Ohanzee prend la main tendue de Riley et se remet sur ses pieds, droit, entier et sincère. Lui non plus n'a pas quitté Dame Rouge des yeux. Il n'y a pas de défi dans ses prunelles sombres, juste l'aplomb d'un homme décidé. L'enfant de l'Institut est homme fait.

-Comme je le pensais... Tu es déjà bien loin.

Une sensation étrange envahit la poitrine du jeune homme échoué sur les rives du temps. Son coeur avait donc raison d'avoir foi : le Docteur Flemming n'est pas que cette geôlière froide et détachée, c'est un être abimé en quête de vérités qui par essence la dépassent. La lutte est inégale pour elle comme pour lui. Ohanzee éprouve de la compassion pour celle qui fût sa protectrice pendant près de neuf ans.
Neuf ans de captivité dont Rouge Flemming lui offre la clé.
Sa cage est ouverte.
Le voilà libre.
Pourtant, cogne dans son torse des émotions contradictoires, des sentiments d'enfant abandonné qui aimerait qu'on le retienne, et de vieillard sage qui sait l'envers cachée des mirages.

- Tu as dû le sentir ou le prédire, Ohanzee, mais le cataclysme est pour bientôt. Quelque chose de beaucoup plus grand que toi, que vous Riley, ou que toutes les forces de cette ville... Ce malheur est désormais à nos portes et prêt à nous emporter. Je cherche à l'endiguer par tout les moyens depuis très longtemps. Peut-être avec des méthodes qui vous dépassent, je le conçois. Mais rien ne m'empêchera de continuer à le combattre. Toutefois, si d'aventures ce mal venait à s'en prendre à toi personnellement ... N'oublie pas que tu restes un enfant de l'Institut.
- Je sais, fait-il avec douceur. Il presse la main de Riley pour y puiser la force ou peut-être le pardon. Rouge, dit-il après un silence en osant pour la première fois l'appeler par son prénom. Vous serez toujours ma Mère.

Ne l'oubliez jamais.
Aussi dysfonctionnelle soit cette famille,
c'est ainsi que je vous vois.

Elle ouvre la porte. Le rideau est prêt à tomber.

Ainsi aurait dû se clore cet acte.

- Comme c'est touchant, fait l'homme juste derrière le battant avant qu'une femme aux cheveux courts toute habillée de vert sombre écrase son poing dans la figure du professeur Flemming, l'envoyant valdinguer au sol. Ses hommes de mains réagissent aussitôt. Le premier attrape son arme et voit sa main littéralement exploser avec le barillet. Le second a la tête qui gonfle tant et si bien que se yeux éclatent comme des soufflets trop cuit. Son corps s'effondre mollement sur la moquette. Prudemment, leur collègue dont Riley a déjà arrangé la mâchoire, décide de ne pas effectuer de gestes brusques.
La magie crépite dans l'air comme un orage sur le point d'éclater. Ohanzee la ressent de plein fouet. La femme en combinaison, effilée comme une anguille, a des écailles vertes qui luisent autour de ses yeux. Une marque de sorcellerie. Elle avance dans la chambre, enjambant Rouge comme un vulgaire tas d'ordures et laisse passer un homme en costume raffiné dont le regardémeraude est glaçant. Derrière eux, le maitre d'hôtel facies de chat attend dans le couloir. L'homme en complet s'adresse à lui sans même prendre le temps de se retourner.

- C'est bien lui ?
- Oui, c'est ce jeune homme. Son Héritage est puissant, très ancien.
- Parfait, déclare l'intru avec un sourire de requin, le regard rivé sur Ohanzee. Tu auras ta récompense.
- Et.. Et pour la femme de l'I.C.V ?
- Nous n'allons pas déclarer une guerre ouverte à l'Institut, voyons, gourmande le rapace blond. Cependant celle-ci doit retenir certaines leçons : on ne s'aventure pas sur le territoire d'autrui sans invitation. Sans prendre la peine de se pencher, il toise Flemming de toute la hauteur de sa stature. Le coven d'Emeraude n'apprécie guère qu'on s'introduise chez lui, Madame, poursuit-il le timbre doucereux.
- Le Coven de.. vous êtes des sorciers ?s'exclame Ohanzee.
- Mais il parle ! Fabuleux. Oui, comme toi, en sommes. C'est pour cela que tu vas nous suivre.
- Et si je refuse ?
- Mon cher ami, je ne te laisse pas le luxe de ce choix.

Aussitôt la sorcière l'accompagnant se rue sur lui et Riley.

L'obscurité s’éclipse en un fragment de temps.
Le docteur est sonnée, projetée par la force et la surprise de l'impact.
Ce poing lancé aura au moins eu le mérite de lui remettre les idées en place.

Tout tourne, très vite, trop vite. Au sol, elle n'en reste pas moins alerte en dépit de l'intrusion des deux énergumènes. Son sang s'affole, aussi prompt à gicler de sa blessure.

Ses yeux blessés se dardent pourtant d'une colère féroce, plus vive que jamais. Son honneur est à terre. Ses hommes, également. L'un mort. L'autre estropié. Le troisième, terrifié.

La partie semble loin d'être jouée.

Rouge écoute, en dépit des scintillements qui s'agitent devant ses pupilles. Le coup a brisé ses lunettes, fracassées en miettes sur la moquette. Elle en souffre bien plus que le poing qui vient de lui déformer le visage. Sa rage redouble. Son ego est douloureux.

Hors de question de se laisser piétiner par ces monstres en cape.
Si la guerre n'est pas ouverte, elle se chargera de lui frayer un chemin.

« Je ne suis pas certaine que cet honneur vous sera rendu... »

Son ton crache comme une jetée de vitriole, dans un sourire sans joie. Un reniflement pénible et son champs de vision demeure incertain, tandis qu'elle se redresse. Il s'embrume et se délite, avant de redevenir plus nette. Alors qu'elle entend Riley se défendre, en dépit de sa vigueur relative d'humaine face à des sorciers de leur trempe, le professeur rassemble ses propres forces mises à rude épreuve.

Elle doit se calmer.
Elle doit revenir à ses fondamentaux.

Elle n'est pas une femme de terrain.
Elle n'est pas entraînée, elle n'est pas forte comme Riley.
Ce n'est que sa tête qui peut faire tourner son petit monde à elle.

Mais ses instincts prévalent parfois sur sa réflexion.
Elle aussi n'est qu'humaine, après tout.

Son souffle est court mais discret. Le dernier des trois gardes debout, celui à la mâchoire brisée, l'aide à reprendre pieds. Les battements de son cœur frémissent quand, proche du lit, l'homme au complet fixe le couple comme une gerbe de proies à cueillir d'un claquement de crocs.

Et il lui vient une idée.
La forme de la bouteille de champagne se dessine dans un coin, non loin, sur le guéridon.

Son sang ne fait qu'un tour et d'un pas, Rouge la saisit par le goulot. D'autres pas, et elle la brandit au-dessus du sorcier pour venir l'écraser sur sa nuque offerte dans un fracas retentissant. Le verre se brise à l'impact, transformant son arme contondante en lames de verre, prête à trancher. Son homme de main en a profité pour immobiliser la magicienne neutralisée par Riley, maintenue au lit de bras puissants.

Elle souffle, racle sa gorge de l'élan qu'il a fallut mobiliser pour porter le coup malgré les bourdonnements dans son crâne. Elle sent ses bras peser comme une tonne de plombs. Mais l'attaque est lancée, le ton est posé, et d'un regard échangé avec Ohanzee et Riley, elle sait que l'ennemi se distingue désormais de celui qu'elle chassait.

« Partons d'ici, avant que les renforts n'arrivent. »

Les choses vont trop vites. La violence des actes ont du mal à impacter la conscience d'Ohanzee. La seule chose qui secoue sa cervelle c'est la découverte de deux sorciers d'un même coven. Deux sorciers qui le veulent lui.

Non!
Pas si proche de la liberté!

Il exprime son refus ce qui a pour effet immédiat un déferlement de brutalité qui le laisse une nouvelle fois en état de sidération totale. La femme-serpent est parée par une Riley au comble de sa dextérité. Elle lui écrase la glotte, l'empêchant de respirer. L'assaillante se tient la gorge en cherchant l'air qui refuse de passer.
Riley attrape la main d'Ohanzee.
Le jeune homme se fait trainer sur plusieurs mètres, à moitié nu dans son peignoir, totalement terrifié par la tournure des évènements. Il se sent impuissant, terriblement inutile et couard pour se réfugier ainsi derrière le courage valeureux de sa bien-aimée. Il a une oeillade d'enfant démuni pour Rouge, dont les lunettes en miettes ne sont rien face à tout ce sang qui lui macule le visage.

- L’intimité laisse à désirer dans cet hôtel. Hors de mon chemin.
- De l'humour de film d'action. Comme c'est pittoresque !
- Maintenant ! Je n’aimerai pas me répéter.

Le sorcier n'a pas l'air inquiet. Il toise le canon du revolver et la militaire avec un dédain inquiétant tout en pivotant sur lui même, suivant le mouvement de Riley vers la porte.

Que peut donc être son pouvoir ?

Un craquement sinistre de verre et d'os survient. Ohanzee sursaute. Le pédant s'écroule, assommé par une bouteille de champagne brisée en mille morceaux. Au bout de son goulot se tient la main tremblante du docteur Flemming.

- Partons d'ici, avant que les renforts n'arrivent.

Estomaqué, Ohanzee  pivote la tête vers le garde qui tente de maintenir la sorcière face contre le lit. Cette dernière qui a retrouvé un semblant de respiration entre temps se débat furieusement tout en crachant ses poumons.

- PARTEZ ! JE LA RETIENS !

Ils ne se le font pas entendre deux fois. Le jeune métisse aide Rouge à courir, les deux couverts par Riley et son arme. Le couloir est désert. Le Maitre d'Hôtel s'est escamoté mystérieusement. Ohanzee les sens en alerte, sent la magie électrifier l'air. Tout le bâtiment résonne des échos de puissances anciennes. Elles sont sous leurs pieds, frémissant de colère, réclamant vengeance: les âmes défuntes de centaines de sorciers dont on bafoue la sépulture. Sa respiration se fait plus erratique à mesure qu'il perçoit les flottements d'un voile que les vivant dérangent. Il se déchire, lentement, comme les plaies de son dos. Le sang imbibe insidieusement le tissus éponge du peignoir.

Ils arrivent....
Non, ils sont déjà là....

La tranquillité relative des escaliers qu'ils dévalent en évitant l'ascenseur n'est que de courte durée. Lorsqu'ils débouchent sur le salon de réception, une équipe de trois, eux aussi en cuir vert sombre les attendent. Une femme -cheveux châtains, nattés et lunettes noires- tend une main vers eux, comme pour leur jeter quelque chose. Une flèche électrique file droit de sa paume vers Riley. Heureusement son tir manque de précision et la manque de plusieurs mètres, permettant au trio de se mettre à couvert derrière le guichet du réceptionniste.

- Où sont Edgard et Salomé?! Jappe l'un de leur agresseurs.
- Je ne sais pas, mais je prends ça comme un code rouge, répond un autre. Dragons ! Débusquez-moi ce demi-sang et tuez les autres! Les Salzen feront le ménage après...

Ohanzee , le visage livide et en sueur sent la douleur du fouet lui cuire la chair comme au premier coup. Il contracte la mâchoire. Un plan vient de germer en lui.

- Je.. je peux demander de l'aide.... faites-moi.... gagner du temps...

Il n'a jamais fait cela auparavant.
Il y a un temps pour tout.

Les complications s'enchaînent les unes après les autres. Le repaire sorcier ne grouille pas que d'amoureux passionnés. Les balles et les sorts se déchaînent et en dépit de la rapidité des événements, le docteur Fleming parvient à suivre la cadence de fuite. Non sans mal. Son esprit pense à toute allure, mais les chances de s'en sortir deviennent de plus en plus infimes alors que le trio finit par rejoindre le hall. Où ils sont attendus, sans surprise. Rouge plonge derrière le comptoir comme les deux autres, maigre abris face aux pouvoirs en place. Mais la cachette lui laisse le loisir de reprendre ses forces pendant une poignée de répit, alors que le sang imbibe le dos d'Ohanzee. Les plaies d'un martyr qui tente le tout pour le tout. Comme si elle en était elle-même capable, Rouge lève le nez et regarde autour d'elle, à la recherche d'une quelconque présence fantomatique. Mais le rescapé est bel et bien le seul à pouvoir appeler à l'aide. La main sur l'épaule du garçon, le professeur laisse la guerrière du lot se débrouiller pour repousser les forces ennemis à coup de pistolet. Riley semble dans son élément, elle. Une petite consolation que d'avoir un individu de terrain dans une situation pareil.

A genoux proche du médium sanguinolent, Rouge fixe l'expression de douleur sur son visage. Des réminiscence de leurs premières expériences lui parviennent. Elle n'est pas étrangère à la vision de ce genre de phénomène. Et elle adopte la même attitude que lorsqu'elle en était directement responsable. D'un geste doux plus infime, quand personne ne peut s'en apercevoir, elle lui intime quelques encouragements. Pudiques, mais étonnement sincères, derrière sa froideur naturelle.

« … Repense à nos sessions, Ohanzee. N'aie pas peur et respire... »

Les balles sifflent toujours et font mouche. Beaucoup de détonations et de foudre magique. Riley lui colle un téléphone entre les mains pour appeler à l'aide, comme si l'Institut n'était pas assez mouillée comme ça dans cette affaire. Rouge est au pied du mur. Le choix n'est pas tellement négociable, à son grand déplaisir. Tout ça pour une partie de jambes en l'air !!

« Ça serait le bon moment pour appeler des renforts !
- Votre cher et tendre s'en charge déjà, je vous signale ! »

Le ton monte mais l'érudite abdique, au son d'autres attaques contre le minable rempart qu'offre le comptoir. Le temps presse. Elle n'a pas le choix. Dans un grognement maugrée, ses doigts composent une série de chiffre qu'elle et l'autre partie de la Domination sont les seuls à connaître : le bureau du Directeur.

Une voix de septuagénaire bien portant lui répond immédiatement, malgré l'heure tardive :

« Qui êtes-vous ? Ceci est une ligne privée et votre numéro n'est pas enregistré dans nos fichiers...
- Passez-moi White !! Immédiatement !
- Rouge !? Mais que... où êtes-vous passée ?! On vous cherche partout depuis une heure !
- Je n'ai ni l'envie ni le temps de me justifier auprès de vous Seamus, passez-moi Balthazard White sur le champs !!
- C-C'est que Monsieur n'est pas- »

Une flèche explose aux abords du comptoir. Les retombées de la foudre les manque de très peu. Dans un cri étouffé, son corps s'est penché sur celui d'Ohanzee pour le protéger. Le combiné contre sa poitrine, elle entend Seamus se déchaîner au bout du fil. Quand elle le reprend près de son oreille, son souffle transpire la peur. La vraie. Celle d'une âme en panique qui vient de fissurer son épaisseur de glace.

« Rouge Minerva Fleming, bon sang, dites-moi ce que vous êtes en train de-
- … Hôtel Salzen, centre-ville de Tir Nà Nog. Code 77. Sorciers pluri-disciplinaires de rang minimum B à S. Signature mystique entre 100 et 150 Aura, à œil nu. Risque mortel accru de 80 % par minute. En d'autres termes, si ce n'est pas assez clair : dites aux escadrons en place de bouger leur cul !! »

Bip de fin. Elle a transmis l'essentiel. Si elle ne revient pas... Ils auront au moins une piste pour tracer son cadavre et châtier les coupables.

Le silence retombe. Un silence anormal, ponctués de leurs respirations irrégulières.
L'air change.
Il va se passer quelque chose.

Et elle ne peut qu'attendre, les sens aux aguets.

Une caresse.
Des mots encourageant.
Deux femmes.
Tant de voix qui hurlent et vocifèrent, qui pleurent et trépignent.

Ils nous ont tout pris !

Notre histoire, notre dignité, réduite à l'oubli.

Ils on fait de nous des esclaves, serviles, craintifs...

REGARDE-LES !!! REGARDE-LES DONC!
fouler du pied notre maison, nos tombeaux, nos mémoires !

Il les entend.
Colère sourde, profonde sous la terre, dans les murs.
Partout.
Il les sent.
Ils pulsent dans ses veines gonflées, dans ces plaies qui gémissent, dans cette sueur qui perle à son front.
Les balles pleuvent. La magie se déchaine. Fracas lointain, comme une plainte sinueuse, un bruit blanc.
Ohanzee balbutie, murmure à peine audible.

-Je vous destine au glaive, Et vous fléchirez tous le genou pour être égorgés; Car j'ai appelé, et vous n'avez point répondu, J'ai parlé, et vous n'avez point écouté; Mais vous avez fait ce qui est mal à mes yeux, Et vous avez choisi ce qui me déplaît.... Pour cela vous serez châtiez....

Il ferme les yeux, répète le texte saint de l'Esaïe, plusieurs fois, recroquevillé sur lui même. Les esprits l'observent, curieux, avides. Ils l'encerclent, générant un froid polaire dont l'épicentre est le jeune homme.

- On entend une rumeur sur les montagnes, Comme celle d'un peuple nombreux; On entend un tumulte de royaumes, de nations rassemblées: L'Eternel des armées passe en revue l'armée qui va combattre. Ils viennent d'un pays lointain, De l'extrémité des cieux: L'Eternel et les instruments de sa colère vont détruire toute la contrée.

Son souffle erratique génère de la buée. Tout concentré qu'il est, il ne se perçoit pas trembler. Son timbre gagne en puissance, intelligible à présent.

- Gémissez, car le jour de l'Eternel est proche: Il vient comme un ravage du Tout-Puissant.

Puisant en lui même, cherchant la connexion passée avec la mort qui l'a déjà intimement fauché, Ohanzee se redresse, lentement.

- C'est pourquoi toutes les mains s'affaiblissent, Et tout coeur d'homme est abattu. Ils sont frappés d'épouvante; Les spasmes et les douleurs les saisissent; Ils se tordent comme une femme en travail; Ils se regardent les uns les autres avec stupeur; Leurs visages sont enflammés.

Il s'élève au milieu du tumulte, il se tient bientôt droit. La mitraille, miraculeusement, ne le touche pas. Les poings retenues sur son coeur, il ouvre alors les bras en grand, paumes vers le ciel. Sa voix est forte, galvanisante, elle excitent les fantômes qui lui tournent autour tel un tourbillon de damnés

- Voici, le jour de l'Eternel arrive, Jour cruel, jour de colère et d'ardente fureur, Qui réduira la terre en solitude, Et en exterminera les pécheurs. Car les étoiles des cieux et leurs astres Ne feront plus briller leur lumière, Le soleil s'obscurcira dès son lever, Et la lune ne fera plus luire sa clarté.

Ses pupilles se dilatent dévorant le sclère de ses yeux. Deux gouffres béants sur un autre monde monde. Par la puissance de sa volonté, Ohanzee Figtree soulève le Voile. Le gel recouvre désormais les murs, le sol, le mobilier. Les fantômes des sorciers de Salzen, rentrent par ses yeux, lui traversent le corps avec brutalité et sont vomis par sa bouche, innombrables, assoiffés de vengeance. Libérés pour un temps sur le monde matériel. D'une voix désincarnée de stentor, Ohanzee donne alors son ordre.

- Je punirai le monde pour sa malice, Et les méchants pour leurs iniquités; Je ferai cesser l'orgueil des hautains, Et j'abattrai l'arrogance des tyrans!

Hébété dans un premier temps, par la soudaine apparition de revenants visibles à l'oeil nu, les Dragon d'Eméraude, se reprennent, prêts à attaquer la multitude mais les morts déferlent en vague, impossibles à juguler. Nul éclair, nul feu, nulle télékinésie ne pourrait venir à bout des trépassées. Des mains transparentes traversent les corps de chair et de sang.
Les cervelles s'éteignent, broyées.
Les poumons suffoquent, écrasés.
Les cœurs s'arrêtent de palpiter.

Ohanzee, blafard, sent alors toute énergie le quitter. Les fantômes sont aspirés en lui pour disparaitre dans l'envers du Voile. Avant de tourner de l'oeil, il a juste le temps d'entendre les fantôme susurrer.

Une porte, une porte, c'est une porte,  la porte...

Puis, les ténèbres le cueillent.