- Eva… Eva Keane. J’ai 44 ans.
- C’est noté Mrs Keane.

Rory offre un sourire qu’il espère réconfortant à la femme aux traits tirés et aux yeux cernés, assise en face de lui. Il a tellement souri pendant ces quelques jours qu’il en a mal aux zygomatiques. Mais il continue, parce qu’il note que souvent, on le lui rend. Même faible, même forcé. Il aime croire que ce simple geste rappelle à tous ces gens que malgré l’horreur qu’ils viennent de traverser, il y a encore un peu de positif et de bienveillance dans ce monde à la limite de l’Apocalypse. S’il peut au moins servir à ça… Il aimerait faire plus, il aimerait pouvoir se déplacer sans devoir demander l’assistance de personne. Il pourrait alors aller voir de ses yeux comment va Viorea et ne pas se contentait d’un : « on la retrouvée » Mais Caleb lui soutient qu’ils ont trop de choses à faire pour le moment.

Alors Rory ronge son frein, patiente, s’inquiète.
Son regard glisse ensuite sur le petit garçon sur les genoux de la femme qui sert une peluche défraichie dans ses bras.

- Et comment s’appelle ce très sage jeune homme ? Apathique même. Il a le regard dans le vite et sert convulsivement son lapin rachitique dans sa main. Il ne doit pas avoir plus de 6 ans. Une bouffée de compassion le saisit.
- Cody…il s’appelle Cody. Il a 7 ans. On…on était en train de faire les courses quand s’est arrivé…on a tout juste eu le temps de sortir de la voiture et de courir. Mon mari…et ma petite fille…ils sont resté à la maison. Les yeux de la femme s’embuent soudain. Ma fille, Louisa…elle était malade vous comprenez ? Elle n’a que 4 ans…c’est encore un bébé parfois…On n’habitait pas très loin des abords de la ville…de l’autre côté.

Rory rajoute le nom de la fillette et son âge dans les disparus puis se penche sur son « bureau » et pose une main chaude sur celle de la femme.

- Je comprends tout à fait. Il me faut le nom de votre mari et son âge.
- Jamie…Jamie Keane, il a 46 ans.
L’enfant se réveille soudain de sa torpeur.
- J’veux voir papa…et Lou…
La mère se contente de le serrer plus fort en lui embrassant le haut du crâne. Rory ouvre un tiroir et en sort un pot rempli de bonbons que des soldats ont trouvé dans une maison. Le jeune homme en a réquisitionné une pleine poignée qu’il garde précisément dans ce genre de cas. Il pose le récipient sur ses genoux et fait le tour de son bureau avec son fauteuil, bien plus maladroit qu’avec le sien. Celui que les hommes de son frère lui ont trouvé devait être inusité depuis un moment et est beaucoup moins maniable. Il grimace un peu quand le mouvement de ses bras tire sur la blessure de son dos. Comme toujours ça a le don d’attirer le regard de l’enfant qui le scrute d’un air méfiant pendant qu'il approche.

Un effort. Un nouveau large sourire.

- Salut Cody ! Moi c’est Rory, on a presque le même prénom. Ca te tente des bonbons ? Sers-toi !
Il voit avec soulagement les yeux de l’enfant briller de convoitise. Il reste un peu de sa part d’enfant à ce garçon. Il consulte toutefois sa mère d’un coup d’œil qui lui autorise une douceur d’un hochement de tête. Pendant qu’il farfouille pour trouve son bonheur, Rory reprend.
- On va faire ce qu’on peut pour savoir si ton papa et ta sœur sont à l’extérieur de la ville, d’accord ? Et s’ils sont là on te le dira aussitôt.
- Tu promets ? Il a une toute petite voix éteinte et Rory hoche solennellement la tête ce qui ne semble pas suffire au garçonnet qui lui tend son petit doigt. Le jeune homme glisse obligeamment le sien autour de son auriculaire.
- Promis.

Il relève les yeux vers la mère.
- On vous tiendra au courant. Ne perdez pas espoir, beaucoup d’habitants sont encore éparpillés. On en saura plus dans quelques jours.
- Merci Rory.
- Je vous en prie.

Il repose les bonbons sur son bureau en soupirant. Il n’a pas l’impression d’avoir fait grand-chose. Il passe une main dans ses cheveux toujours aussi indisciplinés en les regardant quitter la pièce. C’était la dernière personne pour aujourd’hui. Il note soudain la présence de Caleb qui semble avoir attendu la fin de son entretien et son sourire cette fois lui vient tout naturellement.
- Hey ! Je commençais à me faire du soucis.

Il s’inquiète beaucoup pour Caleb. Depuis la disparition de Ciulin il n’est plus le même et s’il ne lui rappelle pas de manger et de dormir son frère se nourrirait de café et se reposerait pendant ses pauses clopes. Si bien que quand il l’a vu s’effondrer à moitié et s’activer soudain, il lui a roulé après pour savoir où il allait. « Voir Ciulin ! »
Depuis Rory attend des nouvelles. Ça fait des heures qu’il est parti. Sauf que le visage de Caleb ne semble ni soulagé ni heureux comme il s’y attendait…c’est même l’inverse. Rory le connait assez pour savoir qu’il a pleuré et qu’il a encore les émotions à fleur de peau.

- Cal’ ? Ca va pas ? Ciulin va pas bien ?
- Non…pas vraiment…
Il tourne déjà les talons.
- Où tu vas ?
- Taper sur des trucs. Tu vas être content j’t’ai ramené un chaton perdu.
- Un quoi … ?

Rory se déplace jusque le seuil de la pièce avec difficulté, le coeur légèrement affolé...ça ne peut pas être...? Il voit enfin « le chaton ». Tant pis pour ses zygomatiques, son sourire lumineux monte jusque ses yeux qui pétillent de plaisir.

- Vio !

Impulsivement il lui prend la main et la sert avec force. C’est bien tout ce qu’il peut faire. S’il se tenait debout, il l'aurait prise dans ses bras, mais il va devoir se contenter de ça…
Mécaniquement, son regard balaie la silhouette de la jeune fille et il la trouve…subtilement changée. En bien.
- J’ai eu tellement peur pour toi ! Comment tu te sens ?

It's your time to combine
Our love and your life
You're much braver than I
And so much brighter

Viorea s'est incrustée dans l'hélicoptère quand Caleb est reparti de Tae'alam. Elle ne lui a pas laissé le choix. Dans le cockpit, l'ambiance est pesante. Le silence est lourd de leur précédente dispute. L'adolescente culpabilise, elle culpabilise d'autant plus qu'elle sait dorénavant que le soldat a compris pour sa grande soeur. Ciulin se meurt, tout doucement. Le moment de réalisation est amère, elle le sait pour l'avoir vécu peu avant lui. Du reste, elle n'a jamais été douée pour consoler. Elle s'astreint donc à la boucler puisque ce qui sort de sa bouche restent des ouragans et des obus pour les oreilles déjà fragilisées.

Du ciel, la caserne ressemble à une fourmilière grouillante d'insectes. L'atterrissage au sol confirme que le bâtiment militaire a été pris d'assaut par les réfugiés. La jeune femme déambule parmi les visages hagards, les regards rougis, les carcasses aux âmes éteintes. Elle trottine derrière la silhouette haute et raide du Major Jenson, mal à l'aise, soudain, d'être en vie parmi tous ces êtres en sursis.

Le sentiment s'évapore quand elle aperçoit la trombine d'un certain "poussin" qui lui dédie un de ses sourire-soleil dont il a le secret. Elle a une bouffée soudaine d'émotivité, une bizarre envie de rire et de chialer tout en même temps, tout emmêlés.

- Vio !

Rory lui sert la main mais elle ne saurait se satisfaire de si peu. Elle se jette à son cou, finit sur ses genoux et sert son ami fort contre elle. Son odeur, le timbre chaleureux de sa voix, sa tignasse saut-du-lit, même ses trois ridicules poils au menton...

- Rahat! C'que tu m'as manqué ! Chuis tellement contente que tu sois pas coincé dans ce putain d'brouillard !
- J’ai eu tellement peur pour toi ! Comment tu te sens ?
- Bien ! ...Super bien ! Elle a un rire qui sonne idiot à ses propres oreilles. Elle reflue et ses prunelles humides le fixent, brillantes comme des comètes. Rory... Chuis guérie.Chuis en vie et... totalement guérie. Elle prend son visage entre ses mains, le sourire débordant d'émotions emberlificotées et vibrantes. Tu sais c'que ça veut dire... ?

Que tu pourras bientôt me réclamer
toutes les parts de carrotcake que je t'ai piquées...

Coincé dans son fauteuil, c’est donc Viorea qui doit se mettre à sa hauteur et quand elle le fait, il n’hésite pas à refermer ses bras sur elle. Il a l’étrange impression de moins sentir ses côtes… Assez de questions pour le moment, il profite simplement de sa présence, de la chaleur et du poids plume de son corps tout contre le sien. Il l’étreint avec force, le nez enfoui dans ses cheveux qui ont toujours la même odeur. Quelques soldats passent dans le couloir et les sifflent, taquinant gentiment le petit frère de leur Major.

- Ils sont juste jaloux...

Il a un petit rictus lorsqu’elle sert un peu fort.

- Attention…mon dos…
- Rahat! C'que tu m'as manqué !
Rory laisse échapper le premier vrai et joyeux rire depuis son arrivée à la caserne.
- Toi aussi ! J’ai l’impression que ça fait une éternité…
- Chuis tellement contente que tu sois pas coincé dans ce putain d'brouillard !
- C’est Caleb… il est venu me chercher… Son frère était prêt à risquer sa vie pour l’arracher au Brouillard. J’ai eu tellement peur pour toi ! Comment tu te sens ?
- Bien ! ...Super bien !
Impulsivement Rory embrasse le front de la jeune fille.
- Ton rire aussi m’a manqué ! T’as l’air bien !

Elle a les larmes aux yeux, des yeux pleins de vie que Rory ne peut pas s’empêcher de dévorer du regard. Il y a définitivement quelque chose de changé chez elle. N’osant trop y croire, le jeune homme balbutie un peu.

- Vio…tu…t’es…
- Rory... Chuis guérie. Chuis en vie et... totalement guérie.

La réalisation est lente à se faire mais lorsqu’elle arrive, elle frappe comme un éclair. Tout le visage de Rory s’éclaire soudain, comme illuminé de l’intérieur et il éclate de rire.

- T’es sérieuse ? Putain t’es sérieuse !!!!
Il la sert à nouveau contre lui, dépose un baiser sonore sur sa joue.
- Je suis tellement content pour toi ! Vraiment ! C'est la meilleure nouvelle que j’ai eu depuis…depuis…ta disparition.

Elle arrête soudain ses débordements en prenant son visage en coupe, les traits emprunts d’une émotion difficile à décrire.
Elle est belle… resplendissante de santé et Rory ferme les yeux comme s’il avait du mal à croire que tout ça est vrai.

- Tu sais c'que ça veut dire... ?
Il a un petit rire.
- Que tu vas me réclamer d’autre air-orgasme ? Que je vais pourvoir me faire entretenir longtemps en carrotcake ? Que tu vas vraiment pouvoir conquérir le monde ?

Il pose une main à l’arrière de sa tête, attirant son front contre le sien. Les yeux dans les siens il conclue.
- Que tu vas vivre…

- T’es sérieuse ? Putain t’es sérieuse !!!!
- Ouais.. Ouais!!!

Elle éclate de rire en écho de sa joie spontanée. Elle se laisse envahir de démonstrations d'affection avec délice. Elle prend la mesure du manque de ses éclats de félicité simples et naturels. Rory compense toujours à merveille son propre cynisme.

- Je suis tellement content pour toi ! Vraiment ! C'est la meilleure nouvelle que j’ai eu depuis…depuis…ta disparition.

Il prend son visage dans le creux de ses mains et son expression sincèrement émue ricoche sur les propres émotions de Viorea. Avec lui, elle redécouvre la beauté de ce miracle, sa force insoupçonnée : il regonfle le cœur des plus désespérés, il remplit des âmes vides comme la sienne.

- Chuis là maintenant... souffle-t-elle, le timbre effarouché par ce trop plein de lumière. Tu sais c'que ça veut dire... ?

Le rire de Rory gondole son palpitant comme du papier détrempée.

- Que tu vas me réclamer d’autre air-orgasme ? Que je vais pourvoir me faire entretenir longtemps en carrotcake ? Que tu vas vraiment pouvoir conquérir le monde ?


Plus il égraine de bêtises dont les références n'appartiennent qu'à eux, plus les larmes s'échappent de ses beaux yeux clairs et rigolent sur les joues mouchetées de l'adolescente. Le jeune homme frotte son front contre le sien et l'épingle à coup de prunelles d'un bleu limpide.

- Que tu vas vivre…
- Si tu voulais m'faire chialer, prost, c'est réussi ! le gronde-t-elle dans un gloussement mouillé.
- J'vais vivre, ouais... et parce que je n'ai qu'une parole, je vais tenir ma promesse, j'vais te rendre de quoi m'courir après pour récupérer tes foutues parts de gâteaux... Elle s'essuie les yeux avec autant de dignité que possible. Y'a pas d'raison que je sois la seule miraculée de la saison, hein ?... T'es mon "partner in crime, non ?

A son tour, elle embrasse son front, avec toute la tendresse du monde.

- Mais avant, j'vais regarder ton dos, parce qu'y parait que tu joues les buffets gratuits pour papillons. Franchement, Pui, quel générosité ! Faut arrêter d'donner de ta personne comme ça !

Garde-en assez pour moi !

- Que tu vas vivre…
- Si tu voulais m'faire chialer, prost, c'est réussi !
- Carrément ! C'est même le seul but de ma vie ! S'amuse le jeune homme. Ça compte si c'est des larmes de joie ?
- J'vais vivre, ouais... et parce que je n'ai qu'une parole, je vais tenir ma promesse, j'vais te rendre de quoi m'courir après pour récupérer tes foutues parts de gâteaux...

Rory n'y pensait même plus, tout à sa joie de revoir son amie, de la savoir sauvée. Il la regarde s'essuyer les yeux, suit ses gestes de ses yeux bleus pénétrants.
Malgré ce qu'elle lui a constamment affirmé, il ne s'est jamais vraiment laissé aller à croire que la chose était possible. Marcher, courir… il s'est résigné depuis longtemps à l'idée qu'il devait faire une croix dessus.

- Tu...tu crois ? Demande-t-il avec une voix mal assurée. T'es certaine que ça va pas te pomper trop d'énergie ? De me réparer ?
- Y'a pas d'raison que je sois la seule miraculée de la saison, hein ?... T'es mon "partner in crime, non ?
- Ouais... mais un miraculé par saison, ça suffit aux gens en général.

Et il se rend compte qu'il s'en serait contenter aussi. Récupérer Viorea lui aurait suffit...Le reste c'est que du bonus.
Il se fait embrasser le front et il sourit.

- Mais avant, j'vais regarder ton dos, parce qu'y parait que tu joues les buffets gratuits pour papillons.
- Pour ma défense, je crois qu'on l'a tous fait.

Il a beau en parler avec légèreté, ces moments d'horreur sont gravés au fer rouge sur ses rétines et son sourire perd de sa force. Il se rend soudain compte que son frère ne boitait plus.

- T'as soigné Caleb hein ? Merci.
- Franchement, Pui, quel générosité ! Faut arrêter d'donner de ta personne comme ça !
- Qu'est-ce que tu veux...si je peux aider les autres ! Tu me connais...mais j'avoue qu'elle se sont servies toutes seules. Viens...on va pas faire ça en plein milieu du couloir ou ça risque de provoquer des emmerdes en plus au Major.

Comme elle est toujours bien installée sur ses genoux et qu'il n'a pas spécialement envie de la pousser de là, il lui sert de chauffeur et fait bouger ses roues. Pas très loin puisqu'il retourne dans la pièce qu'il vient de quitter et claque la porte derrière lui. Elle a beau être petite, en plus d'un bureau et de deux chaises, elle possède un lit pliant, une couchette militaire. Après l'évanouissement d'une réfugiée pour son premier jour de recensement, Rory en a fait la demande. Il fait d'abord un arrêt sucrerie et demande avec un petit sourire.

- Bonbecs ? Normalement c'est pour les enfants mais j'vais fermer les yeux pour cette fois.
Puis il recule avec difficulté pour bifurquer vers la couchette.
- J'aurais jamais cru dire ça mais...mon fauteuil me manque. On a du le laisser...à l'appart. Ouais j'ai du me faire porter comme un bébé. Un moment très épanouissant de ma vie. Bon cette fois va falloir que tu te lèves, affirme-t-il avec une moue presque déçue.

Une fois Viorea debout, il abaisse l'accoudoir dans un grincement et à l'aide de ses bras, bascule son corps du fauteuil au matelas avec une agilité due à l'habitude. Il lui tourne le dos et remonte son pull dans son dos puis fait passer sa tête dans le col, ne gardant que pudiquement et inutilement les manches sur ses bras.
Les pansements couvrent une large plaie au milieu de dos, plus profonde que celle de son frère et bien plus large. Heureusement les anti-douleurs font des miracles.

- Je te laisse retirer les pansements ? Désolé, c'est pas très ragoûtant. Apparemment j'ai bon goût...Le buffet a attiré pas mal de clients. Je suis dégoûté qu'ils aient fait ça dans le dos. Je te verrai pas faire...j'ai pas pu voir correctement...la première fois.

Il faut dire qu'il était bien trop occupé par les très nombreuses et violentes sensations qu'elle lui à fait ressentir à ce moment là...
Il laisse filer un silence puis demande d'une voie douce.

- Caleb...avait pas l'air bien. Enfin c'est pas qu'il allait bien avant hein mais...comment va Ciulin ?

- T'as soigné Caleb hein ?
- Ouais.
- Merci.
- Il était pas ravi que ça vienne juste après que j'l'ai engeulé de pas avoir bougé son cul plus tôt. Elle prend un air gêné. J'ai pas été très tendre avec lui, surtout sachant que vous étiez blessés. Y'a plein de soigneurs à Tae'alam, moi, j'peux faire des trucs et on a la chance d'avoir Salomon de ce côté-ci du Brouillard aussi. Il aurait dû venir nous trouver plus tôt ! T'as servi de casse-croute à des monstres....Franchement, Pui, quel générosité ! Faut arrêter d'donner de ta personne comme ça !
- Qu'est-ce que tu veux...si je peux aider les autres ! Tu me connais...mais j'avoue qu'elle se sont servies toutes seules. Viens...on va pas faire ça en plein milieu du couloir ou ça risque de provoquer des emmerdes en plus au Major.
- Certes.

Elle est ravie, néanmoins, qu'il ne lui demande pas de sauter de ses genoux. Elle est bien là, sur ses cuisses, comme à sa place - Enfin! - de petite Queen du royaume de Rien.
La pièce est martiale, limite carcérale. La jeune femme trouve ça si triste. Un coup de peinture, ce serait pas du luxe. Des posters au moins!

- Bonbecs ? Normalement c'est pour les enfants mais j'vais fermer les yeux pour cette fois.
- T'as des dragibus !? C'est mes préf'!

Elle pioche alégrement dedans. Le sucre rapide et actif ça fera du bien pour recharger après ce qu'elle s'appète à faire.

- J'aurais jamais cru dire ça mais...mon fauteuil me manque. On a du le laisser...à l'appart. Ouais j'ai du me faire porter comme un bébé. Un moment très épanouissant de ma vie. Bon cette fois va falloir que tu te lèves.
- Ok !

Elle saute de ses jambes non sans avoir claqué un bisou sur sa joue. Elle le laisse s'installer à sa convenance mais en voyant la tronche des pansements suppurants, elle a du mal à ne pas retenir une grimace.

- Je te laisse retirer les pansements ?
- Ouch! C'est moche!
- Désolé, c'est pas très ragoûtant.

Elle s'exécute néanmoins avec beaucoup de douceur, ayant retenu les quelques gestes glanés auprès de Salomon ou Alexia.

- Apparemment j'ai bon goût...Le buffet a attiré pas mal de clients.
- J'vois ça... Bordel Rory, y'en a des super profondes et infectées. Tu déconnes autant que ton frère et sa guibole !
- Je suis dégoûté qu'ils aient fait ça dans le dos.
- T'aurais préféré qu'y te bouffe la gueule ? déclare-t-elle du tac au tac avec sa répartie au vitriole usuelle.
- Je te verrai pas faire...j'ai pas pu voir correctement...la première fois.

Viorea pince les lèvres sur un sourire rentré qui fait rosir ses joues.

- Je peux me mettre face à toi, si tu veux. Il faut simplement que je sois en contact direct avec ton corps, lui souffle-t-elle avec une pudeur rare. Parler des mécanismes de son pouvoir c'est un peu comme se dévoiler dans sa vérité la plus dépouillée, trouve-t-elle. Tu veux ?

Elle vient s'asseoir en face de lui et l'aide à retirer les manches de son pull. A sa question sur Ciulin, elle ne répond pas tout de suite, les yeux baissés sur le vêtement qu'elle plie consciencieusement.

- Ciulin est en train de s'éteindre doucement... Elle caresse la laine, ses prunelles absorbées par le tricot. Iel a été torturé-e et on lui a retiré...Une partie d'ellui même : la source de sa magie. Iel ne tient debout que parce que son époux, un avatar, lui insuffle une part de son énergie. Pour le moment... On a aucune idée de comment enrayer ce bordel. On lea maintient en vie artificiellement.

Viorea a un sourire malheureux.

- Tous ça à cause de moi, de nous... en voulant nous sauver...

- Je peux me mettre face à toi, si tu veux. Il faut simplement que je sois en contact direct avec ton corps.
Rory à les yeux qui brillent soudain.
- Ah ha ! Je savais que le roulage de galoche était pas obligatoire pour ta magie. Ça serait vachement réducteur quand même. Donc me toucher…tu peux faire ça devant moi alors ?
- Tu veux ?
- Grave ! Enfin si ça te dérange pas...comme tu changes d'aspect je conçois que t'aies pas envie de me montrer non plus.

Elle passe tout de même devant et l'aide à retirer son pull. Il se retrouve donc torse nu devant elle et se sent quelque peu gêné. Ce qui est parfaitement stupide. Ca n'est qu'un peu de peau. Passé son embarras, il redresse la tête et note son air plus grave lorsqu'il demande des nouvelles de Ciulin. Naturellement il lui prend la main et la presse doucement.

- Ciulin est en train de s'éteindre doucement...

Choqué, Rory écarquille les yeux, comprenant la réaction de Caleb. Son visage se plisse dans une expression à la fois pleine de compassion et de chagrin.
- Merde…comment…qu’est-ce…
Il en balbutie maladroitement tellement il a du mal à concevoir la chose et noue ses doigts aux siens.
- Iel a été torturé-e et on lui a retiré...Une partie d'ellui même : la source de sa magie. Iel ne tient debout que parce que son époux, un avatar, lui insuffle une part de son énergie. Pour le moment... On a aucune idée de comment enrayer ce bordel. On lea maintient en vie artificiellement.

Pour la première fois depuis une bonne semaine, Rory reste muet ne trouvant pas les bons mots, la bonne façon de prendre la chose. Il n’est plus simple spectateur du chagrin, il le ressent. Il a même le cœur brisé, pour Viorea, pour son frère, pour lui…

- Je suis désolé Viorea… tellement désolé…
Son pauvre sourire lui fait comme un coup de poignard. Combien de souffrance quelqu’un peut-il encaisser ? Combien d'épreuves avant que la volonté de continuer se fasse trop faible.
- Tout ça à cause de moi, de nous... en voulant nous sauver…
Cette fois, son cerveau se révolte contre cette idée. Son autre main se colle contre sa joue et penché sur elle, il l’oblige à croiser son regard.
- Hey…hey ! Regarde-moi… Dis pas ça ! T’as rien, absolument rien à te reprocher, ok ? T’aurais fait la même pour iel, on le sait tous les deux, et rien aurait pu t’en empêcher comme rien aurait pu empêcher Ciulin de tout tenter pour vous récupérer. Les seuls responsables de tout ça, c’est ceux qui lui ont infligé un truc pareil !
Il se rapproche encore jusqu’à ce qu’il soit presque front à front, yeux dans les yeux.
- T’es pas responsable, déclare-t-il avec une force et une certitude qui se lit jusque dans le bleu de ses yeux. Te laisse pas avoir par cette culpabilité là. Elle ronge tout... elle va t'éloigner de Ciulin...pour rien. Et il parle en toute connaissance de cause. T'es.Pas.Reponsable, martèle-t-il encore. 

- Je suis désolé Viorea… tellement désolé…
- Tout ça à cause de moi, de nous... en voulant nous sauver…

Rory est si facilement tactile. Pas pour séduire, pas pour asseoir une emprise, simplement pour exprimer sa très grande humanité.

Tu es trop gentil, Pui.
Un jour, je risque de me prendre les pieds dedans.

Elle se laisse faire, pourtant, savoure honteusement réconfort et caresses. Elle ne devrait pas se laisser cajoler de la sorte. Elle n'est pas tant à plaindre.

- Hey…hey ! Regarde-moi…

Elle papillonne des cils et se laisse harponner par ses yeux clairs et déterminés.

- Dis pas ça ! T’as rien, absolument rien à te reprocher, ok ?
- Ah ouais...? fait-elle avec une molle conviction.
- T’aurais fait la même pour iel, on le sait tous les deux... Plutôt un et demie.... et rien aurait pu t’en empêcher comme rien aurait pu empêcher Ciulin de tout tenter pour vous récupérer.
- Tu m'vois bien meilleure que j'ne suis Rory. T'fais pas d'belles idées... Chuis pas aussi héroïque que tu l'dis. La verité c'est que t'en sais rien et moi non plus.
- Les seuls responsables de tout ça, c’est ceux qui lui ont infligé un truc pareil !
- C'est Unseelie. Elle a manipulé les sorciers d'Emeraude. Elle voulait une diversion qui puisse la débarrasser des éléments gênants pendant son opé agressive sur la ville. Ricanement aigre. C'est toujours cette poufiasse aux commandes de nos emmerdes. J'te jure, Rory... Si ma soeur y passe, si mon frère reste prostré à vie, j'irais lui casser la gueule.... Il y a une haine froide, profonde et implacable dans ces quelques mots lâchés avec le calme grondant des avants-orages. Mais j'irais pas la fleur au fusil, crois-moi. Je vais monter une armée, mettre toutes les chances de mon côté... Je la débusquerais. Elle verra chacune de ses créations infernales crever sous nos bottes. Je la détruirais sans la moindre pitié, mais avant je la ferais souffrir comme elle s'est amusée à jouer avec Ciulin. Un à un... Elle a fait arracher les chardons de sa marque, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus repousser. Un... à... un.... Frisson de rage rentré. Je la découperais, moi aussi, morceau par morceau et je lui ferais bouffer comme seule nourriture. Et je prendrais mon pieds comme jamais, déclare-t-elle avec une sauvagerie sanguinaire tapie dans le regard.

Silence.
Elle ne l'a pas quittée des yeux.

- Ca, c'est ce que je suis, Rory. Pas une héroïne. Pas une sauveuse. Juste une fille en colère... Elle s'accroche à son visage, son charmant visage d'angelot inquiet, avec ses deux mains pâles qui ne se sont jamais usées sur rien. T'en fais pas... ça me consommera pas. Plus rien ne le peut. Cette colère c'est mon moteur, maintenant. Unseelie ne s'imagine pas ce qui va lui tomber sur le coin de la gueule...Elle s'ébroue d'un rire qui n'a rien de joyeux. Elle est pas prête.

Cette sentence proférée, elle s'octroie le droit de sourire un peu, en caressant ses joues mal rasées.

- Mais pour l'heure, c'est de toi que j'vais m'occuper... Elle écarte les doigts en étoile de manière à plonger certaines de ses phalanges dans son épaisse tignasse. Ne bouge pas....

Son pouvoir s'éveille, délavant ses pupilles puis transformant ses iris en deux tâche argentées où flottent des lunes pleines. Sa chevelure s'anime comme immergée dans l'eau, ondulante et douée d'une vie qui lui semble propre. Elle aussi perd ses teintes sombres et cuivrées pour revêtir le miroitement d'un liquide argenté aux reflets arc-en-ciel lorsque la lumière vient à se défragmenter dessus.
Viorea resplendit comme une étoile polaire.
La jeune sorcière visualise mentalement ce qui nécessite réparation dans ce corps jeune mais tant malmené. Son pouvoir piaffe, tel un cheval fou, près à se disperser sur tous ces chantiers à débuter. La jeune fille fait un énorme effort de concentration pour ne pas s'éparpiller et focalise son don sur le dos du jeune homme. Petit à petit, les tissus se purgent, les muscles se tissent, neufs et vigoureux, la peau se reforge, élastique et douce, en couches protectrices.
Après un moment qui parait à la fois long et extrêmement court, Viorea perd ses couleurs de sorcières pour regagner celle de sa propre normalité. Sans lâcher Rory, mais en fermant les yeux, elle inspire et expire doucement, comme on maitrise son souffle lors d'un effort sportif. Finalement, elle retire ses mains avec un franc sourire. Elle a le coeur qui bat un peut vite, en témoigne sa poitrine qui se soulève à un rythme un peu vif.

- Voilà ! Dit-elle fièrement. Ton dos est retapé !

Viorea a du sang de guerrière. Rory l’avait deviné, il en a maintenant la preuve au fond de ses yeux bleu qui réclament le sang de ses ennemis. Et malheur à celui ou celle qui commettra l’erreur de se fier à ses traits de jolie poupée.
Pourtant, entendre son discours, le rend triste. Rory est peut-être un idéaliste mais même s’il a vu de ses propres yeux le carnage perpétré par les sbires d’Unseelie, il ne pense qu’à tous les sacrifices qui joncheront le chemin qui mène à cette soif de sang. Sans doute seront-ils nécessaires et il est sans doute puéril d’espérer que tout s’arrête sans plus de victime. D'avance, il sait que le prix à payer sera lourd.

- Ca, c'est ce que je suis, Rory. Pas une héroïne. Pas une sauveuse. Juste une fille en colère.
Lentement, il passe une longue mèche brune derrière l’oreille de la jeune femme en la contemplant avec une certaine tristesse dans le fond des yeux. Il retire sa main, laissant trainer ses doigts sur sa joue.
- Tu as tout à fait le droit de l’être. Mais on a tous plusieurs visages Viorea Taur, et moi je sais que derrière la jeune fille pleine de rage, y’a quelqu’un de bien. Une autre Viorea. Qui aime faire des conneries et rire, manger des carrot cake en révisant dans un salon digne d’un cottage anglais et qui tient profondément à sa famille, même si elle est un peu pétée. L'oublie pas cette Viorea là...moi je l'aime bien.

Un ange passe.

- T'en fais pas... ça me consommera pas.
Rory hoche doucement la tête de gauche à droite.
- T’en sais rien non plus Vio…
- Plus rien ne le peut. Cette colère c'est mon moteur, maintenant. Unseelie ne s'imagine pas ce qui va lui tomber sur le coin de la gueule...Son rire le fait grimacer légèrement. Elle est pas prête.

Et toi Viorea ? Est-ce que tu l’es vraiment ?

- La colère c’est facile à suivre. Mais fais attention, elle est pas toujours bonne conseillère. Et avant que tu t’en rendes compte, tu auras peut-être sacrifié en son nom des choses ou des êtres irremplaçables. Non seulement tu n’auras rien gagné mais tu te seras sans doute perdue en route. Ça c’est mon conseil de sage emmerdeur et d’ami. Alors je vais surveiller tes arrières juste pour m’assurer que ça arrive pas, ok ?

Mais il ne pourra sans doute pas la suivre sur ce chemin de guerre. Il lui sourit tendrement et elle lui rend. Peut-être que c’est ça, sa magie à lui ?

- Mais pour l'heure, c'est de toi que j'vais m'occuper... Ne bouge pas....
- Ok.
Il ouvre grand les yeux pour observer le phénomène. Tout commence dans ses yeux qui perdent leur bleu puis ses cheveux qui ondulent en rivière arc en ciel.
Elle est magnifique !

Rory ressent quelque chose s’agiter dans son dos et il essaie de pas sursauter ou bouger. La sensation est étrange comme si ses muscles et sa peau se mouvaient et s’étiraient. C'est d'ailleurs certainement plus ou moins ce qui se passe.
Quand il constate que son pouvoir reflue, il devine que la reconstruction de son dos est terminée et il cède à la tentation de plonger le bout de ses doigts dans cette chevelure aux reflets extraordinaire et qui s’y coulent comme dans du diamant liquide.  
Tout revient lentement à la normal. Il remarque son souffle rapide et s’en inquiète, retirant ses phalanges curieuses pour les poser sur son épaule.  

- Ca va ?
- Voilà ! Ton dos est retapé !

Rory a un petit rire et pivote la tête en tâtant comme il peut son dos. Il sent la peau neuve sous ses doigts. Plus de douleur, plus de plaie à vif.

- Wow… je dois dire que c’est presque plus impressionnant que de me redonner un bout de sensation. T’as un pouvoir incroyable ! C’est un sacré spectacle quand tu l’utilises.
Il hisse sa bouche jusqu’à son front et y dépose un baiser.
- Merci mon p’tit miracle. J’veux dire Sassy Angry Queen... Il repasse rapidement son pull par-dessus la tête et a un large sourire quand il y parvient sans aucune souffrance. Comment tu te sens ?

Rory ne peut pas s'empêcher de toucher. Il glisse ses mains dans sa chevelure miroitante et elle éprouve un frisson étrange, un frémissement au plus profond de sa tourbe personnelle. Elle le fixe, lui son expression émerveillée qui coule sur elle comme une onde régénérante. Elle a l'impression que l'instant s'effiloche en slowmotion comme pour s'ancrer profondément en elle.
Comme pour saluer son importance.
Elle met cette bizarrerie sur le compte d'une hypersensibilité possible de sa marque quand elle est active.

- Ca va ?
- Ouais, t'inquiète... C'est comme se taper une grosse série de squats..

Elle reprend doucement sa respiration.

- Wow… je dois dire que c’est presque plus impressionnant que de me redonner un bout de sensation.
- Tu diras pas ça quand tu pourras niquer sans un préfixe en "air"... Ricane-t-elle.
- T’as un pouvoir incroyable ! C’est un sacré spectacle quand tu l’utilises.
- S'tu l'dis... J'me vois pas vraiment en fait...répond-elle étrangement embarrassée.

Elle n'est toujours pas certaine de qui elle est alors comment savoir qui est cette autre Viorea, lumineuse et puissante ? Les morceaux de charbon deviennent des diamants, dit-on. Ceux qui en sont témoins pénètrent sous ses barrières, découvre une part d'elle même qu'elle n'a pas encore pleinement comprise. Cette intimité la perturbe.
Rory la perturbe.
Il passe son temps à l'embrasser -les joues, les mains, le front- comme si elle était quelque chose d'infiniment précieux à ses yeux.

Une amie précieuse ?

Comme pour la bénir.

Conneries.

Même dans sa famille, on ne se montre pas aussi tactile. Sauf Ciulin. Elle se souvient avoir éprouvé la même pudeur avec iel au début.
Rory est un mystère.
Viorea ne comprends toujours pas pourquoi ce gentil garçon n'a pas foutu le camp et s'inquiète pour elle au point d'en oublier ses propres jambes. Il doit être vraiment con. Il s'ingénie à retenir des trucs insignifiants et idiots sur elle, que tout le monde aurait d'ores et déjà oublié.

- Merci mon p’tit miracle.
- Appelle-moi encore une fois comme ça et j'te défonce, se défend-elle avec une moue farouche.

Si tu te sens troublée,
Mords la première!
On ne sait jamais.
Des fois que ça atteigne le cœur.

- J’veux dire Sassy Angry Queen...
- J'préfère ! ça a carrément plus de gueule!
- Comment tu te sens ?

En pleine crise existentielle.
La routine.

- Ca va, j'te promets. Me faudrait peut-être un verre d'eau et un bonbon, pour le sucre. Mais j't'assure ça roule. C'est gourmand en terme de concentration et d'énergie. C'pour ça que je peux pas m'attaquer à tes guiboles de suite. Ce sera un gros morceau et je suis pas certaine de la quantité de magie que ça va me demander. Faut que je sois un peu encadrée... J'veux pas faire de la merde. Tu comprends ? Mon amie Alexia a fait des études de médecine et Salomon est un démon spécialisé dans la médecine, il pourra me requinquer en cours de processus et m'aiguiller sur la marche à suivre. Y'a pt'êt des artefacts qui pourraient me booster. J'dois prendre conseil auprès des Dragons d'Emeraude. Si ça t'va, évidemment ? J'f'rais rien sans ton accord...

Petit sourire saupoudré de malice.

-... Cette fois.

- Wow… je dois dire que c’est presque plus impressionnant que de me redonner un bout de sensation.
- Tu diras pas ça quand tu pourras niquer sans un préfixe en "air"...
Rory lève les yeux au ciel.
- Parce que tu crois franchement que c’est le premier truc que je vais faire ? T’as un pouvoir incroyable ! C’est un sacré spectacle quand tu l’utilises.
- S'tu l'dis... J'me vois pas vraiment en fait...
- J’te le dis. Tu scintilles comme les facettes d’un diamant, t’accroches à fond la lumière. C’est…hyper fascinant ! T’as l’air de douter…je prendrai une photo la prochaine fois, ajoute-t-il avec un sourire. - Merci mon p’tit miracle.
- Appelle-moi encore une fois comme ça et j'te défonce.

Le visage de Rory se plisse d’amusement alors qu’il lève les mains en guise de paix.
- On dirait que tu vas me mordre… Mais oui je sais que tu vas me faire manger mes dents. Tu me  les rendras après ? Il reprend un faciès plus sérieux et se gratte la gorge pour rendre le tout plus solennel.  J’veux dire Sassy Angry Queen...
- J'préfère ! ça a carrément plus de gueule !
- Ouep mais c’est beaucoup moins rare et précieux qu’un Miracle. Comment tu te sens ?

- Ca va, j'te promets. Me faudrait peut-être un verre d'eau et un bonbon, pour le sucre.
- J’ai.
Retour sur son siège, il fait rouler son fauteuil vers son bureau, remplis d’eau son verre après une hésitation – après tout il n’est pas malade – et sélectionne des dragibus de différentes couleurs.
- Mais j't'assure ça roule. C'est gourmand en terme de concentration et d'énergie. C'pour ça que je peux pas m'attaquer à tes guiboles de suite. Ce sera un gros morceau et je suis pas certaine de la quantité de magie que ça va me demander.

Rory revient vers la couchette lui glisse d’abord le verre dans la main, attend qu’elle est bu avant de le reprendre vide pour y mettre sa sélection de dragibus. Il n’y en aura plus pour son prochain petit visiteur…tant pis ! Il en reste plein d’autres. Il lui coule un regard inquiet et un peu suspicieux.
- Joue pas les têtues d’accord ? Si c’est trop, c’est trop. Je veux pas que ça soit dangereux pour toi. Comment tu comptes faire ça ?
- Faut que je sois un peu encadrée... J'veux pas faire de la merde. Tu comprends ?

Rory hoche la tête, un petit sourire aux lèvres, une drôle d’émotion fleurissant dans son poitrail. Evidemment il pourrait se dire qu’il sert en fait de cobaye à son pouvoir, pour tâter le terrain, voir jusqu’où il est capable d’aller. Mais le jeune homme ne doute pas un instant de la sincérité du geste de Viorea. Sans doute le fait-elle aussi pour se prouver qu’elle en est capable. Dans cette optique, ça ne le dérange pas d’être cobaye.
Au-delà de récupérer ses jambes, il serait ravi de pouvoir être la preuve vivante qu’il n’y a pas que sa colère qui la définie.
- Je sais que je te l’ai déjà dit mais…merci. De prendre ça autant au sérieux. Je trouve que ça fait pas très Sassy Angry Queen, non ?
- Mon amie Alexia a fait des études de médecine et Salomon est un démon spécialisé dans la médecine, il pourra me requinquer en cours de processus et m'aiguiller sur la marche à suivre. Y'a pt'êt des artefacts qui pourraient me booster. J'dois prendre conseil auprès des Dragons d'Emeraude. Si ça t'va, évidemment ?

Il baisse les yeux sur ses jambes, molles, sacs à viande sans plus d’utilité depuis si longtemps. Si ca se fait…le chemin sera long jusqu’à ce qu’il arrive à se déplacer normalement, à courir à nouveau...
Mais il est prêt à le prendre ! Plus que prêt !
Il va souffrir, devra serrer les dents…la routine pour lui en somme.

- Oui ça me va, assure-t-il d’une voix déterminée. Je te laisse voir, je te fais confiance.
- J'f'rais rien sans ton accord...
- Ah ? Ca sonne presque comme une déception qu’il camoufle dans un petit rire.
- ... Cette fois.
- C’est une promesse ou une menace ?

Malgré l’horreur de leur situation, malgré la possibilité qu’il ne retrouve ses jambes que pour un temps très court, il se sent égoïstement heureux. Juste avant de se rappeler que Ciulin se meurt, qu’Eva, Cody et tant d’autres ont perdu des êtres chers.
Mais pendant quelques minutes encore, il veut profiter de cette joie si rare en ce moment.

- Vio ? Il vrille ses yeux dans les siens. J’suis vraiment heureux que tu t’en sois sortie…et pas juste à cause de mes jambes. Merci d’être venue me voir. Si je devais attendre sur Caleb pour te rendre visite ça aurait pu durer des semaines…
Un sourire lumineux éclaire ses traits.
- Faudra que j’apprenne à conduire …tu sais toi ? Mais non ! Je suis bête...tu devais avoir un chauffeur !

- Je sais que je te l’ai déjà dit mais…merci.
- Tu l'auras poncé ce mot...
- ...De prendre ça autant au sérieux. Je trouve que ça fait pas très Sassy Angry Queen, non ?

Vioréa pose son index sur les lèvres rieuses de Rory.

- Shhhhut! Tu te tais... Lâche-t-elle avec un battement de cils théâtrale. Elle poursuit son petit exposé avec un grand sérieux. Si ça t'va, évidemment ?
- Oui ça me va. Je te laisse voir, je te fais confiance.
- Tu devrais pas. Mais t'inquiète : j'f'rais rien sans ton accord...
- Ah ?
- ... Cette fois.
- C’est une promesse ou une menace ?
- Tu tiens à ce point à ce que je te roule de nouvelles galoches surprises ? demande-t-elle avec un haussement de sourcil, les coins de son sourire, soudain plus pointus.

Comme souvent lorsqu'ils sont ensembles, une bulle réconfortante aux parois épaisses se forme autour d'eux, les préservant des affres d'une sordide réalité. Viorea et Rory se couvent l'un l'autre d'une gaité puérile et d'une excitation qui puise sa source dans leur simple réunion. Le monde s'écroule, mais pas ce lien étrange noué à leurs poignets respectifs. L'univers s'effrite, mais consolide leur affection mutuelle.
Une magie puissante en soi.

- Vio ?

Pupilles aimantées aux siennes.
Sourire en écho.

- J’suis vraiment heureux que tu t’en sois sortie
- Pas autant que moi ! se marre-t-elle.
- …et pas juste à cause de mes jambes.
- Je te crois, j'ai bien compris qu't'étais couillon comme ça... Elle lui "pouic" le nez.
- Merci d’être venue me voir.
Elle lui prend la main et la presse.
- J'ai appris que t'étais de ce côté du Brouillard qu'aujourd'hui... Sinon, tu m'aurais vu débouler avant.
- Si je devais attendre sur Caleb pour te rendre visite ça aurait pu durer des semaines…
- Major Jenson, Mi-homme, Mi-autruche...... soupire-t-elle avec une grimace agacée. Mais j'vais pas revenir là dessus. On s'est déjà suffisamment pris la tête lui et moi.
- Faudra que j’apprenne à conduire …tu sais toi ?
Elle s'apprête à répondre mais il la coupe aussi sec.
- Mais non ! Je suis bête...tu devais avoir un chauffeur !
- C'est ça... et je roulais en limo aussi. La base ! On a fait virer trois profs pour avoir leurs place de parking afin de la garer au lycée. Elle roule des yeux dans ses orbites. Chuis une Queen Bitch moderne, Pui ! Oui, je sais...

Petit silence chargée de bêtises à venir.

- Pourquoi......? demande-t-elle avec une expression pétillante de malice. Tu veux tenter une échappée belle ? Elle glisse son index en crochet dans son col de pull et l'attire vers elle pour mieux conspirer. Tu veux que je te kidnappe, Rory ? Dans un des tanks de ton frère ? demande-t-elle sur le ton d'une proposition indécente et sulfureuse.

- Faudra que j’apprenne à conduire …tu sais toi ? Mais non ! Je suis bête...tu devais avoir un chauffeur !
- C'est ça... et je roulais en limo aussi. La base !
- Evidemment…suis-je bête !
- On a fait virer trois profs pour avoir leurs places de parking afin de la garer au lycée.
- J’aurais tellement voulu voir ça… T’avais tes mignons pour t’ouvrir la porte ? Porter ton sac ? Merde…tu devais rendre tout le monde complètement dingue.
Il rit quand il voit son expression.
- Chuis une Queen Bitch moderne, Pui ! Oui, je sais...

Ils échangent un regard complice, alors qu’il vient chiper un Dragibus dans la paume de sa main.
- Pourquoi......?
- Chais paaaas. Comme ça. Ou alors je me cherche une prof qui sait rouler hors des sentiers battus ?
- Tu veux tenter une échappée belle ?
Harponné par son doigt, un sourire malin sur les lèvres, Rory se penche volontiers vers elle pour chuchoter en toute intimité leurs plans d’évasion.
- J’ai fini ma journée, techniquement…

Même si les réfugiés ne manquent jamais. Et que si des soldats reviennent avec des nouvelles âmes égarées ça sera à lui de leur parler, de les guider en attendant qu’ils soient pris en charge. C’est notamment pour ça qu’il a accepté de rester à la caserne de bonne grâce. Ce rôle, il l’a demandé à Caleb. Être utile, aider, c’est comme ça que lui gère ce qu’il a vu dans le Brouillard.

- Ca fait sept jours que je vois que ce foutu bureau et cette caserne.

Pleine de testostérone et de désespoir. Parfois il a l’impression que tout ça lui colle à la peau et qu’il n’arrivera plus à s’en débarrasser, qu’ils absorbent son sourire et le peu d’espoir qu’il lui reste. Chaque jour, il a l’impression que tout ça pèse un peu plus sur lui.  

- Tu veux que je te kidnappe, Rory ? Dans un des tanks de ton frère ?
Son ton aguicheur soulève le coin de ses lèvres et il se penche encore…
- C’est vachement tentant…

Puis se redresse, caressant sa joue du dos de son index au passage. Le jeune homme est véritablement tenté par sa proposition et cette perspective d’un tout petit peu de liberté, d’air nouveau pour emplir ses poumons.
Il tourne la tête vers la porte. Caleb…il ne peut pas le laisser maintenant.
Il sait parfaitement comment son frère gère les émotions fortes et l’impuissance.
Mal.
Il lui adresse un sourire un peu déçu.

- …mais je dois aller voir mon frère et les tanks c'est pas hyper pratique pour grimper dedans sans jambe... Je peux pas le laisser tomber maintenant. C’est pas à ses soldats qu’il se confiera et il faut que je le fasse parler sinon il va être pire qu’une cocotte-minute. Il lui coule un regard entendu et hausse les épaules. Je sais ce que tu penses, mais je peux pas l’abandonner. C’est comme ça. Il a un petit sourire à la fois attendri et triste. Il a jamais été amoureux avant…il est en train d’apprendre que ça peut faire très mal. C’est lui le petit poussin question sentiment. J’aimerai rendre visite à Ciulin aussi…tu penses que ça serait faisable ?
Il attrape sa main et y dépose un baiser pour se faire pardonner.
- Une prochaine fois, ça serait avec plaisir. Tu sais où je suis maintenant ! T’as besoin qu’on te raccompagne ? Je vais demander à O’Shea, il m’en doit une.

- J’ai fini ma journée, techniquement…
- Ah ouiiii ? Intéressant...
- Ca fait sept jours que je vois que ce foutu bureau et cette caserne.
- Tu veux que je te kidnappe, Rory ? Dans un des tanks de ton frère ?

Son index court négligemment sur le rond de son col. Ils sont si près qu'il pourrait s'embrasser.

- C’est vachement tentant…
- Laisse-toi faire alors... souffle-t-elle, ses joues rebondies par un sourire mutin. Un silence. Rory se redresse et lui échappe. Maiiiis ?
- …mais je dois aller voir mon frère. Elle soupire, certes de déception, mais également de compassion. Elle sait qu'il a raison. Les tanks c'est pas hyper pratique pour grimper dedans sans jambe...
- C'est moins glam, mais je peux accepter de me rabattre sur une jeep...
- Je peux pas le laisser tomber maintenant.
-.... Oui... je saiiiis.... Enorme soupir.
- C’est pas à ses soldats qu’il se confiera et il faut que je le fasse parler sinon il va être pire qu’une cocotte-minute.... Je sais ce que tu penses...
- Ca ça m'étonnerais, Pui...
-... mais je peux pas l’abandonner. C’est comme ça.
- J'te reproche rien, tu sais...

Mais Rory tient à se justifier, à expliquer le comportement de son frère. Viorea sait déjà ce que le jeune homme va lui dire. Elle a vu ce mal bouffer la cervelle de sa mère et de son père, de Culin aussi, de Sorin également, d'Alexia et Ryan...

L'amour rend con.

- Il a jamais été amoureux avant…il est en train d’apprendre que ça peut faire très mal. C’est lui le petit poussin question sentiment.
- C'est ça, fait une carafe de ses male tears et on les boira à mon retour...

Elle a un petit pincement au coeur qui l'irrite, comme un bouton de moustique qui gratte. La sensation s'accentue quand il joue les princes charmants avec un baise-main. Elle soustrait rapidement ses doigts à ce vilain petit jeu là.

- J’aimerai rendre visite à Ciulin aussi…tu penses que ça serait faisable ?
- Ouiiii y'a plein de réfugiés là bas aussi. Ton frère le saurait s'il avait tenté de contacter mon père, ou un des amoureux de Ciu.... Je t'emmènes la prochaine fois.

Elle se lève.

- Une prochaine fois, ça serait avec plaisir. Tu sais où je suis maintenant !
- Chais où t'habite, ouep... Fais gaffe à ton cul Rory Jenson... Petit sourire bravache de la fille sur qui tout coule, même les petites frustrations de gamine.
- T’as besoin qu’on te raccompagne ? Je vais demander à O’Shea, il m’en doit une.
- Tu crois que chuis en sucre et que je vais fondre dès qu'tu vas me lâcher la main... ? Chuis une grande fille, merci. Mouvement de cheveux "IDC, I'm a fierce bitch". Salut Rory...

Elle va pour sortir, mais se ravise brutalement sur le seuil de la porte. Elle revient précipitamment vers lui et le sert fort dans ses bras, se pliant en deux pour l'atteindre. Elle le noie sous sa propre chevelure, son parfum et son bombers dézippé qui pendouille n'importe comment autour de sa silhouette. Etreinte brusque, silencieuse, ponctuée d'un baiser tendre tout près de son oreille.

- ...Aujourd'hui tu es à Caleb, demain tu seras à moi.

Viorea s'enfuit en quelques enjambées rapide après cette imprécation. Une douce malédiction de sorcière.