Got my head spinning, making no sense
Your lips, a sugar rush
Like candy on my tongue
Once I got a taste, I couldn't stop

Et puis ?
Et puis, rien qui n'ait besoin d'être compté.
Un secret précieux et bien gardé.

La vie s'écoule, toujours semblable et vaguement différente. Il y a ce fil invisible qui les relie, lorsqu'un tire sur la corde, l'autre réagit. Un regard à la dérobé, un écho de sourire, un frôlement discret, un baiser volé... Hunter a l'étrange impression que sa vie est devenue un poème dont les actions riment avec celles d'Ibakha comme des vers. Son existence n'a pas fondamentalement changé, elle est simplement devenue plus douce et cela s'en ressent sur son caractère et sa sociabilité. Toujours aussi silencieux, il n'en demeure pas moins accessible. Son aura se fait moins distante, presque chaleureuse. Même Colgan et lui paraissent moins irrités en présence l'un et de l'autre. Une atmosphère plus détendue règne sur la meute.
Les Abyssaux sont toujours mal perçus, les prostitués déconsidérées, les humains craintifs... Mais la Famille, elle, est de nouveau (presque) unie.

Malheureusement, cette apparente félicité n'a aucune influence sur les nuits d'Ibakha. Elle s'agite toujours et gémit même, parfois. Hunter ne dort jamais que d'un oeil et s'inquiète de la situation. Il ne peut cependant pas brusquer ses décisions. Il attend donc, patiemment, qu'elle se sente prête à réitérer son voyage spirituel.

En cette fin de nuit, le vieux loup sent confusément une présence se lover contre lui. Le parfum ne le trompe pas sur l'identité de la personne et il referme son bras sur Ibakha en grognant dans une semi-conscience. De charmants baisers-papillons butinent ses joues mais il a encore du mal à ouvrir les yeux.

- Chuuut, tout va bien, rendors-toi...
- Hum....
- Il est encore trop tôt.
-... Cauchemars ? questionne-t-il d'une voix pâteuse, connaissant déjà la réponse. Il furète du nez en recherche de son front et y dépose un bécot tendre. ... Foutez l'camp... baragouine-t-il. Laissez ma femme tranquille....

Se faisant, il l'enlace à deux bras, la serrant tout contre lui. "Que cet humble endroit soit au moins un refuge." pense-t-il, inconscient de la marque de possessivité proférée.

- Il est encore trop tôt.
-... Cauchemars ?
Elle sourit en entendant ses efforts pour parler et hoche la tête sans un mot. Instinctivement, elle se rapproche de lui, se calant à moitié sur son corps, la cuisse en travers de sa taille.
Hunter bouge un peu et dépose un doux baiser contre son front. Ibakha soupire de bien-être, ne regrettant pas un instant de s’être laisser guider jusque sa couche.
- Foutez l'camp... Laissez ma femme tranquille...

« Ma femme »

Ibakha se fige un instant en observant son visage encore à moitié endormi. Elle devrait logiquement être profondément indignée par cette marque de possessivité qui va à l’encontre de tous ses principes d’indépendance et à vrai dire, elle l’est un peu. Mais inexplicablement, c’est plutôt une douce chaleur qui envahit sa poitrine et fait fleurir un large sourire sur ses lèvres alors qu’il referme ses bras sur elle. Comme souvent depuis quelques jours, des mots se précipitent sur sa langue sans qu’elle ne les formule encore.

Trop tôt.
Trop peur.

Elle dépose un baiser appuyé sur sa bouche avant de murmurer.
- C’est ce que je suis ? Ta femme ?
Elle se recale contre lui et laisse sa présence, son odeur, le rythme des battements de son cœur éloigner les bribes de cauchemars qui se sont attardés dans sa mémoire.
- J’aimerai que ça soit aussi simple que ça mais il va falloir autre chose pour les faire partir… je crois…qu’il est temps.
Elle se redresse, surplombe son visage qui se retrouve encadré par ses cheveux clairs et pose une main contre sa joue.
- Il faut que j’y retourne, que je retente l’expérience du voyage dans mon esprit. Dans sa voix, sa détermination se dispute avec une peur bien ancrée qu’elle va devoir dépasser. Il le faut. Distraitement ses doigts courent sur son visage et en tracent les traits rudes. Aujourd’hui…si tu le veux bien… ta proposition de m’accompagner … est-ce qu'elle tient toujours ?

L'odeur d'Ibakha envahit ses narines, comme son corps de liane qui se love sur ses muscles. Hunter gronde de satisfaction en s'emparant de la louve pour mieux l'étreindre. Il perçoit la pulpe suave de ses lèvres sur sa bouche et cherche instinctivement à les manger. Il ne comprend le sens de ses propres paroles qu'après coup. Sursaut de conscience. "Je suis con, ma parole !" Il est déjà brutalement honnête le matin, sans café, alors, à l'aube...

- C’est ce que je suis ? Ta femme ?

Il ouvre les yeux en grand pour mieux la regarder. Une erreur fatale. Il demeure bouche bée devant le spectacle de sa sublime compagne, les premiers rayons roses du jour illuminant sa chevelure.

- Est-ce que.. ça t'ennuie ? risque-t-il, foutu pour foutu.

Ibakha se coule à nouveau contre son buste. Il perçoit un soupir d'aise alors qu'elle écrase sa joue au creux de ses pectoraux. Hunter lui caresse délicatement les cheveux, un tas de mots tendres lui inondant le crâne sans parvenir à sa langue. Il est parfaitement éveillé à présent.

- J’aimerai que ça soit aussi simple que ça mais il va falloir autre chose pour les faire partir…
- Tu veux dire que tu te sens prête à recommencer ?
- Je crois…qu’il est temps.

La jeune femme se redresse et la vision d'Hunter n'est plus que blondeur cendrée, peau de pêche et amandes bleues déterminées.

- Il faut que j’y retourne, que je retente l’expérience du voyage dans mon esprit. Il le faut.

Elle a peur, il le sent. Cependant, elle ne manque ni de courage, ni de volonté. Il lui sourit avec bienveillance.

- Aujourd’hui…
- Maintenant ?
- Si tu le veux bien…ta proposition de m’accompagner … est-ce qu'elle tient toujours ?
- Bien sûr mais avant.. Il la fait basculer brusquement sous lui... Je veux bien un de tes cafés !
"Et quelque tartines de toi."

Il l'embrasse à pleine bouche cette fois, sans se soucier de cette retenu trop humaine qui empêche ces derniers de faire ce dont ils ont envie.

- Aujourd’hui…
- Maintenant ?
- Exactement, lance-t-elle avec sérieux avant de glousser comme une gosse. Comme je suis magnanime, je vais laisser à tes neurones le temps de se réveiller. Sa mine se fait plus grave alors qu’elle joue distraitement avec ses cheveux. Si tu le veux bien…ta proposition de m’accompagner … est-ce qu'elle tient toujours ?
- Bien sûr mais avant…
Il la renverse soudain sur le dos et elle manifeste son mécontentement par un petit cri qui se transforme en rire léger.
- … Je veux bien un de tes cafés !
Après quelques secondes d’inconfort à le sentir peser sur elle de cette façon, un instinct primaire lui impose de le virer de là immédiatement. Mais Ibakha cherche son regard et inspire à fond.
Il n’est pas lui.
Il ne sera jamais comme lui.
Alors, allant totalement à l’encontre de cet instinct déglingué, elle noue bras et jambes autour du corps musclé de son Vieux Loup.
- Pour ça il va falloir que je quitte ce li…

Il ne lui laisse pas l’occasion de finir sa phrase et vient conquérir sa bouche dans un baiser qui est bien loin d’être aussi tendre ou sage que d’habitude.
Le Hunter du matin et sans caféine est bien plus franc dans son approche. Elle lâche une exclamation de surprise qui finit en gémissement de contentement qui la surprend elle-même. Une partie d’elle sait bien qu’elle ne devrait pas profiter de cet état, l’autre s’en fiche et l’embrasse avec autant de voracité et de faim bien trop longtemps contenue.

Instinctivement, l’une de ses mains s’arrime à sa nuque, ses doigts coulissant dans ses cheveux alors que l’autre arpente son dos dont elle sent la puissance de chaque muscle qui joue sous sa peau. Elle cherche encore plus de contact en se collant à lui et cette raideur matinale contre laquelle elle ondule avec langueur.
Elle s’écarte finalement, le souffle court, les iris fauves et lupines.
- Hunter… son prénom coule comme du miel dans sa bouche qu’elle pourlèche comme un animal affamé.
Elle ferme les yeux, prend une profonde inspiration se souvenant alors pourquoi elle dort encore dans sa couchette et lui dans la sienne. Elle caresse plus tendrement sa joue et lui sourit.
- Je vais faire ton café, ok ?

Dans ces moments là, dans ces instants où son cerveau est à l'arrêt, ses instincts primitifs reprennent le dessus. Hunter la veut. Il la veut tout de suite. L'entendre gémir, soupirer et flatter sa virilité en éveil n'aide pas à juguler la sauvagerie de la pulsion. Il lui pétri la chair des cuisses avec de moins en moins de délicatesse, lui dévore la bouche comme un crève-la-faim. Il a envie de mordre ce derme pâle, de mastiquer et bleuir cette viande si douce et parfumée...

"Arrête! Arrête ça tout de suite !"
- Hunter… Son prénom prononcé de cette manière liquéfie son palpitant qui se répand en flaque sur ses tripes.
Encore un baiser, juste un seul...
"Arrête ou tu vas le violer !"

Ils se recule tous les deux, le souffle court, les prunelles saturées de désir, avec dans son regard à lui, une note d'angoisse bien réelle.

- Je vais faire ton café, ok ?

Caresse sur sa joue qui le ramène à la réalité. Il ferme les yeux un court instant.

- O.. oui fais ça... grogne-t-il d'une voix rauque, un vague sourire sur la face, en se dégageant pour la laisser se lever.

Une fois seul sur sa couche, il fixe le plafond, encore secoué par la brusque poussée de libido qu'il a failli déchainer. Il se plaque les mains sur le visage en poussant un long et profond soupir.
"Bordel... C'est pas passé loin."
Il met un certain temps avant de descendre de la mezzanine, pour se calmer et s'habiller, afin d'être un peu moins dépravé en reparaissant devant elle. Ibakha n'a pas besoin qu'un Grand Méchant Loup s'empiffre d'elle, elle a déjà vécu ce traumatisme. Il lui faut de la douceur.

Il lui faut du temps.

C’est ce qu’elle se dit en comptant les doses de café moulu qu’elle insère dans la cafetière. La lueur d’angoisse et même de culpabilité, qu’elle a pu lire dans les yeux d’Hunter ne lui a pas franchement plu.
Ce qu’ils faisaient avant par contre…
Il vaut mieux qu’elle pense à autre chose.
Elle a dit qu’elle irait à son rythme c’est bien ce qu’elle compte faire, même si elle désespère de le voir un jour accepter son désir pour elle sans plus aucune arrière-pensée, même si c’est de plus en plus dur de faire taire ses envies à elle.
Est-ce à cause de Moïra ? De ces fameux verrous ? Se sent-il coupable de ressentir du désir pour elle même après toutes ses années ? Ou est-ce parce qu’elle a été prostituée ? Non… ça ne peut pas être ça…

Ibakha en est là de ses réflexions lorsque la machine se tait soudain. Machinalement, elle prépare le café à la convenance d’Hunter dans un mug et se fait chauffer de l’eau pour un thé. Lorsqu’elle l’entend descendre, elle vient à sa rencontre. Elle décale la main qui tient le café sur le côté puis de l’autre attrape sa nuque pour l’embrasser avec une langoureuse sensualité, se collant à nouveau à lui. Elle tente de s’arrêter une première fois mais il s’avère que sa bouche revient vers celle d’Hunter de son propre chef.

- Pour me faire pardonner de t’avoir réveillé si tôt, souffle-t-elle avec un sourire lorsqu’elle s’arrête enfin. Et pour se rassurer un peu aussi. Mais vu ce qui a suivi, ça serait mentir de dire que je regrette.

Elle dépose un dernier baiser sur ses lèvres et lui glisse finalement la tasse entre les doigts avant de reculer pour lui laisser un peu d’espace. Elle passe une main dans ses cheveux clairs et emmêlés en se demandant d’où lui vient ce besoin très physique de lui aujourd’hui…

A son rythme hein… hypocrite.
Elle est simplement frustrée.
C’est aussi simple que ça.
Elle crève d'envie de lui.

Elle a une petite grimace d’excuse.
- Désolée, je suis envahissante ce matin. Tu penses qu’on pourra tenter aujourd’hui alors ? Je sais que ça va te demander beaucoup d’énergie… demande-t-elle en se redirigeant vers la kitchenette où elle prépare son thé.

Les idées un peu (juste un peu) plus claires, il descend donc, attiré par la bonne odeur de café percolé de frais. La "fausse" grange bucolique dispose d'une salle de bains et d'une kitchenette moderne pour le personnel agricole (dont ils n'ont pas encore vu le moindre bout de bottes dans le Silo). Il n'est pas accueilli par une tasse fumante, mais par une paire de lèvres voraces qu'il lui est difficile de repousser. D'ailleurs, elles ont tellement gout de "reviens-y" que sa bonne volonté s'effrite aussi surement que du plâtre.

- Pour me faire pardonner de t’avoir réveillé si tôt
- Y'avais rien à...
- Mais vu ce qui a suivi, ça serait mentir de dire que je regrette.

Il déglutit, laissé à l'abandon par la louve avec pour seule consolation, le mug de café noir. Ibakha est renversante. Irrésistible. Une tentation qui pourrait déchainer le mauvais sang qui coule dans ses veines.

- Désolée, je suis envahissante ce matin.

Hunter ouvre la bouche, puis la referme. Il n'est d'ordinaire pas très bavard, mais là, ce n'est plus les mots qui lui manquent, c'est carrément la chique. Il est happé par la vision de son déhanché et de cette main négligemment plongée dans sa tignasse cendré.

- Tu penses qu’on pourra tenter aujourd’hui alors ?
"Tenter de .. coucher ensemble ?"
- Je sais que ça va te demander beaucoup d’énergie…
"Redescend crétin, elle parle de chamanisme."

Bien que ces deux petites phrase flottent dans une ambiguïté nourrie par sa propre frustration, il mobilise sa cervelle pour penser droit. Les deux gorgées de caféine brulante ne l'aide pas du tout à sortir les idées libidineuses qu'il a en tête. La lune approche et comme souvent, elle affecte ses instincts.
La louve est là, la courbe de ses reins se devinant sous ses vêtements simples.
Désirable, désirée...
Elle est là, et ne regrette pas.
Le vieux loup vient se couler dans le dos d'Ibakha, la pressant contre le plan de travail, si près qu'elle peut sentir son souffle sur sa nuque. Il s'emploie d'ailleurs à la dégager délicatement pour laisser son nez y fureter, gratifiant son derme de bécots légers, ça et là.

- Ibakha, souffle-t-il sur un timbre grave et vibrant qui ne trompe pas.... Envahis-moi, autant que tu le veux...... Je...

Une inspiration presque douloureuse.

- J'ai envie de toi.

Son front chute sur son épaule gracile.

- Simplement, j'ai peur de.... Je ne veux pas te faire de mal, tu comprends... ?

Elle est en train de verser son eau chaude lorsqu’il se presse contre son dos et presque aussitôt, elle se laisse aller contre lui avec un soupir. Elle ferme les yeux lorsque ses doigts effleurent la peau délicate de sa nuque et frissonne carrément en y sentant ses lèvres. Des baisers doux, aériens qui provoquent une violente chair de poule sur son derme.

- Ibakha…
L’effet que sa voix à sur elle reste profondément perturbant. Elle en a les genoux vacillants.
- Hum hum ?
- Envahis-moi, autant que tu le veux… Je...

Elle redresse subitement la tête, retient sa respiration sans même s’en rendre compte.

- J'ai envie de toi.
C’est presque avoué avec une sorte de déchirement et elle fronce les sourcils sans bouger, laisse simplement aller sa tête contre la sienne.
- Simplement, j'ai peur de.... Je ne veux pas te faire de mal, tu comprends... ?

Ibakha a un léger tressaillement et une expiration qui pourrait passer pour un hoquet à peine perceptible.
Il est parfaitement irrésistible…
Et elle est sévèrement en train de tomber amoureuse comme une imbécile d’adolescente en mal d’amour.
Peut-être est-ce un peu ce qu’elle est après tout…

Sa main se porte vers l’arrière, trouve une joue rappeuse qu’elle câline avant de s’accrocher à sa nuque. Elle frotte sa tête contre la sienne en essayant de rassembler ses pensées et de ne pas laisser ses sentiments déborder comme un raz-de-marée.
- Merci… d’être toi…si plein d’égards…si foncièrement doux.
Elle en les yeux humides et ravale rapidement cette montée d’eau salée.
- C’est la première fois que je me sens… Elle avale avec difficulté. Elle allait dire « aimée ».  
Lentement, elle se retourne, prend son visage en coupe et se hisse sur ses pieds nus pour poser son front contre le sien, s’accrochant à ses épaules avec force.
- Oui on m’a vendue, blessée, utilisée, abusée… tellement que mon instinct m’a, depuis, toujours poussée à m’isoler des autres, des hommes en particulier. Elle harponne son regard avec force, cette même force qui l’a aidé à se relever de chaque épreuve. Et aujourd’hui, il me pousse vers toi, me dicte que tu n’es pas comme les autres. Mon âme le sait…mon cœur aussi. Tu ne me feras pas mal, Hunter, assène-t-elle avec une conviction qui n’appelle aucune protestation. Elle attrape l’une de ses grandes mains et la cale contre sa joue qu’elle l’y love comme un chaton. Alors n’ai pas peur… parce que moi je n’ai pas peur. Quand bien même tu dépasserais un jour les bornes de ce que je peux accepter, crois bien que je te le ferai savoir. Ce que tu as fais là-haut, dans la mezzanine est bien loin du compte. Délicatement, elle embrasse sa pommette. Je suis une louve, souffle-t-elle en baisant sa joue. Je ne suis pas faite en sucre. Baiser sur sa mâchoire. Et j’ai envie de toi aussi, comme je n’ai jamais eu envie de personne. Baiser sur son lobe. Humain, Loup… je te veux tout entier... quand tu te sentiras prêt à te donner à moi sans crainte. Moi je le suis.

Il se presse contre la chaleur de cette main cajoleuse.

- Merci… d’être toi…si plein d’égards…si foncièrement doux.

Ce n'est pas un adjectif dont il a l'habitude d'être qualifié : il est le le né-loup, l'animal, l'incarnation de la brute bestiale comme son frère avant lui.

- C’est la première fois que je me sens…
- Quoi donc.. ? Dis-moi.

Mais Ibakha ne finit pas sa phrase. Elle la remplace par une autre. Pour cela, elle lui fait face, son front épousant le sien.

- Oui on m’a vendue, blessée, utilisée, abusée… tellement que mon instinct m’a, depuis, toujours poussée à m’isoler des autres, des hommes en particulier. Tout cela, il le sait, et c'est bien pour cela qu'il ne peut pas lui faire endurer sa propre violence. Et aujourd’hui, il me pousse vers toi, me dicte que tu n’es pas comme les autres. Mon âme le sait…mon cœur aussi. Tu ne me feras pas mal, Hunter. Alors n’ai pas peur… parce que moi je n’ai pas peur.
- Comment peux-tu en être aussi sûre ? Je ne le suis pas moi-même. J'ai... J'ai le même sang que mon frère, je suis né-loup, avec la même sauvagerie en moi. Si elle s'éveille ? Si je te maltraite à mon tour... ?

Il ne pourrait pas se le pardonner.

- Quand bien même tu dépasserais un jour les bornes de ce que je peux accepter, crois bien que je te le ferai savoir. Ce que tu as fais là-haut, dans la mezzanine est bien loin du compte. Délicatement, elle embrasse sa pommette. Je suis une louve. Je ne suis pas faite en sucre.

Ibakha le couvre de démonstrations de tendresse qui arrondissent ses angles et émoussent sa volonté. Il s'entend grogner comme s'il luttait désespérément contre le plaisir que ces contacts lui procurent. Il n'a pas été touché avec autant d'affection depuis si longtemps, si longtemps...

- Je sais mais...
- Et j’ai envie de toi aussi, comme je n’ai jamais eu envie de personne. Hunter produit un gémissement malheureux. Humain, Loup… je te veux tout entier...
- Ibakha...
- ...Quand tu te sentiras prêt à te donner à moi sans crainte. Moi je le suis.

Il approche une première fois de sa bouche, lèvres ouvertes, recule en se heurtant au dernier rempart de ses propres résolutions. Il est fatigué de vivre ligoté, enfermé en lui même comme un enfant terrifié du noir. Cette fois le désir l'emporte et il l'embrasse avec une fougue mal contenue. Ses mains s'égarent sur son corps avec la détermination manifeste de le posséder. Il la dévore à en perdre le souffle, si bien que c'est dans un murmure presque qu'inaudible qu'il la supplie.

- Libère-moi, s'il te plait...

Ibakha le sent flancher, note à quel point il semble lutter contre lui-même et continue à embrasser son visage avec une douceur qu’elle ne montre à personne d’autre.
Il vient vers ses lèvres puis recule aussitôt. Les bras autour de son cou, Ibakha vient doucement frotter son nez contre sa joue.
- N’aie pas peur… chuchote-t-elle de la même façon que si elle parlait à un animal effarouché.

Il revient.
Elle est là, à l’attendre patiemment.
Il déferle sur elle une voracité charnelle qu’elle accueille sans crainte, ni regret. Ses mains la palpent avec possessivité et elle s’en presse plus encore contre lui. Ses doigts fourragent dans sa masse brune alors qu’ils s’embrassent avec une fringale nourrit par une longue retenue et leurs instincts exacerbés par leur nature et la montée de la Lune. Elle empoigne son tee-shirt à pleine main et se canalise pour ne pas le lui arracher tout simplement.

- Libère-moi, s'il te plait...

La supplique lui bouleverse le cœur et elle relève les yeux vers les siens en se forçant à plus de calme. Ibakha prend conscience qu’ils sont toujours dans la kitchenette, elle lui prend la main, lui décochant un dernier baiser sulfureux.
- Viens.

Elle le guide à nouveau vers les hauteurs et l’ascension est fortement ralentie par des pauses durant lesquelles elle reprend une goulée de son souffle, s’abreuvant à sa bouche comme une assoiffée. Enfin ils arrivent jusqu’à sa couchette et elle décide qu’ils n’iront pas plus loin.
Sans hésitation et avec une grâce dans ses gestes presque innée chez elle, Ibakha fait glisser son kimono en soie de ses épaules et retire son débardeur et son short.
Elle se tient nue devant lui, les cheveux toujours indomptés, sa poitrine menue pointant fièrement vers lui, montant et descendant au rythme de sa respiration laborieuse.  
En soi ça n’est pas la première fois qu’il la voit dans le plus simple appareil, mais cette fois, elle se sent bien plus fébrile face à son regard. C’est pourtant le menton bien haut qu’elle effectue les quelques pas qui les séparent. Ses yeux rendus fauve plantés dans les siens, elle s’emploie à le déshabiller complètement. L’Humaine dépose ici et là des baisers appuyés sur la peau dévoilée, la Louve mordille la chair de son torse superbement dessiné, son cou, sa mâchoire avec un appétit féroce.  

Elle aussi est un peu des deux. Il ne doit pas l’oublier.
Elle n’est pas Moïra.
Ses mains vagabondent sur son corps, en prennent possession elles aussi, s’attardent sur son sexe tendu alors qu’elle revient vers sa bouche.

- Hunter… nouvel appel caressant contre ses lèvres. Touche-moi…prends-moi…dévore-moi… j’ai besoin de toi.

- Viens.

Main dans la sienne, Hunter est conduit par Ibakha jusqu'à la mezzanine mansardée qu'ils utilisent comme chambre. Il lui semble flotter à la frontière du rêve tant il a la tête ensuquée de désir. Leur ascension des escaliers en échelle est chaotique et fiévreuse. Il manque à plusieurs reprises de lui arracher ses vêtements avec les dents et de la prendre sans sommation contre les arrêtes acérées des marches. Il se contraint, mâchoire contractée, grondement à l'appui, à ne pas céder à ses bas instincts. Une tâche ardue qui ne lui est pas rendue plus aisée par la manière dont Ibakha l'exhorte suavement à lâcher prise.

Lorsqu'elle se dénude, il retient son souffle, complétement subjugué par cette créature qui, de prime abord, ne lui avait inspiré que de la méfiance et de l'inimitée. Ibakha est magnifique, non pas par sa silhouette sculpturale, mais parce que son âme déchirée, fragile et combative, l'est. Plus que l'attirance physique et instinctive qui s'exerce, c'est un sentiment plus profond qui est à l'œuvre.

Il est trop tôt pour le conscientiser de manière limpide.
Trop tôt pour le revêtir de mots concrets.

Une fois dépouillé à son tour, il n'y a plus rien pour dissimuler son envie primitive. Il est debout devant elle, à la lumière crue du jour, sans artifice ni retenue. Hunter cesse complétement de se débattre et déferle sur sa peau, y laissant les traces manifestes de son passage : il gobe, mord, lèche et mâche ce derme qui sent si bon. Il est ivre d'elle, de ses mots, de ses incitations lascives. Il gronde de contentement en malmenant ses mamelons impudents et fiers, en rudoyant son fessier ferme, en la soulevant de terre comme si elle ne pesait rien.
Ils s'écrasent sur la pauvre paillasse qui en perd son foin, plus qu'ils ne s'y allongent. Il aimerait être plus doux, plus tendre, mais l'urgence, la frustration, la lune, précipite ses gestes. Il gémit son prénom, de ses cordes vocales abîmées, comme autant d'injonctions au pardon. Il n'est qu'un fumier, un salaud, une bête affamée d'elle.

Il ne vaut pas mieux qu'eux.

Il la retourne, sous lui, un mains lui agrippant la gorge, une autre s'emparant de ses reins. Il l'envahit avec un râle libérateur qui manque de lui faire perdre la raison.

- Merde... Je.. Je suis désolé....

Son bassin n'écoute pas ses vaines excuses, il s'adonne à une joute frénétique gouverné par le besoin seul.

- Ibakha...

Il redresse la louve à la verticale et plante ses crocs dans sa nuque, lape le sang qui perle de la plaie, puis tourne son visage vers lui pour mieux s'emparer de sa bouche.

"Ne me hais pas, je t'en supplie..."

Ibakha le laisse investir sa chair, l’y encourage même par des murmures mélangeant l’anglais et le mongole sans même s’en rendre compte. Elle soupire, gémit comme elle s’est rarement laissé aller à le faire, griffe, caresse et mord sa peau burinée par le soleil.  
Elle veut ses mains sur elle, sa bouche sur sa peau, ses crocs dans sa chair.
Elle le veut. En elle. Partout.

Il la soulève soudain et elle enroule ses bras et ses jambes autour de lui, l’embrassant à pleine bouche jusqu’à sentir un peu rudement le contact de la paillasse dans son dos.
Elle s’en fiche et écarte les cuisses en se cambrant vers lui, agrippant à pleine main ses fesses pour le guider, invitation claire qu’elle accompagne d’une supplique plus vocale.

Mais il la surprend en la retournant brusquement et Ibakha a un très bref moment de crispation jusqu’à ressentir à nouveau la chaleur de ses mains. Il agrippe sa gorge, sa hanche pour la soulever et la louve se cambre d’instinct, s’offre sans retenu.
En quelques secondes, il est en elle et une longue plainte de contentement fait écho au râle puissant d’Hunter. Les doigts crispés sur la paille, elle prend de longue goulée d’air aminci par la prise ferme sur sa gorge.

- Merde... Je.. Je suis désolé...
- Tais-toi, idiot… murmure-t-elle. Continue…

Et heureusement, il s’exécute, bougeant sans délicatesse aucune mais avec une ardeur qui allume un incendie dans son ventre. La réserve qu’elle affiche constamment se fissure pour exprimer sans détour son plaisir.

- Ibakha...
- Encore…t’arrête pas !

Il la redresse soudain, la mord profondément et elle renverse la tête en arrière pour pousser un cri où se mêle douleur et satisfaction primale. Elle sent sa langue contre sa peau et gronde son approbation, plus louve qu’humaine à cet instant. C’est pourquoi elle le mord à son tour lorsqu’il l’embrasse, aspirant la lèvre meurtrie, ses doigts enroulés autour de sa nuque pour qu’il ne lui échappe pas. Lorsqu’elle recule la tête, ils ont tous deux la bouche teintée de carmin.
Lentement, elle ondule ses hanches dans une sorte de danse langoureuse en scrutant son regard qu’elle découvre hanté. Son cœur se serre douloureusement.

Elle noue ses doigts à l’une des mains d’Hunter qu’elle guide à nouveau sur son corps.
- Tout va bien, Hunter… je suis là, avec toi…et j’aime tout ce que tu me fais. Tu sens ? Tu sens comme j’ai envie de toi ?  
Elle meut son corps de liane souple comme de l’eau et pince les lèvres, les traits chiffonnés par le plaisir, les paupières alourdies par le plaisir.
- N’aie pas peur… répète-t-elle comme un mantra. Je veux que tu te sens bien...avec moi...

Ibaka crie et gémit et pourtant, Hunter se sent incapable de se réfréner.
" Je lui fais mal... Je suis en train.. de lui faire du mal !" glapit sa conscience, terrifiée de voir son corps agir en carnassier une fois la bride lâchée. Pourtant la louve n'a de cesse de l'inciter à poursuivre. Doit-il s'y fier ?
La saveur de son sang, pimenté et doucereux, excite le prédateur qu'il est. Il veut ravager sa matrice, ensemencer profondément en elle, féconder son ventre pour qu'il s'arrondisse et porte ses héritiers

"ARRÊTE ! Arrête...." tempête-t-il sous son crâne.

Une poignée de secondes, son regard croise celui d'Ibakha. Son beau visage est barbouillé de salive et de sang. Son derme immaculé a été rougi et malmené par ses griffes et ses crocs. L'expression du lycan s'effrite sur une culpabilité terrible.

- Tout va bien, Hunter… je suis là, avec toi…et j’aime tout ce que tu me fais.
- Vraiment... ? C'est vraiment ce que tu veux ? demande-t-il, la voix brisée.
- Tu sens ? Tu sens comme j’ai envie de toi ?

La louve se meut, offrant à son compagnon toute une palette d'expressions inédites qui subliment sa beauté. "L'abandon lui va merveilleusement bien." Fasciné par cette femme qui déverrouille jusqu'à ses hontes les plus viscérales, Hunter pousse une plainte jouissive. Son front chutant contre celui d'Ibakha. Il ne la quitte pas des yeux.

- N’aie pas peur…

Le loup reprend doucement mais surement ses mouvements de houle, accompagnant ceux de la jeune femme en les emmenant plus loin. Là, en cet instant précis, il y a une connexion si forte entre eux qu'Hunter se laisse doucement happer par elle.

- Je veux que tu te sens bien...avec moi...
- Je.. Je me sens bien... Je n'ai pas été aussi bien depuis des années... Ibakha...

Son prénom à lui seul est comme un sortilège envoutant, un baume à toutes ses plaies. Une délicieuse oblitération étouffe les voix dissonantes de ses angoisses. Hunter accepte, momentanément, l'animal qu'il est. La danse rythmée de leur corps reprend, avec un appétit toujours aussi féroce, mais gonflé d'une émotion brulante qui incendie la poitrine du né-loup.

- Ibakha... Ma femme...

Il embrasse et mordille son cou, la poigne toujours sur sa gorge tendre, l'autre tapissant son ventre, les doigts tressés aux siens. Ainsi, pour la première fois depuis une éternité, Hunter ouvre les portes de sa cage, emportant l'indomptable Ibakha avec lui.

Les verrous qui emprisonnent Hunter sont bien plus résistants et profondément enfouis qu’elle ne s’y attendait. Mais la détermination d’Ibakha ne connait pas de limite. Patiente, tendre, elle l’accompagne sur le chemin de sa délivrance aussi bien mentale que physique.
Enfin, sa paralysie cède du terrain et elle lui sourit doucement lorsqu’il bouge à nouveau. Front à front, elle lui chuchote des encouragements.

- Je veux que tu te sens bien...avec moi...
- Je.. Je me sens bien... Je n'ai pas été aussi bien depuis des années... Ses lèvres cherchent les siennes pour un autre baiser pétri d’une tendre affection. Ibakha...
- Je suis là…

Et lui aussi, pleinement. Il le lui prouve en se laissant aller sans plus de culpabilité au fond de ses yeux si bleus, qu’elle ne quitte pas du regard. Il y a quelque chose à l’œuvre entre eux. Quelque chose de l’ordre du rituel qui ne fait que renforcer les liens qu’ils ont déjà patiemment tissés.
Son cœur s’emballe comme un fou furieux, ses ongles s’enfoncent dans la peau de sa nuque et son souffle se fait de plus en plus bruyant et court à mesure qu’ils s’approchent de l’extase.

- Ibakha... Ma femme...
La possessivité associée à son timbre grondant la pousse au bord du précipice. Ses doigts se crispent et un long frisson dévale son échine.
- Libère-toi… Hun…ter !

Ibakha dérape sur son prénom et ses mouvements perdent un instant de leur grâce pour se faire plus féroces et sauvages. Elle cherche maladroitement sa bouche occupée dans son cou alors que tout son corps se tend comme un fil puis s’arc-boute contre lui. Ses doigts griffent sans pitié la peau qui passent à sa portée et une plante étouffée lui échappe. Elle garde les yeux ouverts, plantés dans ceux de son partenaire pour ne rien manquer de cette ultime communion.
Elle ne sait plus si elle déploie ses ailes pour s’envoler ou courre sans entrave, affamée de liberté.

L’explosion qui court-circuite ses neurones la laisse sans force, alanguie contre lui. Ses doigts glissent sur sa joue qu'elle cajole paresseusement, les émotions prêtes à déborder de ses lèvres. Jamais elle n'a encore connu quelque chose d'aussi fort et d'aussi beau.
Si sa bouche se refuse encore à le dire, son regard est limpide.

"Je t'aime. Je t'aime comme la folle que je suis."

Hunter se noie dans ce regard pleins de promesses. Ibakha est belle, sauvage, et elle est à lui. Offerte librement.

"Ma femme...Ma reine..."

A bout de souffle et d'énergie, ils se laissent tomber tous deux à la renverse sur la paillasse. Le loup tient étroite sa compagne contre lui. Il la respire à pleins poumons, savourant leurs effluves mêlées. Son coeur est aux abois et palpite furieusement. Ses prunelles la scrutent avec une intensité brulante.

"J'aime cette louve."

Le constat est sans appel, et peut-être qu'il se trahit dans son regard.
Les mots, encore et toujours, se dérobent sur sa langue. Incapable de parler, son pouce caresse la joue d'Ibakha, grimpant et dévalant la colline escarpée de sa pommette. Hunter la contemple et la touche comme s'il tenait la plus belle chose au monde entre ses doigts grossiers et caleux. Un sourire illumine soudain son visage d'homme rugueux. Un sourire émerveillé qui lui fait perdre plusieurs années d'un seul coup.
Le loup déglutit, profondément chamboulé. Il lui faut un très long moment avant de redevenir maitre de ses émotions. Il aurait pu rester des heures durant à la sentir simplement respirer contre lui et s'en émouvoir comme un simplet.

- Est-ce... Est-ce que tu vas bien ? s'inquiète-t-il aussitôt. Tu n'as mal nulle part ?

Pas un mot ne vient troubler le calme retrouvé de la grange et leurs respirations finissent par s’apaiser. Tournés l’un vers l’autre, ils se contentent de s’observer, communiquant sans doute bien mieux par le biais de leurs regards troublés. Sa paume délicate vient épouser sa joue.
A cet instant, Ibakha se sent bien plus en paix qu’elle ne l’a jamais été.

La révérence que traduit les caresses d'Hunter et la douceur de son regard sont soudain de trop. Le sourire juvénile et magnifique qui barre son visage rugueux sonne le coup de grâce.
Elle baisse les yeux, le temps de se reprendre.

Hunter lui donne l’impression d’être précieuse, aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur, digne de lui.

Il n’y a rien de plus faux et il finira par le constater rapidement, après un simple petit tour dans son esprit dérangé.
Et s’il la repoussait après vu tout ce qu'elle cache si bien ? Et si elle ne se montrait pas à la hauteur de ce qu’il imagine d’elle ? …et s’il l’abandonnait ?
Soudain elle n’est plus si certaine de vouloir ce rituel commun.

- Est-ce... Est-ce que tu vas bien ?
Elle relève les yeux et arrive à lui sourire naturellement.
- Parfaitement bien.
- Tu n'as mal nulle part ?
Elle touche du bout des doigts la morsure sur son épaule. Elle mettra du temps à se refermer et laissera une cicatrice. Une très belle cicatrice.
- Non. Tout va bien. Je vais bien Hunter, je t’assure. Et au cas où je n’ai pas été assez clair pendant ; c’était … intensément bon. A vrai dire tu m’as fait bien plus mal pendant ma première pleine lune consciente avec la Meute. J’avais remarqué que tu te gardais toujours la meilleure pièce de viande de nos proies. J’ai essayé de t’en piquer un morceau. J’ai réussi mais ça ne t’a manifestement pas plus.

Elle attrape l’une de ses mains et la guide sur son flanc, là où s’épanouit l’aigle sous sa peau. Elle guide la pulpe de ses doigts sur de fines cicatrices de crocs.

- Ca, c’est toi aussi, déclare-t-elle avec un sourire en coin. J’étais mortifiée mais j’avais mon morceau de viande. J’ai cru que c’était à cause de ça que tu me regardais tout le temps avec morgue.

Elle se tourne soudain vers le plafond avec un petit soupir et ses yeux tombent sur l’attrape-rêve au plafond.
- Peut-être…que je devrais réessayer toute seule…t’arpenter mon esprit ? Une dernière fois … ?

Il y a quelque chose dans ce sourire de dissonant qui l'alarme aussitôt.
Elle ment.
Elle ment avec aplomb, maitrise, mais elle ment. Il la connait presque par cœur à présent, à force e l'observer sans cesse et à tout instant.

- Tu n'as mal nulle part ?
- Non. Tout va bien. Je vais bien Hunter, je t’assure.

C'est faux.
A présent, il en est certain, elle regrette cet étreinte. Elle regrette sa sauvagerie.
Ou bien a-t-elle eu ce qu'elle souhaitait et il perd désormais tout intérêt à ses yeux.
Hunter perçoit la douleur de son myocarde qu'on écrase sous une botte comme un vulgaire bout de viande avarié. Elle est horrible.

- Et au cas où je n’ai pas été assez clair pendant ; c’était … intensément bon. A vrai dire tu m’as fait bien plus mal pendant ma première pleine lune consciente avec la Meute.
- Q.. Quoi ?

Il est confus et déboussolé. La conversation en cours ne fait aucun sens à ses yeux.

- J’avais remarqué que tu te gardais toujours la meilleure pièce de viande de nos proies. J’ai essayé de t’en piquer un morceau. J’ai réussi mais ça ne t’a manifestement pas plus.

Il ne se souvient pas de cet épisode.
Ibakha lui prend la main, la pause sur une morsure ancienne. Du bout des doigts, il dessine les chairs bosselées de la cicatrice.

- Ca, c’est toi aussi. J’étais mortifiée mais j’avais mon morceau de viande. J’ai cru que c’était à cause de ça que tu me regardais tout le temps avec morgue.

Petit à petit, des bribes de la mésaventure lui revienne. Il avait voulu châtier une voleuse arrogante. Il n'avait même pas identifié qu'il s'agissait d'Ibakha. Par la suite, il n'avait pas aimé les regards en biais qu'elle lui jetait, alors il les lui rendait au centuple. Il n'avait jamais fait le lien entre les deux faits.

- Les meilleurs morceaux reviennent aux meilleurs chasseurs. C'était ainsi avant que Colgan ne prenne la tête de la Meute. J'avais gagné la primauté de ses parts et j'étais scandalisé qu'une femelle qui n'avait pas su s'illustrer ait le toupet de venir me les voler. Sauf que Colgan t'a donné raison en prônant l'équité et que je ne l'ai pas entendu de cette oreille...

Il vient déposer un baiser sur ce reliquat de châtiment.

- J'étais un idiot.

"Je le suis sans doute toujours d'être amoureux de toi.
Toi qui te lasse déjà..."

- Peut-être…que je devrais réessayer toute seule…t’arpenter mon esprit ? Une dernière fois … ?

Il redresse la tête, le visage impénétrable mais la même douleur lancinante dans la poitrine.

- Tu penses ne pas avoir besoin de moi... ? Le ton s'est fait plus sec qu'il ne l'aurait voulu.

Hunter ne sait pas mentir. Il n'a jamais su.  Il se redresse pour s'asseoir au bord de la couche, lui offrant son dos.

- On fera comme tu voudras. C'est toi qui décides, moi je suivrais.

Comme d'habitude.
L'histoire de sa vie en somme.

Il lui narre son point de vue et elle émet un petit rire.
- C’était donc ça. J’ai l’impression que c’était il y a une éternité…
Le baiser sur sa cicatrice lui tire un sourire attendri.
- J'étais un idiot.
- Tu l’es toujours, réplique-t-elle avec cette affection vibrante dans sa voix qu’elle ne sait plus cacher. Je vais finir avec tes marques sur tout le corps. Je compte bien te rendre la pareille.

Mais l’instant même magique n’est pas à l’abri de ses propres démons et ses doutes. Lorsqu’elle émet l’hypothèse de pratiquer le rituel seule, elle lit quelque chose dans son regard qu’elle ne comprend pas.

- Tu penses ne pas avoir besoin de moi... ?
La sècheresse dans son timbre agit comme un coup de poing.
- Non…je…ça n’est pas…

« Trop fébrile Ibakha ! Pourquoi tu baragouines comme ça ? »
Parce qu’elle a le cœur si serré que ça lui fait mal. Elle inspire profondément puis reprend plus calmement.
- C’est simplement que…
Mais il ne lui laisse pas le temps de finir.
- On fera comme tu voudras. C'est toi qui décides, moi je suivrais.

Machinalement, elle enroule le drap autour de son corps nu, mince barrière contre le froid qu’elle sent s’installer, juste là, entre eux. Comment peut-il la regarder comme il le fait pour ensuite réussir l’exploit de la faire se sentir comme… une simple étrangère. Elle se redresse à son tour, contemple le dos qu’Hunter lui présente avec une désagréable boule dans le fond de la gorge.

« Tourne toi ! Regarde-moi ! Pourquoi tu me fuis ? »
Et pourquoi prend-il sa demande si mal ? Tout ce qu’elle souhaite c’est que le regard qu’il porte sur elle ne change pas. Or elle a déjà l’impression que c’est le cas.
- Ok…Ce simple mot finit dans un croassement terrible. Elle voudrait en dire plus mais n’arrive à rien. Avec n’importe qui d’autre, elle aurait pris son attitude comme le signal de se redraper dans sa dignité et reprendre son masque habituel…mais il s’agit d’Hunter.
Ibakha glisse jusqu’à lui et avec beaucoup de précaution et d’hésitation pose sa joue et sa paume contre son dos.
- Qu’est-ce qui se passe, Hunter ? Parle-moi…s'il te plait...

- Ok…

Hunter se sent pris d'un vertige, comme si ce "Ok" avait le même bruit qu'une paire de ciseaux abattant ses lames sur le lien qui les unit. "Irrationnel" pense-t-il, mais l'amour ne l'est pas pas plus que les angoisses suscitées par ses traumatismes. Il s'en veut d'être incapable de confiance, de douter de tout et de sa propre capacité à devenir un être humain fonctionnel avec qui l'on souhaite rester.
Aussi, se laisse-t-il surprendre par Ibakha, venant se lover contre son dos, en quête d'éléments de réponses.

- Qu’est-ce qui se passe, Hunter ?

Il ouvre la bouche, mais une fois de plus, sa parole refuse de faire le grand saut et de se libérer du néant.

- Parle-moi…s'il te plait...
- J'essaie... Je ne sais pas "parler".....C'est... Je ne sais pas pourquoi, les mots ne veulent pas...

Il y a une forme de détresse enfantine tapie dans sa voix rocailleuse.

- Tu veux que je parle, mais tu ne le fais pas non plus. Il pivote lentement pour lui faire face. Je t'observe si souvent, maintenant, que je décèle quand tu me caches quelque chose... Je sens quand tes sourires sont feints.

Un silence.
Hunter lutte profondément avec ses propres barrières qui le condamnent au mutisme. Ses doigts, plus éloquents, éprouvent le besoin de dessiner les contours du visage d'Ibakha, comme pour s'assurer qu'elle est bien réelle.

- Avant que nous.. Froncement de sourcils. Le terme "coucher avec" sonne si creux et faible à ses oreilles. Tu sollicitais pressamment que je marche avec toi dans ton esprit. Et puis, juste après, tu souhaites soudain que je ne  fasse pas parti du voyage. J'ai... J'ai du mal à ne pas y voir de lien de cause à effet....

Il déglutit et constate que cela est douloureux tant sa gorge est serrée.

- Tu regrettes, n'est-ce pas ? Ce que tu viens de voir et vivre... C'est ça ?

Son peu d'estime de lui en est intiment persuadée. Il a l'habitude d'être celui que l'on relègue de côté.

- Parle-moi…s'il te plait...
- J'essaie... Je ne sais pas "parler"... C'est... Je ne sais pas pourquoi, les mots ne veulent pas...

La détresse d’Hunter suinte par tous les pores de sa peau. Ibakha ne le pressurise pas, elle patiente simplement, heureuse qu’il n’est pas rejeté sa tentative de rétablir un contact. Elle dépose de très légers baisers sur le dos du loup et se serre plus fort contre lui.

- Tu veux que je parle, mais tu ne le fais pas non plus.
Elle se raidit, consciente qu’il a parfaitement raison mais ne détourne pas le regard cette fois lorsqu’il pivote vers elle.
- Je t'observe si souvent, maintenant, que je décèle quand tu me caches quelque chose... Je sens quand tes sourires sont feints.

A tour de la jeune femme d’exprimer une sorte de détresse silencieuse. S’il est capable de lire si facilement en elle, c’est qu’elle l’a bel et bien laissé entrer dans une bulle intime qu’elle n’a jamais partagé avec qui que ce soit.
Les doigts d’Hunter furètent sur son visage et Ibakha ferme un instant les yeux pour savourer leurs contacts.

- Avant que nous… Elle sourit de le voir buter sur ses mots. Tu sollicitais pressamment que je marche avec toi dans ton esprit. Et puis, juste après, tu souhaites soudain que je ne fasse pas parti du voyage. J'ai... J'ai du mal à ne pas y voir de lien de cause à effet....

Les traits de son visage frémissent un instant. Evidemment… elle a été bien stupide de penser qu’il ne ferait pas rapidement le rapprochement. Lentement, les draps enroulés comme une forme de toge autour de sa silhouette, elle vient se hisser sur ses genoux et passe les bras autour de son cou.  

- Il y en a un…

Elle baisse les yeux, tente de trouver les mots justes, d’exprimer à voix haute des angoisses profondes mais il prend son silence pour un autre aveu.

- Tu regrettes, n'est-ce pas ? Ce que tu viens de voir et vivre... C'est ça ?
Aussitôt, elle plante ses yeux dans les siens, pose son index et son majeur sur sa bouche pour l'empêcher de proférer d'autres idioties et s’exclame sans une once d’hésitation.
- Non ! Non… je ne regrette pas. Jamais, tu entends ! Laisse-moi…son front chute contre le sien… laisse-moi essayer de t’expliquer d’accord. Ca n’est pas plus évidemment pour moi de parler que pour toi, tu sais …

Elle prend de profondes inspirations, redresse la tête caresse son visage du dos de ses phalanges. Enfin, elle se lance, hésitante.  

- J’ai aimé… la façon dont tu m’as regardée…juste après. Comme si…comme si ce que tu voyais en moi était …précieux ou… digne d’être… « aimée » ne veut toujours pas sortir, elle pare donc maladroitement, appréciée. Et j’ai peur…terriblement peur que si tu voyais vraiment ce qu’il y a l’intérieur de moi, tu ne me regardes plus jamais de cette façon. Ce qu’il y a là-dedans, elle frôle ses tempes du bout de ses doigts, c’est sale…et laid et…

Elle s’arrête, pince les lèvres et essaie de ne pas se laisser submerger. Elle attrape l’une de ses mains calleuses et y love sa joue avant d’en embrasser le creux.

- Tes mains ont peut-être été éclaboussées par le sang des autres mais elles restent bien plus immaculées que les miennes. Tu es quelqu’un de foncièrement bon, Hunter… je ne le suis pas. J’ai peur…que tu te fasses des illusions…sur celle que je suis… et qu’au moment où tu me verras vraiment… je te perde.  
Sa confession terminée, elle se recule, les mâchoires si serrées que ça en devient douloureux.

Ibakha vient se hisser sur lui dans un froissement de coton. Hunter niche ses mains à sa taille au travers du tissus. Il la contemple, croyant deviner au travers de ce geste une manière de compenser ou d'adoucir l'inévitable verité.

- Tu regrettes, n'est-ce pas ? Ce que tu viens de voir et vivre... C'est ça ?
- Non ! Non… je ne regrette pas. Jamais, tu entends !

Il ouvre la bouche, complétement perdu cette fois. Il ne pipera mot et même si il le désirait, la pulpe des doigts sur sa bouche l'en empêche. Il fronce les sourcils, sans comprendre.

- Laisse-moi… laisse-moi essayer de t’expliquer d’accord...

Il la laisse, avec une patience qu'on ignore souvent chez lui, formuler correctement le fond de ses pensées. Il découvre avec un soulagement mêlé de perplexité qu'Ibakha a peur d'elle-même. Exactement comme lui. Ils sont les incarnations de leur propres phobies, de la Violence qui les gouverne, par le sang ou l'esprit.

- Ce qu'il y a à l'intérieur de toi participe à construire l'Ibakha que je tiens dans mes bras. Je ne crains pas ce morceau de toi.
- Tes mains ont peut-être été éclaboussées par le sang des autres mais elles restent bien plus immaculées que les miennes.
- C'est faux.
- Tu es quelqu’un de foncièrement bon, Hunter… je ne le suis pas.
- Ca aussi c'est faux.
- J’ai peur…que tu te fasses des illusions…sur celle que je suis… et qu’au moment où tu me verras vraiment… je te perde.

Jamais elle n'a été plus honnête qu'en cet instant.
Jamais elle n'a dévoilé à ce point sa fragilité.
Un puissante flamme lèche le coeur d'Hunter, lui rôtissant l'organe à le faire dégorger. Il se penche vers ses lèvres pour les lui ravir, l'embrassant avec une fougue fauve, guidé par un besoin de lui offrir un peu de cette chaleur qui le consume pour qu'elle ne tremble plus.

- J'ai tué et mangé la chair saignante d'innocents. J'ai aimé les chasser et me repaitre de leur viande... C'est dans ma nature profonde. J'ai aimé ça parce que la violence est mon terreau. Elle fait partie des fondations de ce que je suis. Je ne suis ni bon, ni mauvais. Pas plus que tu ne l'es. Nous nous efforçons de nous construire en dépit du sang qui baigne nos fondations parce que, toi et moi, avons décidé que notre nature ne nous définissait pas.

Un silence. Il la dépiaute de son regard bleu.

- Ibakha... Regarde-moi. Tu es ce que tu es, et je suis toujours là.

Un nouveau silence, suivi d'un fin sourire cette fois :

- Et puis "perdre" son "guide" spirituel me parait peu probable, tu ne crois pas ...?

Elle n’arrive à priori pas à communiquer clairement ce qu’elle ressent ou le fait bien trop mal. Il semble balayer ses arguments d’un revers de main alors qu’ils expriment pourtant une réalité et des craintes très concrètes pour elle.
Il l’embrasse soudain avec une passion nouvelle qui vide agréablement son esprit pendant quelques secondes. Accrochée à ses épaules, elle le lui rend sans hésiter.

- J'ai tué et mangé la chair saignante d'innocents. J'ai aimé les chasser et me repaitre de leur viande... C'est dans ma nature profonde. J'ai aimé ça parce que la violence est mon terreau. Elle fait partie des fondations de ce que je suis.
Ibakha fronce les sourcils et secoue la tête.
- Tu es né prédateur, Hunter. Un loup n’a pas de compassion pour l’agneau qu’il va dévorer. Et ta famille…elle hausse les épaules, était loin d’être fondamentalement pacifiste. Moi… je n’ai pas d’excuse. Ma violence ne s’explique pas. Elle est, c’est tout.
- Je ne suis ni bon, ni mauvais. Pas plus que tu ne l'es. Nous nous efforçons de nous construire en dépit du sang qui baigne nos fondations parce que, toi et moi, avons décidé que notre nature ne nous définissait pas.

Ibakha ne dit rien, joue distraitement avec le collier qu’il garde toujours au cou mais n’en reste pas moins convaincue que le risque est là.

- Ibakha... Regarde-moi. Elle s’exécute et se trouve harponnée par l’intensité de son regard. Tu es ce que tu es, et je suis toujours là.
- Pour le moment…
C’est l’après qu’elle craint.

- Et puis "perdre" son "guide" spirituel me parait peu probable, tu ne crois pas ... ?
Elle lui lance un coup d’œil entre l’amusement et l’agacement puis pousse un profond soupir en glissant sur la couchette.
- Idiot… ça n’est pas ce que je voulais dire.
Prise d’une pudeur soudaine, elle cherche à se cacher derrière son corps massif. Jamais elle ne s’est autant ouverte à quelqu’un mais Hunter préfère tourner ça à la dérision et elle s’en trouve stupidement blessée.
- Ne te moque pas…s’il te plait.
Jamais elle n’aurait dû aller aussi loin dans sa confession, elle déteste cette sensation de fragilité qui l'étreint soudain. Toujours vêtue d’un simple drap, elle se lève pour ramasser ses vêtements, trouvant là une excuse parfaite pour ne pas le regarder.
- Je vais prendre une douche. On pourra… décider plus tard.  

- Idiot… Cet "Idiot" là sonne réellement comme ce qu'il est sensé signifier. Hunter se crispe aussitôt en sentant qu'il vient de marcher sur une mine. Ca n’est pas ce que je voulais dire.
- Non.. Je sais bien, j'ai très bien compris ce que tu voulais...
- Ne te moque pas…s’il te plait.

Ibakha se retranche soudainement derrière une expression blessée et une pudeur physique qui envoie tous les signaux du malaise. Hunter sent bien qu'il a commis un impair mais peine à trouver les mots pour le rattraper.

- Mais non! Je voulais juste...

Alléger l'atmosphère ? L'aider à se détendre ? Lui rendre le sourire ?
"Super réussi, abruti ! Bravo !"

- Je vais prendre une douche. On pourra… décider plus tard.  
- Ibakha, attends!

Mais elle ne l'écoute pas, drapée dans sa dignité et dans sa literie. Elle ramasse ses affaires et  descend déjà les escaliers. La poursuivre ? Ne pas la poursuivre ? Le temps qu'il tergiverse, elle a déjà filé. Le vieux loup se laisse tomber à la renverse sur sa paillasse avec un soupir long comme un jour sans pain. Il se passe une main sur la figure, dépité.
"Ce que je peux être con."
Il se rhabille, le moral terriblement en berne et descend à son tour. Il avise la kitchenette et se dit qu'il n'a toujours pas bu de café. Il se ressert une tasse tout en réfléchissant. Comment expliquer à une femme qu'on l'aime inconditionnellement quand on a arrive même pas à formuler le verbe "aimer" ? Machinalement il lui refait une tasse de thé, puis découpe quelques fruits tout juste cueillis de la veille qu'il agrément dans une assiette et de fil en aiguille il se retrouve avec une sorte de petit déjeuner réalisé avec les moyens du bord et les produits frais du Silo.
Quand, elle sort de la douche, il glisse vers elle un regard par en dessous, en poussant la tasse de thé chaud et odorant vers elle. Il a l'air aussi gauche que penaud, mais il persiste, en silence.

- Je suis désolé.... finit-il par dire. Tu veux bien me pardonner ? Te blesser était la dernière de mes intentions. Il fronce les sourcils, cherchant ses mots, avant de revenir à elle. Tu ne me perdras pas, ok ? Je me fous bien de tout ça ! Il percute à temps l'emploi malheureux des termes et rétropédale. C'est pas ce que je veux ... Rah ! Putain ! Tu vois ce que je veux dire ? Sa mâchoire se contracte alors qu'il s'énerve contre lui même et hausse le ton. Même si tu était une tueuse en série cannibale qui s'éclatait à se faire des collier de doigts avec ses victimes, je serais à tes côtés! Tu comprends ?!

"Pitié ! Dis-moi que tu comprends ?"

Ibakha a décidé qu’elle supporterait bien mieux un excès de lâcheté que de voir ses maladroites tentatives de lui expliquer qu’il compte pour elle piétiner allègrement.

L’eau chaude l’aide à s’éclaircir les idées et le savon balaie les traces de leurs odeurs mélangées. Ne subsiste que la morsure sur son épaule pour lui rappeler qu’elle n’a pas rêvé. Sans doute que dans ses rêves, les choses ne se seraient pas passées de cette façon.
Ils sont aussi doués l’un que l’autre pour communiquer… en résulte une frustration et une maladresse qui peut s’avérer blessante pour l’un comme pour l’autre.
Reste qu’elle ne sait toujours pas si elle le laissera venir avec elle. Le front contre le carrelage froid, elle ferme les yeux et se laisse envelopper par la buée.
Elle s’habille ensuite mécaniquement et c’est le visage fermé et passablement neutre qu’elle sort finalement, bien loin de son attitude lors de son premier passage dans la kitchenette.

Elle avise le petit-déjeuner improvisé et enfourne un morceau de pomme en acceptant la tasse de thé fumante. Il a tout de l’attitude d’un petit garçon pris en faute et essayant de se faire pardonner. C’est pourtant elle qui brise le silence en première.
- Merci.
- Je suis désolé... Tu veux bien me pardonner ?
Elle hausse des épaules nonchalantes.
- Bien sûr, lâche-t-elle sur un ton plat.
- Te blesser était la dernière de mes intentions.
- J’ai déjà oublié.
- Tu ne me perdras pas, ok ? Je me fous bien de tout ça !
Percutée par ses mots, elle avale le grain de raisin qu’elle venait d’enfourner dans sa bouche.
- De quoi exactement ?
- C'est pas ce que je veux ... Rah ! Putain ! Tu vois ce que je veux dire ?
Il s’énerve, s’agace, s’agite sous l’œil impassible d’Ibakha qui souffle sur son mug en attendant la suite.
- Même si tu étais une tueuse en série cannibale qui s'éclatait à se faire des colliers de doigts avec ses victimes, je serais à tes côtés ! Tu comprends ?!

Elle repose doucement sa tasse et arque un sourcil, les yeux pétillants d’un amusement qui ne se lit nulle part ailleurs sur son visage. L’image aurait pourtant de quoi la faire sourire et c’est ce qu’elle fait intérieurement.
- Heureusement pour toi, je ne suis pas fana de breloques. Tu serais à mes côtés en tant que quoi exactement ? Guide spirituel ?
Ibakha pousse un soupir et passe une main dans ses cheveux, les yeux plongés dans sa tasse. Son masque se fissure, son timbre se fêle.
- Très bien…si tu es sûr de toi, nous irons ensemble. Ses traits se froissent quelques secondes. Au moins je t’aurais prévenu… ajoute-t-elle avec un mince sourire un peu tremblotant.

- Heureusement pour toi, je ne suis pas fana de breloques.

Hunter baisse la tête et dissimule un demi-sourire dans sa tasse de café. Au moins Ibakha n'a pas complétement perdu son humour.

- Tu serais à mes côtés en tant que quoi exactement ? Guide spirituel ?
- Ibakha... Je suis et serais toujours ton Gardien, comme tu es ma Gardienne. La différence c'est que cette fois, je veillerais non pas de l'extérieur mais à l'intérieur.
- Très bien…si tu es sûr de toi, nous irons ensemble.

Le loup repose doucement sa tasse et fixe la jeune louve. Il a plus l'impression d'obtenir une reddition qu'un assentiment. Avec beaucoup de douceur -car il est capable aussi de délicatesses insoupçonnées- il vient presser sa main.

- Moi, je suis sûr, mais tant que tu ne le sera pas, je ne m'immiscerai pas dans ta tête. C'est ta décision, ton consentement plein et entier qui importe.
- Au moins je t’aurais prévenu…

Il éprouve le brusque besoin de l'enlacer et il le fait, l'attirant à lui pour l'envelopper de sa large carrure. De tout son être émane encore leurs odeurs fauves mêlées. Il caresse sa tête blonde et embrasse son front.

- Je suis ton compagnon, je te tiendrais la main où que tu ailles et à la place que tu voudras bien me donner. D'accord ?