Orion ne tarde pas à la rejoindre au firmament et Callista a la sensation de brûler de l’intérieur, que sa peau va prendre feu là où il la touche. Pour autant, elle ne songe pas un instant à lui demander de s’éloigner.
Alors qu’elle redescend doucement, le souffle court, le corps parcouru de vagues de langueur, elle tente de se convaincre que les étreintes échangées avec le phénix n’ont rien de particulières, que les mots prononcés au cours des dernières minutes n’ont aucune valeur.
Mais l’exercice est difficile, voire impossible.

Avec des gestes bien plus délicats qu’il n’en a montré auparavant, il la redresse, collant étroitement son corps au sien. Callista a un faible geignement en sentant la fournaise qu’il dégage mais vient toutefois se blottir contre lui, refermant ses bras sur les siens, frottant sa joue contre sa peau. Si elle s’embrase à cet instant, elle aura au moins eu la sensation d’être aimée.

- Si chaud… serre-moi fort…

Voilà où elle en est… à quémander son affection comme une idiote énamourée, à devoir se rassurer sur le fait qu'il ne s'en ira pas. Mais elle peut supporter l’être pour quelques instants… juste avec lui…
Sa main s’élève pour trouver la nuque d’Orion et le faire ployer vers elle. La sirène lui offre un baiser languide, voluptueux.
Peu importe si sa peau perd de son éclat, sèche et rougisse, peu importe qu’elle se sente comme sous les rayons cruels du soleil.
Elle n’a jamais été aussi bien que dans ses bras.    

- Ce que tu me fais ressentir, ma sirène, cela ne vient pas de ton pouvoir. J'en suis persuadé à présent...
Elle pivote la tête pour croiser son regard, se sentant de plus en plus asséchée…  
- Comment… peux-tu en être si certain ?
- Comment... enfin... ça va ?
- Hum hum... répond-elle vaguement.
- Tu n'as pas eu mal ?

Elle sourit faiblement et pousse un gémissement en sentant les dents d’Orion se refermer sur le lobe de son oreille. Sa tête bascule sur le côté comme une invitation à descendre dans son cou ou alors… est-ce parce-qu’elle est soudain lourde à tenir droite.

- C’était… délicieux, affirme-t-elle d’une voix légèrement amorphe. Et pour toi mon petit oiseau ? Était-ce différent ? Tu ne m’as pas fait mal un seul instant… mais, elle se laisse de plus en plus aller contre le torse d’Orion… je crois que j’ai besoin… d’eau…  

Son corps la lâche alors, fiévreux, trop fatigué par les évènements pour arriver à réguler cet apport de chaleur.

Mes bras se serrent autour de toi, comme tu me le demandes. Tu as besoin de chaleur, mais tu ne peux pas la supporter, comme un papillon avec sa flamme. J'essayerai de respecter ta délicatesse, et de ne pas oublier ta force.

Un nouveau gémissement de surprise et de plaisir quand tu m'embrasses. Je me rends compte à quel point nous nous sommes éloignés de ce premier baiser que tu m'avais donné à notre rencontre.

"J'en suis certain parce que ton pouvoir ne serait rien en comparaison de mon ressenti quand je suis avec toi, et encore moins du manque que je ressens quand tu m'es arrachée..."

Mais surtout, confusément, je le sais parce que la manière dont je te perçois est différente d'avant mon évolution, différente, mais aussi intense, voire plus. Si je ne connais pas encore bien les rouages de ma propre existence, je sais que j'ai une énorme part d'adaptation. Si tu m'étais néfaste, ou si notre histoire était artificielle, j'ai la conviction que ça ne marcherait plus à présent, que je l'aurais senti.

"Délicieux ? À ce point ?" Ma voix se fait d'autant plus grave, appréciatrice. Cependant, ta voix à toi se pare de quelque chose que je n'aime pas entendre, une faiblesse plus grave que les autres.

Tu tombes dans mes bras avant même que je n'ai pu réagir. De l'eau ! Je glisse un bras derrière tes épaules, un autre derrière tes cuisses.

"Restes avec moi, ma sirène."

Je descends dans notre petite salle de bain et te plonge dans l'eau de la baignoire que j'ai aménagée pour toi. D'ici, on dirait presque... un aquarium. Je n'avais jamais vu cela ainsi, mais la vue m'horrifie un instant. Rapidement, j'oublie cette vision pour me concentrer sur toi et je te verse de l'eau sur le visage, la poitrine, les jambes.

"Qu'est-ce qu'il te faut d'autre ? Reviens à toi, parle-moi, s'il te plaît."

Angoissé, j'hésite à plonger avec toi. Je me demande si je maîtrise mieux ma flamme intérieure, ou si elle est simplement plus chaude qu'avant. L'image de toi en train de bouillir me torture.

Seule la couleur de tes yeux pourra me libérer de mes angoisses.

Ouvre les yeux.

"Callista ?"

Je n'aurais pas dû demander tant à ton corps si peu de temps après qu'il soit arraché aux griffes de la mort. Je serre ton visage contre ma poitrine, contre mon cœur.

"Je t'aime, tout ira bien, n'est-ce pas ? Tu n'as besoin que d'eau ?"

Dis-moi que tout cela n'est rien d'autre qu'une déshydratation.

- Callista ?

La sirène fronce les sourcils. Il lui semble reconnaitre cette voix angoissée mais elle baigne dans des yeux si chaudes qu'elles lui donnent envie de replonger dans l'inconscience.
Elle ne sait pas vraiment ce qui lui arrive, ni où elle est mais ses oreilles perçoivent le métronome régulier et puissant d'un battement.
Un cœur.

La joue de la créature marine repose sur un torse. Et brusquement, la panique et la peur la prennent sans crier gare. Elle ouvre des yeux inhumains et recule brusquement en montrant les crocs, feulant comme une chatte en colère et complètement déboussolée durant quelques secondes.
Le visage d'Orion s'imprime enfin dans son esprit et elle couvre aussitôt sa bouche de ses doigts.

- Orion ?
Elle tourne la tête et reconnait la sorte de piscine intérieure qu'il lui a créer. Pour elle. Parce qu'il tient à elle sans qu'elle ne se l'explique.
- Je t'aime, tout ira bien, n'est-ce pas ?
- Oui... oui, pardon. J'étais... je ne savais plus où j'étais.
Mais tout lui revient à présent. L'évolution du phénix, sa nouvelle assurance et autorité, le plaisir certain qu'ils ont partagé... et cette chaleur excessive que son propre corps n'a pas su contrebalancer. Elle écarquille les yeux d'étonnement.
- Je me suis évanouie ?
- Tu n'as besoin que d'eau ?

Elle scrute sa peau avec attention. Si elle est toujours un peu plus sèche que d'ordinaire, elle ne craquèle plus de dessèchement. Elle s'approche lentement de lui dans l'eau et vient lover sa paume contre la joue du phénix.

- Oui. Je vais bien, je crois.
Callista s'approche encore et passe ses bras autour des épaules d'Orion.
- Je vais devoir me montrer plus prudente, mon ardent petit oiseau.
Ses lèvres embrassent paresseusement la ligne de sa mâchoire.  
- Je suis désolée. Tu vas bien ? Tu as eu peur pour moi ? Je ne voulais pas t'inquiéter... elle laisse filtrer un petit rire. C'est bien la première fois qu'une chose pareille m'arrive... preuve à nouveau que toi et moi ne sommes pas fait pour être ensemble. Sa bouche remonte tranquillement vers son oreille dans laquelle elle murmure. Malgré tout, je n'ai jamais été aussi bien qu'avec toi. Te voilà condamné à me baigner à chaque fois que tu m'embraseras.
Elle recule en lui souriant et, du pouce, caresse ses lèvres.
- Combien de temps dure une vie pour toi d'ordinaire ?
Combien de temps durera leur temps ensemble ?

Elle me fuit ? L'éclat doré de ses yeux, le blanc de ses dents, le regard haineux qu'elle me lance, la tension dans ses muscles, son envie de me repousser, de me faire du mal, peut-être me tuer ?...

... Me voilà rassuré...

Elle va bien. Tout va bien. Elle est de retour. Ma Callista est là, avec moi, et elle regorge d'énergie à présent.

"Pourquoi tu t'excuses ? Oui, tu t'es évanouie, tu n'étais plus là et tu étais toute sèche. Tu te souviens de quoi ?"

Plus prudente, oui. Toi, mais aussi et surtout moi. Il ne faut plus que je me laisse aller ainsi, ou alors... que dans l'eau. Non, ce serait dangereux tout de même, si elle venait à se mettre à bouillir. Dans la mer alors. Je vais réfréner mon ardeur.

"Il n'y a pas que toi qui es dangereuse pour moi."

À nouveau, tu t'excuses et je me retiens de ne pas mettre ma main sur ta bouche adorable, au risque (et à la joie dissimulée) de me faire mordre.

"Bien sûr que je m'inquiète pour toi." Pas fait pour être ensemble ? Cette fois, ce sont les traits de mon propre visage qui se tendent. Cependant, je ne laisse rien passer de plus qu'un regard faussement courroucé.

"Alors je te baignerai, pour te prouver que qui que soient les entités qui ont décidé que nous ne devions pas être ensemble se rétractent dans leur décision."

Plus cette idée fait du chemin, plus elle renforce ma détermination. Fais attention, petite sirène... Dès que tu reparleras de l'idée de nous séparer, je te prouverai le contraire, avec de plus en plus de force. Cependant, tu es près de moi, jouant avec mes nerfs, et mes flammes. Tes lèvres humides contre ma peau chaude me ramènent à la réalité. Ta question me fait avoir un sourire, mais pas un sourire innocent et curieux, comme avant. Cette fois, je sais mon sourire presque énigmatique.

"Ma vie durera le temps que tu restes avec moi."

Quand tu me quitteras, je me quitterai.

"Je ne sais pas. Tout ce que je désire pour ma prochaine vie est de trouver un moyen de me rappeler de toi, d'une vie à l'autre. Mais je ne sais pas comment faire cela... Et toi, combien de temps dure une vie de sirène ?"

Le plus longtemps possible, je l'espère.

"Est-ce que tu penses que tu peux t'habituer, avec le temps, au manque d'eau ? Je ne veux pas que tu deviennes humaine, comme tu me l'as dit. Je veux que tu restes sirène, que tu restes toi. Je ferai attention la prochaine fois."

...Mais tu me rends si ardent...

"Est-ce que tu souhaites que je m'éloigne, à mes prochaines évolutions ? Que tu ne sois pas témoin d'un brusque changement de comportement ?"

J'ai du mal à regretter pleinement notre étreinte. C'était si spontané, si coloré, si bestial. A la fois si humain, et si inhumain...

- Alors je te baignerai, pour te prouver que qui que soient les entités qui ont décidé que nous ne devions pas être ensemble se rétractent dans leur décision.
Sa répartie fait éclater le rire ravi de la sirène.
- Crois-tu être capable de tenir tête à ma Mer et ton Feu ? Ses lèvres joueuses finissent par s'écraser contre la bouche du phénix. Ton ancien toi ? Je n'en suis pas certaine... il lui suffit de se souvenir de sa nouvelle attitude lors de leurs ébats pour en frissonner agréablement. Mais ce nouveau toi ? Oui... oui il en est capable. J'aime l'idée en tout cas. Après une pause elle reprend. Combien de temps dure une vie pour toi d'ordinaire ?

Elle découvre avec une certaine fascination toute une nouvelle palette d'expressions et de mimiques sur le faciès de son très cher petit oiseau. Ce sourire là, par exemple, à le don de la réchauffer de l'intérieur par sa seule présence.

- Ma vie durera le temps que tu restes avec moi.
Elle a un nouveau petit rire avant de rejeter ses cheveux mouillés et lourds vers l'arrière dans un mouvement gracieux.
- Tu ne réponds pas à la question. Pas vraiment.
- Je ne sais pas.
- Dans ce cas, nous ferons au jour le jour, comme si nous pourrions être séparés demain, déclare tranquillement la sirène qui découvre toutefois que l'idée ne lui plait pas. Elle ne veut pas craindre chaque jour de le perdre le lendemain. C'est une perspective qui déclenche d'horribles douleurs dans sa poitrine.
- Tout ce que je désire pour ma prochaine vie est de trouver un moyen de me rappeler de toi, d'une vie à l'autre. Mais je ne sais pas comment faire cela...
Callista se redresse imperceptiblement, le visage illuminé soudain.
- Est-ce que la chose serait possible ? Tu pourrais ? Certains humains de ce monde ont d'étranges pouvoirs... peut-être que l'un d'eux serait capable de m'imprimer dans ta mémoire ? Tu es certain que tu aimerais ?
Elle se rend soudain compte que cet espoir-là ne repose sur rien. Mieux vaut donc ne pas trop y songer.
- Et toi, combien de temps dure une vie de sirène ?

Elle hausse les épaules.
- Très, très longtemps. Toujours. Ou presque. Elle attrape la grande main d'Orion et glisse ses longs doigts autour de son cou gracile. Sauf si toi ou quelqu'un d'autre y met un terme prématurément. Si un jour tu te lasses de moi, c'est ce que je te conseille de faire, Orion.
Ainsi, la douleur ne la terrassera pas.

- Est-ce que tu penses que tu peux t'habituer, avec le temps, au manque d'eau ? Je ne veux pas que tu deviennes humaine, comme tu me l'as dit. Je veux que tu restes sirène, que tu restes toi.

Callista lui dédit un sourire lumineux. Plus que ces "je t'aime" qui lui font pourtant un drôle de pincement au cœur, ce sont ce genre de paroles qui la confortent dans l'idée qu'il l'aime vraiment. Réellement.

- Je resterai moi. Je dois simplement me trouver proche de la Mer pour pouvoir m'y ressourcer à volonté. Comme cette adorable maison... elle laisse filer un silence pendant lequel elle le scrute avec une intensité troublante, caressant sa joue au passage. J'aimerais vraiment être capable de te rendre ce que tu me donnes... de...

"De t'aimer moi aussi." Mais à la place de finir sa phrase, elle l'embrasse profondément.

- Je ferai attention la prochaine fois.
Son index vient aussitôt bloquer toute autre parole malheureuse.
- Certainement pas ! La prochaine fois, tu feras exactement pareil ! Parce que c'était absolument parfait. Je suis simplement épuisée par les évènements qui ont précédé notre étreinte. En temps normal j'aurais pu faire face à ce changement de température. La sirène se presse contre lui, cherche à se qu'il la prenne entre ses bras. Ca n'est pas de ta faute si ta chaleur m'attire comme la flamme appelle le pauvre papillon.

- Est-ce que tu souhaites que je m'éloigne, à mes prochaines évolutions ? Que tu ne sois pas témoin d'un brusque changement de comportement ?
- Il était certes déconcertant mais... il n'a rien de dérangeant. Tu restes toi... juste un toi légèrement différent. J'aime autant savoir exactement en quoi réside ses différences. Je m'amuserai à les chercher à présent. Sauf si tu n'as pas apprécié, toi !... que je sois présente... ce que nous avons fait après...

Non, je ne m'en crois pas capable. Mon feu, c'est mon élément, mais sa mer, je sais ce qu'elle a de terrible, d'accaparant, de jalouse. Elle ne laissera pas partir une de ses filles si facilement, et encore moins une fille comme toi, Callista. Tu parles de mon ancien moi, et de mon nouveau moi. Qu'en aurait-il été si tu avais vu mon premier moi, à la sortie de l'œuf, couvert de petites touffes de plumes ridicules sur une peau nue comme un poulet prêt à rôtir.

"J'ai hâte de découvrir avec toi tout ce que mon nouveau moi est capable de faire."

Bon, présentement, je repense à cette histoire de pensée sauvegardée. Plus j'y réfléchis, et plus je me dis que c'est indispensable.

"Si tu découvres un de ces humains, je t'en prie, fais-le-moi savoir. Je ne désire rien tant que de me souvenir de toi. Si tu me survis, je ne veux pas m'éveiller seul. Si tu me survis, c'est que quelque chose de grave se sera passé et il faudra que je retourne auprès de toi."

L'eau qui ruisselle sur ta peau où je devine tes écailles me donne des envies que je ne pensais pas avoir. Sans en être certain, je ne pensais pas avoir déjà été aussi... sulfureux. Nous parlons de nos temps de vie respectifs et je découvre avec délice que tu vas être à moi pendant longtemps, très longtemps. Mon sourire s'efface soudainement.

"Que je me lasse de toi ? C'est impossible." Je ne m'enflamme pas, parce que je sais que je ne pourrais te le prouver qu'avec le temps. Un an, deux, dix, cent, je suis prêt. "Jamais, je ne voudrais atteindre à ta vie. Si je suis suffisamment stupide pour me détourner de toi, alors tu n'auras qu'à me dévorer."

Donc nous allons rester habiter ici, en autarcie des autres. Cela me va tout à fait. Les humains m'effraient et me rendent curieux tout à la fois.

Tu aimerais vraiment être capable de me rendre ce que je me donnes... de...

"Hm..."

J'inspire, ferme les yeux, et profite à fond de ce baiser que tu me donnes. Il a la couleur de la passion, et le goût de l'amour que tu me donnes. Je n'ai pas le temps de revenir de ton ébouriffante étreinte que j'ai un sourire à ce que tu me dis. Alors comme ça, tu aimes mes évolutions d'une manière assez inattendue. Je pensais que tu préférais les gentils garçons, je me rends compte que ce n'est pas nécessairement le cas.

"À ton avis, ais-je apprécié ? J'ai beau avoir évolué, je ne pense pas être capable de te mentir."

Pour les autres, je ne dis rien, mais pour toi, non. Je n'ai pas envie de me grimer. Tu vois mes couleurs, tu les as toujours vues, et j'apprécie de ne pas avoir à me cacher. Et oui, j'ai beaucoup trop apprécié ce que nous avons fait après, t'avoir pour moi tout seul, te prendre, sans nuances, sans mélange, juste pour moi, pour nous.

Je prends de l'eau dans le creux de mes mains pour la verser sur tes épaules, et dans tes cheveux. Tout en toi s'adoucit après avoir été sec. L'eau est vraiment un élément miraculeux. Mes mains passent dans ton dos pour t'hydrater un maximum.

"Ça se dit que je te trouve très attirante en forme de sirène ? Quand tu m'as... feulé, tout à l'heure..."

Je passe à nouveau de l'eau sur toi.

"Je ne suis sans doute pas le seul de nous deux à avoir des attirances hors normes."

Les bras toujours immergés, j'essaie de restreinte la chaleur qui monte en moi.

"Tu voudrais faire quoi aujourd'hui ? Nager ? Aller voir les hommes pour nous assurer qu'il n'y aura pas de répercutions à notre petit... ménage ? Dis-moi tout."

- À ton avis, ai-je apprécié ? J'ai beau avoir évolué, je ne pense pas être capable de te mentir.
- Tu n'avais pas l'air de te plaindre, il est vrai... s'amuse la sirène avec une petite moue charmante. J'en déduis donc que tu as aimé autant que moi.

Callista suit du regard les gestes délicats d'Orion qui semble vouloir mouiller chaque parcelle de sa peau. La sirène en soupir d'aise et appuie sa tête sur l'épaule du phénix, fermant les yeux. Son derme boit l'eau de mer avec avidité. Cette douceur après tant d'ardeur a de quoi la bouleversé complètement. Par quel miracle cet être réussi-t-il à la toucher autant comme s'il savait exactement quoi faire pour la faire fondre de l'intérieur.

- Ça se dit que je te trouve très attirante en forme de sirène ? Quand tu m'as... feulé dessus, tout à l'heure...
Callista glousse.
- Tu aimes être menacé, Orion ? Voilà qui n'est pas banal. Elle relève le menton pour contempler son profil escarpé et comme souvent, son index descend le dénivelé de son nez. Tu es sans doute le seul dans cet univers à me trouver séduisante sous ma forme véritable... Cela ne te rend que plus précieux... Même Mer savait qu'elle ne nous permettrait jamais d'attirer quoique ce soit dans nos filets ainsi. Sinon jamais elle ne nous aurait donner d'autres traits plus séduisants.
- Je ne suis sans doute pas le seul de nous deux à avoir des attirances hors normes.
Délicatement, l'index de la sirène tourne le visage d'Orion pour qu'elle puisse plonger son regard dans le sien.
- Est-ce que nous sommes tu crois ? Hors normes ?

Et après tout, cela ne serait pas si grave. Si la fin du monde est si proche que ce qui se murmure dans les fonds marins, alors le temps n'est pas à ce genre de question.
Elle écarquille soudain les yeux en le sentant se faire plus chaud contre elle.

- Ta température augmente. Sais-tu pourquoi ? Avant qu'il ne puisse s'éloigner, elle le rassure d'un sourire et s'accroche à ses épaules. C'est tout à fait supportable. Je me demandais juste ce qui avait provoqué ce changement là et s'ils étaient plus incontrôlable qu'auparavant.

Elle aussi s'inquiète d'une certaine façon.

- Tu voudrais faire quoi aujourd'hui ? Nager ? Aller voir les hommes pour nous assurer qu'il n'y aura pas de répercutions à notre petit... ménage ? Dis-moi tout.
Tout en réfléchissant, Callista revient se blottir contre lui.
- Je crois que j'aurais besoin de me reposer un peu. J'aimerais m'endormir contre toi... mais je ne t'oblige pas à rester avec moi. Ensuite... ensuite je me dis qu'il serait bon que nous ayons des alliés parmi ceux qui marchent avec les humains. Je n'ai jamais cherché à me cacher d'eux. Et s'ils savent qui je suis... ce que je fais... peut-être que les choses tourneraient mal si je m'approche d'eux. Elle pousse un lourd soupir avant d'ajouter. Tout serait différent si j'étais Reine à la place de Mairéad ! Tu me vois avec une couronne ? demande-t-elle, de l'amusement plein les yeux. Tu serais mon consort phénix. Elle rit à cette idée. Une première dans l'histoire de mon peuple... N'as-tu aucun allié fiable à la surface qui pourrait nous aider à nous protéger au cas où la disparition des hommes qui sont venus ici les mènent jusqu'à nous ?

Me plaindre ? Quelle drôle d’expression ! Non, je ne m’imagine pas me plaindre quand je suis avec toi. Déjà que je n’ai pas l’impression que cela fasse partie de ma nature. Je suis trop vieux pour cela, ou trop jeune.

"Au moins autant que toi, oui."

L’avenir me dira si entre nous, cela doit toujours être plus ardent, ou si la nature des flammes variera en fonction de nos envies et de nos humeurs. Plaintif, jamais. Curieux, toujours.

Je t’avoue l’attirance que j’ai pour ta forme véritable, une attirance qui va bien au-delà qu’un simple aspect sexuel. Tes couleurs sous cette forme m’attirent d’une manière bien plus puissante que tes couleurs humaines qui ne sont déjà pas en reste. Par contre, je suis surpris d’être le seul à ressentir cela.

"J’aime tout de toi. Mais j’aime avant tout ton vrai toi." Comme quoi même sa Mer n’a pas raison sur tout "Il faut croire qu’elle n’avait pas pensé à ton petit oiseau."

Je me laisse aller contre toi et ne retiens qu’un peu tardivement mon ardente température.

"Pardon ! Oui, je sais pourquoi. C’est juste que… un mélange entre mon évolution récente, le souvenir de nous, et notre proximité."

Je ferme les yeux, fort, pour tenter de me contenir, et je fini par y parvenir assez bien. Je ne sais pas si mes pouvoirs sont plus puissants, mais ils gagnent en finesse.

"Hors norme… Oui. C’est le moins que nous puissions dire."

Après une courte hésitation, j’entre dans l’eau pour m’installer contre toi. Je n’ai jamais dormi dans l’eau, il me semble, à part en forme d’œuf. Une fois correctement installé, je te prends contre moi et commence à te caresser paresseusement les cheveux.

"Tu aimerais être Reine ? Que faut-il pour que cela devienne vrai ?"

Si ma voix est naturellement grave, elle est subitement devenue sombre, comme pour mettre une sonorité sur ce nouvel aspect de moi bien plus déterminé à aller jusqu’au bout.

"Oui, je te vois avec une couronne, et je me vois avec un fouet en train d’essayer de repousser tes prétendants et tes courtisans."

Je sens ton corps se détendre contre le mien. Je n’ai aucun besoin de dormir, mais l’envie me vient. Un allié parmi les humains ? Je n’en est qu’un. Seulement les hommes sont sous sa protection et je ne suis pas certain qu’il accepterait de me voir au bras d’une sirène. Cependant, je brûle de revoir mon ami dragon et de lui présenter Callista. Si la Mer peut se tromper sur mon compte, peut-être est-ce aussi le cas d’un dragon sur le comte d’une sirène ?

"Oui, j’ai peut-être quelqu’un en tête.. Mais j’aimerais essayer d’aller les voir nous, toi et moi, faire le contact en douceur."

Tu respires, profondément, contre moi. Je sens même ton cœur qui bat.

"Dors, ma sirène."

Callista s’étonne de le voir s’installer dans l’eau avec elle mais se laisse volontiers étreindre. Le contraste entre l’eau fraiche et la chaleur qui émane du corps d’Orion la fait soupirer d’aise. Finalement, c’est peut-être bien sa place, ici même. Entre deux eaux, entre deux éléments. Elle quitte un peu la Mer pour venir à sa rencontre lorsque lui abandonne le Ciel pour se mettre à son niveau.
Cela vaut-il donc ses sacrifices ? La sirène observe le phénix du coin de l’œil et finit par se blottir tout contre lui, décidant que oui.
Le mouvement régulier de ses doigts dans ses longs cheveux achève de la détendre tout à fait.

- Cela me rappelle les premiers temps… lorsque tu n’étais que mon joli œuf et que tu dormais avec moi… murmure-t-elle tout bas.
- Tu aimerais être Reine ?
- Hum ?  Elle sort un moment de sa somnolence pour lui sourire. Pourquoi pas !
- Que faut-il pour que cela devienne vrai ?

Quelque chose dans son timbre lui fait redresser la tête et son sourire se pare de férocité tendre.
- Pourquoi ? Souhaites-tu m’offrir la couronne des Abysses sur un plateau d’argent ?  s’amuse-t-elle. Son pouce efface la ligne soudain plus dure de la bouche d’Orion. Il n’y a pas des milliards de façon, malheureusement. Soit Mairéad doit me nommer son héritière et abdiquer ou mourir, ce qui ne saurait se produire. Je suis trop belliqueuse aux yeux de mes sœurs. Elles ne comprennent pas que je souhaite simplement que nous cessions de ressembler de plus en plus à des poissons sans cervelle.  Elle marque une pause. Soit… puis vient presser ses lèvres contre les siennes pour y chuchoter tout contre… soit je dois m’emparer du trône par la force. Mais pas sans l’appui de quelques sœurs. Tu me vois avec une couronne ?
- Oui, je te vois avec une couronne, et je me vois avec un fouet en train d’essayer de repousser tes prétendants et tes courtisans.
Elle rit aux éclats en imaginant la scène.
- Ne te tracasse pas. Aucun prétendant des fonds marins n’arrive à ta cheville mon bel oiseau. Personne ne m’accepterait aussi pleinement que tu le fais, personne ne saurait apaiser mon caractère tempétueux comme tu le fais… et personne ne pourrait me rendre aussi bien que lorsque je suis avec toi,  ajoute-t-elle en callant sa tête contre son épaule.

Avant de s’endormir tout à fait elle le questionne sur ses connaissances sur Terre, sur ceux qui pourraient le protéger lui si d’aventures les Hommes comprennent ce qu’elle a fait. Car elle ne se fait aucune illusion sur son sort. Si elle devait être capturer pour ses « méfaits » personne ne viendra pour elle. Hormis Orion. Et elle veut être certaine que quelqu’un de sensé lui ferait comprendre que si elle tombe, il ne doit pas tomber avec elle.

- Oui, j’ai peut-être quelqu’un en tête…
- Oh ?  fait-elle en baillant. Qui est-ce ?
- Mais j’aimerais essayer d’aller les voir nous, toi et moi, faire le contact en douceur.
Cette fois, elle est si bien, déjà à moitié dans le monde des Songes qu’elle ne proteste même pas. A peine hoche-t-elle la tête avant de murmurer un « Tout ce que tu voudras, mon petit oiseau… »

- Dors, ma sirène.
- Hum hum…  elle a un faible sursaut et l’interroge d’une voix déjà brouillée par le sommeil. Orion ? Tu restes… avec moi…
On ne saura jamais s’il s’agit là d’une question ou d’un ordre. La sirène plonge dans d’autres eaux calmes et apaisées.

Cette couronne, si tu la convoites, je te l'offrirai, un genou en terre s'il le faut. Je me plais à fantasmer cette éventualité. Et oui, s'il faut tuer, évincer, haranguer une armée, je le ferai, pour toi. Je mettrai tes ennemis à terre et je te les servirai à midi.

"L'intelligence est le bien le plus précieux."

Soit ? Tu m'embrasses et je ne peux m'empêcher de soupirer d'aise.

"Nous verrons si tu l'obtiens, le soutien de tes sœurs. Mais je n'en ai aucun doute."

Je te souris alors que tu me dis les plus belles paroles possibles, celles que j'avais envie d'entendre et qui, je l'espère sont vraies. Mais tu ne saurais me mentir, n'est-ce pas ? Tu as toujours été vive, et franche, même dans tes aspects les plus sombres. C'est ce que j'apprécie le plus chez toi. Quand tu brilles en lumière, cela ne te rend que plus belle.

Ta respiration se fait de plus en plus lourde et apaisée et après encore quelques mots échangés, tu sombres dans mes bras, en sommeil. Pendant ton assoupissement, j'ai le plaisir de voir tes jambes fusionner en une belle queue d'écailles brillantes que je me mets à caresser du bout des doigts, comme si je craignais de te faire mal, ou de t'éveiller.

"Je resterai toujours avec toi."

***

Tu as dormi longtemps, et je dois dire que je t'ai accompagné sur une belle partie du rêve. Moi aussi, j'avais besoin de reprendre des forces. Cependant, nous voilà, l'un avec l'autre, habillés et prêt à partir pour le monde des hommes en passant par la terre. Je te regarde et je ne peux pas m'empêcher de te parer de tes couleurs naturelles. Tes vêtements n'y changent rien, tu dépasses l'idée même de pudeur et c'est presque comme si tu étais nue, constamment, avec moi.

"Les hommes d'hier matin ne sont probablement pas encore portés disparus. Nous devrions y aller maintenant..."

Mes bras sont autour de toi, et je sais très bien qui est en train de retenir l'autre. Je pose mes lèvres sur les tiennes, et murmure.

"Allez, ne traînons pas..."

Je t'embrasse un peu plus passionnément.

"S'il vous plaît, mademoiselle. Ayez pitié d'un pauvre oisillon."

Cependant, j'ai hâte de découvrir le monde des hommes avec toi. La dernière fois que j'y étais, pour parachever ma maison, même si l'expérience s'était salement terminée, je n'arrêtais pas de me dire qu'il faudrait que nous soyons ensemble pour profiter pleinement.

Glissant un de tes bras au creux de mon coude, c'est à regret que je te laisse pour que tu puisses marcher. Nous sommes un couple d'amoureux, aux yeux du monde. Personne ne pourra voir en nous des meurtriers.

"Alors... Par quoi souhaites-tu commencer ?"

Nous repassons par l'étroit chemin difficilement praticable et impossible à repérer et déjà les premières odeurs humaines nous viennent. Ce n'est pas désagréable, mais ça m'est totalement étranger. Ai-je vécu à ce point en autarcie ? Ou est-ce que j'aurais ce sentiment de perte de repères dès que j'évolue ?

Le corps de la sirène a demandé un repos bien mérité. Un sommeil sans rêve, reconstructeur.
Callista ne sait pas exactement comment Orion l’a convaincue de l’accompagner chez les hommes. Elle n’en a pas tellement envie, peut-être même craint-elle de se retrouver au milieu de cette humanité dont elle ne connait que les côtés sombres, là où, loin de son élément naturel, elle se sent particulièrement vulnérable.
Mais il avait l’air d’y tenir et elle découvre que lui dire non est bien difficile tant elle a envie de lui faire plaisir.
Habillée à l’ « humaine », elle se fait à moitié tirer par Orion bien plus enthousiaste qu’elle. La sirène tourne régulièrement la tête vers sa Mer, regrettant chaque pas qui l’en éloigne.  

- Les hommes d'hier matin ne sont probablement pas encore portés disparus. Nous devrions y aller maintenant...
- Tu sais bien que le danger ne vient pas que de là…

Il l’enlace et Callista trouve là l’excuse la plus délectable de stopper leur progression. Un répit bienvenu.
- Allez, ne traînons pas...
- Est-ce à moi que tu dis cela ? rit-elle contre ses lèvres en toute mauvaise foi elle aussi, les bras autour de son cou et ne manifestant aucune envie de le laisser partir.
Lui non plus d’ailleurs si elle en croit la façon qu’il a de l’embrasser.
- S'il vous plaît, mademoiselle. Ayez pitié d'un pauvre oisillon.
- Pitié ? Je ne connais pas ce mot. Et il me semble que « pauvre oisillon » est loin de te représenter à présent.

Malheureusement, il la libère bien trop vite à son goût et elle est bien contrainte de poursuivre leur progression, les doigts crispés sur sa manche. Elle déteste se sentir si … peureuse. C’est elle la prédatrice ! Et il n’y a rien de pire que d’être privé de cela.

- Alors... Par quoi souhaites-tu commencer ?
- Par en manger un ou deux ! déclare-t-elle innocemment en battant des cils avant de soupirer. Je n’en ai aucune idée. Cela fait si longtemps que je ne suis pas aller dans un rassemblement humain… Y-t ’a-t-il quelque chose digne d’intérêt à voir ? C’est toi le plus expert en ce domaine.

Callista prend une profonde inspiration alors qu’ils perçoivent les premiers signes d’animation humaine. Elle reste un moment interdite devant le spectacle qu’offre l’ancien haras transformé en un large rassemblement fait de tentes et de petites cabanes en bois. Chaque humain s’agite dans un but précis semble-t-il à la sirène qui ressert d’autant plus sa prise sur le bras d’Orion.
C’est à la fois fascinant et déroutant. Elle sent beaucoup, beaucoup de magie qui sature l’air ici et cela, au moins, est familier.

Plus il avance, plus on les regarde. Sans doute parce qu’après des mois à vivre ensemble, les humains se connaissaient les uns les autres.
Orion et Callista ne font pas partie de leur communauté. C’est un fait. Leur couple attire l’attention d’un homme gigantesque et à la carrure impressionnante. Aussitôt, son attitude crispe la créature.

- Orion, souffle-t-elle comme un avertissement.

L’inconnu semble étonné de voir Orion et un sourire éclaire ses traits alors qu’il s’avance. Plus il approche et plus Callista se rend compte qu’il n’a absolument rien d’humain. C’est un prédateur lui aussi. Une bête en longue tunique derrière une forme policée et une prestance un rien royale. Ça n’empêche pas Callista de le regarder avec suspicion.

- Orion ! Cher ami ! Quel plaisir de te voir ici. Comment vas-tu depuis la dernière fois ? Et qui est donc… Les yeux de la créature inconnue la détaillent puis se teintent d’une petite flamme dangereuse. Callista a un bref mouvement de recul et toi faire appel à ton son sang-froid pour ne pas siffler entre ses crocs… ta compagne ?

À mesure que nous approchons des humains, je te sens te tendre. J'aimerais te dire qu'il y a très peu d'humanité dans ce rassemblement, vraiment très peu, mais je ne sais pas si cela peut te rassurer. Je croise quelques personnes que je reconnais vaguement, et que j'oublie aussitôt sans aucun regret.

"Si tu ne te sens pas à l'aise, nous pouvons repartir"

Je satisferais ma curiosité plus tard. Ta tension devient si palpable que je m'apprête à nous faire repartir quand Neorvrim s'approche de nous. Mon ravissement à le voir pour vous présenter l'un à l'autre se fait souffler comme une flamme dans la tempête.

Sincèrement, je ne sais pas ce qu'il y a de pire : le fait que tu aies peur devant lui au point que la couleur de ton aura change du tout au tout… ou le fait que mon ami semble plus méfiant envers toi que de s'intéresser à moi ? La couleur de mon inexpérience est encore trop vive, comment devons-nous nous comporter ? Comme des hommes calmes et raisonnables ou comme des Fae trop prompt à montrer les crocs pour glaner le moindre semblant de respect ?

Que dois-je faire ? Comment prendra-t-il la nouvelle de moi, amoureux de toi ? Et au final, est-ce que ça a la moindre importance ?

"Je suis fier de te présenter Callista. Callista, voici Neorvrim, un ami d'une autre vie."

C'est comme ça que les gens font, n'est-ce pas ?

Pendant un instant, mes yeux se parent de doré, juste pour le dragon. Ce n'est pas une menace, je ne menace jamais. C'est juste de la prévention. Pour toi, ta sécurité, aucun écart de conduite ne sera toléré de la part de quiconque.

"Je vais bien et toi ? Quoi de neuf depuis la dernière fois ?"

Mon bras s'enroule machinalement autour de tes épaules et mes doigts se serrent un instant, comme pour te rappeler que, quoi qu'il arrive, je suis de ton côté.

Quelque part, sur un étal, je vois une personne en train de faire pousser des plantes de manière un peu accélérée. La magie n'est donc plus un secret par ici. Je me tourne vers toi, ayant subitement une idée.

"Je suis à la recherche de différents métaux, du fer, du cuivre, du manganèse, de l'or ou de l'argent. J'aimerais essayer de faire du verre coloré, pour changer, et voir si je pourrais vendre quelques-unes de mes créations. Qu'en penses-tu ?"

J'ai été artisan, fut un temps, je le sais à présent. De plus, les gens n'ont sans doute pas besoin de vitraux, mais je pense que des ustensiles en verre ne seraient pas de trop.

- Je suis fier de te présenter Callista. Callista, voici Neorvrim, un ami d'une autre vie.
La sirène se reprend rapidement alors que la créature de feu montre un visage plus civil et policé. Callista l’observe avec plus d’attention et resserre son étreinte autour du bras d’Orion.

Lui et son ami échange un regard. Elle note la perplexité de Neorvrim puis un sourire qui se veut sans doute rassurant étire ses traits altiers. Il tourne son attention vers elle et incline la tête. Tout respire la dignité et la royauté chez cet être.
Mais le bras d’Orion pèse agréablement sur ses épaules tout comme la légère pression de ses doigts sur sa peau. Plus que jamais, elle a l’impression qu’il forme un duo puissant. Cette sensation est grisante. Aussi envoutante que peut l’être sa voix.

- Les amis d’Orion sont mes amis.
- Qu’êtes-vous ? demande Callista sans beaucoup de tact.
Neorvrim sourit à nouveau.
- Ne le devinez-vous pas ? Je suis un dragon. Le dernier de mon espèce à vrai dire. Et vous êtes une Merrow n’est-ce pas ?
La sirène penche la tête et l’observe sans ciller mais sans rien confirmer non plus.
- Je vais bien et toi ?
- Ma foi, plus que bien. Il est bon de se sentir… revivre. Même si les conditions ne sont guère idéales.
- Quoi de neuf depuis la dernière fois ?

Le dragon hausse les épaules.
- Nous approchons du temps de la bataille. Il y a… une énergie particulière dans l’air. Il dévisage le couple avec gravité. Vous pourriez être un atout non négligeable pour la survie de l’humanité face à l’entité qui les menace. J’ai conscience que vous ne leur devez rien mais tôt ou tard, cette Unseelie finira par nous menacer tous. Vous verrez qu’ici, l’entraide et la vie en communauté et bonne intelligence est possible.
- Vraiment ? Vous êtes pourtant un prédateur… tout comme moi…
- Il existe bien d’autres façons de chasser et de se nourrir. Même si j’en conviens, mettre de côté ses instincts est parfois… difficile…
- Vous vous battrez donc au côté de l’humanité ? s’enquit la sirène, curieuse.
- Au côté de ceux que j’ai appris à respecter… et à aimer. Je ne peux décemment pas laisser un nouveau génocide se dérouler devant mes yeux sans rien faire.

Se battre ? Pour Callista, il n’en a jamais été question. Mais si elle souhaite rester auprès d’Orion, n’est-il pas dangereux de laisser cette sinistre entité prendre ce monde ? La sirène échange un regard avec le phénix. Voilà quelque chose dont ils devront discuter par la suite…

- Mais je ne peux vous obliger à mettre vos vies en danger. Puis-je vous aider d’une quelconque façon ? Je connais plutôt bien les lieux.
- Je suis à la recherche de différents métaux, du fer, du cuivre, du manganèse, de l'or ou de l'argent. J'aimerais essayer de faire du verre coloré, pour changer, et voir si je pourrais vendre quelques-unes de mes créations. Qu'en penses-tu ?

Callista sourit en voyant le phénix s’animer de telle façon. Il est positivement adorable. Le dragon émet un rire grondant, sans doute du même avis.

- J’en dis que tu as toujours été doué dans ce que tu entreprends. C'est une excellente idée. Mais espère plus de trocs que de ventes. La monnaie n’a plus vraiment court en ces temps troublés. Suivez-moi…
Il les guide vers à travers les maisonnettes de bois récentes et les bâtiments originels du ranch. Le trio ne manque pas d’attirer les regards mais cela ne semble pas troubler le dragon. Callista décide donc de jouer sur le même registre d’indifférence tranquille.
- Tu as l’air heureux, mon ami… changé également…
Callista voit parfaitement ce que le dragon veut dire et elle glisse sa main dans celle d’Orion.
Quoiqu’il arrive à présent, le duo sera indissociable.

Devrais-je... être jaloux de mon ami d'une autre vie ? Les deux échangent des banalités aussi normales que possible étant donné les circonstances. J'hoche la tête. Prendre partit n'est pas dans ma nature, je ne suis pas un combattant, mais là, tout le monde sera la proie d'Unseelie.

Tu dis juste, je suis entouré de deux prédateurs... Cette idée devrait être effrayante, non ?

Après ton regard, je t'adresse des yeux radoucis par la situation. Nous ne sommes pas entourés d'ennemis, pas ici. Oui, nous en parlerons, mais je pense que nous en sommes arrivés tous les deux à la même conclusion, malheureusement.

De plus, mon ami d'écaille a raison, nous serions de très bons alliés pour les hommes. Je demande à mon ami du fer d'une manière assez précise. J'aimerais échanger ici ce que je créé à la maison. Si nous pouvions vivre au grand jour, ce serait parfait.

"Oui, pardon, de troc... Je n'ai aucune notion de vente ou de commerce. Je risque de me faire avoir. Je compte un peu sur les gens pour être raisonnables à ma place, ils ont besoin de choses en verre solide, je peux avoir besoin de choses qu'ils peuvent facilement créer..."

Nous suivons Neorvrim à travers les rues que je trouve étranges. Je vois qu'il y a des vitres qui auraient besoin d'être réparées, ou remplacées. Cela ne me rend pas heureux, mais au moins aurais-je ma place ici, bien plus que les humains qui ont essayer de te prendre à moi.

"Je suis parfaitement heureux et comblé."

Ma peau se met à chauffer à ton contact et je m'en rends compte juste à temps.

"Pouvons-nous vivre au grand jour, ici ? Dire aux gens ce que nous sommes ?"

Je n'ai pas envie de mentir, mais je n'ai pas envie de leur dire que je suis porteur de plumes aptes à soigner bon nombre de maladies.

- Je suis parfaitement heureux et comblé.
Callista lui dédie un large sourire, très doux. Elle sent bien la chaleur qui émane de sa main mais ne la lâcherait pour rien au monde.
Le dragon les observe avec attention et sourit à son tour.

- Je le vois. Ton regard est… bien différent de la dernière fois. Votre union, bien qu’étrange, est aussi rafraichissante. Même deux éléments aussi contraires que l’eau et le feu peuvent s’unir. Cela laisse de l’espoir pour les alliances nécessaires à notre survie à tous.
- Pouvons-nous vivre au grand jour, ici ? Dire aux gens ce que nous sommes ?

Aussitôt, la sirène fronce les sourcils et se tourne vers Orion, le visage inquiet.
- Non ! C’est trop dangereux pour toi ! Imagine qu’ils cherchent à te faire du mal pour… pour tes particularités !
Alors elle les tuera ! Elle les tuera tous s’il le faut !

- Vous êtes en sécurité ici, tempère Neorvrim. Callista le fusille du regard alors aussitôt, il reprend. Mais, tout comme ta compagne, je pense qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler ta nature. Laisse simplement entendre qui tu appartiens à la Faerie. Quant à vous ma chère, il est difficile de vous prendre pour une humaine. Ai-je votre parole que vous saurez vous comporter ?

Il sourit à un homme posté devant une grange de grande taille et qui les laisse passer sans même faire montre du moindre signe de protestation. Il se contente de regarder les créatures de Faerie, la bouche ouverte.
- Merci, petit homme, fait-elle de sa voix mélodieuse et envoûtante. Aussitôt l’humain cligne bêtement ses paupières, déjà hypnotisée. Amusée par son petit tour, la sirène offre un sourire pointu au dragon. Ne pas me comporter comme ceci vous voulez dire ? Je saurais tempérer mon… mauvais comportement.

Elle claque des doigts et l’homme retrouve son libre-arbitre.
- Je ne ferais rien qui pourrait mettre Orion en danger. Cela je peux vous le promettre.
Elle a beau faire la maligne, plus les minutes passent loin de sa Mer, moins elle se sent à l’aise. Elle refoule toutefois son malaise. Son petit oiseau a besoin de voir des gens, elle l’a deviné, sans comprendre exactement pourquoi. Simplement parce qu’il est un être plus sociable qu’elle sans doute.
- J’en suis ravi, déclare le dragon en les invitant à entrer.

« Soulagé » traduit Callista. Que croit-il ce gros lézard cracheur de feu ? Qu’elle allait sauter à la gorge du premier humain pour s’en repaitre ? L’idée est séduisante, certes, mais n’a jamais dépassé le stade du fantasme.
L’obscurité relative de la grange révèle tout un amoncellement de matériaux de construction et bois, métal et plastique se côtoient dans un ensemble hétéroclite mais organisé.

- Prenez ce qu’il vous faut ! Il y a d’autres ressources encore à la caserne si besoin. Avez-vous besoin de fournitures quelconques pour votre logis ? D’ailleurs, je ne sais même pas où se situe votre maison !

Callista adresse un bref coup d’œil à Orion. Son ami dragon est-il vraiment digne de confiance ? Elle ne lui dira rien en tous les cas.

Je n'avais aucune conscience que mon regard aurait pu avoir changé, mais ma manière de penser a réellement basculé. Je me sens plus sûr de moi, plus adulte. Pragmatique, Neo pense immédiatement à l'affrontement à venir. Cela me fait sourire. C'est un soldat dans l'âme quand j'aurais plus cherché une réconciliation dans les règles.

Ton aura change au moment où je demande si nous pouvons vivre au grand jour. Tu as raison, bien sûr. Tu es la seule à avoir vu l'effet de ma plume sur un corps abimé. Peut-être que mon ami Neorvrim le sait aussi et il l'a déjà vu dans une autre vie, mais vous êtes les seuls. Ma détente se meut immédiatement en tension quand il te reproche de ne pas savoir te comporter. De quel doit ose-t-il ? Tu n'es pas sous ses ordres, tu ne l'as jamais été. Naturellement, tu te montres provocante et j'essaie de ne pas trop éprouver de fierté à ton petit tour.

"Tu n'as pas à lui dire que faire, n'as-tu ni confiance en moi ou en elle ?"

Mon ton est posé, calme, et un tantinet accusateur. Je me retrouve bien loin de mes colères d'enfants. Je ne veux pas que la relation entre mon ancien ami et toi commence ainsi. S'il y a une personne qui devrait être mis en garde, c'est moi. Je ne suis âgé que de quelques mois après tout.

Nous entrons dans la grande grange et je regarde tout ce qui m'entoure. Je vois que tout a été entassé ici et la dernière fois que j'y étais, c'était pour un matelas et c'était nettement moins bien rangé et organisé que maintenant. J'ignore les regards curieux des gens pour m'intéresser aux métaux que je veux. Je te regarde pour savoir si tu aurais besoin de quelque chose, mais il semble que j'avais déjà amassé pas mal de fourniture. Le reste, nous le trouvons ou nous le fabriquons. Neorvrim m'enjoint à me servir et je m'intéresse aux bijoux.

"Non, effectivement, tu ne sais pas où c'est."

Finalement, je m'adresse à la vendeuse.

"Auriez-vous des bijoux qui auraient besoin d'être reforgés et qui sont inutilisables en l'état ? Je n'ai besoin que de métal, même si c'est en très petite quantité."

Sous mon regard, la vendeuse me sort une petite boite pleine de bagues cassées, de chaines brisées, de bracelets défaits. J'approche ma main, hésite, avant de m'emparer d'une bague en or dessertie. Je trouve également de l'acier, de l'argent.

"Servez-vous franchement. Ça n'a aucune valeur, et ça ne manquera à personne."

J'hoche la tête, et plonge ma main dans l'assortiment pour trouver du cuivre. C'est parfait.

"Merci beaucoup !"