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 La saison des cucurbitacées {Magni&Doe}

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Jolhane Doe
Jolhane Doe
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La saison des cucurbitacées {Magni&Doe} 91fa46a4e267aedd1125e812cb016904

Tell me now, of the very souls, that look alike, look alike
Do you know, the stranglehold, covering their eyes??
If I call, on every soul, in the land, on the move
Tell me if I'll ever know, a blessing in disguise

The curse will come from the underground down by the shore
And their hope grew, with a hunger to live unlike before



Pensive, elle triture la anse de la cafetière. Elle semble vouloir lui faire du gringue pour la faire percoler plus vite. Le regard dans le vague, Jolhane est sourde au brouhaha ambiant. Neve et Norah, surnommées "les N&Ns" en raison du caractère inséparable de leur amitié, se disputent le droit de porter le même jean slim avec les coeurs en strass cousus sur les poches. Elles ont toutes les deux treize ans et un sens aigu de la coquetterie. Squirrel se moquent d'elle en boulottant une tartine qu'elle trempe directement dans le pot de confiture. Ryan trouve ça absolument dégeulasse et lui fait remarquer vertement tout en débarbouillant Marnie et son ours en peluche. A l'étage, Declan peste contre Katie qui passe trois heures sous la douche et vide le ballon d'eau chaude. Scotty joue encore à un de ses jeux sur téléphone qu'il télécharge à tour de bras sur le portable de Doe, comme pour rattraper deux années de déconnexion à internet. Dehors, Tyron et William jouent aux chasseurs et au Goliath.

Jolhane pousse un soupir absent.
Gimbhir couine pour la ramener à l'instant présent, sans grand succès.

Jolhane erre quelque part dans ses souvenirs, à la recherche de bras solides, d'une chaleur moite et musquée, d'une présence bien particulière.
Pourquoi a-t-elle emporté cette affreuse chemise ?
Katie, du haut de sa préciosité d'adolescente, avait décrété que "ce truc puait la mort" et qu'il fallait le laver. Sa cleptomanie rampante l'avait amenée à chiper le vêtement, pourtant précieusement escamoté dans une boite à chaussures sous le lit de Doe. Cette dernière avait tout juste eu le temps de sauver le chiffon bariolé d'une opération "lessive senteur douceur lavande". Elle ne voulait pas perdre son odeur.
Un acte stupide.
Ils ne se reverraient jamais et son parfum fanerait avec le temps.
Cependant, elle voulait garder une trace de cette rencontre, précieuse à bien des égards, et peut-être, lui signifier aussi, qu'il n'avait pas rêvé.

"Que j'existe, quelque part."

- ..oe! Hey Doe ! Le café, il fume. Fait remarquer Squirrel.
- Oh ! Euh, oui pardon.
- Ca va ?
S'inquiète immédiatement Ryan. De toute la bande d'Enfants Perdus, c'est le plus âgé et également le plus responsable. Le Brouillard l'a fait grandir beaucoup trop vite.
- Oui, fait-elle avec son éternel ombre de sourire, comme si elle n'arrivait plus vraiment à en former un véritable avec sa bouche.
- T'es grave bizarre depuis quelques semaines, fait remarquer Dairine en raclant le pot de confiture au doigt. Ryan lui arrache des mains avec un claquement de langue désapprobateur.
- Je plussoie Squirrel ! Balance Scott du fond du canapé sans lever les yeux de son écran. T'as choppé un truc ?
- Absolument pas, coupe-t-elle un tantinet cassante. Qui veut du café ?
- Moaaa,
piaille Marnie en levant la main.
- T'es trop p'tite, balance les N&N's en choeur. Elles ne sont pas soeurs et agissent pourtant avec le mimétisme de jumelles.
- C'est pas pour moi, c'est pour Doudou ! Elle montre la peluche bouffée aux mites dont le poil raz n'a plus rien de doux.

Katie descend les escaliers, une serviette éponge sur les épaules.

- Y font quoi les deux golios dehors ?
- Comment ça ?
réplique Doe en fronçant les sourcils.
- Ca fait dix minutes qu'ils sont accroupis dans le potager.
- Y font pt'êt caca, opine Squirrel.

Marnie éclate de rire. Ce genre de blague demeure indémodable pour une gosse de cinq ans. Jolhane confie la cafetière à Ryan. Elle ne trouve pas ça drôle.

- Je vais aller voir.

En quelques enjambées, elle franchit le salon et se fraie un chemin dans les herbes hautes du jardin. Le cottage, situé en bordure de la forêt des Seelies est enchâssé dans une colline recouverte de verdure, d'arbustes fruitiers et de fleurs sauvages. Le jardinet n'est pas bien grand mais doté d'un appétissant petit potager.

- Les garçons qu'est-ce que vous faite ? interroge la jeune femme en s'approchant de Tyron et William.
- Y'a un mônsieur tout nu qui fait dodo dans les courgettes... déclare le frère de Marnie.
- Moi j'dis qu'il est cané l'gugus, réplique Tyron, son ainé de trois ans. Remarque c'est bon pour faire de l'engrais, non ?

Effectivement, il y a un corps inanimé, visiblement masculin, étalé comme un sac au milieu des légumes en floraison.

- Sortez de là, ordonne Jolhane d'une voix ferme.

Elle brandit son couteau de chasse, d'ordinaire sanglé à sa ceinture. Les deux petits ne discutent pas. Ils connaissent la signification de ce timbre : le danger rôde. Ils s'écartent et se postent à bonne distance. Les autres enfants, intrigués, se sont nichés à la porte-fenêtre pour observer le manège.
Avec une prudence extrême, Doe retourne le macchabée potentiel du bout du pied. La mine effarée, elle laisse échapper un petit cri étranglé.

- Magni !  Il a d'énormes balafres saignantes sur les flancs et l'abdomen. Jolhane tombe à genoux auprès de lui. Merde...Non.. non.. non ! Elle presse son cou à la recherche d'un pouls et pousse un soupir de soulagement quand elle en trouve un.
- RYAN ! SCOTT! J'ai besoin d'aide ! Katie va chercher la trousse de secours !

Toute la troupe se met au branle-bas de combat derechef.
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Magni Oxärsson
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J'dois être mort…

C'était sans doute pas l'idée du siècle de me faire un nid à moi tout seul mais disons que j'vois plus vraiment de raison de me priver.
Tuer des moches à dents longues c'est le dernier p'tit plaisir qui me reste…

Je sens des doigts délicats et presque familiers sur ma peau. J'ouvre un œil avec précaution.

Ouep j'suis mort. Un ange ou une Valkyre est penche sur moi. Elle est si belle que ça m'aveugle ! Ah non c'est le soleil qui tape sur ma trogne. Je bouge en grognant et entend mon crâne émettre un "crac". Pas bon signe.

Ah non fausse alerte. J'me disais aussi j'ai la tête plus dure que ça normalement. Du coup j'ai du casser un truc avec.

Putain j'suis où ? Mon dernier souvenir remonte au milieu de la nuit. L'Ours a fait la bringue, faisant de la charpie de vampiros et c'est moi qu'ai la gueule de bois...ou dans un sale état...je regenererai pas de suite et j'ai la dalle. J'me suis donc trainer entre les arbres jusqu'à sentir l'odeur de bouffe et de vie. J'crois bien que je me suis écroulé dans un jardin. A bout de force.

Ma vue fait sa mise au point et je reconnais enfin celle qui est penchée sur moi.

- Nymphette...t'es vraiment là ? C'est pas encore un rêve ?

Je souris comme un con.
Je mourrais d'envie de la revoir mais je savais que c'était pas une bonne idée. Si j'avais voulu j'l'aurais retrouver sans mal. J'ai son odeur gravée dans ma mémoire, ses traits collés à mes rétines. Ca m'arrive souvent de rêver d'elle. Et croyez bien qu'en général on finit se qu'on a commencé près du lac. Et dans mon rêve, elle reste avec moi. Ca rend la solitude et la trique du matin plus douloureuse.

Je lève ma main vers elle, juste pour m'assurer que c'est réel tout ça. Mes doigts effleurent sa joue. Sa peau est aussi douce que dans mon souvenir peut-être même plus. Et c'est la que je la sens.

La douleur.

Mon corps se crispe et je hoquette avant de laisser passer une tripotée de jurons. J'essaie de me redresser un peu pour voir l'étendue des dégâts.
Les plaies sont pas belles, j'ai clairement été charcuté. S'il avait le sens de l'humour, l'Ours serait sans doute en train de ricaner pendant que je trinque à cause de ses conneries.
J'ai atterri dans un chouette jardin potager près d'une belle maison et des gosses me regardent les yeux ronds. Beaucoup de gosses...une flopée de gosses ! Bordel de merde y'en a combien ?Oups. J'aurais peut-être du contrôler ma langue. Ah et évidemment j'suis à poil. Si cest pas une journée qui commence bien ça ?
Jolhane a l'air inquiète alors je tente de la rassurer au mieux.

- Ca...ca va aller...j'ai connu pire...aide moi juste à me relever que je débarrasse ma carcasse de ton potager, tu veux bien…?


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Jolhane Doe
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Magni a l'air sérieusement amoché. Son regard vitreux laisse sous-entendre qu'il a peut-être une commotion cérébrale. Jolhane se demande si à trois ils arriveront à le transporter à l'intérieur.  Où diable l'Ours l'a-t-il emmené?

Gimbhir jappe furieusement, une singulière envie de lui souffler dans les bronches à l'ursidé.
Jolhane, plus calme, se contente de serrer la main du blessé.

Ce dernier tend les doigts vers elle. Il a l'air d'un illuminé avec son visage transfiguré de bonheur. Son expression lui perce la poitrine d'un trait de flèche bien placé.

- Nymphette...t'es vraiment là ? C'est pas encore un rêve ?
- "Nymphette" ?!  Il est carrément en train de délirer.
Relève Ryan avec un haussement de sourcil.
Scott et Dairine sont avec lui.
- Après "une couille dans le potage", ou pourra dire "une trique dans les courgettes !" lance cette dernière.
- "Vol au dessus d'un nid de potimarrons", renchérit Scott, hilare.
- Ca suffit vous deux ! Il est gravement blessé. On ne peut pas le laisser là...
- Le déplacer risque d'aggraver son état,
fait remarquer Ryan.

Magni se redresse, lance un paquet de jurons fleuris. Ryan a le reflexe de boucher les oreilles de Squirrel mais pas celles de Scotty qui a pourtant seulement un an de plus qu'elle. Ce dernier émet un sifflement appréciateur.

- Arrête de gesticuler, grand imbécile !
- Ca...ca va aller...j'ai connu pire...aide moi juste à me relever que je débarrasse ma carcasse de ton potager, tu veux bien…?
- Certainement pas ! Tu laisses tes fesses où elles sont. Tu veux ramper où de toute façon ?
Elle le foudroie d'un regard autoritaire. Elle a la queue de cheval en bataille, un vieux jean trop large et un T-shirt d'homme qui baille autour de sa silhouette longiligne. KATIE! Elle vient cette trousse !
- J'arrive !
Une adolescente de seize ans, brune avec un nez prononcé, arrive dans le champ de vision de Magni, armée d'une boite en fer blanc. Elle grimace en voyant la boucherie. Wow, c'est moche !
- Donne moi des gants, du désinfectant et des compresse stériles. Ryan, tu vas m'assister, Katie et Scott, je veux que vous montiez les plus jeunes à l'étage. Et surveillez Marnie, elle se faufile toujours entre vos jambes.
- Promis, cette fois je la laisse pas filer.
- Et moi j'fais quoi ?
couine Dairine.
- Tu peux p'têt appeler le vieux des Dormeurs ou... Le regard de Katie pétille comme celui d'une jeune fille en fleur... Ciulin ?
- Et pourquoi pas son frère tant que tu y es ? On a pas besoin de ces gens,
fulmine Ryan.
- Squirrel, relève lui la tête et vérifie qu'il n'a pas une bosse quelconque à la tête
- Wokay !
La gamine s'exécute et use de ses genoux pour caler la nuque de Magni. Elle lui palpe le crâne et décrète. Rien de fêlé de ce côté.
- Ca reste à prouver...

Jolhane regarde l'islandais avec un sourire en coin. Malgré les circonstances, elle est très heureuse de pouvoir le revoir. C'est un souhait qu'elle n'a jamais formulé trop fort, même en pensées, de peur que Gimbhir l'entende. Elle applique les compresses stériles et mouillées d'antiseptiques sur les plaies de l'Homme-Ours.

- Attention ça va piquer un peu...

Euphémisme.
Une fois les blessures nettoyées, Doe constate qu'elle ne sont pas si profondes, juste très spectaculaires.  Il a dû se confronter à un vampire ou un loup-garou vu comme la chair est sectionnée.

- Ca n'a pas l'air infecté à première vue, mais dans le doute, je vais te donner un antibiotique. Ryan lui passe une seringue et un flacon qu'elle agite. Elle prélève le contenue et injecte la dose dans l'artère fémorale. Et maintenant, on recoud. Son assistant lui tend le fil chirurgicale et une aiguille. Jolhane se met à l'ouvrage. Cesse de bouger, s'il te plait.

Squirrel que le silence oppresse plus de deux minutes se sent obligée de l'ouvrir.

- Quand même, je trouve ça ouf qu'on arrive tous à rester concentrés alors qu'on a sa grosse teub sous le nez

L'aiguille de Jolhane dérape, se plantant un poil trop violemment dans la peau boursouflée.

- Squirrel, putain !
- Ben quoi?! C'est vrai !


Doe ne répond pas, les joues en feu.
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Magni Oxärsson
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- Certainement pas ! Tu laisses tes fesses où elles sont. Tu veux ramper où de toute façon ?

J'lui décoche un sourire vague. J'la trouve encore plus jolie quand - elle parle avec autorité comme ça.
- Bien m'dame. J'bouge pas. J'aurais bien rampé jusqu'à un meilleur matelas que des courges mais j'vais faire comme d'hab et me contenter de ce que j'ai.
Une petite ado se penche vers moi et lâche son jugement sans appel.

- Wow, c'est moche !
- Hey c'est pas sympa ! Non mais là c'est parce que tu me vois pas à mon avantage mais sinon jsuis pas mal en vrai.

Ca cause et ça cause de partout. Je sens venir un violent mal de crâne j'crois… une autre gosse se cale derrière moi et m'offre le confort relatif de ses genoux cagneux. Elle me palpe la tête avec application.
- Si ça sonne creux, c'est normal...
- Rien de fêlé de ce côté.
- Ca reste à prouver...

Jolhane semble s'y connaitre en premier soin. Rien d'étonnant en soi en ayant passé tout ce temps dans le brouillard.

- Attention ça va piquer un peu...

Heureusement que je suis dur au mal parce que piquer c'est pas vraiment le terme que j'aurais employé...ca brûle sa mère oui ! Je sers bravement les dents, les muscles crispés.

- Ca n'a pas l'air infecté à première vue, mais dans le doute, je vais te donner un antibiotique
.

- Super ! T'as pas de la morphine avec ? non ? Dommage pour moi.
- Et maintenant, on recoud. Cesse de bouger, s'il te plait.
- J'sais pas, j'ai bien envie d'être désobéissant. J'adore ton ton de général d'armée...

- Quand même, je trouve ça ouf qu'on arrive tous à rester concentrés alors qu'on a sa grosse teub sous le nez

J'éclate de rire, j'peux pas m'en empêcher. Les gosses et moi on a ça en commun qu'on aime bien dire ce qui nous passe par la tête ! Sauf que c'est pas une super idée de faire ça alors qu'on se fait recoudre en même temps et qu'on a mal à peu près partout. Je grimace et me tors de douleur alors que l'aiguille de Jolhane dérape.
Bien fait pour ma gueule.

- Oh putain me faites pas rire les mômes. Ca fait un mal de chien.
- Squirrel, putain !
- Ben quoi?! C'est vrai !
- Squirrel hein ? íkorna...je lève le pouce dans sa direction. J'apprécie le "grosse".

Ca serait le moment idéal pour révéler que Jolhane l'a déjà vu mais en fait j'ai bien envie que cette première rencontre un peu hors du temps reste entre elle et moi. Et puis c'est des gamins. Je l'observe comme un affamé pendant qu'elle œuvre. Finalement ses cheveux ne sont ni tout à fait roux, ni tout à fait blond. Entre les deux quoi. Une couleur unique. Elle est encore plus belle en plein jour… Je note que ses joues ont pris une belle couleur rouge. Une fois l'ouvrage fini, j'attrape sa main et en baise la paume, pas totalement dans mon état normal, puis j'observe le résultat.
- Merci Jolhane. Je savoure clairement de pouvoir prononcer son prénom à voix haute. Ca l'a rend à nouveau plus réelle. Pas mal du tout. Mais fallait pas te donner toute cette peine. Ca aurait mis du temps mais ça se serait refermer tout seul. Je...cicatrise bien. Bon maintenant j'vais pouvoir me lever. Vous auriez un pantalon à me prêter pour que je rejoigne ma bagnole ? J'suis désolé pour le bazar dans euh...vos légumes...
Je me redresse précautionneusement en position assise et feule de douleur. Je retombe en arrière comme un sac.
- Ok on va y aller plus doucement.
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Jolhane Doe
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Jolhane se concentre à la tâche, du mieux qu'elle peut. Elle n'est pas beaucoup aidée par Magni qui, non content d'être un showman qui tchatche sans relâche, la déshabille littéralement du regard. Elle se sent aussi nue que cette fameuse nuit et de fil en aiguille -sans mauvais jeu de mot- lui rappelle ce qu'ils ont fait.
Ou presque fait.
L'intervention de Dairine n'arrange rien.

- Oh putain me faites pas rire les mômes. Ca fait un mal de chien.
- Squirrel, putain !
- Ben quoi?! C'est vrai !
- Squirrel hein ? íkorna... J'apprécie le "grosse".
- J'aurais pu ajouter "et toute fripée comme un radis avarié"!
, rajoute la gosse , indémontable.

Jolhane dissimule son trouble derrière le rire de Magni qui occupe toute la place et toute l'attention. Les joues chauffées à blanc, elle se mordille la lippe et termine tant bien que mal de le rafistoler pour mieux se faire cueillir par le baise-main iconoclaste de son patient. Elle le couve alors d'une oeillade mi-attendrie, mi-amusée qui lui échappe totalement. Lorsqu'elle lève les yeux, Ryan la fixe avec une drôle d'expression. Elle déglutit et retire prestement sa main. Battements de cil pour chasser la gêne, ramener son ordinaire armure de self-control.
Magni, lui, babille toujours.

-...fallait pas te donner toute cette peine. Ca aurait mis du temps mais ça se serait refermer tout seul. Je...cicatrise bien. Bon maintenant j'vais pouvoir me lever. Vous auriez un pantalon à me prêter pour que je rejoigne ma bagnole ? J'suis désolé pour le bazar dans euh...vos légumes...
- Ce n'est pas une bonne...

BLAM.
Ils n'auront pas de courgettes cette année.
-... idée.
- Ok on va y aller plus doucement.
- On va surtout t'aider, idiot... Ryan, tu prends la gauche, je prends la droite. A la une, à la deux, à la... trois !


Aidée de l'adolescent, Jolhane parvient à hisser Magni debout, en le ceinturant fermement à la taille. Ils se trainent minablement, en suant à grosse gouttes sous le poids du bestiaux, sur toute la pente douce du jardin. Ils franchissent les tumultes du marche-pied de la terrasse, manquent de se vautrer en passant la fenêtre et  abandonnent leur incombant colis en le laissant tomber sur le canapé. Ryan crache ses poumons et même Jolhane s'octroie une poignée de secondes, appuyée sur le dossier du fauteuil, pour reprendre son souffle.

- Y pèse trois millions d'tonnes ce type !
- Squirrel, tu peux appeler Ciulin ? Il va nous falloir des vêtements d'hommes...Plutôt du gabarit de son ami Balthazar, s'iel peut.
- Ouais, parce qu'c'est plutôt l'genre asperge, Chou'!
qu'elle raille. En grimpant les escaliers quatre à quatre pour reprendre le téléphone à Scott, elle hurle : Kaaaaatiiiie, d'vine qui doit appeler Chouuuuline et pas toaaaaaaaa !

Ryan lève les yeux au ciel.

- Drame dans 5, 4, 3, 2, 1...
- SQUIRREL ! FILE MOI CE PORTABLE IMMEDIATEMENT !


Soupir sans fin du jeune homme.

- Je peux te laisser gérer ?

Son regard circule de Jolhane à l'inconnu dans leur salon, puis de l'inconnu à Jolhane.

- Tout ira bien Ryan.
- Ok...


Il suit la piste encore chaude de Squirrel.
Une fois seuls, la jeune femme s'approche de son invité impromptu et dissimule sa nudité d'un plaid.

- Il est préférable que tu te couvres. Il y a de très jeunes enfants sous ce toit. Ils ont vu biens des horreurs, mais jamais de ... "gros radis frippés". fait-elle avec un sourire malicieux. Un café ?
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Magni Oxärsson
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J’fais de mon mieux pour pas peser trop lourd mais c’est un peu compliqué avec mes jambes flageolantes. Je sais bien que je suis pas un poids plume alors on fait tous les trois de notre mieux. Les plaies me tiraillent et j’ai surement dû faire sauter un point ou deux mais c’est pas grave. Ca guérira quand même. J’ai pas tellement le temps ni l’occasion de profiter du paysage très vert ou d’examiner les lieux mais quand on y pénètre, j’m’y sens bien. Je m’écroule sur le canapé moelleux à souhait, encore tremblant. J’vois d’agaçants petits points blancs devant mes yeux et les ferme pour me débarrasser des vertiges qui me tombent sur la trogne.

- Y pèse trois millions d'tonnes ce type !
- Un poil exagéré. Charmant ces gosses ! que je grogne à travers mes dents serrées.
- Squirrel, tu peux appeler Ciulin ? Il va nous falloir des vêtements d'hommes...Plutôt du gabarit de son ami Balthazar, s'iel peut.
Je fronce les sourcils. C’est qui ce Ciulin ?
S’en suit une dispute d’ados qui aurait pu se passer dans n’importe quelle famille nombreuse. Ça me rappelle la mienne. On vivait toujours plus ou moins les uns sur les autres avec mes oncles, tantes et cousins. Paupières closes, j’écoute les disputes, petit sourire aux lèvres. Peu importe le lieu ou le temps, les ados restent des ados.

Si j’ai bien compris que Jolhane est la chef de la petite troupe, ce Ryan en est presque le second.
- Je peux te laisser gérer ?

Je réouvre un œil, il est pas tranquille le gamin. Et sincèrement j’lui en veux pas de se méfier de moi. Il s’est occupé des autres mômes avec Jolhane, c’est donc lui « l’homme de la maison » si ça veut dire quelque chose. Toutes en jambes et le visage marqué par les épreuves mais il a déjà le regard d’un adulte et les épaules voutées par le poids des responsabilités.

- Tout ira bien Ryan.
- T’inquiète, il arrivera rien à personne. J’le jure sur ma bagnole.
Cette bonne vieille Christine qui m’attend sagement quelque part.
- Ok...

Quand on se retrouver seuls, Jolhane et moi, je fais moins le fier. Je l’observe juste. C’est tout ce que je peux faire après tout. Alors je gorge mes yeux de son image, histoire de bien m’en rappeler après. Et puis je l’ai vu que dans la lumière pâle de la nuit. Là, elle est éclaboussée de lumière. Différente. Elle évolue dans son environnement familier et quelque part j’ai du mal à retrouver ma Nymphette du lac. Elle fait plus dure. Plus fermée et donc fatalement moins accessible. Quelque part, tant mieux. Ca évitera à ma caboche de se faire trop de film.
Elle me couvre d’un plaid et je passe une main lasse sur mon visage. J’me fais définitivement trop vieux pour ces conneries. Faut que j’oublie tout ça. C’est hors d’atteinte.
- Il est préférable que tu te couvres. Il y a de très jeunes enfants sous ce toit. Ils ont vu biens des horreurs, mais jamais de ... "gros radis frippés".
- Aoutch, c’est pas beau de frapper un homme à terre, que je raille. Z’avez de la chance que j’ai plus de dignité hein…
Cela dit si c’est pour récolter ce sourire, j’veux bien qu’elle continue. Juste pour le plaisir des yeux, évidemment.
- Un café ?
- Ouais…j’dis pas non. Voir un baril histoire de… si t’as un truc à manger aussi…il me bouffe une énergie montre ce salopard à poil. Je m’installe plus confortablement pour empêcher mes blessures de tirailler et pose ma tête contre le dossier. J’suis désolé d’être venu bouleverser votre quotidien. J’ai juste cherché instinctivement de l’aide hier soir. Mais...j'suis content de te revoir... voleuse de chemise. J'ai le sourire canaille, j'peux pas m'en empêcher.
Sacrée marmaille dont tu t’occupes…j’te trouve extrêmement courageuse. Tu fais ça toute seule ?
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Le revoilà, ce regard qui l'effeuille doucement, qui lui rappelle qu'elle est une femme avec des penchants. Il est préférable qu'elle ne s'attarde pas trop sur ce qu'elle éprouve. Il doit repartir tôt ou tard, plus tôt que tard. Néanmoins, son humour rocailleux et sa verve lui sont plaisants à l'oreille. Elle irait presque jusqu'à dire que ça lui a manqué.

"Trois semaines à respirer sa chemise froissée dès que tu es dans le noir..."
souligne Gimbhir. " Presque n'est pas le mot..."

Jolhane s'ébroue pour chasser les rires de la renarde.

- Un café ?
- Ouais…j’dis pas non. Voir un baril histoire de… si t’as un truc à manger aussi…il me bouffe une énergie montre ce salopard à poil.
- Je dois pouvoir te trouver ça.


Elle se dirige vers la cuisine ouverte où les reliefs du petit déjeuner des enfants trônent encore. Elle s'attèle à lui préparer un solide petit déjeuner : oeufs au bacon, orange pressée, café noir, du pain de pommes de terre poêlé dans le gras du lard. Les odeurs de cette cuisine simple mais sans fioriture, embaume vite le rez-de-chaussée. Elle revient rapidement avec  un plateau garni qu'elle pose sur la table basse. Elle s'assoie sobrement près de lui, ramenant ses jambe en tailleurs. Elle s'est posté à une distance qu'elle juge honnête : ni trop près, ni pas assez.

- J’suis désolé d’être venu bouleverser votre quotidien. J’ai juste cherché instinctivement de l’aide hier soir.
- Et j'imagine que nos cucurbitacées avaient l'air d'âmes charitables en pleine nuit,
fait-elle en jouant inconsciemment avec une des mèche de cheveux échappée de sa queue de cheval.
- Mais...j'suis content de te revoir... voleuse de chemise.

Elle regarde ailleurs en mâchonnant la pointe de ses cheveux, telle une enfant prise en faute. Mais avec un petit sourire, tout de même, qu'elle tente d'assassiner en mordant la pulpe de sa lèvre.

- Tu n'as aucune preuve... susurre-t-elle, tentant d'éviter de le fixer trop longtemps. Elle pourrait se laisser amadouer par son expression irrésistible de sacripant. Peine perdue, ses prunelles reviennent invariablement à lui.
- Sacrée marmaille dont tu t’occupes…j’te trouve extrêmement courageuse. Tu fais ça toute seule ?
- Plus ou moins. On nous a trouvé cette maison et je bénéficie d'une aide substantielle de la part des chasseurs qui nous ont retrouvés... Mais oui, sinon. On veille les un sur les autres... comme là-bas.


Petit silence.
Elle entortille sa mèche de cheveux autour de son index à présent, comme elle tourne vraisemblablement autour de mots qu'elle voudrait lui confier.

- Magni... Tu.. tu as encore laissé l'Ours prendre le dessus, n'est-ce pas ? Que s'est-il passé ?

Pas exactement ce qu'elle avait en tête, mais c'est cette question que sa raison a préféré formuler, en lieu et place de : "Je ne voulais pas partir, cette nuit là, tu sais. Mais je le devais. Je n'avais pas le choix..."

"Trouillarde" crache Gimbhir.
"Raisonnable" corrige Jolhane.
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Magni Oxärsson
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Les bonnes odeurs de cuisine me montent au nez et me font littéralement saliver. A ce train-là je risque de me noyer sous ma bave. C’est que j’ai une dalle monstre…et ça va pas s’arranger avec la régénération. Faut bien que mon corps choppe de l’énergie quelque part.

Lorsqu’elle revient avec un plateau bien garni qu’elle pose sur la table, je me jette carrément dessus et enfourne de belles bouchées.

- Bordel ! Ché super bon ! que je commente la bouche pleine. Merci.
Passées les premiers coups de fourchettes, je ralentis un peu pour mieux savourer et en profite pour rajuster le plaid qui a glissé un peu dans mon enthousiasme, en une sorte de pagne. Depuis combien de temps on m’a pas fait à manger sans que j’ai à payer quoique ce soit ? Une éternité. La bouffe maison ça a un goût particulier. Celle de Jolhane est efficace, généreuse et délicieuse.    
Je scrute toujours mon hôtesse à la dérobée. Elle retrouve des habitudes enfantines que j’ai déjà pu noter près du lac.

Et je capte toujours pas pourquoi je trouve ça irrésistible.
Mais c’est le cas.


- Plus ou moins. On nous a trouvé cette maison et je bénéficie d'une aide substantielle de la part des chasseurs qui nous ont retrouvés...
- Sympa de leur part.
- Mais oui, sinon. On veille les un sur les autres... comme là-bas.
Mon regard dévie vers le plafond, là où on peut entendre les pas des gamins à travers le parquet.
- Pauv’ gosses… Je reviens à Jolhane, un peu plus sérieux. Au moins ils sont pas tout seul. Vous formez une sorte de famille.

Un ange passe. Elle triture ses cheveux avec plus d’énergie pendant que je finis mon repas.

- Magni... Tu.. tu as encore laissé l'Ours prendre le dessus, n'est-ce pas ? Que s'est-il passé ?

Je pose lentement ma fourchette et me rencogne contre le canapé. Sa proximité a quelque chose d’apaisant et j’me surprends à me détendre comme je l’ai rarement fait. Enfin… autant que mes blessures le permettent. Je fixe mes mains. Des mains dures, constamment couvertes de cambouis quand j’étais encore simple mécano pour vivre avec Daphné, couvertes de sang et de crasse maintenant que je suis seul.

- Je chasse pour vivre Nymphette. Et parce que j’aime ça, soyons francs. Ma nature…ce que je suis…cherche pas du un contre un. J’ai mes cibles privilégiées. Les Vampires. Je crache presque le mot. Souvent ils sont pas seuls. Et pour les vaincre j’ai besoin de mes transes. C’est un genre d’étape intermédiaire entre moi et l’Ours. Sauf que… depuis quelques temps, Grizzila en profite pour « s’imposer » gentiment à moi et j’ai de plus en plus de mal à la contenir…et à revenir.  Il est plus …hargneux. Surtout depuis cette nuit. Petit regard en coin. Hier j’suis tombé sur un nid. Ils étaient trop nombreux. Quitte à crever, autant les amener avec moi non ? Pauvre sourire. L’Ours s’en est occupé, comme d’hab. J’ai lutté toute la nuit pour revenir. J’l’ai eu à l’usure. Mais il est plus fort que moi. Je hausse mes épaules, dans une attitude qui se veut désinvolte. C’est pas grave. C’est comme ça que ça doit finir.
J’suis pas fataliste mais c’est un fait. C’est comme dire que le soleil se couchera ce soir.  
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Jolhane Doe
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Doe ne cuisine pas très bien, elle n'en a guère l'habitude, mais les petits déjeuners pour onze ont eu tôt fait de lui faire prendre le coup de main : préparer des aliments simples, nourrissants, accommoder les restes... C'est à peu près tout l'étendu de ses compétences. Néanmoins l'enthousiasme de Magni est agréable à entendre et à voir. Comme en tout, il n'est pas avar de démonstrations.

- Moins vite, tu vas t'étouffer ... suggère-t-elle non sans un petit sourire amusé. Il en a plein la barbe et elle se retient de venir le débarbouiller des morceaux égarés dans son poil.

A sa question, il répond sans détour.
Chasseur.
Encore un.
Comme sa prétendue famille, comme les Dormeurs, comme la moitié de cette ville, quand l'autre se compose de créatures diverses et variées. C'est à se demander où sont les véritables humains. Les vampires ont sa préférence, ce qui explique la nature des entailles, mais pas son obsession pour eux.

- ...Souvent ils sont pas seuls. Et pour les vaincre j’ai besoin de mes transes. C’est un genre d’étape intermédiaire entre moi et l’Ours. Sauf que… depuis quelques temps, Grizzila en profite pour « s’imposer » gentiment à moi et j’ai de plus en plus de mal à la contenir…et à revenir. Il est plus …hargneux. Surtout depuis cette nuit.

Un frisson la parcourt lorsque leurs regards se croisent. Est-ce sa faute ? Est-ce parce qu'ils ont... presque...faillit...? Elle se mordille nerveusement l'ongle du pouce. Si elle est un déclencheur de fureur chez l'Ours, elle ne doit pas le revoir. pour son bien.

- Hier j’suis tombé sur un nid.
- Il semblerait qu'un groupe de créatures extrémistes en convertisse beaucoup ou les fasse entrer en ville. Enfin, c'est ce que les chasseurs m'ont dit.
- Ils étaient trop nombreux. Quitte à crever, autant les amener avec moi non ?


Elle déteste ce sourire, mélancolique, fataliste. Elle l'abhorre. Magni est taillé pour les rires tonitruants et solaire, pas pour ces ersatz piteux.

-L’Ours s’en est occupé, comme d’hab. J’ai lutté toute la nuit pour revenir. J’l’ai eu à l’usure. Mais il est plus fort que moi. C’est pas grave. C’est comme ça que ça doit finir.
- Non... Ne dis pas ça!
Jolhane a spontanément posé sa main sur sa joue. Lorsqu'elle s'en rend compte, il est trop tard pour la retirer. Elle ne veut pas la retirer. Elle lui caresse la pommette du pouce. Ne te résigne pas.

Elle aimerait lui dire qu'il est plus fort qu'il ne le crois, qu'il est bon et que les hommes bons triomphent toujours, mais qu'en sait-elle ? La vie dans le Brouillard ne vous apprend ces choses là. Alors, elle lui confie la seule chose dont elle soit certaine.

- Je ne veux pas que cela finisse ainsi, Magni.

"S'il te plait, Ours, ne prend cet homme.
Pardonne lui.
Je t'en supplie."
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Magni Oxärsson
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Cette histoire de groupe de créatures extrémiste m’intéresse. Ca pourrait être ma dernière « croisade ». Une petite visite dans leur KG pour « assainir les rangs ». L’Ours est doué pour le ménage.
Depuis quelques jours j’pense aussi à me rendre dans ce brouillard, musique épique dans le dos, lunette de soleil sur le pif. Comme un héros de cinéma quoi. Sauf que pour moi, quand on dira « coupez », ça sera vraiment la fin. Au moins l’Ours sera maîtrisé vite fait là-bas. Pas de risque de carnage inutile. C’est ma plus grosse trouille.

- Non... Ne dis pas ça !

Je tourne la tête, surpris et écarquille carrément les yeux comme un poisson mort quand sa paume se cale contre ma joue. Je la fixe, figé, incertain de la conduite à tenir. Son pouce fait des va et viens sur ma peau.

Ça brûle où elle me touche.
J’ai aucune envie qu’elle arrête.  


J’suis pas doué pour cacher ce que je ressens. Une faiblesse selon « Afi ». Moi j’me fous d’être aussi limpide que de l’eau, j’ai rien à cacher mais la dissimulation me fatigue. Je la hais. C’est elle qui m’a brisé le cœur.

- Ne te résigne pas.
- Les faux-espoirs, c’est pire Jolhane. J’me suis fait à l’idée, t’inquiète pas pour moi.

Je presse ma joue contre sa peau, ferme les yeux quelques secondes. Je savoure sa caresse, m’imprègne de sa chaleur. Parce qu’il va falloir que je la retire bientôt. Mais pas tout de suite. Alors je pose ma main contre la sien pour la garder là où elle est.
Les secondes ça passent si vite. Quelle putain d’arnaque !

- Je ne veux pas que cela finisse ainsi, Magni.

Elle a l’air… inquiète ? Ça me fait un coup au cœur. Littéralement. Quelque part j’suis juste heureux d’avoir suffisamment laisser une marque chez quelqu’un pour être regretté. Et puis de l’autre j’veux pas lui causer de chagrin après mon départ.

Ahaha c’est putain de présomptueux Magni ! Elle t’oubliera vite. La marmaille aura de quoi l’occuper et elle trouvera son chemin dans cette nouvelle vie, p’t-être même qu’elle retrouvera la mémoire. Ça serait d’autant plus facile de revenir à un univers où j’suis pas.

En attendant…en attendant, je laisse ses paroles me réchauffer les sangs, regonfler un peu mon cœur en miette. J’prends c’qui a à prendre. C’est sans doute un peu égoïste mais quand on est mourant on a droit à une dernière volonté non ?
La mienne est là.
Dans ce canapé et elle me caresse la joue.
Et j’aimera bien la serrer contre moi, me laisser disparaitre dans sa chaleur. Mais ça non plus j’peux pas.

50 nuances de frustration, par Magni Oxärsson.


J’m’accorde encore un instant. Mon autre main attrape sa nuque et mon front échoue contre le sien. Voilà j’ira pas plus loin. Promis.
Mes doigts pressent doucement la peau de sa nuque, s’y moulent.

Putain j’voudrais rester là…

- Merci Nymphette. Tu peux pas savoir comme ça fait du bien t’entendre ses mots… Mais t’en fais pas d’accord ? Mon sourire s’agrandit, je reprends mes bonnes vieilles habitudes et j’essaie de tourner ça à la dérision pour mieux faire passer la pilule. Parait qu’on a une place de choix réservée au Valhalla ! J’serai bien cosy comme y faut…ça me changera un peu. P't-être même que ça rendra l'Ours moins grognon d'être là-haut ! On peut toujours rêver...
Pour la première fois depuis longtemps j’ai l’impression de simuler la belle résignation que j’ai mis des mois à accepter.
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Jolhane Doe
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- Les faux-espoirs, c’est pire Jolhane. J’me suis fait à l’idée, t’inquiète pas pour moi.

Si.
Si, elle s'inquiète. Un homme qui attend la mort aussi calmement, perd toute combativité lorsqu'il faut défendre chèrement sa peau. Elle ne peut pas s'y résoudre. La seule pulsion de son existence toute neuve a été de survivre, envers et malgré tout. Survivre, même quand on a plus rien auquel s'accrocher.

- Je ne veux pas que cela finisse ainsi, Magni.

Jolhane aime ce contact, cette barbe qui lui piquète la pulpe des doigts. Pourra-t-elle seulement concéder que ce sera la dernière fois ? Une étrange bouffée d'émotions lui gonfle la poitrine, presse sa gorge douloureusement. Elle déglutit.
Il s'approche. Elle tressaille, anticipe quelque chose qui ne viendra pas. Magni s'arrête chastement aux frontières de son front.

- Merci Nymphette. Tu peux pas savoir comme ça fait du bien d’entendre ses mots… Mais t’en fais pas d’accord ?

Les larmes lui montent aux yeux sans couler, toutefois. Du bout des phalanges, elle effleure les contours rugueux de son visage. Ce n'est pas juste. Pas juste du tout. Elle aimerait qu'il reste, qu'il n'abandonne pas.

"Mais qui suis-je pour exiger ça ?
Personne.
Absolument personne"

- Parait qu’on a une place de choix réservée au Valhalla ! J’serai bien cosy comme y faut…ça me changera un peu. P't-être même que ça rendra l'Ours moins grognon d'être là-haut ! On peut toujours rêver...

Jolhane a un hoquet, à mi-chemin entre le rire et le sanglot.

- Peut-être.. Peut-être que si je lui prépare plus d'oeufs aux bacon, son humeur s'améliorera ... ? Chuchote-t-elle sans trop y croire non plus.

Ils sont si proches à présent qu'elle pourrait presque l'embrasser, si elle avait davantage de cran. L'envie est là, pourtant, comme cette nuit indélébile qui les as marqués tous les deux.

- Hum.. Hum... toussote une voix derrière eux.

Ryan les fusille du regard au pied des escaliers. Son expression de désapprobation choquée oblige Doe à s'écarter vivement. Elle chasse les émotions qui lui perle au coin des yeux d'un revers de main.

- Ciulin arrive dans trente minutes max. Il apporte aussi un onguent cicatrisant, déclare l'adolescent en toisant Magni d'un sale oeil.

Jolhane est debout, à présent, leur tournant le dos, un poing sur la hanche, son autre main triturant sa sempiternelle mèche de cheveux. Un tic de stress inconscient, visiblement.

- Bien.. Bien ! Parfait. Merci.

Entre les barreaux d'escaliers, Magni peut apercevoir une dizaine de petites têtes, qui l'espionnent avidement. Outre les adolescent déjà croisés, sans doute les plus âgés, les autres ont entre cinq et treize ans. La poignée de donzelles échangent des messes basses en regardant cet adulte musclé et dénudé dan leur salon. Squirrel qui semble incapable de pratiquer l'art du murmure laisser filtrer un : "Chuis sûre qu'ils ont fait des trucs avec son gros radis !"

"Finaude, l'écureuil!"
Jolhane rosit.

- Combien de temps il reste ici ? coupe Ryan, occultant la présence de Magni dans la pièce.
- Autant de temps qu'il le faudra, réplique sèchement Jolhane en récupérant son téléphone portable. Et "Il" s'appelle Magni.
- Dans ce cas, conseille à "Magni" de prendre une douche. Ca schlingue jusqu'en haut.

Ryan est particulièrement passif-agressif, même lorsqu'il s'emploie à débarrasser le plateau et nettoyer la vaisselle du petit déjeuner. Doe plisse le regard, mécontente qu'on sape son autorité. Le reste des gosses observent l'échange en comptant les points. Soudain, une petite tête blonde comme les blés fait irruption au pied du canapé. Elle porte une salopette un peu trop grande pour elle et traine un ours en peluche particulièrement miteux.

- Bonjour! fait-elle de sa petite voix menue. C'toi l'amoureux de Doe ? Comment tu t'appelles ?
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Magni Oxärsson
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Jolhane a les émotions à fleur de peau. A cause de moi… et ça me rend…
J’sais pas trop. Après tout on se connait pas. On peut pas dire qu’une nuit suffise à apprivoiser quelqu’un. Et pourtant il semble que si. Nymphette…tu m’as ensorcelé. D’une façon ou d’une autre.
Son histoire me touche. L’or de ses yeux me transperce. La façon qu’elle a de me faire sentir que j’existe encore, que l’homme en moi a pas encore été complètement absorbé, que je suis pas encore mort en-dedans, c’est un cadeau. Un peu cruel mais ça a pas d’importance.  

- Peut-être... Peut-être que si je lui prépare plus d'oeufs aux bacon, son humeur s'améliorera ... ?


Je laisse filtrer un petit rire de gorge. Merde, j’ai les tripes qui se nouent.
T’as pas idées combien cette proposition me parait séduisante, Nymphette.
Mais j’vais devoir tirer ma révérence avant de compliquer les choses.

- Qui sait, hein ? Va falloir rajouter du miel. Les ours adore le miel non ?

La proximité de ses lèvres est une torture que j’avais pas anticipé. J’les fixe comme un affamé. Mais j’m’accroche au souvenir de ce putain d’Ours et à son envie d’écharper Jolhane. Je bois le moindre de ses souffles. Je sais même pas comment je fais pour tenir sans la dévorer une dernière fois. Juste pour me rappeler le goût qu’elle a – comme si je m’en souvenais plus… –

- Hum.. Hum...


L’ado dégingandé nous interrompe sans doute juste à temps. Le regard qu’il me jette est clair comme de l’eau de roche. Il m’aime pas parce que je marche sur ses plates-bandes – et son potager…- . J’suis rien qu’un étranger qui vient bouleverser leur quotidien et leur équilibre appris à la rude.
Reçu cinq sur cinq, mon gars. T’en fais pas va, j’fais que passer. J’lui dédie quand même un haussement de sourcil. J’suis pas ton ennemi.  
Jolhane recule et je soupire.
Clap de fin du p’tit moment intime donc. Sans doute le dernier…putain que j’aime pas cette perspective !

- Ciulin arrive dans trente minutes max. Il apporte aussi un onguent cicatrisant.
- Cool mais c’est qui ce Ciulin ?

- Bien… Bien ! Parfait. Merci.
Jolhane semble nerveuse, gênée d’avoir été surprise dans un moment de…vulnérabilité on va dire. J’imagine que pour mener une troupe pareille, faut pas montrer de faiblesse…

J’sens des yeux sur moi et j’lève le menton vers les chuchotements que j’entends au-dessus de ma tête et distingue des têtes de toutes les tailles qui chuchotent entre elles. Les fillettes gloussent en me regardant et j’leur fait un clin d’œil.
- Salut les gosses !

"Chuis sûre qu'ils ont fait des trucs avec son gros radis !"

Les mômes… J’me marre un peu en voyant les joues de Nymphette se colorer et grimace en me tenant le flan. Putain de blessures. Je sens quand même qu’elles tirent moins.

- Íkorna, c’est toi hein ? J’ai reconnu ta discrétion !
Elle me plait cette petite nana !
- Avec une langue pareille, tu risques d’avoir des emmerdes plus tard ! Moi je l’adore mais ça risque de pas plaire à tout le monde !

- Combien de temps il reste ici ?

Ah. Donc j’existe plus apparemment aux yeux de l’ado. Ryan.

- Autant de temps qu'il le faudra. Et "Il" s'appelle Magni.

Je suis l’échange sans intervenir. J’pense que ça ferait qu’aggraver les choses de toutes façons. C’est pas quelques belles paroles qui vont changer l’état d’esprit du gamin à mon égard. Même s’il est encore jeune, il doit déjà se sentir comme un adulte. Ca va être dur pour Jolhane de conserver un peu d’autorité sur lui. Les garçons peuvent être un poil rude à l’adolescence….

- Dans ce cas, conseille à "Magni" de prendre une douche. Ça schlingue jusqu'en haut.

- Hum il a pas tord pour le coup.
J’sens l’ours, le sang et la terre. Pas de quoi en faire tout un flan non plus, mais une douche me ferait pas de mal avant d’enfiler des trucs propres.
Une mignonne petite tête toute blonde s’est faufilé en bas de l’escalier. La gosse doit pas avoir plus de cinq ans et est choupette comme tout. Elle me regarde de ses grands yeux curieux.

- Bonjour! C'toi l'amoureux de Doe ? Comment tu t'appelles ?


Je souris malgré moi.

- Salut toi ! J’suis Magni, un …  –  bonne question. J’suis quoi exactement pour elle ? Je tranche pour un terme un peu neutre en lui tendant ma grosse paluche – ami de Johlane. Et toi poupette ? C’est quoi ton nom ? Mes yeux tombent sur son ours en peluche qu’à pas fier allure. J’ai jamais compris comment on a pu décréter un jour que ces gros prédateurs d’ursidés pouvaient être des doudous pour les gosses. Il est chouette ton ours !
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- Dans ce cas, conseille à "Magni" de prendre une douche. Ça schlingue jusqu'en haut.
- Hum il a pas tord pour le coup.


L'expression de Doe est dure, quasi martiale. Elle n'apprécie guère le ton de Ryan. Elle comprend ses reflexes protecteurs, le brouillard leur a enseigné la défiance à tous, mais elle ne supporte pas qu'il se montre aussi hostile juste parce qu'un autre "mâle" plus âgé que lui foule le seuil de leur tanière. Il a agit de même avec Ciulin au début... jusqu'à ce que Ciulin lui mette une main aux fesses. Depuis lors, il évite de trop provoquer lea roumain-e.
Pendant que Jolhane et Ryan on une petite mise au point discrète, Marnie a tracé son chemin jusqu'à Magni, ouvrant la voie pour les autres.

- Salut toi ! J’suis Magni, un..... ami de Johlane. Et toi poupette ? C’est quoi ton nom ?
- Marnie, c'est press' comme ton tien!
- Il est chouette ton ours !
- Y s'appelle Doudou, il aime le café, Mr Selen et les promenades.
- Lâche-nous avec ton "Mr Selen"... Tu nous soules !
balance Squirrel en faisant la grimace. Alors Magni, comment qu'tu la connais no't Doe ?
- Ouais.. "Les amis" ça s'fait pas des bisous sur la bouche, déclare une petite noire aux cheveux tressés.
- Sur la bouche c'est quand on est amoureux ! renchérit sa comparse à la peau constellée de son. Même âge, même attitude, même ton. Neve et Norah sont des jumelles d'une vie antérieure qui se seraient loupées de chemin en pleine réincarnation.
- Pouaaah c'qu'on s'en fout d'vos histoire de gonzesses les Ninies, jappe Tyron court sur pattes et râblé, de grosses lunettes sur le pif. C'est dégueu les bisous sur la bouche. Tu peux attraper des bébés !
- Gnagnagna... - Gnagnagna... font les deux gamines en choeur.
- C'est vrai ? s'inquiète William, qui ressemble trait pour trait à la petite Marnie.

Une jeune garçon à l'attitude de petit monsieur se penche vers l'un des tatouage de l'islandais.

- Ce sont des armoiries ? On dirait des armoiries. En tous les cas j'ai reconnu l'ouroboros sur votre poitrine. Declan, douze années au compteur, a gagné son surnom de "Brainy" de part son ingéniosité, son savoir et sa capacité de mémoire.
- Laissez-lui un peu d'air, les mômes! braille Katie.
- Katie a raison, ponctue soudain Jolhane. Il doit prendre une douche. Je vais l'aider à monter les escalier.
- Et tu vas le suivre sous la douche ?
s'enquiert Squirrel
- Dites donc, les commères, il me semble que vous n'avez pas commencé l'ombre d'une corvée depuis ce matin. Quand je redescends, cette maison a intérêt à être rangée ou personne ne m'accompagnera le prochain jour de course.

La menace semble faire mouche. Toute la ruche s'active. Ryan jette un regard mauvais à Magni que Doe aide à se mettre debout. Katie lui donne un coup de coude dans les côtes pour qu'il arrête d'être désagréable.
Le duo monte péniblement l'escalier jusqu'à la salle de bain. Le bois grince sous chacun de leur pas et les marches sont trop étroites pour tenir parfaitement à deux. Néanmoins, ils atteignent la sacro-sainte baignoire -en émail vieillot avec des pieds ronds et des fleurs peintes - et Jolhane fait asseoir Magni sur le rebord.

- Je.. Je suis désolée. Ils ne sont pas habitués à voir du monde à part Ciulin, Selen ou Kaelig.

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- Y s'appelle Doudou, il aime le café, Mr Selen et les promenades.
- Enchanté m’sieur Doudou ! C’est dingue, moi aussi j’adore le café et les promenades dans la forêt dis donc !

Les enfants m’ont jamais posé de soucis. J’en ai toujours été entouré. Ils ont toujours fait partie de mon paysage. C’est Daphné qu’en voulait pas. « Je me farcie déjà ceux des autres. Aucune envie de continuer à la maison. ». Point de vue qui se défend. Et à vrai dire ça m’a presque soulagé. Pas de risque de maladies congénitales. Pas de risque de se faire embrigader par la famille Oxärsson pour devenir le nouvel héritier si j’avais eu un fils.

- Lâche-nous avec ton "Mr Selen"... Tu nous soules ! Alors Magni, comment qu'tu la connais no't Doe ?
Les gamins l’appellent tous Doe apparemment…j’aime pas tellement mais bon j’ai pas voix au chapitre. J’bas des cils en direction d’Íkorna – ouais j’ai décidé que ça lui allait mieux que le mot en anglais. Et alors ? Qu’est-ce vous allez faire ? – un large sourire aux lèvres.

- T’es bien curieuse toi ! Si tu veux tout savoir, elle m’a sauvé d’un gros méchant ours. C’est mon héroïne quoi !
- Ouais.. "Les amis" ça s'fait pas des bisous sur la bouche.
- Sur la bouche c'est quand on est amoureux !
- Personne n’a embrassé personne, les loustics ! Faut vous acheter des lunettes.

Vilain mensonge ! On s'en fout, sont pas sensé tout savoir.
C’est dingue comme les deux gamines qui viennent de parler se ressemblent, pas physiquement mais dans leurs attitudes. Des copies conformes, jusque dans leurs froncements de nez.

- Pouaaah c'qu'on s'en fout d'vos histoire de gonzesses les Ninies, C'est dégueu les bisous sur la bouche. Tu peux attraper des bébés !
- Gnagnagna... - Gnagnagna...
- C'est vrai ?
- Sacré débat pour un début de mâtinée qu'a commencé dans des courgettes, mais non rassure toi, les bébés ça s’attrape pas aux dernières nouvelles. Ca se fabrique.

Un bonhomme binoclard qui a déjà tout le sérieux d’un scientifique, se penche sur mon bras et l’examine avec attention.

- Ce sont des armoiries ? On dirait des armoiries. En tous les cas j'ai reconnu l'ouroboros sur votre poitrine.
- T’es un malin toi ! Ouais c’est le symbole de ma famille, les Oxärsson. C'est un mélange entre deux symboles islandais. Y'a Ægishjálmur pour l'invicibilité et la protection pendant les batailles et l’autre c’est Óttastafur le symbole affiché pour faire peur aux ennemis. Perso c’est pas un dessin qui me fout les pétoches mais bon, les anciens y croyaient dur comme fer. J’ai un bel ours dans le dos si tu veux voir.
- Laissez-lui un peu d'air, les mômes ! braille une autre ado qui semble du même âge que Ryan.
- T’inquiète c’est cool. Quand ils me feront chier j’les boufferai les uns après les autres mais là j’viens de me taper un bon p’tit déj !
- Katie a raison. Il doit prendre une douche. Je vais l'aider à monter les escaliers.
- Et tu vas le suivre sous la douche ?

Nouveau clin d’œil à la gamine.

- Fais pas ta jalouse, Íkorna !
- Dites donc, les commères, il me semble que vous n'avez pas commencé l'ombre d'une corvée depuis ce matin. Quand je redescends, cette maison a intérêt à être rangée ou personne ne m'accompagnera le prochain jour de course.

Jolhane sait comment mettre tout le monde au pas apparemment puisque les gamins se mettent à courir dans tous les sens. Moi les courses c’est pas ce qui m’enjaille mais j’imagine que pour eux ça doit être une sorte de paradis avec toute cette bouffe à proximité. Comment ils survivaient tous dans le brouillard ? Ca me rend super curieux mais je poserai pas de question. J’suppose que c’est un sujet douloureux et j’veux pas réveiller de mauvais souvenirs.
Nymphette m’aide à me relever et j’essaie de faire tenir le plaid autour de ma taille. Pari réussi. Ma jauge de dignité remonte un chouillat on dirait. Par contre l’obstacle des escaliers est un enfer et je sers les dents tout le long en m’appuyant presque pas sur elle. Du coup quand on arrive à la salle de bain, je m’effondre sur le rebord de la baignoire, pâlot et le souffle court.  

- Je.. Je suis désolée. Ils ne sont pas habitués à voir du monde à part Ciulin, Selen ou Kaelig.

J’ai un vertige soudain et je m’accroche à sa taille pour pas m’écrouler au sol et refaire descendre mon faible score de dignité. Je pose le haut de mon crâne contre son ventre et respire lentement jusqu’à ce que les points blancs devant mes yeux se fassent la malle. Est-ce que j’en profite un peu ? Ouais. Est-ce que ça me fait sentir coupable ? Absolument pas. Mes doigts se collent à ses hanches et j’inhale son odeur comme un foutu junkie.

- T’as pas à t’excuser. Ils sont cools ces mômes. T’as fait du bon taff. Quand on les voit comme ça…on dirait pas qu’ils viennent de sortir de l’enfer.
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Jolhane Doe
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L'ascension des escaliers n'est pas moins complexe que le périple du jardin. Magni pèse lourd et Jolhane fait son possible pour que chaque jambe qu'il lève ne tire pas trop sur ses sutures. Le problème n'est pourtant pas là.
Son odeur forte et corcée, l'ennivre. Les images vivides de leurs corps pressés l'un contre l'autre, en quête de réconfort nocturne, la déconcentre. C'est tellement peu approprié au moment qu'elle se fustige d'être si frivole. Gimbhir  est intriguée par ses salamalecs silencieuses et glapit d'amusement. Ce serait tellement plus simple de le lui dire, de lui signifier concrètement.

"Tu oubliés l'Ours."
"Je trouverai bien comment tromper l'animal..."

Ce rebord de baignoire est une délivrance pour ses muscles et sa conscience... Quelques secondes, seulement. Magni s'accroche à elle, l'enlace comme si c'était la dernière chose le raccrochant encore à la vie. L'emprunte de son souffle contre son ventre lui fait tourner la tête. Jolhane retient sa respiration, ses battements de cœur et la pulsion de lui rendre l'étreinte. Elle demeure là, suspendue dans le temps. Elle ferme les yeux, en proie à une bataille intérieure sanglante entre envie et raison.

Le faire!

Ne pas le faire.

Hésitante, les doigts presque tremblants, elle plonge ses mains dans sa chevelure, entoure ses larges épaules, ploie comme un roseau qui caresse la berge sous la houle du vent. Elle le tient tout contre elle, l'abreuvant de tendresse frissonnante et muette.

- T’as pas à t’excuser. Ils sont cools ces mômes. T’as fait du bon taff. Quand on les voit comme ça…on dirait pas qu’ils viennent de sortir de l’enfer.
- Ce sont des petits guerriers, tu sais. Ils gardent leurs terreurs pour eux. Elles ne remontent que la nuit où parfois.... Sans prévenir... Sans déclencheur apparent. Les plus jeunes sont les plus résilients mais ils ont également pris le pli d'une vie de violence. Je ne sais pas si nous pourrons un jour vivre normalement parmi les... Les autres.


Jolhane soupire, s'arrache à regret de ses bras rassurants.

- Glisse dans le fond de la baignoire. Je vais te faire couler un bain...
Elle évite soigneusement de le regarder dans les yeux et affiche une mine composée. Tu veux que je reste pour t'aider ? Les plaies doivent être mouillées le moins possible...
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Magni Oxärsson
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Pourquoi j'fais une telle fixette sur elle ? J'veux dire à priori elle a rien de mon type de femme… est-ce que c'est parce que l'Ours nous a empêché de conclure et que comme un gosse je veux c'que je peux pas avoir ?
Non...c'est inexplicable… j'le sens bien quand elle passe ses bras autour de moi. Y'a cette envie toujours pressante de la prendre là tout de suite sur le carrelage mais y'a pas que ça.
Un autre besoin...plus enfoui...qu'elle continue à me serrer contre elle, juste la sentir entre mes bras. C'est… inhabituel.
Et faut que j'arrête de repousser mes limites comme ça parce que là clairement ma volonté de m'éloigner fissa fond comme neige au soleil.

- Ce sont des petits guerriers, tu sais. Ils gardent leurs terreurs pour eux. Elles ne remontent que la nuit où parfois.... Sans prévenir... Sans déclencheur apparent. Les plus jeunes sont les plus résilients mais ils ont également pris le pli d'une vie de violence. Je ne sais pas si nous pourrons un jour vivre normalement parmi les... Les autres.

Je frotte ma tête contre son ventre comme un gros chat, enveloppé par sa chaleur, son odeur. J’en oublie complètement la douleur et la rude montée des marches. Mais l’instant est trop bref comme toujours, et elle s’éloigne déjà. Je me frotte les yeux, épuisé par tout ça.

- Bien sûr que si vous pourrez. Personne n’est taillé pour de la violence non-stop. Et les gosses s’adapteront vite. C’est un genre de super pouvoir chez eux. Et en cas de besoin vous pourrez toujours compter les uns sur les autres.  

- Glisse dans le fond de la baignoire. Je vais te faire couler un bain...

J’obéis comme je peux, grognant sous les pics de souffrance qui pointent quand je bouge mes jambes par-dessus le rebord. Je m’allonge avec précaution et retire le plaid que je laisse tomber au sol. Je gratte pensivement ma barbe qui aurait bien besoin d’un coup de ciseaux. Et puis pourquoi pas après tout ? C’est pas si souvent que j’ai l’occasion de trainer dans une salle de bain.

- T’aurais des ciseaux fins ? J’suppose que Ryan a pas encore de poil au menton si ?

L’eau commence à s’écouler et je soupire de bien-être. Elle est assez chaude pour permettre à mes muscles de se détendre presque aussitôt. LE PIED.

- Tu veux que je reste pour t'aider ? Les plaies doivent être mouillées le moins possible...

Aahahahahahahahaha !
Elle est bien bonne celle-là ! J’ai failli m’étrangler avec ma propre salive. Comme si c’était raisonnable de la laisser me toucher plus que ça ! Non, là c’est juste pas possible. J’peux pas m’infliger ça. J’vais me débrouiller seul, comme d’hab. C’est ce que je vais lui dire. Je lève les yeux vers elle et j'en ai presque mal tellement j'ai envie de...
Non ça sert à rien Magni... OUBLIE. C'est pourtant pas compliqué ! Tu te laves, tu te sapes et tu te casses. Vite et loin.

- C’est gentil, j’dis pas non.

Mais putain de merde, cerveau !!! Pour une fois que j’avais pris une décision sensée !
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Jolhane Doe
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La proposition n'est pas seulement stupide, elle est aussi dangereuse. Que fera-t-elle si l'Ours apparait dans sa salle de  bain en explosant la baignoire. Elle espère bien qu'il refusera.

- C’est gentil, j’dis pas non.

"Merde"
Gimbhir ricane dans un coin de caboche,
visiblement fort divertie par la situation.

"Je suis une idiote."
"Tu es une idiote."

- Ok.. souffle-t-elle en tentant de ne pas paraitre complétement paniquée.

Elle coupe l'eau de manière à ne pas laisser son abdomen et son buste trop s'immerger. Le bain commence déjà à noircir tant il s'avère crasseux. Elle concentre sur cette idée plutôt que sur la perspective de le toucher et le sentir sous ses paumes une fois de plus.
Déglutition difficile.
Fébrilité perceptible.
Elle se convainc qu'elle fait cela pour aider un blessé et attrape la bouteille de gel douche. Une fragrance de fleur d'oranger flotte dans l'air lorsqu'elle dévisse le bouchon. Le liquide mousse en quelque mouvements circulaires sur le haut de ses pectoraux. A genoux sur le carrelage, elle frotte délicatement, longeant les contours de ses blessures sans jamais les toucher. Elle se montre appliquée à la tâche et d'une délicatesse exquise, mais toujours de la manière la moins équivoque possible. Espère-t-elle. Elle n'ose pas le regarder de crainte de flancher. Elle perçoit ses œillades brulantes qui courent sur elle comme des caresses avides, qui s'infiltre sous ses vêtements à faire grêler sa peau.
Elle ne comprends pas qu'il la rende aussi confuse en étant simplement là.
Brut.
Nu.
Juste sous ses doigts.

- Redresse-toi, ordonne-t-elle à mi-voix, tâchant comme elle peut de museler son trouble.

Elle lui frotte le dos, désincruste les restes de terre et de sang, sans doute là depuis des lustres. L'eau est usée, brune de saletés, lorsqu'elle l'a enfin savonné de la tête aux pieds. Elle se poste  derrière lui et empoigne le pommeau de douche.

- Penche la tête en arrière... chuchote-t-elle, le timbre alourdi de tension. Ainsi postée, il repose presque contre sa poitrine.

Elle lui mouille le cuir chevelu et applique un shampoing aux accent fruités. Elle le masse longuement. Ses gestes s'appesantissent, anormalement lents, chargés d'une sensualité inconsciente. Elle fait mousser sa barbe dont le poil épais produit des bulles et des formes alambiquées. Elle se mordille la lèvre, amusée comme une fillette par l'effet produit.

- Je dois avoir des ciseaux dans la trousse à pharmacie ou ici, quelque part dans les placards. Je ne sait pas si ça te conviendra... Ne te moque pas du menton imberbe de Ryan. Il traque ses premiers poils depuis des mois. Elle s'autorise à glousser, juste un peu.

C'est déjà trop.

- Je vais te rincer...

Elle débouche le siphon et entame de retirer le savon sans trop tremper les plaies. Elle s'attarde. Elle s'attarde beaucoup trop malgré ses airs détachés.

- Voilà.... bredouille-t-elle penchée au plus près de lui -beaucoup trop sans doute- Je.. Je vais te chercher de quoi te sécher... Fait-elle sans bouger d'un pouce.
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Magni Oxärsson
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- Ok…

Eh merde !
J’avais encore un faible espoir qu’elle dise finalement non mais c’est apparemment pas mon jour de chance. Putain…c’est partie pour la torture du siècle.
Self-control !
Tu peux le faire.
On t’a appris à lutter contre tes pulsions. Bon ok pas les mêmes mais quand même.
Et puis on t’a aussi appris à les laisser exploser…
J’suis vraiment dans la merde.

J’devrais sans doute avoir honte de la couleur de l’eau mais bon, j’fais ce que je peux avec ce que j’ai. Et souvent j’ai pas grand-chose. Elle ouvre la bouteille de gel douche qui sent super bon et commence à l’appliquer sur mon torse. J’me crispe involontairement, les phalanges serrées sur les rebords de la baignoire. J’pourrais toujours dire que c’est à cause de mes blessures…
Je respire profondément, lentement pour maitriser mes pulsions qui demande qu’à la renverser avec moi dans cette foutue baignoire pour ENFIN assouvir un désir né y’a quelques longues semaines déjà. Et on emmerde l’ours. S’il aime pas baiser qu’il en prive pas les autres au moins…
Ses mains sont douces, caressantes, ses gestes délicats et appliqués.
Putain de bordel de merde.
On devrait me décerner une médaille pour ce que je suis en train de faire. Heureusement elle a la bonne idée de ne pas me regarder dans les yeux. Non seulement j’suis incapable de dissimuler ce que j’éprouve là tout de suite, mais je finirais certainement par craquer sous la pression de ses yeux dorés. Ce qui m’empêche pas de dévorer du regard chacun de ses gestes. J’imagine faire la même chose pour elle et ça non plus ça m’aide pas.

- Redresse-toi.

J’obéis sans rechigner et elle commence à me frotter le dos. Voilà. Là c’est bien, je la vois plus. Les choses sont moins difficiles. Tu t’en sors comme un chef mon gars ! J’aurais rarement été aussi propre et la sensation est super agréable faut bien l’avouer.

- Penche la tête en arrière...

J’m’exécute à nouveau et j’ai presque la tête callée entre ses seins. J’ai pas fini de souffrir faut croire. Et elle y met pas du sien non plus. Ses mouvements sont lents, langoureux presque. J’y perçois une sensualité qui me fait resserrer ma poigner sur la faïence. Un peu plus et j’vais finir par la briser. Ses doigts sur mon cuir chevelu sont magiques et j’crois bien avoir gémis une fois ou deux tellement c’est bon. Elle s’attaque ensuite à ma barbe épaisse et je grogne de contentement.
JE
VAIS
CREVER
DE
FRUSTRATION
Ca va être sympa à raconter aux potes du Valhalla.

- Je dois avoir des ciseaux dans la trousse à pharmacie ou ici, quelque part dans les placards. Je ne sais pas si ça te conviendra... Ne te moque pas du menton imberbe de Ryan. Il traque ses premiers poils depuis des mois.

Son rire raisonne dans la salle de bain et je lève mes yeux aussi haut que possible pour ne pas en rater une miette. Elle est magnifique quand elle rit.

- Ca m'ira très bien. Si ça peut le rassurer, j’ai été imberbe jusqu’à mes vingt ans…et puis un jour ça pousse et ça veut pas s’arrêter… Ma voix est tendue, rauque.
Ouais mon gars, terrain neutre. Parler des poils d’un ado aussi ronchon que mon ours c’est une tactique parfaite.
- Je vais te rincer...
- Ok.

Je me redresse et elle fait s’écouler l’eau sur mon corps aussi propre qu’un sou neuf. Même une fois débarrassé du savon et des bulles, elle continue, s’éternise, prolonge le moment.

Nymphette fais pas ça…

- Voilà...
Elle est trop près. On est presque yeux dans les yeux.
- Merci.
J’ai qu’à tendre la main pour la toucher. Mais je PEUX PAS le faire.
- Je.. Je vais te chercher de quoi te sécher...
Je m’approche inconsciemment. Ma volonté s’effrite. Merde… juste un baiser…qu’est-ce que je risque avec un baiser ?
Tu risques de la tuer en te transformant espèce de connard égoïste !
Ma raison hurle pas aussi fort que mon désir. Ma main s’envole vers son visage que je cale contre sa joue. Je plonge mes doigts dans sa chevelure lumineuse.
Finalement j’en peux plus.
Je me penche vers elle et écrase ma bouche contre la sienne dans un baiser brusque et plein d’envie.
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Jolhane Doe
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Gimbhir renifle. Un bruit qui ressemble fort à "Je te l'avais dit".
Jolhane ne lui prête pas la moindre attention.
Elle embrasse Magni à pleine bouche avec la même fulgurante envie. Des semaines qu'elle pense à lui, qu'elle se blottit contre sa chemise en s'enivrant de son odeur, que ses nuit ne sont plus hantées par les papillons, car il emplit tout l'espace de ses pensées. Une poignée de secondes, elle songe à se laisser tomber dans ce ravin, là où ses désirs bouillonnent dans l'obscurité.

Là où se trouve tapi l'ours.

Elle recule suffocante, à grand peine, y revient, comme aimantée, dépourvue de la moindre volonté. Quitter ses lèvres est une souffrance, y demeurer est de la folie. Elle mobilise toute la volonté dont elle est capable pour parvenir à articuler un faible :

- Magni... Magni...  Non....

Front à front, une nouvelle fois avec lui, elle effleure les lèvres du blessé du bout des doigts. Des regrets coincés sous les ongles.

-On ne doit pas... Pense à ton...Ton Ours... Silence terrible, empli du bourdonnement de leurs coeurs irrigués trop vite. Sa lèvre tremble. Elle a presque envie de pleurer....Il me déteste...Il te le fera payer....Je ne veux pas....

Jolhane déglutit et trouve enfin la ressource de lui échapper. Elle a mal comme si on lui arrachait un organe sans anesthésie. Elle ne doit pas s'attarder, sinon elle recommencera à jouer avec le feu. Elle se lève donc et lui tourne le dos. Elle s'occupe les mains en fouillant les tiroirs de  l'évier et dépose la paire de ciseaux sur le rebord du lavabo, ainsi qu'une serviette propre.

- Je.. je te laisse finir tout seul... déclare-t-elle d'une voix atone.

Elle sort, referme la porte derrière elle et s'adosse sur le panneau de bois vernis. Sa paume sur la poitrine, le palpitant toujours furieux, elle ferme les yeux. Puis, accablée, recouvre son visage avec ses paumes.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

Elle sursaute. Ryan se tient devant elle, sourcils froncés.

- R... Rien! Pourquoi veux-tu qu'il m'ait fait quelque chose ?
- Je sens pas ce type. Il est trop familier pour être honnête.
- Tu ne le connais pas.
- Toi non plus.


Doe ne trouve rien à répliquer. Choquée, elle se rend compte que son argument tape juste. Elle ne sait rien de Magni, rien d'autres que les quelques mots échangés cette fameuse nuit. Ils sont pratiquement étrangers l'un pour l'autre. Pourquoi est-elle aussi chamboulée par sa présence, en ce cas ?

"C'est irrationnel..."s'inquiète Jolhane.
"Nos premières chaleurs!" glapit joyeusement Gimbhir.

- Quoi qu'il en soit, Ciulin vient d'arriver. Tu veux bien descendre ? Moi je vais m'occuper de "Courgettes-man".
- Ok....


Elle dévale les escaliers alors que l'adolescent pousse la porte de la salle de bain et se campe dans le cadre.

- Tu viens de changer d'infirmier. Pas trop déçu, "Magni" ?
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Magni Oxärsson
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Johlane est si foutrement douce sous mes lèvres, si parfaitement voluptueuse. Ca me fait vriller complètement. J'lui dévore la bouche comme si j'avais pas mangé depuis des semaines. Des semaines à penser à elle, des nuits à la revoir à chaque fois que je ferme les yeux. Je l'attire plus près de moi encore, respire le même souffle qu'elle sans jamais nous laisser l'opportunité de reprendre notre respiration. J'arrive pas à arrêter. J'en suis incapable. Je faufile une main sous son pull et la cale dans la cambrure de son dos, caressant la peau avec mon pouce.
Même savoir qu'on est entouré de gosses ne change rien. J'la veux et c'est aussi fort que cette fois-là près du lac.

Et l'Ours ducon ?

La question est vite oubliée quand elle s'écarte. Carrément zappé quand elle revient. Nos lèvres jouent au chat et à la souris et ça me rend fou.

- Magni…
- Humm...
Inconsciemment je sais déjà ce qu'elle va dire. Ma tête le sait, mais mon corps refuse de la faire parler. Je l'embrasse avec plus de férocité encore, comme pour la punir de vouloir briser cet instant.
- Magni... Non....

J'me fige. Ce "Non" sonne comme un glas. Lentement je retire mes mains de son corps. Elle a dit "non". Peu importe le reste.
Elle vient pourtant poser son front contre le mien, caresse mes lèvres du bout des doigts alors qu'on essaie tous les deux d'aspirer un peu d'air. Je tente de me maîtriser, les muscles tendus tellement je les contracte.

- On ne doit pas…

Je sais. Mais j'en ai tellement envie...

- Pense à ton...Ton Ours…

Je sais, putain !  Je sais !
Même si j'le sens pas encore, je sais qu'il est là. Il est toujours là. A la lisière de ma conscience à attendre un instant de faiblesse pour se manifester et tout détruire. Ma mâchoire serrée laisse passer aucun son. J'ai peur de ce que je pourrais dire.

Heureusement qu'elle est plus raisonnable que toi ! C'est ce que j'ai dit...t'es qu'un connard d'égoïste…

Ta gueule conscience ! J'ai pas besoin de ça.

- Il me déteste...Il te le fera payer...Je ne veux pas....


C'est moi qu'il déteste. Mais si ça peut le rassurer moi aussi j'me déteste. Ça nous fait un point commun ! Voir l'humidité dans ses beaux yeux dorés me donne envie de casser quelque chose. Préférablement ma caboche contre un gros rocher. Ou de la serrer contre moi jusqu'à faire disparaître toute trace de chagrin. Sauf que c'est moi qu'en suis la cause. Alors j'arrangerai rien.

Elle s'écarte et je reste là. Immobile comme un abruti. Elle sort deux trois trucs de ses étagères, prononce des mots que j'entends pas et s'en va, laissant derrière elle un froid glacial.
Les parois sont fines pour mon ouïe affûtée. J'comprends que je l'ai blessé parce que c'est un fait. J'ai pensé qu'à moi.
J'ai le corps et l'esprit anesthésier et je sors de la baignoire sans faire gaffe. Des pics de douleurs me traversent le corps mais je grimace à peine. Tant mieux si j'ai mal. J'l'ai mérité. J’attrape la serviette, m’essuie et la noue autour de ma taille.

Cette fois c'est bel et bien fini. Elle restera définitivement de l'ordre du rêve. Tu te sèches, tu t'habilles et tu te casses pour jamais revenir. Tu l'as touchera plus Magni. Faut qu't'oublie.

Comme j'ai réussi à oublier ma rage d'avoir été trahi ? C'te foutue blague...Rage qu'est là, bien présente. Contre moi. Contre cette putain de situation. J’ai envie de hurler, de frapper, comme l’animal sauvage que j’suis.
Sans m'en rendre compte j'ai empoigné la paire de ciseau et serrée tellement fort que je saigne et j'en fous partout. Je passe la plaie sous l’eau et nettoie comme je peux avant de la presser contre une bande de gaze trouvée dans la trousse à pharmacie laissée sur le carrelage.
Je lève les yeux vers le miroir et vois deux iris opaques plantés dans un visage hagard.

Bordel de merde ! Manquait plus que ça. J'suis en train de glisser vers une transe sans même faire gaffe. La porte s’ouvre à ce moment là et j’tourne la tête comme un con, espérant sans y croire qu’elle soit revenue pour que…j’puisse au moins m’excuser. Mais évidemment c’est pas elle. Ryan me toise avec mépris et je détourne la tête. J’sais pas s’il a vu mes yeux mais je les ferme avec force et essaie de ma calmer.

- Tu viens de changer d'infirmier. Pas trop déçu, "Magni" ?

- J’suis ravi. Mais j’ai plus besoin de tes services. J’vais me débrouiller seul, comme d’hab. T’es pas obligé de cracher mon prénom hein ! T’as rien à craindre de moi, j’vais pas piquer ta place ou j’sais pas quoi. J’m'habille et j’me barre. T’entendras plus parler de moi. Alors descends d’un étage quand tu m’causes. Tu peux même prendre l’ascenseur pour aller plus vite…

Mon ton a plus rien de jovial ou de détendu. Mon self-control balance sur un fil super fin et j’ai pas la patience de parler avec diplomatie à un gosse qui me déteste de toute façon. J’empoigne à nouveau les ciseaux et commence à tailler ma barbe.
Plus vite j’aurais fini. Plus vite je serai parti. Plus vite Johlane reprendra une vie normale.
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- J’suis ravi. Mais j’ai plus besoin de tes services. J’vais me débrouiller seul, comme d’hab.
- Joue pas au con "Magni". Faudra les descendre ces escaliers...
- T’es pas obligé de cracher mon prénom hein ! T’as rien à craindre de moi, j’vais pas piquer ta place ou j’sais pas quoi. J’m'habille et j’me barre. T’entendras plus parler de moi. Alors descends d’un étage quand tu m’causes. Tu peux même prendre l’ascenseur pour aller plus vite…


Ryan plisse les yeux et secoue la tête.

- C'est ça... Prends moi pour un débilos. Tu pense que j'ai pas vu comment tu la regardes...? Ni comme elle te regarde, d'ailleurs. Parce que c'est ça le pire. Tu lui fais un truc. Un truc que je suis pas certain d'apprécier. T'as beau te la jouer cowboy solitaire, je suis persuadé qu'on te verra encore rôder autour d'elle. Et autour d'elle, ça veut dire autour de nous.

Silence, à peine habité par les coups de ciseaux.

- Je vais être clair : Doe c'est ma seule famille. Tu lui fais du mal, je te bute. Tu la fais pleurer, je te bute. Tu l'éloignes de nous, je te bute.

Il s'est approché lentement et son regard n'est clairement pas celui d'un enfant. Il lui reprend les ciseaux des mains d'un coup sec.

- File-moi ça, t'es en train de te massacrer. L'adolescent s'emploie alors à lui tailler la barbe avec un certain doigté. Il a les gestes d'un barbier. Mon père était coiffeur pour homme, explique-t-il, j'ai appris avec lui. Il en profite pour rafraichir sa coupe au passage. Les mèches brunes tombent dans l'évier en pluie rythmée. Ca m'a pas empêché de lui coller une balle entre les deux yeux quand il a essayé de me pondre dans les intestins.

Ryan lui tient la mâchoire de part et d'autre en y plantant ses doigts. Leurs regards s'affrontent dans le reflet du miroir.

- C'est égalisé. Il repose la paire de ciseaux sur l'émail. On y va.

***

Lorsque Jolhane descend, Ciulin est attablé-e avec une tasse de café et Marnie sur les genoux. La gamine plonge la truffe de Doudou dans le récipient avec une expression de grande concentration. Katie roucoule littéralement auprès du chasseureuse. Visiblement sa "non-binarité" n'est pas un obstacle à ses fantasmes d'adolescente. Elle aime son nez aussi précipité que le sien. ("Mais chez ellui c'est trop craquant !")
Ciulin se tourne vers elle avec son éternel sourire canaille. Elle s'y est habituée après un temps d'adaptation. Etre tactile et aguicheureuse fait parti de son mode de communication. Sa franchise sans filtre est également compris dans le lot. Ce sont des choses qui lui plaisent.

Comme pour Magni.

- Heeey beauté sauvage! Comment ça va ?  Il la fixe avec son regard étrangement intuitif. T'as pas l'air dans ton assiette.
- Je vais très bien
, élude-t-elle. Merci d'être venu si vite.
- C'est cool, bébé !
Il caresse distraitement les cheveux de Marnie. Pis c'est qu'ça m'a intrigué c't'histoire de mec à poil dans tes salades.
- Courgettes.
- Du moment qu'il les avait pas dans l'trou d'balle!


Katie explose de rire et Jolhane foudroie Ciulin du regard. Lea roumain-e louche sur Marnie qui , heureusement pour eux, n'a pas écouté leurs bêtise. Le trempage de museau de Monsieur Doudou est une affaire sérieuse.

- Oups ! Bon à quoi y r'semble ce gus. Chuis quand même étonné-e qu'tu l'ais laissé entrer dans ta tanière. J't'imaginais plus lui coller du plomb au cul.
- C'est... Je le connais,
déclare prudemment Jolhane. Elle n'aime pas le sourire en coin et le regard malin que lui lance le Chardon.
- Tu m'en diras tant...

Les escaliers grincent sur ses entrefaites. La silhouette de Magni soutenue par Ryan fait son apparition. Ciulin produit un petit sifflement appréciateur, haussement d'un sourcil en ponctuation. Iel se pourlèche les babines comme un chat.

- Hello sexy, chuis ton pourvoyeur de slip pour aujourd'hui. Mais il est évident que si on lui laissait voix au chapitre, il resterait tout nu.
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- C'est ça... Prends moi pour un débilos. Tu pense que j'ai pas vu comment tu la regardes...? Ni comme elle te regarde, d'ailleurs. Parce que c'est ça le pire. Tu lui fais un truc. Un truc que je suis pas certain d'apprécier.
- Ah super ! C’est là que j’vais avoir droit aux menaces en tout genre ? Avec tout le respect que j’te dois, mon gars, ça te regarde pas c’qu’y a entre elle et moi.
- T'as beau te la jouer cowboy solitaire, je suis persuadé qu'on te verra encore rôder autour d'elle. Et autour d'elle, ça veut dire autour de nous.

J’me tourne vers lui, un poil chauffé par son ton et plante mes yeux dans les siens. J’le toise de toute ma haute taille. Ras le cul de tout ça !

- Putain mais t’es bouché ou quoi ? Je roderai nulle part, t’entends ?


J’me retourne vers le miroir et taille rageusement dans mes poils noirs et drus.

- Je vais être clair : Doe c'est ma seule famille. Tu lui fais du mal, je te bute. Tu la fais pleurer, je te bute. Tu l'éloignes de nous, je te bute. File-moi ça, t'es en train de te massacrer.

Il m’arrache presque les ciseaux des mains et me regarde avec des vrais yeux de tueur. J’arque un sourcil, pas franchement impressionné. J’lui attrape la main et la serre dans ma grosse poigne. Un rictus mauvais aux lèvres j’approche la paire de ciseaux de mon cou, les yeux un peu fou, douloureux.

- Bah vas-y qu’est-ce que t’attends ? J’ai sans doute déjà cocher deux cases de ta jolie p’tite liste ! Vas-y putain !

Ça serait presque plus simple s’il le faisait. Mais on sait tous les deux que j’le laisserais pas faire. Il me toise avec une expression que j’ai pas envie de déchiffrer et finalement j’le relâche avec un soupir.

- C’est chouette de se la jouer chevalier servant. J’respecte ton envie de la protéger mais va falloir en assumer les conséquences. J’vais te le dire une dernière fois. Tu. Me. Reverras. Pas. Non pas parce que j’en ai pas envie, ça serait mentir. Mais parce que je PEUX pas ! C’est assez clair là ! C’est rentré dans ta cervelle ?

Nouveau silence, plus…calme on va dire. J’sais pas s’il me croit enfin ou pas. Et j’men fous, j’me sens abattu. L’avoir dit à voix haute a rendu la chose plus concrète. J’me frotte les yeux en jurant en islandais. Signe que je fatigue. J’me fige quand je sens les ciseaux contre ma gorge mais Ryan fait que me tailler la barbe. Il fait du bon taff.

- Mon père était coiffeur pour homme, j'ai appris avec lui.

Je ricane un peu.

- C’est pour ça que t’attends avec impatience que tes poils poussent mon gars ?
Regard noir.
- Ca va…j’plaisante. Je sais qu’c’est un sujet sensible. J’ai été ado j’te signale. Mais tu pars au quart de tour, alors j'peux pas m'empêcher de te titiller un peu. Ça viendra, va …

Les coups de ciseaux alliés au silence apaisent un peu ma colère. J’retrouve le contrôle de mes émotions. Il me raccourci la tignasse et j’commence à ressembler à quelque chose dans le miroir. Tout beau pour me présenter à mes ancêtres ! Chouette !

- Ca m'a pas empêché de lui coller une balle entre les deux yeux quand il a essayé de me pondre dans les intestins.

- Ah. Façon Alien ? que je fais sobrement. La famille hein… Je sais que vous avez vécu des trucs pas cools dans le brouillard. Tuer son vieux en fait partie j’imagine… J’vais te dire un truc, t’en fais c’que tu veux : j’vous trouve tous super courageux. Tous autant que vous êtes. J’imagine même pas c’que vous avez vu là-bas et pourtant des trucs merdiques j’en ai vu… J’me fais pas de bille pour les p’tits, ils vont vite s’acclimater. C’est pour toi et les plus âgés que ça va être rude. S’adapter à ce monde-là. Et t’aidera plus Jolhane en faisant des efforts pour trouver ta voie dans cette nouvelle vie qu’en menaçant ceux qui l’approche de trop près. Elle est assez grande pour se défendre seule à mon avis.

Echange de regards dans le miroir. La coupe est finie.

- C'est égalisé. On y va.

Je caresse ma barbe raccourcie et toute douce. Faut que j’profite ça va pas durer.

- Ouais, j’te suis.
La descente est évidemment une torture. Et j’suis toujours à poil sous ma serviette.
Gros soupir.
Cette fois, j’prends un malin plaisir à m’appuyer sur l’adolescent et lui lançant de fausse œillades désolées. Ouais j’suis bien d’accord c’est sans doute lui le plus mature de nous deux. Il sue à grosses gouttes le gamin ! Il voulait être mon infirmer, bah le v’la servi.
On est accueillis par un sifflement inconnu et je redresse la tête. Mes yeux partent d’eux-mêmes vers Jolhane mais j’les détourne avant qu’ils puissent en faire qu’à leur tête. J’contrôle déjà pas toujours ma tête, ça serait quand même super cool que mon corps m’obéisse un peu.

- Hello sexy, chuis ton pourvoyeur de slip pour aujourd'hui.

Mine perplexe, j’observe le nouvel arrivant. Jeans et cuir sur les épaules. Il a la dégaine détendue et l’œil appréciateur. Il me plait. Il dégage un truc authentique et franc. J’lui lance un sourire un peu faux mais bon j’fais avec les moyens du bord hein. Simuler que tout va bien, c'est mon fond de commerce.

- Salut ! Tu dois être Ciulin ! Merci pour le coup de slip. La prochaine fois, j’irai éclater le potager d’une baraque avec des vêtements à ma taille.

J’me redresse en bas des escaliers avec précaution et constate que je peux au moins marcher sans aide. J’claque une belle tape dans le dos d’un Ryan tout rouge qui vole un peu vers l’avant.
- Merci mon pote ! C’était sympa de ta part.

Main sur la serviette retenue à ma taille, j’avance de quelques pas et tend une main franche à ce Ciulin.
- Magni Oxärsson.
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Jolhane Doe
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- Salut ! Tu dois être Ciulin !
- C'est ça !
- Merci pour le coup de slip. La prochaine fois, j’irai éclater le potager d’une baraque avec des vêtements à ma taille.
- J't'en prie! Entre adeptes d'nudisme on doit serrer les coudes.
- C'quoi l'nudisme ?
demande Marnie en levant le nez vers eux.
- C'est quand on aime se balader tout nu, répond Katie du tac au tac.
- Mais ça doit cailler les miquettes le l'nudisme !
- Faut demander ça à votre nouveau pote ! T'as eu froid c'te nuit beau gosse ?
- C'est une bouillotte.


Jolhane pose une main sur sa bouche, surprise par les mots qui viennent d'en sortir. Tout le monde c'est tourné vers elle, avec un étonnement appuyé. Ciulin a un rictus de petit con goguenard. Sa peau pâle prend une délicate teinte rose. Elle attrape Marnie dans les bras pour libérer lea chasseureuse et se donner contenance.

- Bon à savoir...

Magni claque une pogne de tous les diables dans le dos de Ryan qui manque de s'envoler. Il est rougeaud, le gamin et essoufflé.

- Merci mon pote ! C’était sympa de ta part.
-.. 'Rien...
marmonne l'adolescent en se massant l'épaule.
- Magni Oxärsson.

Ciulin se lève, dépliant son corps de tige immense. Iel lui rend sa poignée de mains franche.

- Ciulin Mari. Iel lui retient la paluche en plissant les yeux sur son tatouage. Ses yeux clairs reviennent à lui. Un guerrier viking ? Pas courant dans le coin.* fait-iel dans un islandais fluide. Fais pas cette tête, mon mec est également natif d'Islande.*
- Tu parles combien de langue Ciu' ? questionne Katie, énamourée.
- Anglais, Roumain, islandais, vieux norois, je suis en train de me fader du gaëlique irlandais en ce moment, c'est hyper chiant, répond tranquillement l'intéressé-e.

Ciulin rend à Magni l'usage de ses doigts avant de faire le tour du bestiau. Il ne se gène pas pour palper le bonhomme en auscultant chaque tatouage. Celui dans le dos lui fait froncer les sourcils.

- Est-ce que tu es un berseker ?* A cet instant précis, Ciulin irradie d'une aura singulière, imperceptible, sauf pour le guerrier d'Odin. Car c'est sa divinité tutélaire qu'il devine, au travers de cette rencontre et de ces mots. Intéressant. Si tu restes dans les parages, j'te présenterais bien quelqu'un... Bon sinon ! Il claque dans ses mains et la sensation s'évapore comme une brise douce. Iel se penche vers un sac à dos au pied de la chaise : J'savais pas trop c'qui pourrait t'convenir et j'ai pioché au hasard dans la garde-robe de Balty... On a.... slip, chaussettes, une paire de pompes, un futal de costume, une ceinture.... j'ai pris deux chemises, je savais pas ce qu'y t'irait.... Ah et j'ai même une veste ! Déso, mon gars s'habille toujours avec de l'italien super cheros.

Les fringues:
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- T'as eu froid c'te nuit beau gosse ?
- C'est une bouillotte.

J’y peux rien, j’tourne la tête vers elle, un peu ébahi par sa remarque. Bon bah ça s’est fait. Pour ceux qu’avaient encore des doutes dans la pièce, j’crois que c’est clair pour tout le monde. On a été assez proche pour qu’elle sente la chaleur de ma peau…
J’me gratte la gorge et réponds mine de rien.

- Euh ouais, non j’ai jamais froid.
- Bon à savoir... Ciulin Mari.

Ciulin me sert la main tout en lorgnant sur mon tatouage, conservant sa main dans la mienne.
- Un guerrier viking ? Pas courant dans le coin.*.

Son islandais est presque parfait et j’le regarde en haussant un sourcil. C’est pas une langue super connue normalement…voir pas du tout.

- Fais pas cette tête, mon mec est également natif d'Islande.*
- Bah merde ! Le monde est p’tit. J’pensais pas trouver un compatriote au fin fond de l’Irlande.*
- Tu parles combien de langue Ciu' ?
- Anglais, Roumain, islandais, vieux norois, je suis en train de me fader du gaëlique irlandais en ce moment, c'est hyper chiant.

Ciulin me tourne autour, palpe les muscles, observe mes tatouages. J’pourrais stopper son petit manège mais en fait ça m’amuse. Bras croisés sur mon torse, je suis ses mouvements du regard avec un petit sourire en coin sur ma trogne.
- Tu veux inspecter c’qu’y a sous la serviette aussi ou ça va aller ? J’sais pas c’que tu cherches mais j’espère que tu vas trouver.

- Est-ce que tu es un berseker ?*
Les bras m’en tombent presque et un réflexe presque ancestral me pousse à m’agenouiller devant cette grande perche. C’est complètement dingue et impossible mais…je sens la même présence qu’au moment où j’ai bu le sang de l’Ours et pendant le rituel du vieux sorcier. Sans m’en rendre compte mes yeux deviennent de nouveau opaque et mon aura répond à la sienne.  Je baisse la tête par respect :

- Ton guerrier te salue Odin, Père de toute chose.*


J’ai un sursaut, comme si je sortais d’une transe, ce qui est effectivement le cas, mais une transe de prêtre et non pas de guerrier. Ah ouais, j’suis sensée être le prêtre d’Odin aussi…mais bastonner en son nom c’est bien plus rigolo…
Je sers les poings, les genoux prêts à ployer mais j’me retiens. Manquerait plus que ça ouais ! J’ai encore un poil de fierté.

- Putain il vient de se passer quoi là ?*
- Intéressant. Si tu restes dans les parages, j'te présenterais bien quelqu'un...
- Euh…ouais, j’pense pas m’attarder non. Mais tu viens de titiller ma curiosité, Grande Perche !
- Bon sinon ! J'savais pas trop c'qui pourrait t'convenir et j'ai pioché au hasard dans la garde-robe de Balty... On a.... slip, chaussettes, une paire de pompes, un futal de costume, une ceinture.... j'ai pris deux chemises, je savais pas ce qu'y t'irait.... Ah et j'ai même une veste ! Déso, mon gars s'habille toujours avec de l'italien super cheros.
- Putain de merde ! Euh désolé les gosses. C’est des vilains mots faut pas les répéter… Jamais eu des vêtements aussi chics de toute ma vie !

Ils sentent bon le linge propre. Je les prends en main du bout des doigts comme si j’allais les cradoser…alors que je suis aussi propre qu’eux. Evidemment je prends la chemise avec les motifs bleus…

- Euh j’pensais pas aller voir la Reine aujourd’hui mais j’imagine que ça fera l’affaire pour me trainer jusqu’à ma bagnole ! Et faut que je retrouve ma hache aussi… Putain d’Ours…re-désolé les enfants ! Jvais essayer d’enfiler ça sans rien casser.

J’passe dans la pièce à côté et ferme la porte derrière moi. Il s’avère que c’est une chambre de garçons. J’me débarrasse de la serviette et enfile le tout. Le pantalon est pas DU TOUT confortable mais à le mérite de descendre jusqu’à mes pieds. La chemise est toute douce mais légèrement serrée aux épaules et j’ouvre quelques boutons au col pour pas me sentir trop étouffer. J’enfile la veste mais j’la ferme pas. J’me fais déjà assez l’impression d’être un clown comme ça… Y’a un petit miroir sur pied et quand j’y jette un coup d’œil j’ai du mal à me reconnaitre. J’me fixe un instant et me fais une petite moue dans le miroir.

- T’es presque beau gosse dis donc !

Je ressors rapidement et me traine jusqu’à la pièce principale. Va falloir que j’me dépêche de retrouver mes affaires, j’commence à fatiguer. J’piquerai un somme dans Christine…

- J’me suis pas sapé comme ça depuis mon mariage ! La vache j’sais pas comment fais ton mec mais c’est moyen confort quand même… pas sûr de pas salir tout ça pendant ma balade en forêt pour récupérer c’qui peut l’être…
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Jolhane Doe
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Jolhane est mortifiée aussi laisse-t-elle la conversation se dérouler sans elle. Ciulin est moqueur au possible et Katie coule sur elle des regards insistants. Heureusement que Squirrel est occupée, sinon elle aurait eu droit à la complainte du radis. La jeune femme en a soupé des légumes. Elle éprouve le besoin de s'échapper en forêt, lovée dans la conscience exaltée de Gimbhir.

- Putain de merde ! Euh désolé les gosses. C’est des vilains mots faut pas les répéter… Jamais eu des vêtements aussi chics de toute ma vie !
- Si t'es tellement en rade de fringues, j'connais quelques personnes qui pourrait te dépanner.
- Euh j’pensais pas aller voir la Reine aujourd’hui mais j’imagine que ça fera l’affaire pour me trainer jusqu’à ma bagnole ! Et faut que je retrouve ma hache aussi… Putain d’Ours…re-désolé les enfants ! Jvais essayer d’enfiler ça sans rien casser.
- Pourquoi un Ours ? Y sont zentil les zours. Doudou il est zentil lui !
- Celui là est... féroce, grognon, et particulièrement intrusif. Magni est un peu.. un peu comme moi et Gimbhir. Tu vois ?



Cette fois, Ciulin tique et perd un peu de son sourire. Jolhane ne lui a encore rien confié à ce sujet. Son regard intime un "Va falloir qu'on cause...." silencieux. Iel se reprend bien vite, néanmoins. Magni disparait pour se changer. et Doe demande gentiment à Katie de les laisser seuls. La jeune fille attrape Marnie et rejoint les autres gamins dans le jardin, non sans rouspeter.

- C'est quoi c't'histoire ? Tu sais c'est quoi un berserker Jo' ?
- Un guerrier qui piège l'âme d'un ours en colère en lui.
- Me dis pas qu't'es comme ce Einherjar !?
- J'ignore ce qu'est un.... Ce truc. Je partage juste mon corps avec l'âme d'une renarde.
- "Juste"... Putain de bordel de merde... Tu comptais nous l'dire quand ?
- Jamais.
- Rahat ! Jolhane !? Comment veux-tu qu'on t'aide si t'y mets pas du tien ?
- Je n'ai pas besoin qu'on m'aide. Je gère très bien toute seule.
- J'retiendrais pas ça contre toi, parce qu'tu sais comme moi que c'est de la foutue mauvaise foi. Mais franchement, tu déconnes sévère.


Elle se pince les lèvres, la colère montant dans ses muscles, faisant grésiller ses nerfs. Ses yeux brillent d'une fureur glacée.

- Reprenez-la votre putain de maison, votre fric, votre aide! J'ai rien à devoir à personne ! On se démerdait tous seuls bien avant que vous débarquiez en sauveurs de l'humanité !

Comme un trublion parfait, Magni empêche Ciulin de faire une réponse cinglante. Jolhane écarquille les yeux, absolument désemparée. Son coeur vient de faire un bond vertigineux dans sa poitrine. Magni est très beau. Elle n'en a jamais douté, simplement sans la crasse et les croutes, il l'est davantage : il lui coupe le souffle. Elle ferme la bouche, consciente de gober l'air.

"Comme une carpe sans eau."
"Tu t'amuses à mes dépends!"

- J’me suis pas sapé comme ça depuis mon mariage !
- T'es marié ? Ta femme doit tellement péter un boulon à force de renouveler tes sapes.
- La vache j’sais pas comment fais ton mec mais c’est moyen confort quand même… pas sûr de pas salir tout ça pendant ma balade en forêt pour récupérer c’qui peut l’être…
- C'tait où, vieux ? J'vais t'donner un coup d'main.
- Non, merci. Tu en as assez fait,
claque la voix de Jolhane dans l'air. Doe lea toise froidement. On va s'occuper de ça nous même.

Les deux jeunes gens s'affrontent du regard. Ciulin finit par soupirer et se gratte la nuque.

- ..... Bien. Comme tu voudras. Mais je repasserai un de ces quatre. On a pas terminé c'te discussion. Iel se tourne vers Magni. Quand tu seras prêt à rendre ces vêtements -peu importe leur état-, rends-toi à "l'Eden's Rest", dans le quartier d'Ainselborough. Demande Balthazar Hallsonar et dis que tu viens de ma part. Il est important pour toi de le rencontrer, Einherjar*.

Le chasseureuse se dirige vers la porte et une fois sur le seuil, se tourne avec une expression désolée.

- Jolhane, chuis pas ton ennemi.

La jeune femme a la drôle d'impression d'avoir des oursins dans la gorge. Son masque détaché se fendille un peu.

- Je sais... déclare-t-elle dans un filet de voix.
- Bon, ben, à la revoyure les gars ! Et soyez protégés ET DISCRETS quand vous niquez, y'a des enfants sous ce toit ! Iel s'en va en rigolant. La porte claque, le moteur d'une bécane vrombit et s'éloigne dans le lointain.

Les voilà à nouveau seuls.
Ou presque.
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