
J'ai peur de ce que ça implique.
J'ai peur de le perdre.
De perdre Amon.
De tout perdre.

Mon égoïsme n'a donc aucune limite ?

Keelan me regarde, avec ses prunelles humides de cocker abattu, fidèle malgré son dépit. J'ai le cœur percé encore et encore et encore avec cette foutue aiguille à tricoter. Ne me regarde pas comme ça ! J'ai de nouveau envie de pleurer, sauf que, cette fois, l'instigateur de sa peine c'est moi.

- Je comprends. C’est pas grave, ok ?
- Non, tu ne comprends pas !
- T'as pas à te justifier. On oublie.
- Non... Mon couinement est misérable, veule. Je me débecte.
Que tu sois là, ça me suffit. Juste… pour ton information, je me fous du bon moment.

Une détresse terrible s'empare de moi. J'ai la sensation que le sol se dérobe sous mes pieds, que l'abime m'emporte moi et ma couardise. L'urgence affole mon cœur.
Je vais perdre Keelan.
Je vais le perdre parce que je manque d'honnêteté, de franchise... Il mérite mieux que ma lâcheté.

- Je… tu crois qu’il vaut mieux aller voir Colgan ce soir ?

Je m'empare de son visage et l'embrasse à pleine bouche, comme si ma vie en dépendait. Et peut-être que c'est vrai ? Peut-être que demain nous mourrons tous. Il est temps que j'arrête de toujours me ménager. Il est temps de prendre des risques !

De commettre un acte qui compte pour moi.

- Keelan Monaghan, je t'aime. Je suis ... Vraiment... amoureux de toi. Tu entends...Je déglutis. J'ai juste la frousse.... La frousse de ce que ça implique ici, et dehors, si jamais on sort... que tu me rejettes déjà, que.. que tu me prennes pour une girouette, un garçon facile,....que tu ne me crois pas tout simplement....

J'ai l'air franchement désespéré.

- J'ai peur de faire une connerie en te disant ça. Je hausse les épaules avec un rire faible, mais tendre. Sincèrement. Tu me crois... ?

- Je… tu crois qu’il vaut mieux aller voir Colgan ce soir ?

Keelan tente de revenir vers des sujets moins… difficiles, de mettre sa stupide question entre parenthèse pour les débarrasser tous deux de cette impression de gêne tenance.
Mais plutôt que de lui répondre, Nathan l’embrasse soudain avec une fébrilité et une urgence dans son baiser qui le laisse un peu étourdi et auquel il répond avec fougue, le pressant étroitement contre lui. Ses doigts trouvent le peau nue en dessous et l’investissent possessivement.
Le loup ne sait pas tellement s’il s’agit d’un geste d’excuse ou de simplement lui prouver qu’il tient à lui mais il savoure l’étreinte et tente de lui transmettre tout ce qu’il ne peut pas lui dire avec des mots.
Lorsqu’ils se séparent, il est à bout de souffle et le dévore des yeux.

Oui. Ca lui suffira.

- Keelan Monaghan, je t'aime.
Le loup se fige, ouvre la bouche pour la refermer aussi sec avant de balbutier.
- Je ne te suis plus Nath… me dis pas ça pour me faire plaisir ou… il baisse un instant les yeux, que tu m’aimes ou non, j’ai envie de rester avec toi, tu sais…
Il a du mal à savoir si ce sont là des mots que Nathan se sent obligé de prononcer de peur qu’il veuille tout arrêter. Or ça n’arrivera pas. Pas aujourd’hui, pas demain et certainement pas dans un avenir proche ou lointain.
- Je suis ... Vraiment... amoureux de toi. Tu entends...
- J’entends oui, souffle-t-il alors que son cœur est reparti pour une ruée sauvage dans sa pauvre cage thoracique qui a bien du mal à le contenir.
- J'ai juste la frousse... La frousse de ce que ça implique ici, et dehors, si jamais on sort... que tu me rejettes déjà, que… que tu me prennes pour une girouette, un garçon facile... que tu ne me crois pas tout simplement... J'ai peur de faire une connerie en te disant ça. Sincèrement. Tu me crois... ?

Keelan recule un peu pour s’adosser à la chaise et tente de mettre dans l’ordre dans ses pensées et de faire taire son coeur qui déborde littéralement de bonheur. Il vient finalement planter ses yeux dans les siens.

- On va… on va essayer de prendre les choses dans l’ordre ok ? Je réfléchis pas à mille à l’heure comme toi, lâche-t-il avec un petit sourire amusé. Le plus important : oui je te crois. Evidemment que je te crois ! Je ne t’ai jamais pris pour une girouette ou un garçon facile Nathan. Jamais. Je serai extrêmement mal placé pour te juger parce que je sais combien les sentiments ne s’expliquent pas toujours … et … je m’en veux aussi de ce qui se passe. Mais je ne le regrette pas. Parce que tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Et ça ne changera jamais. Pour ce qui est de tes craintes, il attrape sa main et la serre avec force. Je te l’ai dit, tout ce que je veux, c’est ton bonheur. Pour ça, je suis prêt à encaisser ce qu’on dira de nous ici et dehors, prêt à m’écarter si jamais tu penses que c’est finalement auprès Amon qu’est ta place. Mais je te promets que… quoiqu’il arrive, tu ne me perdras pas. J’ai juste besoin …que tu sois franc avec moi.

Il s’approche à nouveau jusqu’à ce que leurs visages se touchent presque et la chaleur de sa paume vient s’enrouler autour de la nuque du djinn alors qu’un sourire épanoui transfigure ses traits.

- Je pourrais pas te rejeter, Nathan. Parce que tu as mon cœur et que je peux pas vivre sans, et donc plus sans toi non plus. J’avais fait une croix sur la possibilité d’aimer et d’être aimer en retour, normalement, sans dégoût ou … il déglutit et reprend, tu vois ? Et puis tu es arrivé et Seigneur ça a été si facile de tomber amoureux de toi ! Si tu savais comme je t’aime Nath… mais je me refusais de te le dire parce que je ne voulais pas que tu te sentes mal ou que tu culpabilises encore plus… je voulais que ça soit…facile pour toi d’être avec moi. Mais je t’aime aussi. Sincèrement. Alors on va traversé ce qui nous attend ensemble, si tu le veux bien, ok ?

Keelan conclut par un baiser qui commence avec beaucoup de tendresse et qui finit par se faire dévorant, attisant cette faim de lui qui ne connait pas la satiété et qui ne la connaitra peut-être jamais.  

Take my hand
Don't run, be cool
Breathe
Take my hand
(I am here) I am here with you

Les mots de Keelan coulent en moi, recouvrent mes angoisses, mes réflexions parasites, mes pensées mortifères. Je prends la pleine mesure des abysses qui m'habitent.

Je suis terrorisé par la portée de mes choix, par ce qu'ils révèlent de moi. J'ai choisi de séduire Amon, de ravir cet homme à mon père, de déjouer ses plans. Je l'ai aimé. Je l'aime.Mais je me rends compte aujourd'hui que ça n'était pas de la bonne façon. Je voulais de la légitimité, de la reconnaissance, une famille stable, un socle pour me construire...
Une identité.
Amon m'a apporté tout cela. C'était un choix calculé, inconsciemment sans doute. Un désir de confirmation et de sécurité pour lequel j'ai sacrifié une part de moi.

Keelan n'a pas été un calcul.

Il m'est tombé dessus sans prévenir.
Il m'a frappé comme une évidence.
J'ai d'abord cru que je voulais fuir... fuir en avant, réduire à néant tout ce que j'avais acquis. J'ai refusé de céder, puis, de guerre lasse, j'ai laissé mes envies me dominer. J'ai suivi mon instinct. Keelan me fait du bien. Avec lui, j'ai la sensation de retrouver une part de moi égarée. Je ne prévois rien, je me laisse porter par l'instant. Je le vis pleinement. L'incertitude, l'excitation, les incompréhensions, les tâtonnements, les compromis... Il y a quelque chose de beau et de déconcertant dans le fait d'avancer à l'aveuglette avec juste son contact comme point d'ancrage. J'ai l'impression que l'Amour ressemble d'avantage à ça finalement que la fusion harmonique vécue avec Amon. Certes, elle fût belle et rassurante, mais je suis prêt à sauter dans le vide maintenant.

A me tromper.
A affronter l'Inconnu.
Ce moi qui demande à être découvert.

-...Alors on va traverser ce qui nous attend ensemble, si tu le veux bien, ok ?
- Ok...

J'ai conscience de mon sourire ému mais radieux, de mon rythme cardiaque qui dérape, de la chaleur qui éclot dans ma poitrine, de mes trippes qui font des pelotes de nœuds, de tout mon être qui crépite. De tout ce qui me rend humain et faillible. Imparfait.

Me voilà, vide. J'ai sauté...

Après un baiser torride qui, comme chaque fois que mes émotions sont à fleur de peau, illumine mes tatouages, je me détache de la bouche de mon loup pour récupérer un peu d'oxygène. Et de capacité de raisonnement, aussi.

- Il est préférable de prévenir Colgan au plus tôt... Il n'est pas encore trop tard pour aller le déranger. Je propose qu'on y aille maintenant. J'affiche un sourire malicieux. Et après on rattrapera tous les dramas de ma playlist, jusqu'à épuisement.........

-...Alors on va traverser ce qui nous attend ensemble, si tu le veux bien, ok ?
- Ok...

Keelan le dévisage, attend peut-être que quelque chose d’autre s’échappe de ses lèvres au large sourire. Mais rien ne vient.
Ridicule… à quoi s’attend-il ? Il a déjà eu le droit à une déclaration, n’est-ce pas suffisant ?
Il hoche simplement la tête et vient happer ses lèvres, moyen de faire taire ce début de picotement indescriptible qui lui égratigne la poitrine. Et la diversion est suffisante pour le moment.

Lorsqu’ils se séparent, à bout de souffle, il caresse du bout des doigts les tatouages visibles qui s’éteignent petit à petit sur le corps de son amant. Il se sent épuisé, lessivé émotionnellement. Jamais encore il ne s’était à ce point livré à qui que ce soit et il a l’impression de s’être mis à nu, d’être extrêmement vulnérable. Il a laissé Nathan percevoir et investir des parties de son être et de son cœur qu’il a réussi à mettre à l’abri pendant toutes ses années. Les derniers petits morceaux d’espoir et d’amour qu’il avait encore en réserve, il les lui a donnés, sans réserve. Et encore une fois, il ne le regrette pas. Mais il a une peur viscérale qu’ils finissent en morceau tôt ou tard, eux aussi.

C’est le risque qu’il a choisi de prendre.
Parce qu’il l’aime.

- Il est préférable de prévenir Colgan au plus tôt... Il n'est pas encore trop tard pour aller le déranger. Je propose qu'on y aille maintenant.
Le loup cligne des yeux, ramené résolument à la réalité.
- Oh…oui tu as raison. On va faire ça.  
- Et après on rattrapera tous les dramas de ma playlist, jusqu'à épuisement…
Keelan croque le bout de son nez avec un petit rire.
- Ca me parait être un bon plan.

Il se relève en soulevant le djinn et le remet sur ses pieds. Il remet négligemment sa clavicule qui a bougé de son emplacement et s’étire le dos. Il n’y est vraiment pas aller de main morte avec Chung…
Ils sortent de la Cantina et après en avoir verrouillée la porte, il tend la main à Nathan sans un mot avec un petit sourire incertain.
La fatigue a au moins ça de bon qu’il se sent relativement serein lorsqu’il frappe à la porte de la chambre que partage Colgan et Marisol.
Il entend quelques murmures à travers la porte et son Alpha finit par l’ouvrir, vêtu d’un jeans à peine fermé et un tee-shirt chiffonné. Son visage exprime d’abord de la surprise puis une légère inquiétude en les voyant sur le seuil de sa chambre.

- Keelan ? Nathan ? C’est Unseelie ?
Evidemment, il a peur d’une rechute de possession de la monstruosité aux papillons et machinalement Keelan referme ses doigts sur le médaillon de famille confié par Shane. Pour le moment, il semble faire l’affaire comme huaca.
- Non ! Non c’est pas ça… le rassure aussitôt le loup. Je… on peut te parler un instant.
Colgan hoche la tête et referme la porte derrière lui.
- Pas ici. Marisol a besoin de repos.
S’il note la légère rougeur de son Alpha, Keelan n’en dit rien et ils le suivent jusqu’à la salle commune des loups, déserte à cette heure.
- Je vous écoute.

Keelan essuie ses mains rendues moites – finalement face à son Alpha, la nervosité a fini par le gagner – sur son jeans et se gratte la gorge. Colgan ne cherche pas à précipiter sa confession, il attend, attentif, patient. Keelan échange un regard avec Nathan avant de commencer.

- Il y a eu un accident à la Cantina et j’ai… je me suis battu avec Chung. Il est dans un sale état et c’est entièrement de ma faute. Il m’a provoqué mais je n’aurais jamais dû réagir avec autant de violence.  
Colgan ferme un instant les yeux, laisse filtrer un soupir puis arque un sourcil.
- Explique. Tu es l’un des loups les moins belliqueux de la Meute, Kee. Je sais que cette bagarre ne sort pas de nulle part. Il coule un regard vers Nathan. Est-ce que ça a quoique ce soit à voir avec…vous deux ?

Une fois la Cantina verrouillée, Je viens glisser résolument ma main dans celle de Keelan. C'est comme ça que ça marchera entre nous, désormais, sans se cacher. Je veux qu'il en soit assuré.

Colgan a tout l'air de l'homme dérangé en pleine "intimité" lorsqu'il nous ouvre. Je me mordille la lippe en regardant mes pieds, mes doigts toujours agrippés à ceux de Keelan.

- Keelan ? Nathan ? C’est Unseelie ?
Je relève précipitemment la tête.
- Non ! Non c’est pas ça…
- Pas du tout ! que j'appuie en levant une main rassurante.
- Je… on peut te parler un instant.
- Pas ici. Marisol a besoin de repos.
- Très bien.

Nous translatons vers la salle commune des loups.

- Je vous écoute.

Je me tourne vers Keelan, le laissant s'exprimer en premier. Je lui infuse du courage en joignant de nouveau ma main à la sienne. Je suis là pour toi, mon loup tout cassé, moi le djinn dégénéré. (On dirait une mauvaise blague carambar. Dommage que je n'en ai jamais trouvé en Irlande...)

- Il y a eu un accident à la Cantina et j’ai… je me suis battu avec Chung. Il est dans un sale état et c’est entièrement de ma faute. Il m’a provoqué mais je n’aurais jamais dû réagir avec autant de violence.

La nouvelle ne fait clairement pas plaisir au futur papa qui a d'autres chats à fouetter que de gérer les humeurs des membres de sa meute.

- Explique. Tu es l’un des loups les moins belliqueux de la Meute, Kee. Je sais que cette bagarre ne sort pas de nulle part. Est-ce que ça a quoique ce soit à voir avec…vous deux ?
- Effectivement. Chung nous a surpris en train de nous embrasser, fais-je frontalement. Colgan se doute de notre liaison depuis un moment : il a trouvé l'un de ses bétas nu dans mon lit. Inutile d'être Sherlock Holmes pour en déduire les raisons. Il était un peu éméché et passablement écoeuré qu'une certaine Sasha l'ai encore éconduit. Je suppose qu'il a voulu se défouler. Nous avons essuyés quelques insultes homophobes. Cela aurait pu s'arrêter là, mais il a commencé à faire état d'une rumeur qu'il aurait entendu de la bouche de la fameuse Sasha à propos de Keelan et Rémus, le précédent alpha. Je ne souhaite pas m'avancer sur le sujet, ne sachant pas ce que Colgan sait, je reste donc évasif. C'était particulièrement odieux, méchant et déstiné non seulement à blesser mais à souiller la réputation de Keelan.

Mon exposé est froid et mon ton dur.

- Keelan est un homme très doux, Colgan, et tu le sais. Mais ce que Chung a dit aurait mis en colère n'importe qui. Moi j'étais passablement en colère... que je m'entends gronder. Zean et moi sommes parvenus à les séparer. Chung nous a menacé de représailles, c'est pourquoi nous venons t'en parler. On s'en remet à toi pour légiférer, mais je te le dis tout net, si Chung vient encore nous chercher des noises, ou que la dite Sasha colporte encore des saletés, je ne répondrais plus de moi.

Au moins, ça a le mérite d'être clair. J'en foutre marre d'être sympa avec les "poisons rouges".

- Explique. Tu es l’un des loups les moins belliqueux de la Meute, Kee. Je sais que cette bagarre ne sort pas de nulle part. Est-ce que ça a quoique ce soit à voir avec…vous deux ?
- Effectivement. Chung nous a surpris en train de nous embrasser.
- Ah.
Keelan rougit mais ne baisse pas les yeux et sert plus fort la main de Nathan.
- Il était un peu éméché et passablement écoeuré qu'une certaine Sasha l'ai encore éconduit. Je suppose qu'il a voulu se défouler.
- Il a l’alcool mauvais… tout le monde le sait.
- Nous avons essuyés quelques insultes homophobes. Cela aurait pu s'arrêter là, mais il a commencé à faire état d'une rumeur qu'il aurait entendu de la bouche de la fameuse Sasha à propos de Keelan et Rémus, le précédent alpha.
Colgan se tend autant que Keelan et passe une main dans sa tignasse rousse.
- Oui, je sais qui était Remus.

L’Alpha échange un long regard avec Keelan. Il ne connait pas toute l’histoire mais en sait les grandes lignes, celles qui suffisent à comprendre sur quel bouton Chung a appuyé pour faire vriller le loup à ce point.

- Comment Sasha a pu avoir vent de telles rumeurs ?
Keelan hausse les épaules.
- Honnêtement, je ne sais pas…ça n’est pas… Remus veillait à ce que ça ne se sache pas. Mais tu sais que Sasha a l’art et la manière de laisser trainer ses oreilles.
Il garde un moment le silence alors que des souvenirs, sales pour la plupart, affluent dans son esprit.

« Si tu racontes quoique ce soit de ce qui se passe ici, je torturerai ton détraqué de frangin devant toi. Comme ça, il saurait à qui il doit ses souffrances. J’ai été assez clair ? »

Remus aussi a toujours su comment manipuler Keelan à sa guise. Celui-ci, perdu dans un passé sombre qui s’invite bien trop souvent dans son présent, fixe un point à ses pieds, les mâchoires serrées à s’en faire mal. Sans s’en rendre compte, il a resserré sa poigne sur la main de Nathan.

- C'était particulièrement odieux, méchant et destiné non seulement à blesser mais à souiller la réputation de Keelan.
- Je vois…
- Keelan est un homme très doux, Colgan, et tu le sais. Mais ce que Chung a dit aurait mis en colère n'importe qui.
- Ca n’aurait pas dû, insiste Keelan.
- Moi j'étais passablement en colère... Zean et moi sommes parvenus à les séparer. Chung nous a menacé de représailles, c'est pourquoi nous venons t'en parler. On s'en remet à toi pour légiférer, mais je te le dis tout net, si Chung vient encore nous chercher des noises, ou que ladite Sasha colporte encore des saletés, je ne répondrais plus de moi.
Alors que Colgan affiche une mine de plus en plus sévère, Keelan tourne la tête vers Nathan, sourcils froncés.
- Ca veut dire quoi ça ? Tu ne feras rien du tout, Nathan ! Chung et Sasha restent mes frères et sœurs de Meute. Quoi qu’il arrive !

C’est un lien difficilement compréhensible sans doute pour quiconque se trouve hors de la Meute. Mais malgré tout ce qu’il s’est passé, Keelan ne souhaite certainement pas qu’il leur arrive quoique ce soit. Surtout pas de la main de Nathan. Il note toutefois avoir durci le ton et reprend sur un timbre plus tranquille.

- Je sais pourquoi tu as dis ça mais… je souhaite que les choses s’arrangent. On ne pourra jamais empêcher les gens de parler ou de propager des saloperies. C’est à moi de… d’arriver à me détacher suffisamment de tout ça pour que ça ne me touche plus autant, d’enterrer cette histoire une bonne fois pour toute et de tourner définitivement cette page.  
D’avancer en somme. Colgan soupire longuement.
- Keelan a raison. Nathan, j’apprécie ton … implication dans tout ceci mais j’apprécierai également que tu ne menaces pas ouvertement mes loups. Nous allons essayer de résoudre ça au mieux et pacifiquement si possible. L’unité fait notre force. On ne peut pas se permettre aujourd’hui d’avoir des guerres intestines au sein du groupe.
- Je suis désolé, souffle Keelan. J’accepterai évidemment la responsabilité de ce que j’ai fait et la punition qui en découle.
- Tu n’es certainement pas le seul à blâmer dans cette histoire.
Colgan s’approche et pose une main sur les épaules légèrement voûtées du loup.
- Pour ce qui est de la punition, nous verrons. Mais pas ce soir, ajoute-t-il avec un petit sourire légèrement las. J’irai voir Chung et Sasha demain. Merci d’être venus m’en parler.
Il glisse un regard indéchiffrable vers Nathan, le jaugeant sans doute un peu.  
- Allez vous reposer, la soirée a été assez mouvementée pour vous deux.
Alors qu’il va quitter la pièce, Colgan se retourne soudain.
- Keelan ? Lorsqu’on était dans ton esprit, le toi petit garçon nous a parlé d’un méchant homme enfermé à la cave. Il n'en dit pas plus. Tout le monde sait de qui il s'agissait. Quand tu te sentiras prêt, peut-être qu’il serait bon que tu affrontes ce qu’il y a dedans pour qu’il s’en aille définitivement. Parle avec Hunter, ajoute-t-il d’une voix douce. Quoique tu fasses, tu es et resteras un membre indispensable à cette Meute, c’est important que tu le saches. Bonne nuit.
La gorge nouée, Keelan croasse un « Bonne nuit » en retour.  

- Ca veut dire quoi ça ?
- Exactement ce que ça veut dire.
- Tu ne feras rien du tout, Nathan !
- Je ferais ce qu'il y a à faire si on vient encore me chercher querelle. Il y a longtemps que je ne tends plus l'autre joue quand on s'en prend à mon orientation sexuelle ou à mes proches. Et par ailleurs celui qui a proféré des menaces en premier, c'est Chung. J'aurais pu prévenir le service de sécurité mais je ne l'ai pas fait. Poirot est bien moins souple que je ne le suis.
- Chung et Sasha restent mes frères et sœurs de Meute. Quoi qu’il arrive !
- Un frère qui t'insulte et te méprise et une soeur qui s'amuse à nuire à ta réputation. Je pense être assez calé en famille dysfonctionnelle pour savoir quand il y a des vers dans une pomme.

La tension est montée d'un cran entre nous. Je sens le regard désapprobateur et mécontent de Colgan me chauffer la couenne. Je soutiens tout de même ma position, mâchoire serrée.
Ma main tient toujours celle de Keelan.

- Je sais pourquoi tu as dis ça mais… je souhaite que les choses s’arrangent.
- Moi, aussi... fais-je avec plus de douceur.
- On ne pourra jamais empêcher les gens de parler ou de propager des saloperies.
- Non, c'est certain, mais "les gens" ce n'est pas ta meute.
- C’est à moi de… d’arriver à me détacher suffisamment de tout ça pour que ça ne me touche plus autant, d’enterrer cette histoire une bonne fois pour toute et de tourner définitivement cette page.

Je m'apprête à répondre mais Colgan me grille cette prorité.

- Keelan a raison. Nathan, j’apprécie ton … implication dans tout ceci mais j’apprécierai également que tu ne menaces pas ouvertement mes loups. Je prends sur moi de ne pas répliquer même si l'envie est forte. Nous allons essayer de résoudre ça au mieux et pacifiquement si possible. L’unité fait notre force. Avec une vipère qui repend son venin et son soupirant aveuglé prêt à n'importe quoi pour elle. Ton unité est déjà noyautée! (Tais-toi Nath... Tais-toi...) On ne peut pas se permettre aujourd’hui d’avoir des guerres intestines au sein du groupe.
- Je suis désolé. J’accepterai évidemment la responsabilité de ce que j’ai fait et la punition qui en découle.

J'écarquille les yeux, estomaqué.

- Je te demande pardon ! Tu es une victime dans cette affaire !
- Tu n’es certainement pas le seul à blâmer dans cette histoire.
- Blâmer de quoi ? D'être gay ?! J'hallucine complètement. C'est de la pure injustice. Je fulmine et grince. Désolé, l'étranger à la Meute se la boucle.
- Pour ce qui est de la punition, nous verrons. Mais pas ce soirJ’irai voir Chung et Sasha demain. Merci d’être venus m’en parler.

Je n'aime pas l'oeillade de Colgan sur moi. Je soutiens ses prunelles sans détour. J'ai déjà tué le Père, merci de ne pas m'en coller un second.

- Allez vous reposer, la soirée a été assez mouvementée pour vous deux.  Keelan ? Lorsqu’on était dans ton esprit, le toi petit garçon nous a parlé d’un méchant homme enfermé à la cave. .... Quand tu te sentiras prêt, peut-être qu’il serait bon que tu affrontes ce qu’il y a dedans pour qu’il s’en aille définitivement. Parle avec Hunter, Quoique tu fasses, tu es et resteras un membre indispensable à cette Meute, c’est important que tu le saches. Bonne nuit.
- Bonne nuit.

Moi, je ne lui souhaite rien.

- Je suis désolé. J’accepterai évidemment la responsabilité de ce que j’ai fait et la punition qui en découle.
- Je te demande pardon ! Tu es une victime dans cette affaire !
- Nathan s’il te plait…
S’il trouve l’indignation de Nathan adorable dans un sens, elle est aussi extrêmement biaisée en son sens. Il ne connait pas aussi bien Chung et Sasha que lui. Ca ne les excusera sans doute pas, mais comme tout le monde, ils ont leurs qualités et leurs défauts.
- Tu n’es certainement pas le seul à blâmer dans cette histoire.
- Blâmer de quoi ? D'être gay ?!
- Bien sûr que non ! s’agace un peu Keelan. D’avoir réagi de cette façon Nathan ! Je lui ai explosé la tête pour des mots ! J’aurais pu le tuer si…Il se tait, trop honteux pour continuer. Rien n'aurait justifier ça !
- Désolé, l'étranger à la Meute se la boucle.
Keelan pince les lèvres mais ne dit rien et Colgan se contente de le regarder un moment. Après avoir fait ses dernières recommandations, il les laisse seul.

Le loup s’écroule soudain sur leur canapé et pousse un soupir à fendre l’âme, un soupir fatigué. Il laisse planer quelques secondes de silence avant de prendre la parole.

- Peut-être que tu me trouves lâche ou pas assez vindicatif dans la façon dont je veux gérer ce qu’il s’est passé mais c’est ma façon de faire. Ce qu’a fait Chung, et Sasha dans une moindre mesure, reste dégueulasse mais je veux croire que ça n’est pas impardonnable. Tu parles de famille dysfonctionnelle… sans doute, mais c’est la seule que j’ai et j’y tiens. Je sais que ça t’a heurté aussi et je suis désolé que tu aies dû faire face à ça. Le monde des loups-garous est pétri de masculinité toxique.

Toxicité dont il a fait les frais…comme Remus aussi certainement.

Keelan note soudain que si ses mains sont soignées, elles sont encore pleines de sang. Du sien et de celui de Chung. Il se précipite presque vers le minuscule lavabo calé dans un coin de la pièce et frotte activement sa peau sous l’eau avec une sorte de fureur compulsive. Comme lorsqu’il arrivait à se doucher seul après le « passage » de Remus.  

J'ai du mal à décolérer. Il faut que je redescende, que je me calme. Je mesure à quel point la souffrance de Keelan et la raison de son déchainement m'ont profondément ébranlé. J'ai eu mal pour lui, mal à en crever par empathie. J'ai besoin d'un exutoire à toute cette frustration qui m'habite. Toute cette injustice.

Toute mon impuissance.

On ne peut pas tuer un mort une deuxième fois (encore que...)
Keelan s'affaisse sur un des canapés défoncés. Je sens venir une discussion que je n'ai pas franchement les nerfs d'encaisser. Pourquoi est-ce si compliqué ? Avec Amon rien ne l'était... Il enrobait tout pour m'épargner, moi le gentil petit garçon.

- Peut-être que tu me trouves lâche ou pas assez vindicatif dans la façon dont je veux gérer ce qu’il s’est passé mais c’est ma façon de faire.
- Je n'ai jamais proféré rien de tel ! Ne sois pas injuste.
- Ce qu’a fait Chung, et Sasha dans une moindre mesure, reste dégueulasse mais je veux croire que ça n’est pas impardonnable.
Je soupire.
- Evidemment que c'est pardonnable, mais il ne faut pas non plus laisser passer sous prétexte qu'ils sont de ta "famille".
- Tu parles de famille dysfonctionnelle… sans doute, mais c’est la seule que j’ai et j’y tiens.
- Désolé, fais-je amère. J'ai tué mon père biologique et baisé celui de substitution. Je ne suis pas en mesure de comprendre.  Je ferme les yeux et me masse l'arrête du nez. Pardon, je n'aurais pas dû dire ça... Je suis juste fatigué...
- Je sais que ça t’a heurté aussi et je suis désolé que tu aies dû faire face à ça. Le monde des loups-garous est pétri de masculinité toxique.
- J'ai.. Je supporte pas de te voir dans cet état. J'ai l'impression que... Keelan ? Keelan où tu va ?

Il se lève brutalement et se rue sur un évier que je n'avais pas remarqué. Il a l'air possédé.

- Qu'est-ce que tu fais ?!

Il se frotte les mains compulsivement sous l'eau à s'en arracher la peau. Je connais ce comportement. Moi aussi je me suis meurtrie après la mort d'Amir, puis, plus récemment après le meurtre de Nadim. Mes lacérations ne se voient plus. Tout guéri quand on est un djinn, sauf les dommages invisibles.

- Arrête !

Sa frénésie m'effrite le cœur. J'essaie de l'empêcher de se faire du mal en éteignant le robinet, mais il continue de  gratter comme pour chasser une souillure invisible. Ce Rémus l'a détruit et personne même pas Colgan ne semble soupçonner à quel point.
J'attrape son visage entre mes paumes gantées, pour le forer à me regarder.

- Keelan... Regarde-moi... Mon amour, mon pauvre amour... fais-je avec une tendresse spontanée et sincère. Moi, je n'ai que toi en ligne de mire. Il n'y a que tes intérêt et ton bien être qui prévalent... Alors oui, peut-être que je suis dur, rigide, ou ce que tu voudras... Inhumain, sans doute.... Mais que deux idiots inconscient de ce qu'ils disent puissent te mettre dans cet état, me rend juste malade. Pour moi, il n'y a que toi qui compte.... Pardonne-moi....

- Tu parles de famille dysfonctionnelle… sans doute, mais c’est la seule que j’ai et j’y tiens.
- Désolé. J'ai tué mon père biologique et baiser celui de substitution. Je ne suis pas en mesure de comprendre.
Keelan lève subitement les yeux vers lui. C’est faux, il le sait, au moins pour ce père de substitution. Amon. Il doit l’aimer encore. D’une façon ou d’une autre.
- Tu mens… se contente-t-il d’affirmer.
- Pardon, je n'aurais pas dû dire ça... Je suis juste fatigué...
Ca aussi il le sait. Et il s’en veut terriblement pour ça. Il a un petit sourire triste.
- Elle est loin notre idée de la soirée parfaite rien qu’à nous hein ? Je sais que ça t’a heurté aussi et je suis désolé que tu aies dû faire face à ça. Le monde des loups-garous est pétri de masculinité toxique.
- J'ai... Je supporte pas de te voir dans cet état. J'ai l'impression que... Keelan ? Keelan où tu va ?

Il ne l’écoute déjà plus, absorbé par la tâche de se laver des dernières traces de sa faute. Toutes ses traces indélébiles, celles qui se voient et celles qui n’apparaissent qu’à ses yeux. Il est souillé, profondément, là où aucun savon ne pourra jamais attendre les marques.
Il est bel et bien fêlé de partout, presque entièrement cassé. Remus avait raison, il ne pourra jamais se libérer de lui et il n’est pas digne d’être aimé comme tout le monde.
La peau rougie violemment sous les assauts inarrêtables du loup. Il lâche soudain le savon, le souffle court, les doigts crispés sur la faïence alors qu’on le force à détourner les yeux.

- Keelan... Regarde-moi...
Il tombe sur deux yeux à la couleur de l’océan, deux yeux bleus qu’il adore voir se plisser lorsqu’il sourit, deux yeux bleus souvent illuminé d’un éclat de malice irrésistible. Ils ne reflètent aujourd’hui que l’inquiétude.
Pourtant il y plonge, il s’y accroche.

- Mon amour, mon pauvre amour...
- Nath… à peine murmuré, son prénom sonne comme une supplique.
Machinalement, Keelan retire les gants du djinn et les laisse tomber à terre. Il niche sa joue contre cette paume rassurante et ferme les yeux, le nez tout proche de son poignet. Là où son odeur est forte et les battements de son cœur, sonores.
- Moi, je n'ai que toi en ligne de mire.
Le loup réouvre les paupières et fixe à nouveau son regard dans le sien sans lâcher sa main dont il baise à présent la peau fine. Il ne cille presque pas.
- Il n'y a que tes intérêts et ton bien être qui prévalent... Alors oui, peut-être que je suis dur, rigide, ou ce que tu voudras... Inhumain, sans doute...
- Non... non dis pas ça...
- Mais que deux idiots inconscients de ce qu'ils disent puissent te mettre dans cet état, me rend juste malade.
- C’est pas de leur faute… si je suis comme ça…  
- Pour moi, il n'y a que toi qui compte... Pardonne-moi....
Les iris de Keelan ont pris une teinte plus animale et luminescente sous le coup de l’émotion.
- Y’a rien à te pardonner, Nathan. Rien du tout. C’est moi qui suis désolé… de pas pouvoir t’offrir mieux qu’un loup pété.

Keelan se rappelle des paroles d’Hui.
Amon est un être parfait.
Lui en est si loin…si loin.
Mais Nathan non plus ne l’est pas. Mérite-t-il pour autant de subir les traumatismes de son passé qui ne cesse de le hanter ? Non. Alors il n’y a qu’une possibilité. Il l’enserre subitement dans ses bras et l’embrasse avec un désespoir palpable, comme si s’arrêter signifiait le perdre.
- Je t’aime, chuchote-t-il contre sa bouche entre deux baisers. Reste avec moi, s’il te plait… même si je le mérite peut-être pas… même si c’est compliqué… je vais guérir… me libérer de tout ça … alors reste …  

- C’est pas de leur faute… si je suis comme ça…  
- Ca n'est pas de la tienne non plus, Kee... Pour moi, il n'y a que toi qui compte... Pardonne-moi....
- Y’a rien à te pardonner, Nathan. Rien du tout. C’est moi qui suis désolé… de pas pouvoir t’offrir mieux qu’un loup pété.
- Un loup pété et un djinn parricide, on dirait une mauvaise blague, non ? J'ai un pauvre rire fêlé.

Keelan m'attrape avec une terrible détresse au fond des yeux.  Il m'embrasse comme si j'allais disparaitre sous peu. Je m'efforce de lui démontrer le contraire à grand renfort de caresses et d'effusion.

- Je t’aime.
- Moi aussi.... moi aussi, je t'aime... que je formule explicitement et en toutes lettres. Je veux qu'il le comprenne, qu'il s'en imprègne.
- Reste avec moi, s’il te plait… même si je le mérite peut-être pas…
- Pourquoi tu ne mériterais pas ?
- ...Même si c’est compliqué… je vais guérir… me libérer de tout ça … alors reste …  
- Arrête de faire ça, Keelan. Arrête de toujours te déconsidérer, de penser que tu es médiocre, que tu es "pété", que tu ne mérite pas.... D'une part l'amour n'a rien à voir avec le mérite, de l'autre, si c'était le cas, je ne connais pas d'homme qui mériterait plus que toi d'être inconditionnellement aimé ! Regarde-moi et retiens chacun de ces mots : tu es doux, gentil, solide, bienveillant, à l'écoute, compréhensif... Tu es profondément bon et altruiste. Et tu es sexy en diable... J'ai un sourire stupidement énamouré. Tu me fais rire, je ne me souvenais plus que je le pouvais. Tu m'as permis de pleurer, ça aussi j'avais oublié... Tu m'as ramené de tellement loin... que je poursuis la voix enrouée d'émotions. J'étais en train de m'asphyxier ... et soudain, soudain tu étais là au détour d'un couloir, à me parler, pour de vrai... à te farcir des films ineptes, à jouer les doudous pour m'aider à dormir, à accepter mes requêtes idiotes juste pour grapiller du temps avec toi. Tu penses sincèrement que je pourrais t'abandonner ?

J'ai la lippe qui tremble. Encore.

- C'est plutôt moi qui ait la trouille que tu finisses par me quitter,  par déchanter à mon sujet....parce que je suis une trainée infidèle, parce que j'ai l'air souvent inconstant et indécis, parce que je peux être parfois d'une intolérance totale et sans concession, et capricieux, et calculateur....... J'ai si peur que tu te rendes compte à quel point je suis une imposture...Je ne veux pas te décevoir.... Je t'aime et J'ai besoin de toi ! Quand on se brouille, je deviens débile et je fais n'importe quoi... Je me mets à pouffer en m'essuyant les yeux. Comme me prendre une cuite à l'alcool de poubelle !

Je le regarde à nouveau en m'accrochant à lui avec une urgence semblable à la sienne. Nos fronts se cognent.

- Keelan...il faudrait me tuer pour me faire partir. Rentre-le dans ta caboche de lycanthrope ! Compris ?!

- Arrête de faire ça, Keelan. Arrête de toujours te déconsidérer, de penser que tu es médiocre, que tu es "pété", que tu ne mérite pas...

Comment lui expliquer ? Comment lui dire que ces mots ont été si profondément marqués au fer rouge dans sa tête qu’il en a fait une vérité.
Il se pince les lèvres, à cours de mot, à cours de courage d’avouer encore à quel point il a été conditionné. Il préfère largement écouter le djinn, le dévorant des yeux et rougit sous son hâle au fur et à mesure de son exposé très précis sur ce qu’il pense de lui.

- Tu m'as ramené de tellement loin... J'étais en train de m'asphyxier ... et soudain, soudain tu étais là au détour d'un couloir, à me parler, pour de vrai...
- On pourra remercier Hui… déclare Keelan en donnant un petit coup de nez sur le sien, quoique… ses chevilles sont sans doute assez enflées comme ça.
- A te farcir des films ineptes, à jouer les doudous pour m'aider à dormir, à accepter mes requêtes idiotes juste pour grapiller du temps avec toi.
- Tu me fais passer pour une sorte de martyr alors que j’ai adoré chaque minute.
- Tu penses sincèrement que je pourrais t'abandonner ?
Keelan garde un instant le silence.
- Je sais pas… je suis pas très bon pour ce genre de pronostic mais quoiqu’il advienne, je te l’ai dit…tu pourras plus te débarrasser de moi maintenant.

Le loup le sent à nouveau à fleur de peau et caresse du pouce cette lèvre qui tremble.
- C'est plutôt moi qui ait la trouille que tu finisses par me quitter, par déchanter à mon sujet....parce que je suis une trainée infidèle, parce que j'ai l'air souvent inconstant et indécis, parce que je peux être parfois d'une intolérance totale et sans concession, et capricieux, et calculateur...... J'ai si peur que tu te rendes compte à quel point je suis une imposture... Je ne veux pas te décevoir...
Il le fait taire d’un baiser impérieux.
- Hey Nathan…il prend son visage en coupe. Et c’est moi qui me déprécie ? Scoop. On a tous des défauts. Et tout ça, ça fait aussi partie de toi et c’est toi que j’aime, malgré ou pour tes défauts. Ca dépend des jours. Une imposture de quoi ? Tu ne me décevras jamais parce que tout ce que j’attends de ta part…c’est que tu sois toi ! Je me fiche que tu aies tué ton père, j’ai tué des innocents… je me fiche que tu sois infidèle, tant que c’est avec moi… je me contrefous que tu sois considéré comme un djinn « dégénéré », tout ce que je vois c’est que tu as décidé de mettre ton pouvoir au service de ce que tu crois être juste…
- Je t'aime et J'ai besoin de toi ! Quand on se brouille, je deviens débile et je fais n'importe quoi... Comme me prendre une cuite à l'alcool de poubelle !
Keelan a un petit rire, la poitrine gonflée et réchauffée d’un sentiment qui s’apparente beaucoup à un bonheur brut.
- Tu plaisantes…c’est la meilleure idée que tu aies eue ! Sans ça, on n’en serait peut-être pas là tous les deux…
- Keelan...il faudrait me tuer pour me faire partir. Rentre-le dans ta caboche de lycanthrope ! Compris ?!
Le loup sourit. Un sourire fatigué mais vrai.
- Compris. Moi aussi j’ai besoin de toi…t’as pas idée à quel point tu me fais du bien... du nouvel élan que tu me donnes pour avancer alors que je ne savais plus où j'allais. J’ai l’impression de vivre vraiment que depuis que je te connais.
En appui contre son front, il pousse un soupir puis s’écarte doucement.  
- On retourne dans ton bureau ? J’ai plus la force de rien ce soir… sauf… pour des Dramas évidemment. Parce que nos vies n’en n’ont clairement pas assez.

Sa main se glisse à nouveau dans la sienne.
A sa place.