- La confiance une fois brisée peut ne jamais se réparer. Elle a besoin d'actes plus que de paroles.
- Je…je comprends tout à fait. Nina redresse un peu le dos comme si elle reprenait du courage. C’est ce que je vais faire alors.
-- Il n'en demeure pas moins que tu es ma sœur de meute et que venir jusqu'ici t'as sans doute nécessité du courage. En ce qui me concerne, c'est un bon début. Pour Ibakha, c'est à elle de voir.

La jeune femme lui jette un coup d’œil surprise, de l’entendre prononcer autant de mot aussi tôt le matin. Ibakha recule d’un pas vers Hunter, comme si elle voulait remettre de la distance entre elle et Nina qui la regarde, mâchoires crispées dans l’attente.
- Qu’est-ce que tu en dis ? On oublie ?

Ibakha reste muette, ne comprenant pas tellement comment elle pourrait « oublier » que les autres membres de la Meute la regarde d’une autre façon, le traumatisme que leur dispute a réveillé en elle… Evidemment que Nina peut oublier ses insultes … mais pour elle, c’est une tout autre histoire.
- Je …te remercie d’être venue t’excuser, Nina.
Contrainte et forcée par Colgan. Pourtant elle a l’air sincère. Se rend-elle seulement compte du mal qu’elle lui a fait, de l’impact que cette dispute a eu sur Ibakha. Après tout comment le pourrait-elle …  
- Mais je ne peux pas oublier, non.

Les traits de Nina s’affaissent.
- Ah…je vois.
- Ca a dépassé le stade d’une petite prise de bec.
- Mais non c’était juste…
- Pas pour moi ! Sciemment ou non, tu as essayé de me couper de la Meute. Or c’est tout ce qui me reste…

Nina avance, lève une main vers le visage d’Ibakha comme si elle voulait retirer une mèche de cheveux de son front.
- Je voulais pas…
Ibakha a à nouveau un brusque mouvement de recul, buttant contre le torse d’Hunter. Elle regarde Nina, l’attitude menaçante jusqu’à ce qu’elle s’en rende compte. Elle ferme alors les yeux pour se reprendre, puisant de la sérénité dans la présence de son compagnon.
- Il y a des choses qui prennent du temps Nina.
- D’accord. Je comprends. Elle referme les bras sur sa poitrine et resserre son châle autour d’elle. Ton…ton aura est plus apaisée ici. Mais ça nous ferait plaisir de te revoir pour qu’on puisse manger ensemble ou juste… papoter comme avant.
Ibakha se mord la lèvre pour ne pas répliquer qu’elle jouait plus souvent le rôle de spectatrice qu’autre chose.
- J’essaierai… répond-elle tout en sachant qu’il n’ira pas tout de suite.
Nina danse d’un pied sur l’autre avant de finalement lâcher.
- Bon eh bien… je vais vous laisser alors… Malgré tout, elle ne peut pas s’empêcher de jeter un coup d’œil à Hunter, espérant peut-être qu’il l’arrête ou propose de la raccompagner. Je suis contente qu’on est pu… discuter de ça. A bientôt.
Ibakha hoche simplement la tête et ne permet à ses épaules de se détendre qu’en la voyant partir réellement.
- Tu trouves que j’ai été horrible avec elle hein ? Je devrais sans doute m’estimer heureuse qu’elle vienne s’excuser. C’est juste que… je n’arrive pas encore à savoir si c’est ma confiance qui a été brise ou celle que les autres me portait. Peut-être un peu des deux…
Elle se tourne vers lui et le regarde droit dans les yeux. Il n’y a qu’à lui qu’elle puisse se confier sur ses craintes et ses doutes.
- J'ai peur de la prochaine pleine lune.  

Ibakha est sur la défensive et elle en a légitimement le droit. Lorsqu'elle se colle inconsciemment à lui, il pose une paluche rassurante sur son épaule. "N'ai pas peur. Je suis là, auprès de toi. Je veille..." L'échange prend fin sur une promesse d'essayer. La porte est donc ouverte, même si c'est à demi.
Hunter n'esquisse pas le moindre geste pour adoucir l'inconfort de Nina. Elle part, la silhouette courbée sous son châle, sans une once de galanterie de sa part. Il n'en a même pas l'idée, tout accaparé qu'il est par Ibakha.

- Tu trouves que j’ai été horrible avec elle hein ?

Le loup a un petit rire grave.

- Tu me demande ça à moi, alors que je suis rancunier comme une teigne ?
- Je devrais sans doute m’estimer heureuse qu’elle vienne s’excuser.
- Je pense que tu as été ce que tu avais besoin d'être. Il n'y a que toi pour quantifier le mal qu'elle t'a fait et jauger de ta capacité à lui pardonner. C'est toi qui pose les limites et les conditions, pas elle. Nina aimerait tout pouvoir balayer pour le confort de sa propre conscience, mais les actes ont des conséquences et les mots un pouvoir.
- C’est juste que… je n’arrive pas encore à savoir si c’est ma confiance qui a été brise ou celle que les autres me portait. Peut-être un peu des deux…

La louve pivote vers lui avec une inquiétude palpable qui fait trembler ses prunelles claires.

- J'ai peur de la prochaine pleine lune.

Hunter vient caresser la pommette pointue de sa joue. Ses doigts rustauds s'enfoncent dans sa chevelure pour mieux s'arrimer à son visage. Son pouce cajole tendrement cette peau velouté comme un fruit d'été.

- La confiance qui a été brisée, c'est celle que tu te portais à toi même. Tu en viens à douter de tout et des autres. Je pense que le tableau est loin d'être aussi noir. Shareen, Colgan, Malone et bien d'autres ne te jugeront jamais sur la simple parole de Nina. La plupart t'ont côtoyée sans jamais avoir à se plaindre d'un écart de conduite ou d'un manque de loyauté. Avec le temps, c'est ça qui reste. Un silence. Il la contemple avec une vive envie de picorer ses lèvres. Il n'en fait rien, pourtant. Il ne profitera pas de sa fragilité avec d'égoïstes considérations. Et puis... Moi, je serais à tes côtés. Tout le temps....Viens là.

Hunter l'enlace alors et lui frotte le dos pour la rassurer.

- J'ai peur de la prochaine pleine lune.

Hunter enrobe son visage de sa paume, caresse le grain de sa peau et Ibakha ferme un instant les yeux, penchant imperceptiblement la tête vers cette main chaud et caleuse qu’elle laisse être touchée sans la moindre crainte. Elle y blottit même sa joue, comme un petit animal qui cherche de l’affection.

- La confiance qui a été brisée, c'est celle que tu te portais à toi même. Tu en viens à douter de tout et des autres.
- Tu as…sans doute raison. Je pensais pouvoir gérer mes pulsions, mes instincts mais je constate que ça n’’est qu’une illusion de contrôle que j’ai eu.
- Je pense que le tableau est loin d'être aussi noir. Shareen, Colgan, Malone et bien d'autres ne te jugeront jamais sur la simple parole de Nina. La plupart t'ont côtoyée sans jamais avoir à se plaindre d'un écart de conduite ou d'un manque de loyauté. Avec le temps, c'est ça qui reste.
- Tu crois ? Mais si je dérape à nouveau, si une fois louve j’essaie encore de provoquer Colgan…ou Nina…si j’essaie de lui faire du mal.
- Et puis... Moi, je serais à tes côtés. Tout le temps…
Elle pose sa main contre la sienne, cale doucement ses doigts entre les siens. Elle contemple ses yeux bleus vibrant de sincérité et de quelque chose de plus indéchiffrable.
- Oui, tu seras là…mon fidèle gardien.
- Viens là.

Elle a un instant d’hésitation, vite balayé et elle vient se lover contre lui. Ses bras se glissent autour de lui et son visage trouve refuge contre son cou. Les lents va et vient de sa main dans son dos ont un effet apaisant comme à chaque fois qu’il la touche de cette façon, avec beaucoup de tendresse et de délicatesse. Ça lui donne l’impression d’être précieuse.  

- Toi…toi je te fais confiance, chuchote-t-elle.
Elle soupire puis niche son nez dans le creux de son cou. Parfois, elle se dit stupidement qu’elle voudrait enfermer son parfum unique dans une bouteille pour pouvoir le respirer lorsqu’elle se sent mal, après un cauchemar notamment. Ses lèvres baisent doucement sa mâchoire, glissent un peu vers le haut avant qu’elle ne relève la tête.
A nouveau son regard trouve le sien et son front se plisse dans une fausse expression sévère.

- Arrête d’être aussi gentil avec moi, tu ne vas plus savoir comment te débarrasser de moi après. Ses doigts grimpent sa joue, gratte doucement la peau mal rasée. Tu as changé tu sais…depuis que tu as parlé à Colgan et que tu vis ici. Tu as l’air…bien plus en paix avec toi-même.

Et ça la rend heureuse de voir que le temps de ses crises d’angoisse est loin à présent, comme sa colère rentrée qui n’était que le symptôme de vieilles blessures.
Ibakha n’est pas idiote, elle sent bien que lentement mais surement cet homme-loup prend une place significative dans sa vie…et dans son cœur qu’elle croyait pourtant glacé et hors de portée de qui que ce soit.
Elle pousse un discret soupire avant de reculer un peu, pas assez pour s’extirper de ses bras. Après un coup d’œil dans sa tasse de café, elle sourit plus franchement.
- Je ne t’avais jamais entendu prononcer autant de mot avant la fin de ton mug.

- Toi…toi je te fais confiance.

Hunter a un grognement satisfait dont il n'a même pas conscience. Les paupière closes, il inspire à fond le parfum de ses cheveux. Il ne peut plus se passer de son odeur. Ibakha peut presque entendre sa respiration grondante lui matelasser les tympans de sonorités ronronnantes. Ils ont pris l'habitude de ponctuer ces étreintes atypiques de bécots aussi léger que des libellules, ça et là. Jamais trop près, jamais trop loin. Une étrange et amabile partie de cache-cache. En général, cela conclue leur accolade sur une note de "reviens-moi vite".

- C'est quoi cette tête ? questionne-t-il en la voyant froncer les sourcils.
- Arrête d’être aussi gentil avec moi, tu ne vas plus savoir comment te débarrasser de moi après.
- Oh.. Mince alors ! C'est vraiment terrible. Son sourire en coin et son ton surjoué trahisse un amusement certain.
- Tu as changé tu sais…
- Ah ?
- Depuis que tu as parlé à Colgan et que tu vis ici. Tu as l’air…bien plus en paix avec toi-même.
- Peut-être...

Ces deux facteurs ont grandement contribué à un mieux-aller, mais le véritable déclencheur, l'élément déterminant, il le tient présentement dans ses bras.

- Je ne t’avais jamais entendu prononcer autant de mots avant la fin de ton mug.
- Plusieurs hypothèses : ou ton café est franchement miraculeux, ou j'ai pris profondément sur moi. L'un dans l'autre, tu risques de ne plus m'entendre de la journée... Soupir bourru. Pas trop envie de travailler aujourd'hui non plus, à vrai dire.

Sans crier gare, il se baisse, l'attrape par les cuisse et la soulève du sol. Une Ibakha d'un côté, sa tasse à moitié vide de l'autre, il retourne dans la grange avec la ferme intention de retourner se coucher.

- Je ne t’avais jamais entendu prononcer autant de mots avant la fin de ton mug.
- Plusieurs hypothèses : ou ton café est franchement miraculeux, ou j'ai pris profondément sur moi.
- Je penche pour la première option, susurre-t-elle d’un air confiant.
- L'un dans l'autre, tu risques de ne plus m'entendre de la journée...
- Ca n’a pas d’importance, je deviens très douée dans le décryptage de tes grognements.
- Pas trop envie de travailler aujourd'hui non plus, à vrai dire.
- Fainé…AH !

Elle se fait soudain soulevée du sol et bascule sur son épaule alors qu’il reprend tranquillement le chemin de la grange.

- Imbécile de Vieux Loup ! Repose-moi à terre !
Elle gigote, lutte mais la carrure d’Hunter ne ment pas sur la marchandise. Il est bien plus fort qu’elle. Tentant une autre approche, elle se tortille comme une anguille pour lui échapper mais elle ne réussit qu’à glisser un peu et s’agrippe à ce qu’elle peut dans un petit cri. Elle cesse de bouger dans tous les sens et pousse un profond soupir.

- Tu es le parfait mélange entre l’animal et l’homme des cavernes ! J’imagine que je dois m’estimer heureuse que tu ne m’aies pas attrapée par les cheveux … Hunter ! Laisse-moi ! Pour qui tu m’as prise ?  

Le voyant se diriger vers les escaliers, elle recommence à s’agiter.
- Mais où tu vas à la fin ? J’ai aucune envie de retourner au lit !

Il grimpe les marches et Ibakha commence à paniquer un peu.
- C’est carrément dangereux ce que tu fais, tu sais ça ? J’imagine que se casser le cou c’est mortel pour un Loup ?  

Ses doigts se crispent sur sa peau pendant la montée et elle retient son souffle jusqu’à arriver en haut. Soudain, elle bascule à nouveau et atterrit dos dans sa couchette dans un « Humpf » pas très gracieux, les cheveux éparpillés autour de sa tête en corolle rebelle.
- Tu es vraiment…vraiment idiot !
Elle éclate soudain de rire et tente de le camoufler comme elle peut sans trop de succès. Et puis, il vient s’écrouler à ses côtés et le faciès encore hilare, les yeux pétillants et humides, elle se tourne vers lui.
- Maintenant quoi, paresseux ? J’ai aucune envie de dormir, moi !…

Ibakha gesticule, l'invective et se cramponne à lui alors qu'Hunter l'achemine vers la première paillasse à sa portée -la sienne- pour l'y culbuter. Il abandonne sa tasse vide sur un coin de poutre et la regarde -elle son air délicieusement ahuri- avec un sourire victorieux. Avec une grognement de contentement, il s'affale à son tour, l'écrasant à moitié de son tas de muscles.

- Tu es vraiment…vraiment idiot !

La louve éclate d'un rire joyeusement mélodieux qui pousse Hunter à se redresser pour mieux en saisir toute la splendeur de ses propres yeux. Ibakha est rayonnante de naturel, et son palpitant cogne furieusement alors qu'un seul mot clignote dans sa cervelle : "Magnifique..."

- Si c'est pour t'entendre rire comme ça, c'est sans regret, assène-t-il, la surplombant toujours avec un sourire large et franc.
- Maintenant quoi, paresseux ? J’ai aucune envie de dormir, moi !…
- Je n'ai aucun programme précis. Ce dont je suis certain, c'est que tu dors suffisamment mal la nuit pour avoir des carences de sommeil. Je cherche encore comment y remédier. J'ai peut-être une idée...

Ses yeux bleus pétillent de malice comme rarement. Il attrape la taille de la jeune femme et vient ébrouer sa large tête contre son ventre, exactement comme un énorme chien envahissant et câlin. Son nez lui chatouille l'abdomen alors qu'il se frotte contre elle comme pour la recouvrir de son odeur et ce malgré ses protestations. Il y a longtemps qu'il n'a pas "joué" ainsi, sans la moindre sombre pensée flottant en arrière plan dans son crâne trop plein d'idées noires. Ibakha a raison, il est plus heureux en ce moment.

"C'est grâce à toi, petite Indomptée!"

- Si c'est pour t'entendre rire comme ça, c'est sans regret.
- Tu as l’air beaucoup trop content de toi ! Maintenant quoi, paresseux ? J’ai aucune envie de dormir, moi !…
- Je n'ai aucun programme précis.
- Lézarder au lit n’est donc pas considéré comme un début de programme ?
- Ce dont je suis certain, c'est que tu dors suffisamment mal la nuit pour avoir des carences de sommeil.
Elle ne dit rien pendant quelques secondes mais son visage s’affaisse un peu alors qu’un pli se forme entre ses yeux.
- Comment tu sais ? murmure-t-elle. Elle était pourtant certaine d’avoir réussi à faire en sorte de ne pas le réveiller lui à chaque fois que cela arrive.
- Je cherche encore comment y remédier. J'ai peut-être une idée...
Ses deux billes bleues pétillent soudain avec tant de force que le coin de sa bouche esquisse une moue amusée.
- Qu’est-ce que tu as encore inven…TE !

Et comme un chien fou, il se frotter à son ventre nu et la voilà repartie dans un éclat de rire absolument impossible à dompter. Elle se tortille à nouveau dans tous les sens pour lui échapper.

- Hunter ! Mais t’es impossible ce matin ! Il y avait quoi dans ton café ? Arrête !!! Ça chatouille !
Elle se fige un peu lorsqu’elle se sent trop « acculée » mais si cette partie reptilienne de son cerveau agit à l’instinct, l’autre, enveloppée dans l’odeur du Vieux Loup et la chaleur de ses mains se sait parfaitement en sécurité.  

Lorsqu’il se calme enfin après de longues minutes « de torture », elle est essoufflée, toujours aussi échevelée mais complètement alanguie. Un large sourire s’attarde sur ses lèvres sans qu’elle n’arrive à le retirer. Délicatement, elle vient retirer une à une les mèches de cheveux brunes qui lui cachent les traits taillés à la serpe d’Hunter et qu’elle frôle au passage.

- Idiot…répète-t-elle dans un souffle. Et ce simple mot semble renfermé toute l’affection (et sans doute plus) qu’elle éprouve pour lui.
Une fois son visage dégagé, elle continue ses « papouilles » dans ses cheveux comme on caresserait un gros chat.
- Tu crois que je réussirai à te faire ronronner un jour ? Promis je ne dirai rien aux autres.
Ses autres qu’elle oublie presque complètement dans ces moments-là, tout comme le Brouillard, la fin du monde et le reste. Le Silo est devenu son jardin d’Eden.

Sauf qu’elle ne peut pas penser comme ça. Le présent finira par la rattraper tôt ou tard. Et à parier, elle penche pour le tôt. Petit à petit, son visage reprend une mine plus grave.  
- C’est quoi ton idée… pour mes carences de sommeil ?

- Idiot…

Ce simple mot revêt à lui seul bien des significations. C'est presque un code secret, un mot de pouvoir, dont les différentes facettes illustrent le lien profond qui s'est tissé entre eux.
Idiot comme "puérile et adorable".
Idiot comme "vieux loup ronchon".
Idiot comme "merci d'être là".
Idiot comme "Je tiens à toi".

- Tu crois que je réussirai à te faire ronronner un jour ? Promis je ne dirai rien aux autres.
- Essaie autant que tu veux... On ne sait jamais.

"Ne t'arrête pas surtout".
Hunter se laisse caresser, cherchant à prolonger le contact avec ces phalanges délicates qui lui promulguent bien-être et félicité. Il n'y a qu'elle qui sache à quel point il peut se montrer assoiffé de tendresse.

- C’est quoi ton idée… pour mes carences de sommeil ?
- Il existe des herbes médicinales pour apaiser l'esprit et le mettre au repos. Il y a aussi des amulettes plus puissantes que l'attrape-rêve que j'ai confectionné, mais qui ne semble pas assez efficace. On peut tenter le rêve conscient, pour essayer de te donner des clés de pouvoir qui te redonneront du contrôle durant tes songes... Mais au final, toutes ces méthodes ne solutionnent pas le problème. Il te faut affronter ce qui t'angoisse, aller à la rencontre de la Bête. Et pour ça, il faut recommencer ton voyage spirituel...

Hunter se saisit délicatement de son poignet et vient embrasser la trace de morsure qu'il lui a fait sur le bras.

- Cette fois, si tu te sens prête à m'accepter, je viendrais avec toi dans ton esprit...

- Essaie autant que tu veux... On ne sait jamais.
- J’aime les défis…

Le ton de la conversation se fait plus sérieux alors qu’elle prodigue ses attentions à un Hunter qui arbore une expression de contentement qui l’amuse beaucoup. La frontière entre l’animal et l’humain s’est faite à nouveau floue. C’est sans doute ce qu’elle trouve de si fascinant chez lui, cette façon qu’il a de se glisser naturellement de sa peau animale à celle d’humain. Parfois la métamorphose se fait dans un battement de cil.  

- C’est quoi ton idée… pour mes carences de sommeil ?
- Il existe des herbes médicinales pour apaiser l'esprit et le mettre au repos. Il y a aussi des amulettes plus puissantes que l'attrape-rêve que j'ai confectionné, mais qui ne semble pas assez efficace.
Ibakha jette un coup d’œil vers le haut, là où les breloques tintent doucement, accrochées à une poutre, l'une des nombreuses attentions qu'Hunter lui offrent discrètement.
- J’imagine qu’il fait ce qu’il peut…
- On peut tenter le rêve conscient, pour tenter de te donner des clés de pouvoir qui te redonneront du contrôle durant tes songes... Mais au final, toutes ces méthodes ne solutionnent pas le problème.
Elle se renfrogne un peu, sachant pertinemment ce qu’il va dire.
- Il te faut affronter ce qui t'angoisse, aller à la rencontre de la Bête. Et pour ça, il faut recommencer ton voyage spirituel...
- Je sais… Ca n’est pas parce qu’elle repousse l’idée qu’elle n’est pas parfaitement consciente qu’il a raison. Je ne suis juste pas certaine… d’être armée pour ça.

Il pose doucement ses lèvres sur la cicatrice de la morsure qu’elle garde dans la beau de son bras, provoquant un puissant et agréable frisson.
- Cette fois, si tu te sens prête à m'accepter, je viendrais avec toi dans ton esprit...
Ibakha garde un instant le silence puis se redresse, son regard transperçant le sien aussi efficacement qu’une lame.
- Si je fais ça… si je te laisse m’accompagner, je me mettrais totalement à nu devant toi non ? Tu iras là où personne n’est jamais allé… là où personne n’ira jamais… Tu connaitras tout de moi alors que j’en connais si peu sur toi…

Que quelqu’un, même Hunter, puisse détenir autant de pouvoir sur elle est effrayant, vertigineux. Son esprit d’indépendance et son instinct de survie lui hurlent de ne pas accepter quelqu’un chose d’aussi invasif et dangereux alors que son cœur lui souffle que tout ira bien. Lentement, ses doigts se referment sur la nuque d’Hunter et elle rapproche leurs visages jusqu’à ce que leurs fronts se touchent.

- Promets-moi que tu n’utiliseras jamais ce qu’il y a dans mon esprit pour me faire du mal. Promets-le…
Elle pousse un faible soupir sans quitter son regard.  
- Dans ce cas… d’accord. Est-ce que tu accepteras toi aussi, de m’en dire plus sur toi ?

- Si je fais ça… si je te laisse m’accompagner, je me mettrais totalement à nu devant toi non ?
- Oui, déclare-t-il sans détour.
- Tu iras là où personne n’est jamais allé… là où personne n’ira jamais… Tu connaitras tout de moi alors que j’en connais si peu sur toi…

Ibakha se redresse et Hunter suit lentement le mouvement. Les deux loups s'affrontent du regard un moment. Finalement, elle s'empare de sa nuque et leur fronts s'épousent comme deux parfaites pièces de puzzle.

- Promets-moi que tu n’utiliseras jamais ce qu’il y a dans mon esprit pour me faire du mal. Promets-le…
- Jamais, je ne pourrais te faire du mal.

Il se plonge dans ses yeux en mal de confiance et de foi. Il ne se dérobe pas à la pression imposée par ce nouvel engagement.

- Je te le promets, Ibakha.
"Si je te fais du mal, c'est aussi à moi que j'en ferais."
- Dans ce cas… d’accord. Est-ce que tu accepteras toi aussi, de m’en dire plus sur toi ?
- Ce genre de rituel osmotique, implique un échange. Une communion. Nos esprits vont se juxtaposer. Si moi, je te vois dans ta vérité la plus crue, tu me verras aussi. Moi aussi, je serais nu face à toi.

Néanmoins, il se coule sur son flanc et s'alonge sur la couche, un bras en oreiller, le regard vers le plafond.

- Que veux tu savoir ? Il tourne la tête vers elle. Je m'efforcerais d'étancher ta curiosité.

- Promets-moi que tu n’utiliseras jamais ce qu’il y a dans mon esprit pour me faire du mal. Promets-le…
- Jamais, je ne pourrais te faire du mal. Je te le promets, Ibakha.

Elle ne remet pas sa parole en doute. Elle sait qu’il est sincère et les derniers reliquats de craintes fondent comme neige au soleil.

- Ok…Dans ce cas… d’accord. Est-ce que tu accepteras toi aussi, de m’en dire plus sur toi ?
- Ce genre de rituel osmotique, implique un échange. Une communion. Nos esprits vont se juxtaposer. Si moi, je te vois dans ta vérité la plus crue, tu me verras aussi. Moi aussi je serais nu face à toi.
- Et tu es d’accord avec ça ? Tu l’as…déjà fait ? Avec quelqu’un d’autre ? demande-t-elle dans un souffle.

Il s’allonge sur le matelas improvisé et elle se coule à ses côtés, jamais trop près, jamais trop loin. Elle observe elle aussi l’entremêlement de poutre et de bois.
- Que veux-tu savoir ? Je m'efforcerais d'étancher ta curiosité.
Elle émet un petit rire.
- Vraiment ? Non, ça n’est pas tellement comme ça que je voyais les choses. Pas comme un interrogatoire forcé. Elle pivote la tête vers lui, trace les contours d’un côté de son visage aux charmes si particuliers. Il y a sans doute des sujets dont tu ne veux pas me parler, des choses trop douloureuses pour être évoquées… je ne veux pas transgresser cette limite avec une question légère et stupide ou te faire du mal inutilement. Elle s’accoude au matelas pour surplomber légèrement son visage. Ma seule question est donc…qu’as-tu envie de partager avec moi Hunter Romulus O’Rourke ? Je prendrai ce que tu as à m’offrir quand tu auras envie de me l’offrir. Pas plus, pas moins. Je sais être patiente.

- Vraiment ?
- Vraiment. Pourquoi je le proposerais sinon ?

Parfois, il ne comprend pas cette logique étrange. Il ne parle que peu, mais silences ou paroles ne sont jamais des mensonges. Il est foncièrement honnête, tel l'animal que la nature a conçu.

- Non, ça n’est pas tellement comme ça que je voyais les choses.
- Ah.
- Pas comme un interrogatoire forcé.
- Ce n'est pas...
- Il y a sans doute des sujets dont tu ne veux pas me parler, des choses trop douloureuses pour être évoquées… je ne veux pas transgresser cette limite avec une question légère et stupide ou te faire du mal inutilement.

Hunter observe Ibakha longuement, à la fois touché de ses égards, mais un peu perdu également. Comment lui expliquer qu'il ne se force à rien avec elle, que simplement, il ne sait pas par quel bout prendre ses quatre-vingt- deux années d'existence et d'expériences aussi diverses que variées. Il n'est pas doué de ce genre d'éloquence.

- Ma seule question est donc…qu’as-tu envie de partager avec moi Hunter Romulus O’Rourke ? Je prendrai ce que tu as à m’offrir quand tu auras envie de me l’offrir. Pas plus, pas moins. Je sais être patiente.

Le loup se sent gagné par une forme de gêne nouvelle, ou peut-être est-ce un peu de panique.

- Ibakha, je.. je ne suis pas un homme qui sait comment parler de lui. Comment parler tout court. Ses lèvres se pincent, parfois il se fait l'effet d'un enfant dont la petite cervelle n'est pas capable d'entrevoir les complexités du verbe. Les mots ont un pouvoir, ils lui font peur. Ca n'est pas une question de.. de confiance. Je... Je voudrais tout pouvoir te dire, ... je ne sais juste pas par où commencer.

De façon tout à fait inexplicable au premier abord, elle le voit changer d’expression, se refermer un peu, comme s’il était embrassé. Mais de quoi exactement ?

- Ibakha, je.. je ne suis pas un homme qui sait comment parler de lui.
Ibakha a un petit sourire gêné elle aussi.
- Eh bien dans ce cas ne le fait pas. Il n’y a aucun caractère d’obligation.
- Comment parler tout court.
Ibakha fronce les sourcils.
- Il va rapidement falloir que je m’entraine à décrypter tes grognements alors…
- Ca n'est pas une question de… de confiance. Je... Je voudrais tout pouvoir te dire, ... je ne sais juste pas par où commencer.
Le visage toujours au-dessus du sien, elle le contemple un moment en silence. Elle l’a rarement vu aussi…fébrile. Doucement, son index vient frôler ses lèvres balbutiantes.
- Ca n’est pas un concours d’éloquence tu sais. Je serai bien mal placée pour te juger. Je ne suis pas la personne la plus sociable de l’univers au cas où ça t’aurait échappé... Il n’y a pas de « bonne » manière de faire et je ne demande pas un exposé qui va de ta naissance à aujourd’hui. Mais comme elle le sent toujours aussi peu à l’aise, elle tente de se faire guide d’une discipline qu’elle est bien loin de maîtrisée. C’est là qu’elle envie le naturel de Nina pour la conversation. Ca peut être… de simples et petites choses, comme…ton odeur préférée, celle que tu gardera en mémoire toute ta vie où… un souvenir heureux... Je vais commencer ça te laissera le temps de réfléchir.

Elle se réinstalle sur le dos pour contempler l’attrape-rêve au-dessus d’eux, cherchant dans sa mémoire quelque chose à raconter. Lentement elle commence.
- Quand j’ai eu huit ans, on a reçu la visite des Berkutchis. Ce sont des fauconniers qui pratiquent une chasse à l’aigle à dos de cheval, une vieille tradition qui se perd. L’un des chasseurs avait un aigle magnifique, immense. J’ai demandé à pouvoir le prendre sur mon bras. Mon oncle a évidemment refusé, l’animal était presque aussi grand que moi. Mais je n’ai pas lâché l’affaire et j’ai suivi l’homme toute la journée, en silence. Je ne sais toujours pas ce qu’il l’a fait flancher mais finalement il a sorti un énorme gant et me l’a passé. Mon bras disparaissait pratiquement dedans. L’aigle attendait tranquillement sur une barrière… Le fauconnier m’a montré comment faire pour l’appeler et m’a dit de ne surtout pas bouger. Et je l’ai fait. Elle émet un petit rire. L’aigle m’a carrément snobée la première fois alors j’ai recommencé et il a pris son envol pour venir vers moi. Il avait ses énormes serres griffues en avant, les ailes déployées et ses yeux ne me quittaient pas du regard. Je devais avoir l’air d’une grosse souris sans doute… Elle ferme les yeux. Je me souviens de son poids, il était bien plus lourd que je le pensais… de son regard, franc sauvage, féroce, je n’arrivais plus à me détacher de ses yeux… Je pensais l’avoir commandé mais il m’a clairement fait comprendre que c’est lui qui a choisi de venir à moi. D’un coup de bec ou de serre il pouvait m’estropier, me tuer même s’il visait la gorge mais il restait simplement là, royal, magnifique. Elle relève les paupières et pivote la tête vers lui. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé ce jour-là mais j’ai eu l’impression d’être à ma place, là… dans les yeux de cet aigle. C’est pour ça que je m’en suis fait tatouer un sur ma peau… elle laisse filer un silence et grimace. Je ne suis pas très douée non plus pour raconter ce genre de choses…

- Ca peut être… de simples et petites choses...
- De simples choses... répète-t-il.
-...comme…ton odeur préférée, celle que tu gardera en mémoire toute ta vie...
"La tienne" pense-t-il spontanément.
- où… un souvenir heureux... Je vais commencer ça te laissera le temps de réfléchir.

Avec une certaine fascination, il écoute le récit de ce souvenir d'enfance, se figurant aisément la petite Ibakha, têtue et cheveux au vent, tâchant de rivaliser avec l'aigle. Il se trouve une étrange ressemblance avec le rapace de son histoire et cela le fait sourire.

- Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé ce jour-là mais j’ai eu l’impression d’être à ma place, là… dans les yeux de cet aigle. C’est pour ça que je m’en suis fait tatouer un sur ma peau… elle laisse filer un silence et grimace. Je ne suis pas très douée non plus pour raconter ce genre de choses…
- Tu racontes bien... assure-t-il de son timbre grave.

Hunter contemple le plafond, à la recherche de ses propres souvenirs, engloutis par sa mémoire. Il ne sait pas si celui qui lui vient est réellement heureux, mais à défaut, il demeure marquant.

- A huit ans, je rencontrais mon père pour la première fois. Les louveteaux restaient avec leurs mères, en marge des mâles adultes, jusqu'à l'approche de leurs premières lunes. Mon père, contrairement à bien des alphas, n'était pas monogame. Il exerçait un droit de cuissage sur l'ensemble des femelles du clan. C'est pourquoi, je ne ressemble ni à mon frère, ni à ma soeur. Nous avons chacun une mère différente. Quoi qu'il en soit, nous étions élevés comme une portée unique. Remus était déjà sauvage, belliqueux et narcissique. Sa mère se ventait qu'il était celui de nous trois qui avait hérité de manière la plus flagrante de toutes les qualités de notre père en plus d'être né le premier. Tu n'as pas connu Remus, mais il était plus grand et plus épais que moi. De fait, je m'imaginais un colosse blond, la mâchoire lourde et carrée, et le caractère mauvais. Moi, j'étais un gringalet dégingandé avec un gros nez et un large front. Je perdais toujours en chahutant avec mon frère ou les autres loups. Je tremblais littéralement de peur à l'idée de le rencontrer. J'en perdais même le sommeil. Mais ma mère m'avait appris à dissimuler ma frayeur. Je ne devais jamais la montrer, à quiconque, même pas à ma sœur, même pas à elle. Ce n'était pas une femme très démonstrative, mais elle avait à cœur ma survie. Il marque un temps. Vint le fameux jour de la confrontation. Les enfants avaient été alignés en rang d'oignons, filles comme garçons. Je me tenais droit, le menton bien haut, les poings serrés : je m'autodigérais en espérant que cela finirait vite. Nous étions entourés de mâles adultes qui nous jaugeaient de la tête au pied et l'air était saturé de leur testostérone. J'en suffoquais presque.
Un homme est entré dans la pièce.
Ce n'était pas le plus grand, ni le mieux fait de sa personne, mais dès qu'il mit un pied sur le seuil, sa présence écrasa toutes les autres. Plus un bruit, pas même une respiration parasite... Il avait avalé absolument toute l'atmosphère ambiante pour la faire sienne. Tous les regards convergeaient vers lui sans pouvoir s'en détacher. C'est la première fois que j'étais témoin du pouvoir d'un alpha. Il commença à nous passer en revue, tous autant que nous étions, se gardant sa propre progéniture pour la fin. Je fus le seul qui ne baissa pas les yeux malgré ma trouille. Je pus constater alors, que les dires de la mère de Remus étaient faux : mon père était brun, et nous avions en commun le même large front et le même pif improbable. Il n'avait rien de commun avec Remus. Il avait l'air profondément intelligent. Une intelligence glaciale et clinique. Ses prunelles me vrillèrent sur place. J'avais les jambes en coton, une foutue envie de me pisser dessus, mais conformément au souhait de ma mère, je faisais tout ce qui était en mon possible pour ne pas le lui montrer. Il s'est mis à rire soudain. Un espèce d'éclat caverneux et solaire à la fois. Je l'entends encore parfois quand je pense à lui... Il m'a posé une paluche sur le sommet du crâne et a dit simplement : "Voilà bien mon fils." J'ai senti la fierté me brûler tout entier comme un fétu de paille.  Je n'avais jamais ressenti une telle chose avant. Il me fit même l'honneur de me reconnaitre en premier en me mordant la nuque en signe de vassalité.

Le lycan s'ébroue d'un petit rire qui sonne pourtant étrangement triste.

- J'ai chèrement payé cette marque de distinction. Remus ne me l'a jamais pardonné...

Il se met soudain à parler et Ibakha le fixe tout du long, hypnotisée. Sans vraiment s’en rendre compte, sa main cherche la sienne et elle noue leurs doigts ensemble.

Elle essaie de se représenter un petit Hunter, le regard aussi pénétrant qu’aujourd’hui, ce père qui semblait écraser tout le monde de sa présence, sa mère comme les concubines d’autrefois qui essayait de placer leur fils sur le devant de la scène et ce frère…ce grand frère responsable de tant de dégâts chez Hunter dont elle n’a fait qu’effleurer la surface.

Lorsqu’il arrête de parler, elle papillonne des cils comme libérée de l’emprise de son timbre grave et rocailleux.
Elle lui sourit.
- Merci… souffle-t-elle. Elle conservera précieusement cette histoire pour elle. Toi aussi tu racontes bien, j’aimerai entendre d’autres souvenirs… pas aujourd’hui mais quand tu voudras. Et puis, j’adore le son de ta voix, tu le sais.

Quelques questions lui brûlent les lèvres qu’elle préfère pincer pour ne pas être tenter de les poser. Il vient déjà de produire un effort colossal à son échelle, elle n’allait pas pousser plus loin.

- Tu avais… une drôle de famille. Je n’imagine pas ce que ça a dû être de grandir dans ce genre de Meute. Si ton frère était resté Alpha, jamais je n’aurais été mordue.
Taquine soudain, elle vient se perchée sur son torse puis trace une ligne de son front jusqu’au bout de son nez.
- Je ne le trouve pas si improbable que ça ton nez. Alors comme ça tu ressembles physiquement à ton père. Moi je ne ressemble pas du tout à ma mère, hormis la forme des yeux évidemment et sans doute pas plus à mon père. Mais dis-moi, d’où te viens ce cœur sensible et tendre alors ? Elle y appose sa paume pour l’englober totalement, le sentant pulser sous la peau nue. Doucement, ses ongles grattent le derme alors que son visage retrouve un peu de sérieux. Je ne sais même pas comment tu as fait pour ne pas devenir un immonde salaud…note que je ne m'en plains pas.

- Merci… Hunter ignore à quoi il doit cette reconnaissance. Cette histoire est bien moins belle que sa première expérience de fauconnerie. Toi aussi tu racontes bien...
- Tu trouves ? Son étonnement est sincère.
- J’aimerai entendre d’autres souvenirs…
- Il ne sont pas franchement heureux.
- ...pas aujourd’hui mais quand tu voudras. Et puis, j’adore le son de ta voix, tu le sais.
- Tiens donc, Tu apprécies de te faire poncer les tympans avec du gravier ? Tu es une drôle de fille...

Il ricane tout en la dévorant du regard. Son orgueil se trouve flatté qu'une belle femme apprécie le son de ses cordes vocales abîmées. Elles ne sont guère nombreuses.

- Tu avais… une drôle de famille. Il ne dit mot mais son approbation est claire. Cependant il en avait une quand d'autres n'avait rien. Je n’imagine pas ce que ça a dû être de grandir dans ce genre de Meute. Si ton frère était resté Alpha, jamais je n’aurais été mordue.
- Mon frère était un gros con. Je ne le regrette pas une seule seconde.

Ibakha lui grimpe soudain sur le poitrail, et Hunter la réceptionne en posant très naturellement ses mains sur ses hanches étroites. Elle lui tripote le tarin avec une de ses rares petites moues de gamine, qu'elle ne dévoile qu'à lui.

- Je ne le trouve pas si improbable que ça ton nez.
- Tu dis ça parce que tu as eu le coup de foudre pour un aigle à huit ans. Mon pif se rapproche plus d'un bec qu'autre chose.
- Alors comme ça tu ressembles physiquement à ton père.
- Oui. Je suis juste plus grand. C'était un petit gus qui mettait au pas des barriques deux fois plus grosses...
- Moi je ne ressemble pas du tout à ma mère, hormis la forme des yeux évidemment et sans doute pas plus à mon père.
- De mon humble point de vue : tu es très belle, Ibakha...
- Mais dis-moi, d’où te viens ce cœur sensible et tendre alors ?
- Tu te moques encore, hein ?

Sa main se referme doucement sur celle de la louve, y tissant ses doigts rugueux.

- Je ne sais même pas comment tu as fait pour ne pas devenir un immonde salaud…
- Je sais pas... Si j'y suis parvenu... déclare-t-il d'un ton grave.
- Note que je ne m'en plains pas.

Pour toute réponse, Hunter porte ses doigts à sa bouche et y dépose un baiser léger. Remerciements silencieux.

- Parle-moi des steppes... J'aime imaginer la petite Indomptée galopant sur son canasson tignasse au vent. Tu en as beaucoup de souvenirs ?.... Je n'ai jamais quitté l'Irlande pour ma part.

Et on descelle dans son timbre un profond regret.

- Moi je ne ressemble pas du tout à ma mère, hormis la forme des yeux évidemment et sans doute pas plus à mon père.
- De mon humble point de vue : tu es très belle, Ibakha...
Ibakha le dévisage, cherchant à savoir s’il se moque d’elle ou non. On ne lui a jamais dit qu’elle était « belle ». Atypique, exotique – elle détestait foncièrement ce terme, c’est comme ça qu’il la traitait – étrange, oui, « belle » jamais. Et pour sa plus grande surprise et honte, elle en rougit légèrement. Son teint doré ne fait pas grand chose pour le cacher. Elle préfère donc changer de sujet et se reconcentrer sur lui.
- Mais dis-moi, d’où te viens ce cœur sensible et tendre alors ?
- Tu te moques encore, hein ?

L’affection qu’on lit dans ses yeux est clairement visible.

- Non je ne me moque pas.
Jamais elle ne s’amuserait d’une caractéristique qu’elle apprécie tant chez lui. Elle trouve ça simplement adorable qu’il tente de le cacher autant. Même si elle sait à présent qu’il a dû cacher un grand nombre de choses au reste du monde.
« Comme moi… »

- Je ne sais même pas comment tu as fait pour ne pas devenir un immonde salaud…
- Je sais pas... Si j'y suis parvenu...
Profondément indignée qu’il puisse penser le contraire, elle se redresse un peu, visage sévère.
- Comment tu peux dire une chose pareille ! Tu es l’homme le plus merveilleusement respectueux et sensible que j’ai rencontré ! Et j’en ai croisé un bon paquet !
Elle n’arrive d’ailleurs toujours pas à savoir si c’est cet excès de respect qui l’empêche d’aller plus loin avec elle ou un simple et bête manque d’envie. Elle ajoute avec un petit sourire.
- Le premier à m’offrir des fleurs… même une par une…

Il embrase délicatement ses phalanges et elle en a le cœur tout secoué.
- Tu vois…tu ne fais que le prouver à nouveau.
Une émotion violente la saisit à la gorge et elle incline spontanément son visage vers le sien mais une peur brute du rejet ou de gâcher cet équilibre si précieux entre eux l’arrête au dernier moment. Leurs lèvres se frôlent un très bref instant alors qu’elle donne un simple petit coup de nez contre le bout du sien avant de descendre de son perchoir pour s’allonger à nouveau à ses côtés.

« Tu n’es qu’une imbécile Ibakha ! »
D’avoir amorcer quelque chose ?
Ou de ne pas être allée jusqu’au bout ?
Ça reste confus à déterminer. Heureusement pour elle, il change très vite de sujet sans s’appesantir sur ce qu’elle a failli faire.

- Parle-moi des steppes... J'aime imaginer la petite Indomptée galopant sur son canasson tignasse au vent. Tu en as beaucoup de souvenirs ?...
Ibakha a un petit sourire nostalgique.
- Beaucoup oui… Senji, c’est comme ça que s’appelait mon cheval. Ca veut dire vent. Vent et Indomptée… ça va bien ensemble non ? Je me demande si je lui ai manqué après mon départ… La vie n’était pas facile mais elle était belle…et libre. Je n’avais pas tant que ça les cheveux détachés, ma tante me courrait après pour me les tresser. Ils étaient trop clairs par rapport aux leurs. Ça ne plaisait pas. Rassemblés, ils donnaient l’illusion d’être plus foncés. Moi je m’en fichais… On travaillait beaucoup. Soigner le bétail, traire, monter et démonter les yourtes pour suivre le tracé des meilleurs pâturages selon la saison, prier pour que l’hiver ne soit pas trop rude… Elle laisse filer un long silence. Ils m’ont vendue… ma famille. Je ne saurais jamais qui était d’accord pour ça mais mon grand-père m’a échangée contre 16 000 000 tugriks. 5 000€. C’est ce que je valais. Elle a un petit rire sardonique. A douze ans on m’avait déjà collé un prix. Une fortune pour les miens. Une bagatelle pour ceux qui m’ont acheté.

- Je n'ai jamais quitté l'Irlande pour ma part.
Elle tourne à nouveau la tête vers lui.
- Et où tu aurais voulu aller ? J’aimerais te montrer un jour… chez moi. Mais je ne sais pas si tu aimerais. Il y a très peu de forêt, juste des gigantesques étendues plates et herbeuses qui s’étendent à perte de vue comme un océan vert et les montagnes au fond. Il y a beaucoup de loups en Mongolie. Parfois je rêve que je cours dans mes steppes natales en louve... tu pourrais être là… à mes côtés. Tu viendrais ? Avec moi ? J'aurais pu y retourner avant... je n'ai jamais eu le courage. Si tu es avec moi, j'y arriverai... Et si on sort de ce brouillard en vie évidemment, conclue-t-elle avec un petit sourire en coin.
Elle plisse quelque peu son front.
- Tu me fais beaucoup parler, Vieux Loup. Je n'ai pas l'habitude. 

Un instant.
Le temps d'une respiration.
Ibakha s'est penchée vers lui.
Son cœur s'est accéléré, pompant comme un fou furieux. Une fébrilité rare, presqu'oubliée, s'est emparée de lui. Ses lèvres se sont entrouvertes - "comme pour mieux respirer" essaie-t-il de se convaincre - en réalité prête à accueillir les siennes.
Leurs nez entrent en collision.
Caresse brève au gout de trop peu.

Ibakha est déjà partie, échappant aux émois de son perchoir.

Hunter déglutit.
Il en avait curieusement envie.
Il n'en avait pas encore le courage, cependant.
"Un lâche, c'est tout ce que je suis."
Un amoureux meurtri qui n'ose plus.
Moïra flotte quelque part dans son esprit : le visage du Désespoir, ruisselant de larmes et de regrets.

"Changer de sujet."

- Parle-moi des steppes... J'aime imaginer la petite Indomptée galopant sur son canasson tignasse au vent. Tu en as beaucoup de souvenirs ?

Il écoute, patiemment, regagnant en silence la maitrise de ses sangs et de ses poumons. Le récit d'Ibakha est sordide. Terrible. Triste. Inacceptable. Et pourtant, sans ce cheminement de vie, effectué de mains en mains, elle ne serait jamais arrivée jusqu'ici, dans le seul pays qu'il n'a jamais connu.

- Je n'ai jamais quitté l'Irlande pour ma part.
- Et où tu aurais voulu aller ?

Il hausse les épaules.

- N'importe où la mer m'aurait porté. Là où j'aurais pu me nourrir d'autres découvertes, d'autres cultures. Cela nous était interdit. Mon père avait un attachement à la terre extrêmement profond et l'Irlande était son fief. Ma mère est une fille de druides, une mystique qui nous a fait nous enraciner à Tir Nà Nog parce que les esprits y avaient de grand projets pour nous... J'ai été conçue pendant une nuit de Beltaine. Mon père prétendait que ma mère était à moitié fée... En soit, cela n'aurait pas été tout à fait étonnant... Je me demande parfois s'il l'a aimé. S'il a aimé chacune des mères de ses enfants d'ailleurs... Quoi qu'il en soit, les seuls paysages que je connaisse sont la forêt, les falaises et la lande.
- J’aimerais te montrer un jour… chez moi. Mais je ne sais pas si tu aimerais. Il y a très peu de forêt, juste des gigantesques étendues plates et herbeuses qui s’étendent à perte de vue comme un océan vert et les montagnes au fond.
- Du moment que le ciel s'étend à l'infini, je crois que tout me plairait...
- Il y a beaucoup de loups en Mongolie.
- Vraiment ?
- Parfois je rêve que je cours dans mes steppes natales en louve...

Hunter l'observe avec une tendresse mal dissimulée. Cette femme a autant besoin d'espace et de connexion avec la terre et les nuages que lui.

- Tu pourrais être là… à mes côtés. De nouveau son palpitant s'emballe, "bêtement". Tu viendrais ? Avec moi ?

Il lui caresse la joue du revers de ses phalanges, un frôlement à peine.
"Dis-lui ! Dis-lui qu'avec elle, tu pourrais aller n'importe où, qu'avec elle tu te sentirais chez toi où que conduisent vos pas..."
Les mots se refusent à lui, alors il hoche simplement la tête à défaut.

- J'aurais pu y retourner avant... je n'ai jamais eu le courage. Si tu es avec moi, j'y arriverai...
- Et si on sort du Brouillard...
- Et si on sort de ce brouillard en vie évidemment..

Petite sourire accentuant ce coin de bouche qu'il apprécie bien trop.

- Tu me fais beaucoup parler, Vieux Loup.
- Tu as fini par remarquer... Doux rire grondant.
- Je n'ai pas l'habitude.
- Est-ce si désagréable ?

Accoudé, sur le flanc, le lycanthrope joue négligemment avec ses cheveux cendrés. Il faut qu'il cesse, ce genre de familiarités, qu'il tente de les limiter en tous les cas.

- Il y a longtemps que je n'ai pas été aussi proche de quelqu'un, Ibakha.... Je n'ai pas l'habitude non plus.

- Tu me fais beaucoup parler, Vieux Loup.
- Tu as fini par remarquer...
- Je n'ai pas l'habitude. Est-ce que ça fait partie d’un plan diabolique dont je ne sais rien ?
- Est-ce si désagréable ?

Ibakha s’abime dans la contemplation du plafond.
- Non, désagréable ça n’est pas le mot. C’est juste qu’ici, là avec toi, j’en oublie ce qu’il y a dehors. Je ne dois pas oublier.

Elle a parfois l’impression d’être un condamné à mort qui savoure chaque bouchée de son dernier repas. Il n’en reste pas moins que la fin est tout de même programmée au bout du chemin.
« Pas sans me battre. »

- Parce que les monstres à la surface ne nous oublient pas. Il ne nous oublie jamais.  
Elle observe les doigts d’Hunter glisser entre ses mèches claires et regrette de ne pas pouvoir les sentir plus que ça. C’est sans doute pour ça qu’il se permet de les toucher… un geste innocent.

- Il y a longtemps que je n'ai pas été aussi proche de quelqu'un, Ibakha.... Je n'ai pas l'habitude non plus.

La louve le dévisage avec plus de curiosité, plus d’intensité aussi. Proches, elle sait qu’ils le sont. Elle n’arrive simplement pas à définir la frontière de cette proximité. C’est à la fois doux et apaisant de se sentir respectée, précieuse presque. Mais il est aussi pesant de devoir retenir ses gestes constamment, de faire attention à ne pas dépasser cette limite quand bien même elle semble fluctuer comme la marée.  
Avec une honnêteté brute, elle déclare sans détour en le regardant droit dans les yeux.  

- Je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un.

Et le constat est à la fois triste et effrayant. Triste parce que cela prouve à quel point elle a été seule finalement tout au long de sa vie. Effrayant parce que s’il se détournait d’elle, s’il l’abandonnait pour une raison ou pour une autre ou si elle le perdait, elle pourrait se briser aussi facilement que du verre.
Jamais elle n’aurait sciemment laissé quiconque avoir ce genre de pouvoir sur elle. Mais Hunter… lui a réussi à s’en saisir, pas par la force mais par la douceur de ses gestes, par les fleurs qu’il lui laisse sur l’oreiller, l’attention qu’il lui porte, la façon qu’il a de la regarder comme s’il la voyait vraiment...
Poussée par une curiosité que ne s’applique jamais qu’à Hunter, elle n’arrive cette fois pas à retenir sa question, soufflée avec beaucoup de délicatesse.

- C’était quand la dernière fois, Hunter ?
Elle pince aussitôt les lèvres, se sentant coupable d’avoir outrepassé les limites qu’elle s’est pourtant elle-même imposées. Doucement, elle vient poser son index et son majeur sur les lèvres d’Hunter
- Pardon, j’avais dit pas de questions intrusives, tu n’es pas obligé de répondre.

- Je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un.

Les deux loups solitaires se dévisagent l'un l'autre, prenant la mesure de la place d'importance qu'ils occupent dans la vie de chacun. Moïra le hante toujours et, avec elle, sa peur de détruire -ou de ne pas protéger- ce qui lui est précieux. N'y a-t-il pas prescription, depuis le temps ? Remus est mort et la seule femme qu'il ait jamais aimé est vengée.

"J'ai peur de ne plus savoir aimer."
La vérité est là.
Sa couardise l'emporte, encore une fois.

Jusqu'à quand ?

- C’était quand la dernière fois, Hunter ? demande Ibakha en écho à ses funestes pensées. Aussitôt, elle pose un doigt sur sa bouche. Pardon, j’avais dit pas de questions intrusives, tu n’es pas obligé de répondre.

Hunter retire lentement les phalanges qui empêchent ses lèvres de remuer. Sans quitter sa compagne des yeux, il pose sa main sur son cœur qui cogne fort et sourd. Il est temps de parler.

- Soixante-cinq ans... Elle s'appelait Moïra. Elle était humaine. Son timbre déjà rauque est enroué d'une émotion aussi fraiche qu'au premier jour. J'avais dix-sept ans et j'étais intrigué par les humains, par elle en particulier. Elle était drôle, piquante, et enjouée. Etre avec elle était facile et lumineux....

Un silence. Il lui est difficile de poursuivre, mais il persévère.

- Mon frère a découvert notre relation. Il m'a convoqué dans la forêt avec d'autres jeunes loups. Sa voix baisse, se fait presque sourde. Moïra était là. Ils... Ils l'ont violée en réunion en me forçant à regarder. Mon frère l'a ensuite mordue, avant de me la rendre : "Remercie-moi : si elle devient louve, c'est qu'elle était faite pour toi." J'ai assisté à son agonie, la nuit durant. Elle est morte au petit matin....

Nouveau silence, terrible.

- A partir de ce jour là, je n'ai plus laisser une femelle m'approcher. Pas tant que Remus était en vie. Et après... après je ne savais plus comment ôter les verrous que j'avais moi-même posés.

Cette histoire trois personnes seulement la connaissent : Malone et Lewis, les plus vieux membres des Abyssaux, et désormais elle, Ibakha.

Ibakha a déjà entendu beaucoup d’histoires terribles. Elle en a même vécu une. Et puis on ne vit pas de la rue sans se rendre rapidement compte que c’est une compagne qui en laisse plus d’un ou d’une agoniser sur son asphalte.

- A partir de ce jour-là, je n'ai plus laissé une femelle m'approcher. Pas tant que Remus était en vie. Et après... après je ne savais plus comment ôter les verrous que j'avais moi-même posés.

Celle d’Hunter est sordide, tapissée d’une violence mâle abjecte.
Elle aurait pu le détruire complètement, elle n’a emporté que son cœur.  
Ou plutôt il l’a verrouillé après elle. Moïra.
Pour ne plus répéter les erreurs du passé.
Peut-être parce qu’il l’aime encore…
C'est donc ça cette limite.

Le visage chiffonné par une profonde compassion en même temps qu’une haine abyssale pour ce Remus, Ibakha pose sa paume contre sa joue.
- Je suis désolée qu’il t’aie infligé ça…

A court de mot, elle passe ses bras autour de son cou et se serre contre lui, lui offrant le réconfort d’une étreinte pleine d’affection désintéressée. Elle l’enveloppe avec force et chaleur, souhaitant pouvoir lécher ses blessures encore a vif, être capable de faire sauter ses verrous pour prendre soin de ce cœur, même si elle n’a aucune idée de comment s’y prendre.
Sauf qu’elle ne sent pas la légitimité de le faire.
Elle n’a rien de lumineux et risque bien de l’entrainer dans ses propres ténèbres. Elle-même s’y noie encore.
Doucement, elle recule et lui sourit.

- Un jour, tu y arriveras. Quand tu t’en sentiras prêt.

Ou plutôt lorsqu’il rencontrera la bonne personne, celle qui lui donnera envie de déverrouiller tous ces cadenas.
Elle en sera le témoin silencieux.

- Je suis désolée qu’il t’aie infligé ça…
- La loi de notre clan était de son côté, pas de la mienne. J'ai commis une faute et j'ai été puni....

Ibakha lui procure alors chaleur et tendresse, un réconfort dont il se dope littéralement depuis qu'elle cohabite avec lui. Hunter pousse un soupir inconscient, relâchant tous ses muscles qu'il ne soupçonnait pas si tendus. Il découvre qu'il a presque retenu sa respiration pendant toute sa confession. Il s'alanguit tout contre la peau de la louve, inspirant son parfum à pleines goulées. Son odeur l'apaise et l'électrise à la fois, un mélange curieux dont il n'a plus l'habitude. Il l'enlace si étroitement que s'est un miracle qu'elle ne s'étouffe pas.

- Un jour, tu y arriveras. Quand tu t’en sentiras prêt.

Il la contemple de ses prunelles pénétrantes à la fixité inhumaine. Son large tarin frotte contre le sien.

- Ce jour là... Est-ce que tu seras là ?

"Pour que je puisse enfin te confier plus que des souvenirs : des choses que je ressens, des mots de maintenant..."

Finalement, il ose se montrer plus explicite, pour la première fois en six décennies. Délicatement, comme s'il tentait d'apprivoiser un animal farouche, il dépose ses lèvres contre les siennes. Une simple pression caressante, pulpe à pulpe.
Il reflue, inquiet d'avoir franchi une barrière interdite.
Inquiet du rejet probable.

Hunter s’agrippe à elle avec tant de force qu’elle en perd un peu le souffle. Pourtant il ne lui viendrait pas à l’idée de lui demander de desserrer son étreinte. Au contraire. Ce qu’elle ne peut pas produire en parole, elle compasse dans les gestes démonstratifs.

- Ce jour-là... Est-ce que tu seras là ?
Leurs nez se retrouvent et elle hoche la tête doucement, harponnée par son regard.
- Evidemment, chuchote-t-elle. Sa main dévale les muscles du bras d’Hunter, s’arrête lorsqu’elle retrouve la marque de la morsure qu’elle a pratiqué dans sa peau et la caresse du pouce. Toi et moi, nous sommes liés. Ne l’oublie pas.

Ne m’oublie pas.
Peu importe ta route.

Lentement, il penche la tête. Délicatement, il dépose ses lèvres sur les siennes.
Elle retient son souffle. L’instant se suspend alors qu’il ne dure qu’une seconde, deux peut-être. Elle n’a même pas le temps de fermer les yeux, déjà il a reflué ne lui laissant qu’un trop bref avant-goût de ce qu’elle désire depuis si longtemps.

Ses pupilles se dilatent et son cœur cogne comme un forcené contre sa cage thoracique. Obnubilé par l’idée qu’Hunter a franchi la dernière limite qu’ils s’imposaient, son esprit ne fonctionne plus tout à fait comme il faut.
Médusée, Ibakha le contemple un moment, note l’inquiétude dans son regard. Puis, vive et souple, elle grimpe sur ses genoux, surplombant son visage qu’elle encadre de ses mains.

Avec une douce détermination, elle revient chercher ses lèvres, sans montrer toutefois la même retenu que lui. Sa bouche exerce plus de pression sur la sienne, sa langue se fait plus aventureuse. Poussant un soupir qui se transforme en faible gémissement, Ibakha se presse contre lui, s’abreuve à ses lèvres avec une sorte de délectation.
Elle se cambre naturellement, cherche la friction de leurs corps mais se stoppe avant d’aller trop loin. Elle se refreine en se rappelant qu’il vient de lui parler de son premier amour mort dans d’atroces souffrances auxquelles il a assisté, qu’elle veut suivre son rythme avant tout.

Finalement, elle recule la tête, le souffle court, les yeux pétillants d’une affection tendre qu’elle ne traduira pas encore par des mots pour ne pas l’effrayer. Elle passe son pouce contre ses lèvres, les yeux dans les siens.

- Je l’attendrai autant de temps qu’il le faudra.

Hunter n'a pas réfléchi.
Comme souvent avec Ibakha, les choses obéissent moins à la logique qu'à l'instinct. Il y a longtemps qu'il a statué sur le désir qu'il éprouve pour elle et a circonscrit ce dangereux penchant pour qu'il n'impacte pas sur leur relation. Cependant, ses sentiments sont plus flous, plus difficiles à démêler.

Il a peur d'avoir commis un acte de trahison.

Ibakha dément aussitôt en investissant ses cuisses et en cueillant ses lèvres. Son gout est délicieux, aussi inimitable et subtile qu'il se l'était imaginé. D'anciennes et puissantes perceptions envahissent ses sens. Il redécouvre qu'il peut frissonner de plaisir, s'étourdir contre le corps d'une femme. Ses mains s'aventurent maladroitement sur l'échine de la louve, épousent, là ses reins, ici sa nuque. Leurs souffles mélangés soulèvent leur poitrines par soubresauts erratiques.
Lorsque la jeune femme s'écarte, les lèvres d'Hunter la suivent, comme aimantées à sa bouche. Le né-loup grogne de dépit et se laisse retomber sur la paillasse, encore tout retourné par les résultats de son audace. Elle ne l'a pas repoussé, mieux, elle partage son envie. Ils se contemplent et se respirent, les pupilles dilatées et fauves, toute la tendresse du monde au bord des yeux.

- Je l’attendrai autant de temps qu’il le faudra.
- Merci... glisse-t-il, le timbre rauque, avant de mordiller ce pouce vagabond et d'embrasser le creux de sa main avec ferveur.
"Ma belle Indomptée..."

Il est sans doute idiot de faire patienter une telle femme, mais il demeure son idiot.

Tout a changé et elle en est profondément heureuse.
Rien n’a vraiment changé et de cela aussi elle se réjouit.

La vie et leur quotidien ont repris leurs cours. Les petites attentions sont toujours là tous comme les regards en coins ou les conversations qui coulent avec naturel.
Les nouveautés sont plus subtiles à saisir, une main qui s’attarde sur l’autre, des baisers échangés sans préavis et initiés autant par elle que par lui, rares mais précieux, des œillades intenses qui expriment bien mieux ce que leurs bouchent n’arrivent pas encore à avouer.

Comme elle se l’est promis, Ibakha suit le rythme d’Hunter, ne cherche pas plus que ce qu’il veut bien lui donner et continue de dormir dans sa propre couchette quand bien même elle aspire à plus. Ils suivent leurs propres voies.
D’un commun accord, ils n’en n’ont rien dit aux autres, mais Ibakha a accepté de suivre Hunter plus souvent pour les repas, s’installant avec Shareen ou même Nina et la petite bande d’avant sous les sourires ravis des louves, en particulier Matilda.

Réveillée par un énième cauchemar alors que l’aube pointe à peine, Ibakha, le corps crispé et la respiration laborieuse, contemple le plafond en essuyant ses joues barrées de larmes. Elle reprend calmement la maitrise de son corps et de sa respiration mais tremble encore.  
Une brise légère agite l’attrape rêve et elle tourne spontanément la tête vers Hunter.

Il a raison. Ca ne peut plus durer comme ça éternellement.
Elle doit affronter à nouveau ce voyage intérieur. Plus seulement pour accéder à cette forme entre la louve et l’humaine, mais avant tout pour se sentir mieux, pour être digne de lui.
Aujourd’hui.
Il faut que ça soit aujourd’hui avant qu’elle ne trouve une excuse pour reculer.
Elle lui demandera de l'accompagner. Avec lui à ses côtés, elle trouvera le courage d'affronter la chose qui se tapie en elle. Peut-être alors retrouvera-t-elle confiance en elle et aux autres ? Peut-être cessera-t-elle d'être hantée par ses propres démons ?

Sans réfléchir, elle se lève et se glisse dans la couchette de son compagnon. Elle se coule contre son corps allongé sur le dos, passe un bras autour de son torse, cherche sa chaleur comme un petit animal craintif. Son visage trouve refuge contre son cou pour mieux respirer sa peau, son odeur rassurante et apaisante. Elle ne cherche pas spécialement à le réveiller mais elle le sent bouger et s’éveiller par sa faute. Essayant de se rattraper elle dépose des baisers aériens sur sa joue rappeuse.
- Chuuut, tout va bien, rendors-toi, chuchote-t-elle contre son oreille. Il est encore trop tôt.