Quelque chose tire Marcus du lourd sommeil dans lequel il était plongé. Il dort toujours profondément depuis qu’il vit dans « Le Nid ». Sans doute pour compenser le fait de se faire balloter ici et là, au gré des envies de cette étrange cabane enchantée. A ce jour, il ne sait toujours pas par qui. Merlin dont il est sensé être l’un des descendants ? Les fées ?

Le jeune homme ouvre un œil et constate que le jour n’est même pas levé. Par contre Chien lui léchouille la main et y colle sa truffe humide.

« Sortir ! Urgence, urgence !!! »
« Je vois. J’arrive. »

Le jeune homme grogne puis se lève pour ouvrir à Chien qui s’empresse de courir sur le… sable ?
Marcus sort, perplexe. C’est bien la première fois que Nid l’amène ici, si loin de sa forêt. Ils ont du atterrir là pendant la nuit. Et si le sorcier a appris quelque chose c’est que le Nid ne fait jamais rien sans avoir une idée derrière la tête.
Le jeune homme soupire et décide que quoi qu’il ait à faire ici, il ne le fera pas sans un café. A peine a-t-il le temps de le verser dans un mug que Chien revient, frétillant d’excitation.

« Ami de Gros Chien par là ! Vite Vite ! »

Ces aboiements réveillent Corbeau qui croasse de mécontentement. Cacophonie à laquelle échappe le malentendant qui peut simplement la deviner.
Il n’a pas totalement compris de qui parlait Chien mais décide d’aller voir.

Sa tasse dans une main, il récupère Rat toujours convalescent depuis son emprisonnement et son gavage intensif de sucre chez la Fée des Dents. Une vraie saleté que Marcus n’est pas près d’oublier. Depuis cette mésaventure, le rongeur ne le quitte pas.
Rat pousse un petit soupir, vient se percher sur son épaule et blottir sa petite tête contre son cou. Corbeau, toujours curieux et maintenant réveillé de toute façon les suit dehors. Le sorcier repère tout de suite la cahute non loin de là. Méfiant, il préfère ne pas arriver par la plage mais contourne l’endroit. Un homme se tient là de dos et le jeune homme plisse les yeux pour mieux percevoir son silhouette.
Il croit reconnaitre le … quoi ? Démon ? Oui il croit se souvenir que c’était ça. Oh ! L’ami du Hellhound ! Alan ! Il se souvient parfaitement à présent. C'est lui le "Gros Chien" dont parlait Chien.

Mécaniquement, il regarde autour d’eux mais ne perçoit sa présence nulle part. Il décide de s'avancer et Corbeaux pousse un cri pour annoncer leur présence à tous les quatre.
- Bonjour, fait-il sobrement. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi ? On s’est rencontré quand votre Hellhound vous a appelé dans la forêt ?
Chien reste sagement à ses pieds mais frétille de la queue, prêt à revoir son étrange congénère. Il aboie et Marcus traduit.
- On aimerait beaucoup le revoir. Où il est ? Il va bien ?

- Ouais, moi aussi j'aimerais beaucoup le revoir.

Marcus garde le silence en attendant la suite, craignant de saisir ce que le démon pourrait dire à demi-mot. Son regard le suit lorsqu’il s’assoit sur le sable et le sorcier vient aussitôt l’imiter, se plaçant presque en face de lui et posant sa tasse de café vide dans le sable.
~- Je dois voir… vos lèvres pour vous comprendre, explique-t-il, si fébrile qu’il signe en même temps qu’il parle.  
- Il est reparti chez lui.
S’il ne prononce pas un mot, la surprise se lit sur son visage.
« Où chez lui ? Viens, viens compagnon ! »
« Non. Je ne crois pas que ça soit possible… Je suis désolé Chien. »
« Pourquoi ? »
« Il est dans un endroit où on ne peut pas le suivre. On ne le reverra plus, Chien. »

Chien comprends vite et se met à couiner en posant sa tête sur la cuisse de Marcus qui le cajole en lui insufflant un zeste de son pouvoir pour l’apaiser. Des sortes d’ondes mentales qu’il projette par vague douce sur l’esprit de Chien et qui ricochent sur celui des animaux aux alentours proches.  
- C'est ce que tu voulais, non ? Tu vois, je l'ai laissé filer. Tu devrais être content.

Marcus penche la tête en essayant de comprendre le lien de cause à effet sans grand succès.
~- Content ? Seulement s’il est mieux là où il est.  
Ce qu’il voit par contre c’est l’air abattu du démon. Le sorcier n’a jamais été bon pour décrypter les humains de manière globale mais s’il devait parier, il jurerait que son vis-à-vis a… du chagrin. Beaucoup de chagrin. Toute sa posture le laisse suggérer.
~- Il n’était pas ton prisonnier. Il me l’a expliqué.

Il est sans doute très maladroit à essayer de consoler quelqu’un de ce qu’il interprète être une vraie perte pour le démon. Mais… il le comprend. Combien de Rat a-t-il perdu déjà ? Trois. Il les a tous pleuré comme s’il avait perdu un membre de sa famille.

~- Il y a… beaucoup de chose que je ne comprends pas. Il hausse les épaules. C’est une fatalité qu’il a accepté tout petit. Et si je ne saisis pas le lien qui vous unissait, je ne crois pas qu’il était malheureux avec vous.

« Humain qui sent bizarre triste pour Gros Chien ? »
« C’est un démon. Pas un humain et oui je crois qu’il est très triste. »
« Consoler ? »
« Si tu veux, Chien. »

Lentement, le husky sibérien s’approche de la silhouette recroquevillée et s’assoit tout contre lui, pressant sa truffe contre sa main avant de la lécher.
~- C’est toujours un déchirement de prendre un compagnon. Ça je le comprends. Nous avons failli perdre Rat. J'aurais été dévasté. Je suis désolé pour vous.

Le jeune sorcier ne remarque qu’à présent l’allure générale du démon, émacié, négligé presque. Il n’oublie pas que Nid l’a amené là. Sans doute pour une bonne raison. En temps normal, Marcus aurait simplement tourné les talons mais il a conscience qu’il a quelque chose à faire ici. Baphomet n’est pas le premier être égaré vers lequel Nid le mène.
~- Vous n’avez pas beaucoup mangé ces derniers temps je me trompe ? Moi j’ai faim. Ça vous tente un petit déjeuner ? Nid est juste là derrière.
La cabane a l’air tout droit sorti d’un conte de fée, plantée là, au pied du sable. Il parait évident à n’importe quel être surnaturel que Nid est animé d’une âme magique.  

La proposition fait mouche.
C’est ce que constate le sorcier dont un coin de bouche se soulève à peine dans une esquisse de sourire.

- Tu peux te déplacer où tu veux, avec ça ? Même avec le brouillard ?
Il se relève et son sourire s’élargit en revenant vers sa drôle de cabane alors que Chien gambade autour d’eux, reniflant un peu partout ici et là.
- Pas n’importe où non. Nid est lié à la forêt. Jamais il n’a franchit les limites du brouillard. Mais c’est plutôt lui qui me balade que l’inverse. Il m’a amené à la cour des Fées, nous a mis sur la route d’un dragon qui avait besoin de secours et… il m’a mené à toi ce matin.  
Le sorcier a une légère grimace sur son faciès de lutin tordu.
- Nid appartenait à Merlin. Oui… ce Merlin-là. S’il m’accepte c’est que je suis apparemment l’un de ces descendants.
Il hausse les épaules et se gratte la gorge. Parler lui est toujours aussi difficile, surtout après des jours et des jours de silence.
- Enfin, ça reste à prouver.
Il ne descend de rien si ce n’est un mélange hasardeux d’ADN.

Ils franchissent le seuil de Nid et Marcus appose sa main sur le chambranle de la porte en guise de salut comme il le fait toujours avant d’y pénétrer.
L’intérieur est aussi improbablement pittoresque que le reste. Charmante bicoque assez basse de plafond mais étonnamment lumineuse qui se compose d’une grande pièce à vivre qui fait également chambre. Propre et sans un gramme de poussière, on pourrait presque croire que tout resplendit pour impressionner son hôte. Une vague odeur fraîche de pin et de café embaume la pièce.

- Nid en fait des tonnes… Café ? propose Marcus en remplissant à nouveau sa propre tasse.

Il sort d’un petit cellier tout un tas de fruits, graines, céréales ainsi que du pain frais, du beurre, de la confiture, des œufs et du bacon.

- C’est aussi Nid qui fournit la nourriture. Il prend soin de nous, explique-t-il en commençant à cuisiner le lard et les œufs, Rat sur l’épaule, manifestement très intéressé. Installe-toi.
Il désigne une petite table ronde en bois près d’une fenêtre du menton où la nourriture s’amoncelle bientôt. Marcus remplit une sorte de gamelle pour Chien qui baffre joyeusement, puis donne à Corbeau sa part.
Le sorcier finit par s’installer à son tour et mange en silence. Il est toutefois obligé de réprimander Rat lorsqu’il tente de chiper un morceau bien gras de lard.

- Non ! fait-il en attrapant fermement le rongeur à qui il donne plutôt un tas de petites graines. Ce qui semble fortement déplaire à l’animal. Le jeune homme se sent toutefois l’obligation de justifier son comportement un peu trop autoritaire même à ses yeux. Rat a été maudit par la fée des dents. Quand on l’a récupéré il pesait le triple de son poids. Il est encore en convalescence mais son appétit a du mal avec le mot diète.

Le silence revient. Marcus n’est pas du genre à avoir besoin de converser pour être à l’aise. Il sait bien que parfois, ne rien dire est tout aussi bénéfique que des mots. Une simple présence suffit. Surtout lorsqu’on est en deuil.

Le compliment tire un sourire enfantin à Marcus.
Il n’a pas réellement l’habitude de recevoir et n’a fait que faire des parts supplémentaires de ce qu’il mange d’ordinaire.

~ Merci, signe-t-il sans le prononcer.

Ils mangent en silence, et mécaniquement le jeune sorcier donne de sa part aux animaux en plus de leurs propres petits-déjeuners.
~ - Toi aussi tu préfères être seuls ?
Où subit-il cette solitude en signe de deuil ? Tout est possible et il n’est certainement pas assez habile pour deviner la différence.
~ - On dirait que ça fait longtemps. Que tu es là.

Corbeau s’envole pour se percher sur l’épaule libre du jeune homme et observe leur invité avec beaucoup d’insistance. Il penche la tête d’un côté. Puis de l’autre. Et encore une fois. Croasse comme s'il avait un rire moqueur. Marcus intercepte son manège sans en comprendre la raison.
« Quoi ? »
« Pourquoi avoir retirer plumes. Tout laid comme ça. Vraiment très laid.
« De quoi tu parles ? »
« Ressemble trop à humain. Humains moches. »
« Non je veux dire. Tu as l’impression que c’est un oiseau ? »
« Corbeau. Comme moi. Mais pas beau. »
« Oui ça j’ai compris ! »

Mais il ne saisit pas comment Corbeau peut percevoir un congénère chez le démon.

~- Corbeau trouve ça moche que tu ne portes pas tes plumes… Il dit cela sur un ton léger, comme une plaisanterie, pour voir la réaction de son vis-à-vis. ~ Qu’est-ce que tu es au juste ? signe-t-il simplement.

Marcus le scrute avec plus d’attention, comme s’il voulait voir à travers sa peau d’homme ce qu’il cache derrière. Mais comme il n’a pas ce genre de pouvoir, il tente autre chose. Avec une facilité qui a toujours rendu perplexe les laborantins et les chercheurs de l’ICV, il change la fréquence de son cerveau. Enfin en tout cas, c’est comme ça qu’il imagine les choses.
Il se « branche » sur une onde qu’il n’utilise que pour communiquer avec des animaux qu’il ne connait pas et les amplifie.

« Est-ce que tu m’entends ? »
Ses paroles lancées sur ces ondes se répandent autour de lui comme des vagues agitées par un léger ressac.

- Ouais ? Bah Corbeau devrait s'occuper de ses propres plumes...

Le volatile semble peut impressionné par le regard que l’être, que Marcus devine bien plus complexe qu’au premier abord, lui lance. Au contraire, il semble s’en amuser, l’air de lui dire « Touché ».
~- Je lui ai déjà dit. Il est juste… curieux et a un avis sur tout. Il mène une étude sur le comportement des gens. Quelque chose comme ça.

- J'suis un corbeau qui a suivi son maître un peu trop loin.
Comme Marcus scrutait la réaction de son invité, il n’a rien manqué de sa réflexion. Le sorcier s’en trouve estomaqué aussi bien qu’émerveillé. Il a clairement le regard d’un enfant à qui l’on vient de dire que Noël a été avancé cette année.
~ Vrai ?

Il en oublie de parler. Et tente une communication directement avec son esprit à priori animal.
Mais les conséquences de cette simple prise de contact dépassent largement ce qu’il aurait pu anticiper. Il en lâche lui aussi son couvert et recule sur sa chaise. Méfiant et ne comprenant pas ce qu’il se passe exactement.

- Oui... Non... arrête...ça.
Marcus pince les lèvres, se sentant à présent coupable. Il n’a pourtant rien fait de mal dans sa vision des choses. Un simple dialogue innocent.
Il observe les changements s’opérer chez le démon et Chien se redresse à l’affût, prêt à défendre son Compagnon. Mais le sorcier le rassure d’une caresse quand bien même il ne sent pas plus serein que cela. Tout son instinct lui hurle de fuir. Mais de un, il ne peut s’en aller loin de Nid et de deux, il sent qu’il faut qu’il répare ce qu’il a provoqué.

- Laisse-moi libre, s'il te plaît. Je ne veux plus être un animal de compagnie.

La supplique lui sert le cœur. Il connait parfaitement ce refrain et est horrifié d’avoir suscité une telle chose chez qui que ce soit.
~- Je suis désolé. Ce n’était pas… je ne t’ai pas contraint. Tu n’étais obligé de rien. C’était juste… une autre manière de te parler. Plus naturelle à mes yeux. Puisque tu es aussi animal. Et moins fatigante pour sa voix. Aucun de ceux avec qui je communique de cette façon n’a pris ça comme une… invasion. Mais ils n’ont pas vécu ce que tu as vécu.
Même s’il ne connait pas l’histoire de cet être, elle doit contenir sa part de traumatisme. C’est une certitude qu’il comprend d’instinct.

~- Je ne recommencerai plus.
Il saisit soudain qu’il pourrait en effet essayer de lui imposer sa volonté et appréhende combien la chose peut être effrayante pour Baphomet.
~- Tu ne me connais pas. Donc tu n’as aucune raison de me croire. Mais je te promets de ne jamais utiliser mon véritable pouvoir sur toi. D’ancien animal de laboratoire à ancien animal de compagnie, je te dois bien ça. Il joue un instant avec un reste de pancake, passablement penaud. Je ne veux contraindre personne. Mon pouvoir, le contrôle des animaux… parfois il se déclenche quand je me sens menacé. Il a un faible rire croassant. Et je me sens souvent menacé. C'est instinctif.
Il laisse filer un long silence.
~- Ton maitre… tu le considères encore comme tel aujourd’hui ?

- Je te remercie. Je n'ai pas envie de me retrouver avec plusieurs maîtres sur le dos.

Marcus fronce les sourcils. Ca ne lui est même jamais venu à l’idée d’être « Un Maitre ». A ses yeux, ils ressemblent soit à des laborantins en blouse blanche toujours sérieux et aux idées d’expérience souvent douloureuse, soit une femme au visage dur qui n’est jamais satisfaite de rien.

~- Je ne suis le maitre de personne. Je veux être le maitre de personne.
Corbeau croasse son approbation alors que Chien pose sa tête sur la cuisse du sorcier. Celui-ci le caresse gentiment derrière les oreilles.
Il essaie de lui expliquer qu’il ne fera pas usage de son pouvoir sur lui.

- Attends... attends... Comment tu peux me promettre que tu n'utiliseras pas ce pouvoir sur moi quand tu admets toi-même qu'il se déclenche sans ton contrôle.
Marcus grimace.
~- Pardon. Les mots, c’est pas mon fort. Je voulais dire volontairement. Quand mon pouvoir s’active sans contrôle, c’est plus des impulsions que des ordres que je donne.  
- Parce que je l'ai vu, je l'ai ressenti. Quand tu as demandé à tous les piafs des environs de t'attaquer à Alan. Je me suis senti... obligé, moi aussi.
Marcus le fixe en penchant la tête et tente de trouve l’explication la plus logique et concrète pour expliquer ce qu’il ne saisit pas toujours lui-même.
~- Je crois que c’est normal oui. Quand j’utilise mon pouvoir pour me défendre je suis une sorte de…il agite les mains pour chercher la bonne image… antenne radio qui émet des ondes tout autour de moi. Des ondes de détresse.
Et Marcus peut totalement comprendre que ça ne plaise pas à Baphomet, voire qu’il ne souhaite pas le côtoyer plus que ça dans ses conditions.

Curieux malgré tout, le jeune sorcier s’interroge sur « le maitre » du démon-Corbeau.
- Boss ? Ouais... Même s'il ne s'occupe plus aussi bien de moi qu'avant.

Même s’il n’est pas très doué pour lire les émotions des autres, il perçoit parfaitement le regret et la tristesse dans le ton utilisé par Baphomet.
~- Je suis désolé. Tu n’es pas plus heureux comme ça ? Ça le laisse perplexe. Qui a envie d’une laisse quand on a la liberté ?
- Je pense qu'une fois qu'on a goûté au plaisir de rendre quelqu'un fier, c'est compliqué de s'en détacher. Après cela, la liberté, pleine et entière, est impossible.

Marcus a attrapé une pomme et la croque pensivement tout en réfléchissant à cela.
~- Je comprends ce que tu veux dire. Il y a quelques mois, j’ai retrouvé la femme de l’ICV qui me faisait passer mes examens quand j’étais leur cobaye. Quand je l’ai reconnue, j’ai espéré qu’elle soit enfin satisfaite de ce que j’étais devenue. Qu’enfin j’obtienne son approbation. J’ai été élevé dans cette idée. J’ai détesté ce sentiment. Être dépend à nouveau. Mais tu as tort. La liberté est possible après. Au contraire on la chérit d’autant plus. Il suffit de se souvenir qu’on est aussi quelqu’un sans cette quête d’approbation. Que le chemin qu’on a tracé sans elle est le nôtre, celui qu’on a choisi pour nous-même.
Sa vois s’enroue et il se gratte la gorge. Il a toujours beaucoup de mal à parler autant sans être gêné.
~- Ce n’est que mon avis.
Et il sait que son opinion diffère bien souvent de celui des autres.

- J'suis plutôt pour le libre arbitre, pour ma part.
~- Je préfère aussi, sourit le sorcier.
- Tu veux qu'on essaie de te faire maîtriser tes pouvoirs ?

La proposition le prend complètement par surprise. Il dévisage le démon, les yeux écarquillés mais curieux.
~- Comment ça ? Tu n’as pas peur ? Pour ton libre arbitre ?

Il réfléchit. Il a de très mauvais souvenir de l’ « aide » proposée par l’ICV mais là il s’agit de tout autre chose. Il envisage sérieusement de répondre par l’affirmative. Ses propres connaissances et tâtonnements sur son pouvoir sont plutôt hésitants et limités. Et il sait par Salomée qu’un don magique s’affute aussi bien qu’une arme blanche. Baphomet a sans aucune doute une expérience bien autre que celle des laborantins et de la sienne. Marcus finit par hocher la tête avec un petit sourire.

~- Ca me plairait bien.  

Ils discutent ensuite de choses plus abstraites et du lien qui se noue par la fidélité et le besoin de plaire pour exister.

- Alors, je vais te dire un bon truc, cela fait un petit moment que je me suis débarrassé de l'idée d'être heureux un jour.
~- Pourquoi ? Parce que tu penses ne pas en être digne ou parce qu’il est trop lié à quelqu’un ? demande naïvement le jeune sorcier avec l’honnêteté d’un enfant.

Etonnement, il trouve la conversation avec le démon facile. C’est assez rare chez lui. Il ne sait pas encore si cela est dû à sa nature en partie animale ou si c’est simplement parce qu’il est « lui ».
- Bon, Boss sera toujours là, plus ou moins. Donc pour la liberté, je pense que c'est un peu mort.

Ça lui parait horrible comme situation. Se savoir enchainé à jamais…

- Mais moi, j'ai toujours vécu entravé, dépendant. La liberté fait peur.
Marcus hoche la tête doctement. Il est tout à fait d’accord.
~- Vrai. J’étais terrifié les premiers temps. Etre seul. Etre décisionnaire de tout. J’ai failli ramper dans ma cage. Alors je levais la tête vers le ciel et je voyais toutes ces étoiles à la place du béton. C’était la plus belle chose que j’ai jamais vu. Je voulais pas en être privé. Et puis on m’a aidé.
- Quand on me donne une responsabilité, c'est comme donner un œuf de Fabergé à un enfant... C'est ainsi que j'ai été conditionné, et que je ressens toujours. On m'a donné de quoi m'extraire de ma condition, et je suis constamment hésitant sur la manière de procéder.
~- De ma propre expérience, un pas à la fois, répond le sorcier avec un petit sourire en coin en finissant sa pomme.
- De plus, j'aime mon maître, mais... Pas assez, ou peut-être trop. En tout cas, je me ressens frustré de cette relation.

Marcus se resserre un café songeur.
~- Je ne comprends pas l’amour. Enfin difficilement. Encore plus ses gradations. J’apprends un peu. Tu lui en a parlé à ton maitre ? De ce que tu ressens ? S’il est aussi bien que tu le dis, il t’aidera peut-être à y voir plus clair. Tu sais, la liberté elle se conquiert. Comme le bonheur, je crois. Il rougit un peu sous ses tâches de ressources. Je ne veux pas paraître un donneur de leçons. Juste partager mon expérience. C’est bête mais j’ai l’impression qu’on se ressemble sur certains points. Sa voix déraille à nouveau et il boit quelques gorgées de café pour apaiser le désert qui s’est logé dans sa gorge. Moi je peux essayer de t’apprendre ça : comment conquérir ta liberté.

Ironique pour un sorcier capable de le commander, non ?

- Alors l'amour ne se fait pas en termes de gradation.
Le sorcier grimace, rendant les traits de son visage encore plus asymétriques.
~- Oui c’est ce qu’on m’a dit, mais c’est… peu évident à comprendre, je trouve.
- Pour simplifier grandement la chose, je dirai qu'il est un mélange de chose qu'on peut faire pour l'autre qu'on aurait pas eu envie de faire, et d'une attirance inexplicable pour cette personne.
~- Ca a l’air terrible. Désolé. C’est juste que ça ressemble beaucoup à de la dépendance.

Et il ne souhaitait plus l’être. Pour rien n’y personne. En théorie. Hormis peut-être de ses compagnons de route à poils et à plumes. Il est parfaitement conscient de l’attachement qu’il éprouve à leur égard. Et peut-être un peu pour Salomée… et Ohanzee… la liste ne fait que s’agrandir sans qu’il ne puisse l’arrêter et il trouve cela terriblement effrayant.

- Ensuite... Non, je ne lui en ai pas parlé. Cela ne se fait pas entre...gens comme nous.
~- Les démons ne se parlent pas entre eux ? Pourquoi ?
Ça lui semble étrange comme « coutume ». Comment se comprennent-ils dans ce cas ?
- Il a besoin de quelqu'un d'efficace, pas de quelqu'un qui doute.
Il fronce les sourcils, franchement étonné. Cet être dont parle Baphomet ne lui apparait pas comme un ami (ou un maitre) aussi digne d’être suivi que cela. Mais qu’en sait-il lui ? Il n’est rien qu’un sorcier un peu ermite qui ne comprend les humains qu’à moitié et pas du tout les démons.  
- Et pour finir, il faut croire que je ne suis simplement pas un conquérant.
Marcus hausse les épaules.
~- Et ? C’est si grave ? Le monde ne se battit pas qu’avec des conquérants. Moi je me contenterais de vivre ma vie comme je l’entends. Tranquillement. Sans écouter ce que les autres en pensent. J’ai passé trop de temps à cela sans rien en ressortir de positif. Il a un mince sourire. Mais je sais que tout le monde ne pense pas comme moi.

Le sorcier est étonné de comprendre que sa proposition ne provoque pas d’hilarité ou de moquerie. Lui-même trouvait un peu ridicule d’apprendre quelque chose à un démon sans doute excessivement vieux.
- Tu peux toujours essayer... Tu veux commencer comment ?
~- Pour… mon pouvoir tu veux dire ?
- Tu essaies de me soumettre et j'essaie de m'en extirper ?

Le sorcier a un petit rire.
~- Tu attaques fort toi ! D’accord. Mais d’abord, je finis mon café. C’est sacré le café.

Et il ne se presse pas spécialement. Les matins sont toujours tranquilles chez Marcus. Il en profite pour indiquer à ses compagnons ce qu’il va faire et de ne pas s’affoler. Intéressé et toujours curieux, Corbeau se perche sur sa branche, les observant de ses billes noires tandis que Rat finit dans sa poche et que Chien s’allonge tranquillement sur le seuil de Nid.
Sa tasse finit, il la repose cérémonieusement puis frotte ses paumes moites sur son jeans. Il est nerveux. Il ne veut pas se montrer trop blessant.

~- En premier lieu je vais te montrer la différence entre ma façon de communiquer mentalement et … une manifestation plus directe de mon pouvoir. Si ça te va.

Naturellement son esprit revient vers le sien.
« C’est comme ça que je parle aux animaux. Une simple conversation mentale. Tu n’as qu’a suivre le fil de cette connexion pour me répondre. Enfin je crois. Maintenant... mon pouvoir. Tu n'as qu'un mot à dire et j'arrête. »
Cette fois, il passe au niveau supérieur. Ses iris deviennent une fente bleutée et ce qui passe à travers leur lien ressemble bien plus à un ordre impérieux, difficile à contourner.
« Mets-toi debout ».

Le sorcier est tellement concentré sur son pouvoir, sur le fait de le distiller en douceur pour ne pas que son invité se sente agressé qu’il se concentre à peine sur les lèvres du démon. Il croit saisir quelque chose sur l’influence qu’aurait le Nid sur ses capacités…
Mmm… il n’a jamais vraiment songé à cela… et à vrai dire son esprit est occupé à autre chose pour l’instant.

« Tu parles en nuances, comme un humain, c'est amusant »
Un large sourire enfantin éclaire les traits de Marcus.
« Parce que j’en suis un malheureusement. C’est moins difficile à supporter que tout à l’heure ? » demande-t-il, véritablement soucieux de ne pas le heurter.

Et puis, Marcus met un peu plus de magie dans son ordre et il sursaute en le voyant se dresser sur ses jambes aussi vite, comme sur un ressors.

- Merde, Marcus !
Il lève les mains comme pour se protéger d’un éventuel coup, dans un reflexe ancré en lui depuis tout petit, l’air parfaitement penaud.
~- Pardon… désolé… désolé…

Et puis il se souvient qu’il n’est plus à l’institut et que personne ne va lui faire de mal. En tout cas, son instinct n’en croit pas capable Baphomet. Il comprend tout à fait que se faire balancer des ordres n’est pas foncièrement agréable et en même temps, un petit sourire se fiche sur ses lèvres. Jamais, non absolument jamais on ne lui a laissé entendre que son pouvoir était puissant. Il constate aujourd’hui qu’il pourrait mettre au pas un démon.
L’idée est simplement apaisante pour son ego de petit garçon sans cesse rabaissé et rabroué pour ce qu’il est.
Mais l’être qu’il est aujourd’hui est évidemment résolu à ne pas abuser de ce pouvoir. En aucune façon. Il est simplement agréable de constater à quel point ils avaient tort, qu’il n’est pas si insignifiant que cela.

~- On peut…ne pas recommencer si tu préfères.

- On va se mettre d'accord sur un SafeWord, on va partir sur Ananas.
~- Un quoi ? Ananas ?
S’il saisit l’idée générale, il ne voit pas bien comment la chose s’applique et encore moins pourquoi le mot Ananas. Il n’aime pas l’Ananas.
- Si tu l'entends, ou si je le prononce, on arrête l'exercice.
~- Oh ! D’accord, fait-il, soulagé de comprendre enfin sa demande.
- Maintenant, je vais continuer à manger ma pomme, et tu vas me donner l'ordre d'arrêter, doucement d'abord, puis de plus en plus... fort. Ça te va ?

Le jeune sorcier hoche la tête et se concentre à nouveau. Il laisse glisser doucement une pichenette de pouvoir.
« Ne croque plus dans cette pomme. »
A ce niveau c’est presque une suggestion en un peu plus sonore. Marcus fronce les sourcils, parfaitement immobile et fixe le démon de ses yeux fendillés.
« Arrêter de manger cette pomme. »
Cette fois, le ton est monté d’un cran et les chatouillements de son pouvoir se sont fait plus vibrants.
~- Tu es certain ? … Tu veux continuer ? s’assure-t-il à haute voix avant de grimper encore d’une puissance. Bon… j’y vais à fond. Attention.
« Lâche ta pomme ! » tonne cette fois sa magie, impérieuse. « Lâche-là, maintenant ! ».  

- Vas-y. C'est juste une pomme !

L’air de défi qu’affiche Baphomet n’est pas pour lui déplaire. Marcus prend tout cela avec une certaine excitation, comme un enfant qui vient d’enfin trouver un partenaire de jeu qui veut bien s’amuser avec lui dans le bac à sable.
Depuis qu’il est sorti de l’ICV, il n’a jamais vraiment expérimenté sa magie, l’utilisant comme bon lui semble sans contrainte.
En tous les cas, cette expérience chatouille quelque chose qui ressemble à de l’ego, chose dont Marcus croyait être parfaitement dépourvue. L’ego c’est Humain, et il n’aime pas l’être.
Pourtant, il intensifie son pouvoir et est à nouveau surpris par la réaction de Baphomet.

- 'Ai 'aché ! 'Ai 'aché !
Marcus ne se rend même pas compte qu’il parle, ses lèvres sont cachées par le fruit. Il suspecte toutefois que l’ordre qu’il lui a donné a eu son petit effet.
C’est avec une certaine fascination qu’il regarde la pomme tomber et qu’un sourire triomphant peut se lire sur son visage sans qu’il n’en ait même conscience.

~- J’ai gagné, affirme-t-il sur un ton tranquille. Il lui lance une autre pomme entre les mains. Tiens, moi aussi j’adore ça. C’était plus facile de résister ou non ? Je sens que je n’étais pas à mon maximum, pas comme… quand j’ai peur.
- Du coup, question, à quelle intensité tu penses que tu balances tes ordres quand tu te sens en danger ?
~- Plus fort, déclare-t-il sans la moindre hésitation.

Il tente de trouver les mots justes pour exprimer ce qu’il ressent lorsqu’une menace se profile mais les mots, ça n’a jamais été son fort.

~- La peur… je crois que c’est le premier truc que j’ai ressenti. Privé d’affection ou de chaleur humaine, un nourrisson voit le monde comme un gigantesque danger. Alors elle a eu le temps de grandir vite. Je suis… comme un animal. J’attaque pour me défendre et quand la fuite n’est pas possible, du coup, je ne contrôle rien. C’est plus mon instinct de survie qui prend le relai. Et il est fort. Mais à choisir, je préfère la fuite. Et toi ? Comment tu as ressenti l’évolution de l’influence de mon pouvoir ? C’était pas douloureux j’espère.

- Bien, nous allons simplement devoir faire en sorte que tu aies peur sans enclencher directement ton pouvoir.

Marcus hoche la tête. C’est tout le challenge de cet entrainement. Et il se dit que malgré tout, rien ne dit qu’en cas de danger les choses se passent aussi bien qu’à l’entrainement. Mais au moins, il peut essayer.

- Comment as-tu eu ce pouvoir effrayant ?
Haussement d’épaules.
~- J’ai été fabriqué à partir de ça. Je crois. De l’ADN de Merlin qui était à moitié démon selon les légendes. Il pouvait parler, donner des ordres et se transformer en animal. En plus de tout le reste. Mais comme je suis « raté » j’ai eu qu’une partie de son pouvoir.

Il a retrouvé un livre là-dessus dans le Nid mais il n’a pas encore vraiment eu le courage de s’y plonger. A peine a-t-il réussi à se faire au fait que son existence n’était qu’une volonté scientifique, il doit à présent assimiler qu’il est peut-être un genre de clone. Il rejette cette idée avec force.
A croire que la vie lui refuse d’être « lui », tout simplement.

Le sorcier s’enquiert de l’effet de son pouvoir sur Baphomet.
- Douloureux ? Non, un peu vexant, comme... Un peu comme si j'étais un gamin qui testait ses limites avec ses parents qui finissent par se fâcher. Tu vois le genre ?
~- Pas vraiment, déclare-t-il avec un petit sourire. Il n’a jamais eu de parents. Il n’a aucune idée de comment se comporte des enfants face à eux.
- Ce n'est pas à ce point irrésistible, mais c'est fortement conseillé d'obéir sans savoir réellement pourquoi.

Il devra se contenter de cette explication. Au moins sait-il qu’il ne fait pas souffrir.

- On va essayer avec un ordre moins simple alors. Je vais m'approcher de toi, et tu vas me dire de m'éloigner.
~- Ok.
Marcus se lève et Chien s’agite un peu.
« Tout va bien. C’est encore un jeu. »
« Moi aussi jouer ! Moi aussi ! »
« Plus tard, promis ! On ira se promener sur la plage. »
Satisfait, le canidé se rallonge, la tête sur ses pattes avant, les yeux fixés sur les deux silhouettes humaines. Corbeau, lui, ne quitte pas Baphomet de ses yeux noirs et profonds.  
- Essaie... Essaie de te convaincre que je veux te faire du mal. On a toujours notre mot de sécurité, au besoin.
~- Je vais essayer…
- T'es prêt ?
Marcus hoche la tête. Au premier pas du démon, il a du mal à se mettre en situation.
« Ne m’approche pas. »
Encore un pas. Mal à l’aise, Marcus dance d’un pied sur l’autre. Au troisième, il se contient pour ne pas reculer. Chien redresse la tête, conscient de la tension nouvelle qui a envahi la cabane. Celle-ci commence à grincer.
« Stop ! »
Ils sont presque face à face. Marcus n’aime pas ça. Pas du tout. Et son visage se chiffonne sous le coup de la gêne.  
« Recule !!! »
Son pouvoir fuse avec force.

- Pas bouger !

Marcus ne s’attendait pas à cet ordre claqué, ni à ce que Corbeau réagisse pour le défendre avec tant d’agressivité. Il est souvent le dernier à montrer son attachement pour le sorcier, préférant jouer les indifférents jusqu’à ce que le danger soit effectivement trop proche.
Il oublie qu’il a trouvé l’animal au sol, un pauvre oisillon à peine plumé qu’il a soigné au mieux, qu’il a eu la joie de voir s’épanouir finalement et qui a choisi de rester avec lui plutôt que de repartir vers les siens.
Il oublie que ce lien, l’animal ne l’oubliera pas.
Le voir figer en plein vol donne un coup terrible au cœur de Marcus qui craint un instant le pire. Tout reste immobile dans le Nid.

- Tout va bien ?
- Je… oui… il en oublie de signer, complètement abasourdi, la peur au creux du ventre. Qu’est-ce que tu lui as fait ? [/color][/i]demande-t-il d’une voix plus proche d’un petit garçon paniqué que d’un adulte sûr de lui et de ses pouvoirs.
Corbeau bouge soudain et manque tomber au sol, déséquilibré. Marcus réagit aussitôt et le cueille dans ses bras. L’oiseau, affolé, secoue ses ailes et tremble un peu, jetant un regard mauvais au démon. Malgré les griffures sur ses bras infligées par ses pattes, le jeune homme ne le lâche pas et lisse délicatement ses plumes.
« Pas de blessure ? »
« Non. »

Il n’a apparemment pas envie d’en dire plus et le sorcier devine que c’est avant tout son égo qui a été froissé. Il pousse un soupir de soulagement alors que Corbeau lui donne un petit coup de tête contre le menton avant de s’envoler vers son perchoir, les observant de loin. Il devrait être en colère contre son invité mais il sait qu’il a agit pour se défendre. Comme il le fait. Il serait donc extrêmement mal placé pour lui reprocher quoique ce soit.

- Est-ce que tu veux qu'on fasse une pause ?
Vidé après ses montées de stress, le sorcier se laisse tomber sur la chaise et Chien vient poser sa tête sur ses cuisses qu’il gratouille négligemment. Il hoche simplement la tête.
~- Je suis désolé… pour Corbeau. Je ne pensais pas qu’il allait réagir comme ça.
- Pourquoi la proximité te rend aussi nerveux ?

Il ne répond pas immédiatement à la question, se resservant d’abord du café, puis, après une hésitation, fait de même pour Baphomet.
~- Parce que pendant des années, ceux qui m’approchaient ne voulaient jamais mon bien. C’étaient des scientifiques. Et j’étais le sujet d’étude. J’avais pas le droit de dire que je ne voulais pas. On m’a tripoté, mis des électrodes, injecté des trucs… pris mon sang, ma moelle… tu vois ? Le contact, c’est pas agréable, intrusif… dangereux.

C’est ancré en lui, comme un tatouage indélébile. Depuis quelques temps, il expérimente d’autres types de contact mais les circonstances sont à chaque fois différentes.  

- Tu peux contrôler ton pouvoir pour qu'il n'aille que vers un animal, ou… un démon ? En cas de panique, je veux dire.
Marcus réfléchit à la question un moment.
~- Mon pouvoir me le permet. Mais pour en être capable, il faudrait que je puisse… avoir moins peur, que je sois en contrôle. Il plonge un regard penaud et gêné dans celui du démon. Les autres me terrifient toujours, même si je fais des efforts pour être moins… il grimace, agite les mains tout en cherchant la traduction de ce qu’il signe… ermite. Avant, c’est parce que j’avais peur que l’ICV me retrouve. Maintenant… le monde a tellement changé que je préfère me dire que chaque créature, chaque personne est une menace. Je ne sais pas comment ne pas avoir peur.

Marcus le regarde approcher lentement mais sans crainte. Peut-être est-il trop épuisé mentalement pour avoir peur. Peut-être ne considère-t-il pas Baphomet comme une menace ? Quoi qu’il en soit, il continue de l’observer pendant qu’il lui confie d’où provient ses… particularités.
- Cela t’a laissé plein de merdes en tout cas, séquelles, traumatismes…
Il hoche la tête.
~- Avant je m’en fichais. Il n’y avait que moi et le monde se fichait pas mal de mon existence… Maintenant… les choses ont changés. Je dois changer aussi. M’améliorer.

La peur, il l’a apprise très jeune et ses réactions sont les mêmes que celles des rats, complètement affolés au moindre brut. D’ailleurs ce sont eux qui lui ont appris à se méfier à ce point des hommes pendant les quelques semaines qu’il a passé à vivre avec eux.
Que de chemin parcouru depuis…

- Tu as raison. Tout le monde est une menace potentielle… Mais t’es pas un putain d’objet d’art fragile as fuck qu’il faut surprotéger et mettre dans une vitrine ! T’as le droit de vivre aussi.
~- Je vis… je suis là, j'apprends. Mais je vois ce que tu veux dire. Je ne savais juste pas tellement comment … comment on s’y prend pour faire autre chose que survivre, avoue-t-il en baissant brièvement le regard, presque honteux.
- T’imagine, comment les gens normaux font sans l’intervention des bestioles qui les entourent ? A repousser 100 personnes sous prétextes qu’elles sont potentiellement dangereuses, tu risques de passer à côté d’une rencontre vraiment exceptionnelle.
~- Genre toi ? demande-t-il avec un petit air de gosse effronté.

Il est surpris par la main sur son épaule mais au lieu de se crisper, c’est tout l’inverse qui se produit et il se détend complètement.

« Tu vois ? Il ne s’est rien passé, tout va bien »
Marcus lui sourit puis acquiesce.
« Merci de m’aider. De pas me considérez comme… » haussement d’épaule « je sais pas… un mec horrible qui fait du mal aux animaux. Mon pouvoir je l’ai pas choisi alors j’essaie de faire au mieux. »

~- A vrai dire, je sais plus trop ce que je suis. Avec cette histoire de Merlin… J’ai appris que parler aux animaux, c’était son truc à lui. Il fait un geste pour englober la cabane. Même Nid est à lui. Tout ce que j’ai, je le dois encore à l’ICV et à leurs manipulations.

Il soupire et se ressert un café, boisson qui lui est devenu parfaitement nécessaire.

~- Et toi ? Comment tu es passé de Corbeau à Démon ? demande-t-il avec une curiosité honnête.
Même Corbeau semble plus attentif soudain.