This is the anthem for the broken
This is the anthem for the weak
This is the anthem for you sinners
All you dirty and unclean

Insomnie.
Encore.
"Toujours" pense le caporal Cosgrave en fumant une cigarette sur le toit du mess.
Cette nuit lui parait plus éprouvante que d'ordinaire, sans doute parce qu'il ne se sent pas l'envie de tromper son mal être avec du sport ou de la cuisine. Cette nuit il vit le spleen de son insomnie à son paroxysme. C'est devenu un art de vivre et davantage encore depuis qu'il crèche dans cette caserne.
Depuis qu'il a survécu au Brouillard et intégré l'unité Jenson.
Depuis qu'il crushe à sens unique sur un Major fraichement fiancé tout en bavant sur un dragon sexy qui ronfle comme un bienheureux sans se douter des désirs pervers que nourrit son "ami" à son égard.
Depuis qu'il a retrouvé LE type avec qui il a usé ses première fois et qu'il a supplié d'effacer ses souvenirs.
Vraiment, Gi-Ja a toutes les raisons du monde de ne plus trouver le sacro-saint sommeil. Il est simplement puni d'être un menteur, d'être la première victime de ses mensonges, d'être lui.

"Un sale type avec de sales pensées."

Vouté sur la rembarde, il lui arrive parfois de se demander s'il ne ferait pas mieux de se foutre en l'air une bonne fois pour toute. Il avait eu l'occasion de mourir plusieurs fois sur le terrain mais ne l'avait jamais prise au vol. Pourquoi s'accroche-t-il autant à cette vie ? C'est ridicule.

Brusquement, il avise du mouvement en contrebas qui le sorte du marasme de ses pensées noires. Il vient de repérer dans un recoin bien planqué, quasi invisible pour ceux qui ne sont pas surélevés, un couple qui se bécote. Dans la pénombre s'est difficile de voir de qui il s'agit à part que le mec est immense et recouvre presque totalement la silhouette de sa compagne. Si c'est bien une femme. Il n'est plus sûr de rien dans ce foutu baisodrome à treillis (où il semble le seul  soldat à ne pas en profiter).
Telle n'est pas sa surprise quand il découvre, une fois que les amoureux se séparent, que la jeune femme n'est autre que Lexi.

Plutôt que de se diriger vers son dortoir, elle passe les portes du mess, sans doute pour satisfaire un petit creux. Parfait. Il a du temps à tuer et sait qu'elle aussi : entre oiseaux de nuit on se comprend.
Il la retrouve effectivement en cuisine et l'observe faire en silence, bras croisés, épaule en équilibre sur le chambranle de la porte.

- C'est donc toi qui pique dans la réserve de sucreries, alors ? s'amuse-t-il. Je vais finir par te dénoncer Hailey ! Moi aussi j'ai mes petites ardoises.

Lexi suit du regard la haute silhouette de Lounis alors qu’il s’éloigne puis pousse un profond soupir avant de cogner doucement sa tête contre le mur derrière elle.  

Cela fait presque un mois qu’ils se retrouvent de temps en temps pour de très doux baisers échangés à l’abri des regards. Des baisers qui font battre son cœur plus vite et éveillent d’autres sensations plus charnelles qui ne trouvent jamais d’échos chez Lounis.
Peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’elle a laissé sa chambre à Neorvrim, le dragon. Ils ne peuvent à présent plus dormir ensemble et cela lui évite toute frustration supplémentaire et toute occasion de tenter quoique ce soit de plus. Cela ne l’empêche pas de passer quelques nuits avec la famille au complet sans que rien n’ait changé en surface. Souvent, elle finit dans le lit de Bassem, s'étant écroulée de fatigue alors qu'ils se racontaient des histoires.

La jeune femme s’était d’abord dit qu’il lui fallait patienter. Tout ça était très nouveau pour le jeune homme et cela faisait beaucoup à encaisser, elle en avait parfaitement conscience. Mais les jours passants sans que le moindre geste de curiosité ou de désir à l’égard de son corps ne soit esquisser, elle ne peut s’empêcher de se poser des questions.
Lexi a toujours été intuitive et observatrice.

Lounis n’éprouve-t-il dont rien de physique pour elle ? Est-ce de sa faute ? Peut-être que comme elle, il n’est capable de désirer quelqu’un que s’il aime vraiment… dans ce cas est-ce que ça veut dire qu’il croit l’aimer ? Il a peut-être besoin de plus de temps pour se sentir parfaitement à l’aise avec elle ? … Ou cette absence de désir est plus… global…  

Lexi n’a pas encore osé aborder le sujet. Elle ne veut rien précipiter, rien gâcher, aller à son rythme…
Elle se trouve horrible d’être obsédée par cette question et étouffe donc ce qu’il lui fait ressentir physiquement, gérant comme elle peut des frustrations qui semble bien loin de l’esprit de son poète.
Lounis est un cérébral, un rêveur, une belle âme.
Elle devrait être heureuse qu’il l’aime pour la sienne.
Mais voilà, il faut croire que rien n’est jamais aussi simple. Pas pour elle. Jamais.
Résignée à ne pas trouver le sommeil tout de suite, elle se dirige vers les cuisines. La nourriture remplacera le reste. Du moins elle essaie de s’en convaincre.  

Elle est en train de se monter un sandwich au beurre de cacahouète et au chocolat. Une orgie de sucre et de gras l’aidera peut-être à voir les choses autrement.

- C'est donc toi qui pique dans la réserve de sucreries, alors ?
Lexi pivote la tête vers l’intru et esquisse un sourire.
- Tu n’as rien vu ou je vais être obligée de te supprimer.
- Je vais finir par te dénoncer Hailey ! Moi aussi j'ai mes petites ardoises.    
Lexi le contemple un moment avant de croquer dans son casse-croûte, une lueur de défi dans le regard.
- Fais donc… je ressortirai les miennes. Tu me dois une chambre d’ailleurs, vu que notre dragon a la mienne et qu’il est sous ta bonne garde. Tu en veux un aussi tant que j’y suis ?
Elle désigne le sandwich 100% non diététique de son menton.

Gi-Ja Cosgrave : un vrai dérivatif à ses propres « soucis » si elle peut appeler ça comme ça.
Il n’a pas l’air d’aller beaucoup mieux et Lexi n’est pas aveugle, elle a saisi beaucoup de choses. Des choses qu’il ne souhaite sans doute pas avouer à quiconque… et encore moins à lui-même. Mais elle est certaine d’une chose. Il n’est pas heureux et ce constat fait beaucoup de peine à la jeune femme.

- Encore tes insomnies ? Je crois que Caleb utilisait des somnifères assez costauds et sans effet d’accoutumance. Tu devrais peut-être essayer ? lui recommande-t-elle d’une voix douce. Qu’est-ce qui te tiens éveiller cette nuit ?
Lexi le dévisage avec une certaine tendresse qu'elle ne maitrise pas totalement. Elle a bien plusieurs idées mais ne précipitera aucune confession. Elle sait de toute façon qu’il bottera en touche. Mais il lui semble important de poser la question néanmoins, de lui assurer qu’elle est là, le jour il ressentira l’envie de parler.  

- Fais donc… je ressortirai les miennes.
- Au pluriel, j'aurais du m'en douter. T'as monté un vrai business !
- Tu me dois une chambre d’ailleurs.
- En quel honneur ?!
- Vu que notre dragon a la mienne et qu’il est sous ta bonne garde.
- C'est quoi ce gros racket en règle, là ! T'étais pas obligée de la lui céder... surtout si tu en avais besoin, insinue-t-il de manière détournée.
- Tu en veux un aussi tant que j’y suis ?

Gi-Ja grimace devant l'ignominie culinaire.

- M'insulte pas ! Je vais nous cuisiner un truc bouffable. T'à quoi à compenser pour mettre autant de couches de gras entre deux tranches de pain ?

Et comme souvent avec Lexi , elle répond à une question par une autre.

- Encore tes insomnies ?
- Bravo Sherlock, répond-il en ouvrant le frigo pour sortir quelques ingrédients plus "sains".
- Je crois que Caleb utilisait des somnifères assez costauds et sans effet d’accoutumance. Tu devrais peut-être essayer ?
- Hum...

Réponse sans conviction.
Il n'a pas envie de déranger Caleb, surtout pour le trouver encore en train de galocher Ciulin. Il aimerait bien pouvoir faire la même chose. "Avec qui ?" Là est toute la question : Caleb, le fiancé tout frais d'une déesse, ou Neorvrim, marié pour l'éternité à sa reine morte. Pour voter pour l'ami innascible n°1 tapez CAL. Pour l'ami inaccessible n°2 taper NEO. "Sinon, je peux toujours aller me faire sodomiser par Baphomet et pleurer pour qu'il m'efface la mémoire. Ensuite je pourrais me draper dans ma fausse pudeur et crier au viol pour attirer la sympathie. Dégeulasse jusqu'au bout, en somme."

- Qu’est-ce qui te tiens éveillé cette nuit ?
- Tu connais sans doute déjà la réponse à cette question, ironise-t-il. Et toi ? Pourquoi t'es pas restée dans les bras du mec que tu bécotais ?

Gi-Ja part sur la réalisation d'un bibimbap revisité avec les moyens du bord, feignant la nonchalance. Cependant, tout en éminçant ses légumes il ajoute, l'air de rien.

- Il t'a fait de la peine ? Tu veux que j'ailles lui casser la gueule ?

Bien qu'elle soit agaçante à fourrer son nez partout et à toujours deviner ce qu'il s'évertue tant à cacher, il ne supporte pas l'idée de la savoir triste. Lexi est une chouette fille et s'il avait été "normal" il aurait été plus que ravi de la faire sourire tous les jours.

- Qu’est-ce qui te tiens éveillé cette nuit ?
Lexi s’installe sur un tabouret en face de lui. Accoudée au plan de travail elle mâchonne mollement son sandwich des enfers.
- Tu connais sans doute déjà la réponse à cette question.
- J’ai des idées… confirme-t-elle avec un petit sourire malin. Laisse-moi donc reformuler : qui t’empêche de dormir ce soir ?
- Et toi ?
- Ohh tu retournes mes propres techniques contre moi ? Malin.

Elle chipe un morceau de carotte et le trempe dans le beurre de cacahouète qui coule du pain. Elle goûte son essai culinaire en observant Gi-Ja du coin de l’œil craignant une syncope pour cause d’affront culinaire.
- Etonnement pas mauvais ! juge-t-elle avec un petit rire.
- Pourquoi t'es pas restée dans les bras du mec que tu bécotais ?
Son rire s’éteint aussitôt et elle plisse les yeux. Lexi le pointe du doigt avec son légume.
- Espèce de sale voyeur !
- Il t'a fait de la peine ? Tu veux que j'ailles lui casser la gueule ?

Un nouveau petit rire un peu plus désabusé franchit ses lèvres. Elle n’en reste pas moins touchée par ses quelques mots qui signifient beaucoup.
- Je te l’interdis. Il ne ferait pas de mal à une mouche. C’est… c’est moi le problème.
Elle croque encore dans le légume cru, essayant de faire passer son amertume avec la carotte.  
- Tu sais quoi ? Je te dis ce qui me tracasse et en échange tu fais pareil. Deal ? Et pas de mensonges ok ?

Elle lui présente son petit doigt comme s’ils étaient deux enfants prêts à se faire une promesse solennelle. Après tout, comment pourrait-elle s’attendre à ce qu’il se confie si elle ne montre pas de son côté qu’elle lui fait confiance.
Elle attend qu’il s’exécute et promette avant de commencer.

- Il s’appelle Lounis. C’est un avatar et quelqu’un de merveilleux. Très… elle fait un vague geste de sa main, pure, tu vois ? Innocent. Ca fait presque un mois qu’on est « ensemble ». Elle mime les guillemets. Mais c’est difficile d’avoir le moindre moment d’intimité ici… et quand on en a je … elle rougit soudain et baisse les yeux. Elle a tellement honte qu’elle préfère bifurquer au dernier moment avant l’aveu. Je sais que c’est un « problème » complètement trivial et qui ne me touche que moi. Je devrais être heureuse de ce que j’ai, comblée même. Il m’aime… je crois… C’est juste que… j’ai l’impression, non je sens, qu’il ne me désire pas. Il n’a jamais, jamais montré le moindre signe qu’il avait envie de moi. Alors au début je pensais que c’était juste qu’il était trop timide ou qu’il avait trop de chose en tête – il vient d’apprendre qu’il est avatar et il se cherche encore beaucoup – mais même quand j’amorce quelque chose… rien. Alors je me demande si c’est moi, si je suis pas assez… désirable, féminine ou… ou si c’est juste qu’il … ne me désirera jamais et que je peux faire une croix sur une connexion que je n’expérimenterai jamais. Ça ne devrait pas être un problème, mais moi… je… j’ai envie de plus, avoue-t-elle piteusement avec une grimace. Je suis horrible hein ? Le monde s’écroule et je me plains parce que mon mec est peut-être asexuel et pas moi. Elle passe une main impuissante dans ses cheveux. J’ai du mal à gérer ma frustration alors… la bouffe. Je sais que je devrais en discuter avec lui mais je sais aussi que pour lui, tout ça n’est pas un problème, que ça n’en deviendra un que si je lui en parle. Et je ne veux pas lui mettre de pression ou qu’il se sente mal à cause de ça. C’est rien après tout… rien du tout…

Elle se prend le visage entre les mains et inspire profondément avant d’oser recroiser le regard de Gi-Ja.
- Je me sens sale et conne... C’était plus difficile à sortir que je le pensais… à toi maintenant.

- Je te l’interdis. Il ne ferait pas de mal à une mouche. C’est… c’est moi le problème.
- Rarement un bon commencement de relation... ponctue-t-il laconiquement.

L'Hôpital qui se fout clairement de la Charité. Il a fait capoter toutes les histoires qu'il a pu collectionner jusqu'ici. En même temps, se forcer à être hétérosexuel quand on est gay, c'est une belle connerie, mais pas le premier mensonge qu'il a proféré avec aplomb.

- Tu sais quoi ?
- Non, mais tu vas me le dire ?
- Je te dis ce qui me tracasse et en échange tu fais pareil.
- C'est une très mauvaise idée.
- Deal ? Et pas de mensonges ok ?

Gi-Ja soupire. Elehiel et elle, même combat : elles parviennent toujours à avoir ce qu'elle veulent malgré ses dénégations. Il affiche une expression blasée et, après s'être essuyé sur un torchon, pactise avec la diablesse sans le moindre enthousiasme. Après tout Hailey a probablement besoin de s'épancher.

- Il s’appelle Lounis. C’est un avatar
- Un avatar.... Comme Ciulin ? s'enquiert-il en reprenant ses juliennes de légumes.
- ...Et quelqu’un de merveilleux. Très… pure, tu vois ?
- Non.
- Innocent.
- Okaaaaay...?
Il ne voit toujours pas où elle veut en venir.
- Ca fait presque un mois qu’on est « ensemble ».
- Un mois !? s'exclame Cosgrave. Tu caches foutrement bien ton jeu !
- Mais c’est difficile d’avoir le moindre moment d’intimité ici… et quand on en a je …
- Tu.... ?

Gi-Ja la contemple en train de virer au coulis de tomate humain, estomaqué que la si composée caporal Lexi Hailey soit elle aussi capable de rougir.

- Ah merde...

C'est le truc le plus intelligent qu'il trouve à dire. Il faut dire, on le consulte rarement pour des soucis de cette nature.

- Je sais que c’est un « problème » complètement trivial et qui ne me touche que moi. Je devrais être heureuse de ce que j’ai, comblée même. Il m’aime… je crois…
- Tu "crois" seulement ? souligne-t-il avec un haussement de sourcil.
- C’est juste que… j’ai l’impression, non je sens, qu’il ne me désire pas. Il n’a jamais, jamais montré le moindre signe qu’il avait envie de moi. Alors au début je pensais que c’était juste qu’il était trop timide ou qu’il avait trop de chose en tête – il vient d’apprendre qu’il est avatar et il se cherche encore beaucoup – mais même quand j’amorce quelque chose… rien. Alors je me demande si c’est moi, si je suis pas assez… désirable, féminine ou… ou si c’est juste qu’il … ne me désirera jamais et que je peux faire une croix sur une connexion que je n’expérimenterai jamais. Ça ne devrait pas être un problème, mais moi… je… j’ai envie de plus.
- Tu ferais bander un mort, Lexi. Sincèrement. S'il se passe rien à ce niveau là c'est qu'il est impuissant ou pire : il est gay.

La maladie de ce siècle.
La sienne.

- Je suis horrible hein ?
- Pourquoi ? Parce que t'as envie de t'envoyer en l'air avec la personne que tu aimes ? Qui ne le voudrait pas... ?

Il se retient de ricaner de son propre cynisme.

- Le monde s’écroule et moi je me plains parce que mon mec est peut-être asexuel et pas moi. J’ai du mal à gérer ma frustration alors… la bouffe.
- Y'a des solutions plus directes qu'entretenir tes TCA.
- Je sais que je devrais en discuter avec lui mais je sais aussi que pour lui, tout ça n’est pas un problème, que ça n’en deviendra un que si je lui en parle.
- Là t'anticipe. T'en sais absolument rien.
- Et je ne veux pas lui mettre de pression ou qu’il se sente mal à cause de ça. C’est rien après tout… rien du tout…
- Un rien qui t'empêche de dormir et te pousse à te gaver de beurre de caca. Vraiment que dalle, quoi.

Gi-Ja roule des yeux dans ses orbites.

- La "connexion" par le sexe c'est un peu une connerie. Un gros mythe qui va avec le "prince charmant", "l'âme-soeur" et le romantisme à deux sous de la Saint-valentin. Il n'y a rien de plus égoïste qu'un orgasme. Ceci étant, c'est l'opinion d'un mec frustré qui n'a jamais connu la moindre connexion avec qui que ce soit. A prendre avec des pincettes.

L'auto-dérision.
Il en est à ce stade d'absence de filtre.

- Désolé, je suis pourri en réconfort. Je peux juste te faire un bon petit plat qui fera ça mieux que moi.
Petit rictus d'excuse.
- Je me sens sale et conne...
- Bienvenue dans mon club très select. On est deux. Tu veux une carte de membre longue durée ou temporaire ? Ricanements crasse. Il reprends avec plus de douceur. Si tu l'aimes et qu'il t'aime, pourquoi le sexe devrait être un enjeu ? Explique-lui ton point de vue et trouvez un compromis sur ce que vous pouvez arriver à faire. T'embrasser ne semble pas lui déplaire, peut-être que te faire d'autres trucs aussi... Teste avec lui. Je ne vois pas en quoi ce serait lui foutre la pression que de tenir compte de tes envies.
- C’était plus difficile à sortir que je le pensais…
- Tu te sens mieux ?
- À toi maintenant.
- Tu y tiens vraiment... ?

Gi-Ja fait revenir les bâtonnets de concombre, carotte et oignon dans une grande sauteuse avec de l'huile de sésame et des piments. Finalement, après un moment de silence, le regard rivé sur les légumes qui caramélisent, le jeune homme reprend la conversation sur un ton détaché, sans timbre. Il a décidé de lui confier le moins terrible de ses péchés.

- Depuis quelques mois, j'ai des flashs, comme des épisodes traumatiques qui remontent : je suis avec un mec, toujours le même. On couche ensemble. Enfin... je me fait sauvagement prendre. Avant ça arrivait la nuit, je me sentais nauséeux mais après un footing ou une clope ça passait. Maintenant j'ai ce genre d'épisode en pleine journée aussi. J'ai cru que c'était... un viol.. ahaha... Un truc genre, on a mis de la drogue dans mon verre et après hop ! Mais... C'est même pas ça.

Il jette une poignée d'ail et de ciboule dans sa préparation.

- En fait, le fameux type est un démon qui manipule la mémoire. La vérité.... sa voix se fendille alors que ses gestes se font plus secs et plus erratiques. La verité c'est que j'ai sciemment allumé ce gars, que je me suis offert à lui comme une grosse trainée en manque.

Il jette brutalement sa spatule dans la poêle et s'appuie sur le bord de la gazinière comme pour dégobiller. Il se mord la lèvre avant de poursuivre.

- Et après j'ai fait une telle crise d'angoisse qu'il a préféré m'effacer ces souvenirs.

Gi-Ja Cosgrave se tourne vers Lexi avec une expression de profonde détresse.

- Et le pire c'est que je suis retourné le voir.... plusieurs fois. Répétant le même scénario écœurant.

Il a un nouveau rire désabusé, poignant.

- C'est pour ça que moi j'ai ma carte premium au club des "gens sales et cons" et pas toi, Hailey.

- Je sais que je devrais en discuter avec lui mais je sais aussi que pour lui, tout ça n’est pas un problème, que ça n’en deviendra un que si je lui en parle.
- Là t'anticipe. T'en sais absolument rien.
Elle grimace encore en finissant sa carotte.
- Peut-être mais je me trompe rarement. Il va considérer qu’il n’est pas normal ou se remettre en question. Je le vois venir à mille bornes. Et je ne veux pas lui mettre de pression ou qu’il se sente mal à cause de ça. C’est rien après tout… rien du tout…
- Un rien qui t'empêche de dormir et te pousse à te gaver de beurre de caca. Vraiment que dalle, quoi.
Lexi hausse les épaules.
- Presque.
- La "connexion" par le sexe c'est un peu une connerie. Un gros mythe qui va avec le "prince charmant", "l'âme-soeur" et le romantisme à deux sous de la Saint-valentin. Il n'y a rien de plus égoïste qu'un orgasme. Ceci étant, c'est l'opinion d'un mec frustré qui n'a jamais connu la moindre connexion avec qui que ce soit. A prendre avec des pincettes.
- Non Gi’, réplique-t-elle en recouvrant sa main de la sienne, une expression de compassion sur le visage. C’est pas des conneries. Pas tout ce que tu viens de me citer. L’intérêt de coucher avec quelqu’un qu’on aime, c’est pas qu’égoïstement prendre son pied. C’est aussi … voir le plaisir de l’autre. Enfin… pour moi. Et j’espère que tu l’expérimenteras un jour.
- Désolé, je suis pourri en réconfort.
- Je confirme. Mais heureusement pour toi, je cherche pas à être réconfortée.
- Je peux juste te faire un bon petit plat qui fera ça mieux que moi.
- Ça me va bien. Elle soupire et se coule sur le support en inox comme un petit tas de frustration et de honte. Je me sens sale et conne...
- Bienvenue dans mon club très select. On est deux. Tu veux une carte de membre longue durée ou temporaire ?
- Y’a pas VIP ?
- Si tu l'aimes et qu'il t'aime, pourquoi le sexe devrait être un enjeu ?
- C’est pas un enjeu ! Mais… ça devrait pas être si compliqué non plus si ? Merde ! On a pas le droit à du simple ? Juste une fois ? On se bat assez tous les jours, il faut aussi qu’on lutte au pieu maintenant ?
- Explique-lui ton point de vue et trouvez un compromis sur ce que vous pouvez arriver à faire. T'embrasser ne semble pas lui déplaire, peut-être que te faire d'autres trucs aussi... Teste avec lui. Je ne vois pas en quoi ce serait lui foutre la pression que de tenir compte de tes envies.
Elle plante son regard dans le sien.
- Il est puceau Gi’, lâche-t-elle soudain. Je veux pas qu’il se sente acculé ou forcé ! Il est très bien comme ça… Elle lui sourit. Merci d’avoir écouté mes conneries. Mais c’était plus difficile à sortir que je le pensais…
- Tu te sens mieux ?
- Je me sentirais encore mieux si tu me promets un plat orgasmique. Ça fera plaisir à mes papilles. À toi maintenant.
- Tu y tiens vraiment... ?

Elle lui jette un regard qui en dit long et patiente tranquillement jusqu’à ce que sa parole se délie. Il aborde un sujet auquel elle ne s’attendait pas. Il déroule sa douloureuse confession et Lexi se retient d’aller aussitôt vers lui. Elle attend qu’il finisse.  

- En fait, le fameux type est un démon qui manipule la mémoire.
Elle tilte aussitôt. Ils ne sont certainement pas nombreux les démons effaceurs de mémoire. Baphomet ? Etonnant.
- La vérité... La vérité c'est que j'ai sciemment allumé ce gars, que je me suis offert à lui comme une grosse trainée en manque. Et après j'ai fait une telle crise d'angoisse qu'il a préféré m'effacer ces souvenirs.
Il plante son regard dans la sien et Lexi se rend compte qu’elle a les larmes aux yeux pour lui.

- Et le pire c'est que je suis retourné le voir.... plusieurs fois. Répétant le même scénario écœurant. C'est pour ça que moi j'ai ma carte premium au club des "gens sales et cons" et pas toi, Hailey.

Ne pouvait se contenir plus longtemps, elle se lève et vient aussitôt l’enlacer avec force.
- C’est horrible de te voir te détester à ce point, chuchote-t-elle. Arrête ça s’il te plait. Tu viens de me dire qu’il n’y avait rien de sale à vouloir assouvir des pulsions sexuelles entre adultes consentants. Quelles qu’elles soient ! Elle recule pour le regarder dans les yeux. Ceux, effilés, de son ami expriment une détresse qu’elle a envie de balayer. Je ne sais pas pourquoi tu hais à ce point qui tu es et qui tu désires. Elle lui sourit tendrement. Ca n’a rien de sale ou de con, ni de répréhensible ou de grave. Des hommes aiment des hommes, des femmes aiment des femmes. Moi j’en ai aimé une. Et j’ai fait les pires conneries pour essayer d’attirer son attention. Et après ? Ca fait de moi quelqu’un d’horrible… ?Elle soupire. Mais tu t’en convainques depuis longtemps hein ? Tes parents, je suppose ? Je comprends tu sais… Moi aussi ils m’avaient enfermé dans une vision de moi qui me faisait horreur, une jolie cage. Il m’a fallu un électrochoc pour m’en extirper. Toi… toi tu as grandi à l’intérieur et les barreaux sont en train de t’asphyxier. Elle caresse fugacement sa joue. Je sais que je ne pourrais pas être ton électrochoc. Manifestement je n’ai pas été conçue pour faire de l’effet chez ceux qui comptent pour moi. Mince tentative d’humour et d’auto-dérision. Mais je suis là et je t’attends dehors ok ? Et je te rappellerai autant de fois qu’il le faut que t’es un mec bien Gi-Ja Cosgrave. Ni sale, ni con. Et que tu as le droit au bonheur comme tout le monde.

Gi-Ja se crispe sous l'étreinte. Il s'étrangle d'une brusque envie de pleurer qu'il refoule avec force.

- C’est horrible de te voir te détester à ce point.
- Je ne veux pas de ta pitié ! crache-t-il, abrupte, le timbre tremblant. Je n'en mérite aucune.

Mais Lexi le tient fermement et il se détourne, comme pour se cacher dans son coude.

- Arrête ça s’il te plait. Tu viens de me dire qu’il n’y avait rien de sale à vouloir assouvir des pulsions sexuelles entre adultes consentants. Quelles qu’elles soient !
- C'est pas pareil ! Toi tu... tu es normale.
- Je ne sais pas pourquoi tu hais à ce point qui tu es et qui tu désires. Ca n’a rien de sale ou de con, ni de répréhensible ou de grave.
- Je ne te croyais pas si naïve, raille-t-il. T'es une gonzesse qui baigne parmi les militaire, pourtant.
- Des hommes aiment des hommes, des femmes aiment des femmes. Moi j’en ai aimé une. Et j’ai fait les pires conneries pour essayer d’attirer son attention. Et après ? Ca fait de moi quelqu’un d’horrible… ?

Il aurait dû parier avec Caleb : il aurait gagné quelques clopes. De toute façon, il niera avoir eu cette conversation dès demain matin.

- Mais tu t’en convainques depuis longtemps hein ? Tes parents, je suppose ?

Gi-ja ne répond pas et commence à gratter le fond de poêle.

- Merde... ça a accroché.

Cela lui donne encore plus envie de chialer.

- Je comprends tu sais… Moi aussi ils m’avaient enfermé dans une vision de moi qui me faisait horreur, une jolie cage. Il m’a fallu un électrochoc pour m’en extirper. Toi… toi tu as grandi à l’intérieur et les barreaux sont en train de t’asphyxier. Je sais que je ne pourrais pas être ton électrochoc. Manifestement je n’ai pas été conçue pour faire de l’effet chez ceux qui comptent pour moi.

Cette réflexion lui fait tourner la tête. Il la contemple avec un étonnement  presque enfantin.

- Je... je compte pour toi ?

Elle veut vraiment le voir chouiner ! C'est incroyablement déloyal. Ses joues chauffent, malgré tout, comme ce coeur qu'il pensait sec.

- Mais je suis là et je t’attends dehors ok ? Et je te rappellerai autant de fois qu’il le faut que t’es un mec bien Gi-Ja Cosgrave. Ni sale, ni con. Et que tu as le droit au bonheur comme tout le monde.
- Non... Je crois que tu te plantes à mon sujet. Je ne suis pas un mec bien, d'une part. Je suis un gros lâche et un menteur... Mais en plus, je suis envieux et je convoite ce que je ne peux pas avoir.

Il s'écarte doucement de toutes caresses pour mieux laver son riz avant de le cuir.

- Tu me fais de l'effet, si tu veux savoir, confie-t-il soudain. Si j'étais normalement constitué, ça fait longtemps que j'aurais tenté ma chance. Mais il faut croire que ce que je veux vraiment c'est me faire sauter par des bruns ténébreux...

Baphomet, Caleb, ... Neorvrim.
La récurrence du profil est presque flippante.
Par effet de miroir, toutes ses petites amies étaient de jolies et charmantes blondes. C'est d'un risible à ce niveau de psychologie inversée.

- C'était quoi ton éléctrochoc ? demande-t-il finalement pour qu'on arrête de parler de lui.

Evidemment, il se dérobe et refuse tout réconfort. Pas de quoi l’étonner. Mais elle ressent néanmoins une pointe de tristesse de se voir encore rejetée. Même minime, il lui fait toujours aussi mal.
- Je... je compte pour toi ?

Lexi soupire avec force et revient contre lui, perchant son menton sur son épaule.
- Bien sûr, espèce de p’tit couillon aveugle. Je vous adore tous dans cette unité mais toi… toi c’est différent. Je saurais pas te l’expliquer. Je veux juste que tu sois indécemment heureux. Et je te lâcherai pas jusqu’à ce que ça soit le cas. Je suis là et je t’attends dehors ok ? Et je te rappellerai autant de fois qu’il le faut que t’es un mec bien Gi-Ja Cosgrave. Ni sale, ni con. Et que tu as le droit au bonheur comme tout le monde.
- Non... Je crois que tu te plantes à mon sujet.
- Moi je crois pas, réplique-t-elle avec une conviction ferme et tranquille. Et je pense être bien plus lucide et objective que toi sur la question.
- Je ne suis pas un mec bien, d'une part.
- Si.
- Je suis un gros lâche et un menteur...
- Quand il s’agit de toi oui. Mais l’un n’empêche pas l’autre figure-toi.
- Mais en plus, je suis envieux et je convoite ce que je ne peux pas avoir.
Elle lâche un petit rire.
- Moi aussi. Je suis pas quelqu’un de bien tu crois ?

Il se dérobe encore et Lexi se sent soudain très lasse. Faut-il que tous les hommes auxquels elle tient finisse par se lasser de son contact ? Elle s’appuie dos au plan de travail, ayant besoin de soutien et l’observe s’agiter.  

- Tu me fais de l'effet, si tu veux savoir.
Ses lèvres s’étirent en un vague sourire.
- Tu veux dire par là que je t’agace ?
- Si j'étais normalement constitué –  Lexi claque de la langue, irritée de l’entendre proférer des aberrations pareilles - ça fait longtemps que j'aurais tenté ma chance.
- Tu ES normalement constitué Gi-Ja ! Cela dit…  elle sourit tendrement à son dos, si j’avais pas compris presque tout de suite que je n’étais pas ton type, j’aurais pu tomber amoureuse comme une idiote.
- Mais il faut croire que ce que je veux vraiment c'est me faire sauter par des bruns ténébreux...
- Et j’approuve à cent pour cent tes goûts en la matière. Tous les trois magnétiques à leurs manières. Moi c’est les bruns romantiques. Mais je crois que « me faire sauter » n’est pas à l’ordre du jour. Et ne le sera sans doute jamais.

- C'était quoi ton éléctrochoc ?
Nouveau soupir.
- Tu ne serais pas en train d’essayer de détourner la conversation par hasard ?
Bien sur que si, ils en sont conscients tous les deux. Néanmoins, après une hésitation, elle lui répond sur un ton parfaitement neutre.
- Un viol organisé par ma mère pour ma carrière et une maladie génétique et dégénérative. Il y a mieux, je te l’accorde mais on n’a malheureusement pas tellement le choix que de prendre ce que la vie nous donne.  Elle revient volontairement à lui, elle aussi peut jouer les anguilles louvoyantes. Bon si j’ai bien compris Baphomet c’est plus un plan cul… pour Caleb, je crois qu’il va falloir te faire une raison… il est croclove de Ciulin. Ca fait mal mais tu t’en remettras parce que je crois que…  elle marque une pause et reprend avec douceur, tu commences à en pincer pour quelqu’un d’autre, non ? Un autre grand brun ténébreux que tu as réveillé… je me trompe ?

- Et j’approuve à cent pour cent tes goûts en la matière. Tous les trois magnétiques à leurs manières.

Gi-Ja ouvre la bouche. Comment se fait-il qu'elle sache qu'il y en a eu trois ? Elle a certes compris pour Caleb, mais il est plutôt discret (croit-il) vis à vis du prince dragon, quant au démon, il lui parait impossible qu'elle l'ai jamais croisé.

- Moi c’est les bruns romantiques. Mais je crois que « me faire sauter » n’est pas à l’ordre du jour. Et ne le sera sans doute jamais.
- Sois pas si fataliste. Je connais quelqu'un d'asexuel ET d'enceinte. Et ça n'a rien à voir avec l'immaculée conception.

Tous les moyens sont bons pour les éloigner de ses propres déboires d'homosexuel refoulé.

- C'était quoi ton éléctrochoc ?
- Tu ne serais pas en train d’essayer de détourner la conversation par hasard ?
- Tu connais aussi la réponse à cette question, rétorque-t-il avec ce petit sourire en coin.
- Un viol organisé par ma mère pour ma carrière et une maladie génétique et dégénérative.
- QUOI?!

Le jeune homme la regarde avec des yeux ronds et un air abasourdi. Le viol est déjà une abomination en soi, mais la maladie...

- Il y a mieux, je te l’accorde mais on n’a malheureusement pas tellement le choix que de prendre ce que la vie nous donne.
- Tu es... tu es malade ? Comment... ? Est-ce que tu peux te soigner ?

Evidemment la jeune femme botte en touche.

- Bon si j’ai bien compris Baphomet c’est plus un plan cul…
- Putain, mais t'es vraiment une sorcière en fait ?! Comment tu connais Bapholmet ?!
- ....pour Caleb, je crois qu’il va falloir te faire une raison… il est croclove de Ciulin.
- Merci, je sais, claque-t-il en touillant son riz gluant.
- Ca fait mal mais tu t’en remettras parce que je crois que…  

" Ne le dis pas, s'il te plait. Ne le dis pas..."
Evoqué à haute voix, cela ne semblera que plus réel. Comme quand Elie lui a fait remarqué qu'il brulait d'espoir dès qu'il l'évoquait..

- Tu commences à en pincer pour quelqu’un d’autre, non ?  Gi-Ja détourne le regard et égoutte ses féculents. Un autre grand brun ténébreux que tu as réveillé… je me trompe ?

Il soupire en répartissant la nourriture dans deux bols.

- T'es vraiment chiante, tu le sais ça ? Il lui tend l'un des bols  dans lequel il vient de casser un oeuf frais qui cuit en aspirant la vapeur du riz et des légumes chauds. Personne ne l'a remarqué à part toi j'espère ? Nouveau soupir lasse. Plus hétéro que lui tu meurs. Je suis épinglé dans la catégorie "nourriture" de base, de toute façon même si je suis parvenu à devenir son ami. Mais c'est tout ce que je peux me permettre : il est amoureux de sa reine morte il y a des siècles. C'est pas un petit mâle humain dans mon genre qui va  soudain renverser la vapeur.  

Il lorgne tristement le fond de son récipient.

- Et puis, il va tôt ou tard se rendormir pour l'éternité, de toute façon..... Bon, maintenant que tu m'a bien essoré, arrête de noyer le poisson et explique moi cette histoire de viol et de maladie. Je suis sérieux, Lexi.

Et inquiet, également.

- Bon si j’ai bien compris Baphomet c’est plus un plan cul…
- Putain, mais t'es vraiment une sorcière en fait ?! Comment tu connais Bapholmet ?!
Elle lui décoche un regard en coin mystérieux.
- Qui sait… ? J’ai eu besoin de son aide pour des trucs persos ...pour Caleb, je crois qu’il va falloir te faire une raison… il est croclove de Ciulin.
- Merci, je sais.
Pour s’occuper un peu, elle se décide à préparer du thé et met de l’eau à chauffer.
- Je fais un résumé des épisodes précédents. Ça fait mal mais tu t’en remettras parce que je crois que… Tu commences à en pincer pour quelqu’un d’autre, non ? Un autre grand brun ténébreux que tu as réveillé… je me trompe ?
- T'es vraiment chiante, tu le sais ça ?
Elle a un pauvre petit sourire.
- Je sais, oui. Mais t’aider à creuser un trou pour que tu y enfuisses ta tête d’autruche ne te mènera nulle part. Je préfère que tu me trouves imbuvable et que tu finisses heureux que le contraire.
- Personne ne l'a remarqué à part toi j'espère ?
- Heureusement pour toi, ce genre de sens de l’observation ne fait pas partie des compétences de nos chers collègues. Elle lui jette un regard par en-dessous. Mais pour quelqu’un d’attentif ça se voit, même si c’est subtil. Il y a des choses qui ne trompent pas. Alors raconte…
- Plus hétéro que lui tu meurs.
- Mmm ça n’est pas parce qu’il n’a eu qu’une … femme ? Femelle ? Comment on dit ?dans sa vie, qu’il est hétéro, tu sais, affirme-t-elle sur un ton amusé en replissant la théière garnie de feuilles de thé. Je n’avais jamais été attirée par une femme avant de tomber amoureuse.
- Je suis épinglé dans la catégorie "nourriture" de base, de toute façon même si je suis parvenu à devenir son ami. Mais c'est tout ce que je peux me permettre : il est amoureux de sa reine morte il y a des siècles. C'est pas un petit mâle humain dans mon genre qui va soudain renverser la vapeur.
Elle lui pose une main dans le dos et le frotte doucement.  
- Ne te dénigre pas comme ça tout le temps, Gi’. Tu as déjà réussi à en faire un ami, pourquoi tu ne deviendrais pas le premier humain à réussir à apprivoiser un dragon ? Je ne sais pas comment il se comportait du temps de son peuple et de sa reine, mais je le trouve très, très prévenant à ton égard. Et à l’écoute, et soucieux de ton bien-être. Laisse faire un peu le temps…et puis la vapeur ça te connait non ? Ne pars pas défaitiste ok ?
- Et puis, il va tôt ou tard se rendormir pour l'éternité, de toute façon...
- Peut-être. Peut-être pas. Pour le moment il est encore là. Et toi aussi. Ca ne sera peut-être plus le cas demain ou après-demain pour ce qu’on en sait. Si tu ne vis pas aujourd’hui, quand est-ce que tu commenceras ?

Elle laisse planer un silence méditatif en servant leurs thés et en apportant les mugs sur le plan de travail.

- Bon, maintenant que tu m’as bien essoré, arrête de noyer le poisson et explique-moi cette histoire de viol et de maladie. Je suis sérieux, Lexi.

La jeune femme soupire.
- Tu veux vraiment encore plus casser l’ambiance ?
Elle préfère se pencher d’abord sur leurs deux bols et décoche un baiser sur la joue du caporal.
- Merci ça a l’air super bon ! Comme d’hab. Elle cherche des couverts et les dépose sur le plan de travail. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’était il y a longtemps... Avant l’armée, j’étais danseuse ballerine. J’ai commencé à danser avant de marcher presque… J’étais douée mais je n’avais pas « le petit truc en plus » selon ma mère. Le truc qui te faisait avoir les rôles principaux. Alors à mes dix-sept ans, elle a décidé qu’il fallait donner un coup de pouce à mon destin pour lancer ma carrière. Donc elle a arrangé un « rendez-vous » avec le chorégraphe, chez lui. Et comme une conne j’y suis allée…alors que j’avais aucune envie. A mesure qu’elle parle, son regard se fait plus lointain comme vitreux. J’étais complètement inexpérimentée si on met de côté les petits trucs qu’on faisait avec mon copain de l’époque. Je me suis débattue, il a pris ça pour de la fougue. J’ai essayé de parler, de dire stop mais j’avais la voix bloquée au fond la gorge. Et puis j’ai arrêté de lutter. Elle se secoue pour chasser les images bien dissimilées dans un coin de sa mémoire, comme si elle sortait d’un mauvais rêve. J’ai eu le rôle de Juliette, mais après cette soirée j’ai été incapable de me regarder dans un miroir ou de danser comme avant. Chaque mouvement me donnait envie de vomir. Pour faire passer ce goût dans sa bouche, elle aspire un peu de l’eau brûlante. Six mois plus tard j’apprenais que ma mère était atteinte de la maladie d’Huntington, génétique donc. J’ai fait le test. 97% de risque de la développer aussi. En général ça arrive entre trente et quarante ans. La mienne est précoce. Mouvements saccadés et involontaires, pertes de mémoire au début et puis ça empire jusqu’à ce que ton cerveau soit entièrement grignoté et que tu ne sois plus qu’une coquille vide...Je t'avais dit que ça allait être plombant., conclue-t-elle avec une grimace.

Un frisson terrible dégringole le long de son dos.

- Wow… il fait froid d’un coup non ? C’est quoi l’expression ? Quelqu’un vient de marcher sur ma tombe, non ? Comme elle refuse de s’appesantir sur le sujet, elle préfère se forcer à sourire en tendant les mains. Bon ça arrive ce bol ? J’ai super faim !

Gi-Ja écoute, coi, complétement pétrifié par les confessions de Lexi. Il prend la mesure du gouffre qui existe entre elle et lui. Il n'y a rien de commun entre eux. Lexi a vraiment souffert, elle a vraiment été violée elle a vraiment toutes les raisons d'être malheureuse et pourtant, elle tient plus vaillamment debout que lui. Il se sent tristement minable de se plaindre alors que finalement, il est juste le propre artisan de son malheur.

Son sentiment de mal-être est d'une illégitimité crasse.
Le roi des sales cons.

- Wow… il fait froid d’un coup non ? C’est quoi l’expression ? Quelqu’un vient de marcher sur ma tombe, non ? Bon ça arrive ce bol ? J’ai super faim !
- Il est sous tes yeux, idiote...

Mais plutôt que de lui donner en mains propres, il la prend dans ses bras. L'étreinte est gauche mais puise dans un élan sincère pour la réconforter.

- Je le dirais pas aux autres, lui souffle-t-il. Ton puceau, là, il est au courant ?

Si ce connard se contente de picorer parce qu'il la sait condamner, ça va sérieusement barder pour son matricule.

- Dis-moi que t'as prévu de te soigner, supplie-t-il en la gardant étroitement contre lui. Dis moi que dans ce monde de dingue ou les mourants ressuscitent miraculeusement y'a une ristourne magique pour tes jolies miches... s'il te plait...

- Wow… il fait froid d’un coup non ? C’est quoi l’expression ? Quelqu’un vient de marcher sur ma tombe, non ? Bon ça arrive ce bol ? J’ai super faim !
- Il est sous tes yeux, idiote...
A vrai dire elle ne l’avait même pas vu.
- Ah bah oui. Magie !

Elle écarquille les yeux lorsqu’il la sert soudain contre lui et reste un instant immobile, ayant du mal à y croire, avant de la lui rendre. Elle ne sait pas vraiment si c’est elle qui le console ou lui. Peut-être les deux. En tous les cas, l’étreinte lui fait un bien fou et elle reste un moment ainsi, à s’agripper fermement à son tee-shirt.
- Ca va aller Gi’…
- Je le dirais pas aux autres.
- Merci.
- Ton puceau, là, il est au courant ?
- Il sait que je suis malade, oui. Pour… le reste… je crois bien que tu es le seul à qui je l’ai dit depuis… très longtemps. Personne ne m’avait cru à l’époque, alors à force, ça reste à l’intérieur.
- Dis-moi que t'as prévu de te soigner. Dis-moi que dans ce monde de dingue ou les mourants ressuscitent miraculeusement y'a une ristourne magique pour tes jolies miches... s'il te plait...

Elle reflue pour le regarder dans les yeux et lui sourit avec la sérénité de ceux qui ont accepté les aléas de la vie, peu importe ce qu’ils sont.
- J’ai essayé. Je suis allée voir Salomon Grass. Mais… ça s’est plutôt mal passé. Il était très content et fier de m’annoncer que c’était lui qui avait créé ma maladie et il s’est autocongratulé de l’avoir faite si vicieuse. Du coup j’ai… elle fronce le nez… un peu vrillé. Je lui ai collé une bonne droite en le traitant de monstre. Mon bourreau est aussi celui qui peut me sauver. Et j’ai…un peu de mal avec ça, l’idée de le revoir. Cerise sur le gâteau, Lounis était avec moi et on s’est plus ou moins disputé ce jour-là. Il n’a pas compris que sur le moment, j’ai eu envie que Grass ait aussi mal que moi. Je sais que c’est pas hyper charitable comme pensée… mieux vaut qu’il ne sache jamais ce que je rêve encore de faire à celui qui m’a donné mon seul et unique grand rôle sur scène hein… Bref… essai bien foireux. Et depuis… j’en suis au même point. Petit rire triste. Je suis en phase de stagnation à tous les niveaux il faut croire… on m’offre le bonheur et je le regarde en faisait la grimace parce qu’il n’est pas à mon goût… tout ça parce qu’il a des conditions… Je crois que j’ai définitivement gagné le droit d’avoir la carte de membre premium.

Elle pose son front contre l’épaule solide de son collègue et ami.
- Tu crois qu’on est des cas désespérés ? Je suis désolée si tu me trouves intrusive et chiante. J’essaie juste de… t’aider. Même si tu ne m’as rien demandé. Elle relève la tête, les yeux mouillés de larmes contenues mais un petit sourire sur les lèvres. Je te promettrais bien d’arrêter mais je ne suis pas certaine d’y arriver. C’est parce que je tiens vraiment à toi, espèce d'imbécile de beau gosse autosaboteur.

- J’ai essayé. Je suis allée voir Salomon Grass. Mais…
- Mais ?
- ça s’est plutôt mal passé.
- Pourquoi ?
- Il était très content et fier de m’annoncer que c’était lui qui avait créé ma maladie et il s’est autocongratulé de l’avoir faite si vicieuse.
- On ne peut pas dire que le tact l'étouffe....
- Du coup j’ai… un peu vrillé. Je lui ai collé une bonne droite en le traitant de monstre.

Gi-Ja par brusquement dans un grand éclat de rire.

- T'a punché un démon ? Genre un gars avec des pouvoirs pétés et certainement immortel ? Tu me fumes, sérieusement ! Je n'arrive pas à savoir si c'est le geste le plus couillu de la galaxie ou le plus idiot jamais effectué !

Il a du mal à s'arrêter de rire. La suite de la conversation l'y contraint.

- Mon bourreau est aussi celui qui peut me sauver. Et j’ai…un peu de mal avec ça, l’idée de le revoir. Cerise sur le gâteau, Lounis était avec moi et on s’est plus ou moins disputé ce jour-là. Il n’a pas compris que sur le moment, j’ai eu envie que Grass ait aussi mal que moi. Je sais que c’est pas hyper charitable comme pensée… mieux vaut qu’il ne sache jamais ce que je rêve encore de faire à celui qui m’a donné mon seul et unique grand rôle sur scène hein… Bref… essai bien foireux. Et depuis… j’en suis au même point.
- Tu n'as pas tenter de... retenter ? Après tout ce démon est peut-être un créateur de maladie avec un sens de l'empathie au point mort, mais il a sauvé beaucoup de vies. Tu n'es pas obligée de l'aimer, vois-le juste comme... un vaccin ! Personne n'apprécie les piqures mais c'est bien utile quand même.
- Je suis en phase de stagnation à tous les niveaux il faut croire… on m’offre le bonheur et je le regarde en faisait la grimace parce qu’il n’est pas à mon goût… tout ça parce qu’il a des conditions… Je crois que j’ai définitivement gagné le droit d’avoir la carte de membre premium.
- Pas du club des "Sales Cons", juste des "Grosses idiotes qui se cherche des excuses", déclare son homologue avec une réelle tendresse dans le timbre.
- Tu crois qu’on est des cas désespérés ?
- Peut-être bien. Même si je connais une démone de l'Espoir qui prétend que je m'enflamme d'espoir dès que je pense à Neorvrim. Donc l'espoir est là. Est-ce que j'ai le mode d'emploi... Pas certain.
- Je suis désolée si tu me trouves intrusive et chiante.
- Tu ES intrusive et chiante.
- J’essaie juste de… t’aider. Même si tu ne m’as rien demandé. Je te promettrais bien d’arrêter mais je ne suis pas certaine d’y arriver.
- Je ne te demande pas d'arrêter. Je te remercie même de t'acharner. En bon menteur bien lâche, je n'aime pas qu'on découvre mes sales combines. Mais ça fait du bien quand même d'être vraiment "soi" de temps en temps.
- C’est parce que je tiens vraiment à toi, espèce d'imbécile de beau gosse autosaboteur.
- Je sais. Moi aussi, grosse fouineuse puncheuse de démons.

Du pouce, Gi-Ja étanche une larmes prise entre ses cils blonds. Les choses aurait été tellement plus simple si ils avaient pu tomber dans les bras l'un de l'autre.

- Promets-moi que tu va retourner voir ce type pour qu'il te soigne et que tu mettras tes réticences de côté. Et pour ton fameux Lounis, si tu veux que je le secoue un peu... J'ai toujours des explosifs à tester sur cible mouvante. T'es une emmerdeuse, mais tu es notre emmerdeuse à nous. Aucun des gars n'acceptera qu'un garçon te fasse pleurer sans prendre le temps d'aller lui expliquer la vie. Tout le monde t'aime, Lexi.

Ils se contemplent un moment avec la même tendresse dans le fond des yeux.

- Et pour ne pas renier mon titre, je vais continuer de te coller aux basques. Et je vais espérer fort pour toi. Un surplus d’espoir je suppose que ça fait pas de mal.

Lexi sait qu’il y a quelque chose de beau et de vrai entre Gi-Ja et Neorvrim. L’évolution de cette relation reste encore flou, mais elle est possible. C’est tout ce qui compte.

- Promets-moi que tu vas retourner voir ce type pour qu'il te soigne et que tu mettras tes réticences de côté.
- Seulement si tu me promets d’être plus sincère. Avec tout le monde, en commençant par toi.
- Et pour ton fameux Lounis, si tu veux que je le secoue un peu... J'ai toujours des explosifs à tester sur cible mouvante.
Elle éclate de rire et se serre contre lui une dernière fois.
- Laisse le tranquille, ok ? Le pauvre ne se doute même pas de ce qui se passe dans ma caboche. Tant mieux sinon il fuirait en courant. Faut juste que je me fasse à l’idée que je serais jamais « sexy » à ses yeux. Tu veux pas plutôt essayer une cible démoniaque ? J’ai un nom en tête.
- T'es une emmerdeuse, mais tu es notre emmerdeuse à nous.
- Sache que tu es ma cible privilégiée. Je ne sais pas si ça compte.
- Aucun des gars n'acceptera qu'un garçon te fasse pleurer sans prendre le temps d'aller lui expliquer la vie.
Ses yeux se plisse d’amusement autant que d’émotion.
- J’aimerais bien voir ça !
- Tout le monde t'aime, Lexi.
- Moi aussi je vous aime. Toi plus que les autres mais leur dit pas, ajoute-elle avec un clin d’œil et un dernier baiser sur sa joue pour camoufler son envie subite de pleurer comme une idiote. Bon on mange oui ou non ? Je déteste quand c’est froid.

Ils s’attablent et mangent tranquillement dans une ambiance complice qui n’a pas forcément besoin de mots. Allégeant pour un temps ce qui pèse sur leurs âmes grâce à la simple présence de l’autre et la certitude d’être compris dans cette petite bulle qui est la leur.