- Ok…Tous alors.
- Tous dans ce cas, acquiesce-t-il en écho avec un sourire tranquille. Je les ai déjà lus mais, j'ai plaisir à les relire. Si j'avais pu prendre toute ma bibliothèque...

Il la couve d'un regard attendri quand elle manie ses livres déjà fortement manipulés et ses confidences soudaines sont perçues par Hunter comme autant de preuve qu'elle se sent suffisamment en confiance avec lui pour parler.
De précieux cadeaux qu'il conservera pour lui avec grands soins.

- Tu as donc fait de la prison... Il ne s'attarde par sur le "pourquoi". Il s'en doute et il s'en fiche. Sans vraiment réfléchir à la porté de son geste, il vient triturer une de ses mèches délavées. Je comprends qu'ici tu puisses faire le rapprochement. La promiscuité, l'enfermement, la bouffe insipide...
- Bref tout ça pour dire que j’ai du retard à rattraper…
- Et quand tu les auras lu, je serais ravi d'échanger dessus avec toi.
- Tu veux ouvrir un club de lecture ?
- Pourquoi pas ?
- J’aimerais te rendre la pareille.
- Ca n'appelle pas forcément de réciprocité, tu sais...
- La prochaine fois, tu préfères que je pique pour toi « Comment trouver sa déesse intérieure ? » ou « La comtesse apprivoisée » ? Une sombre histoire d’enlèvement d’une cruche bourgeoise qui rencontre un mâle, un vrai qui par un curieux coup du destin se trouve torse-nu sur la couverture.

Hunter éclate d'un rire franc, puissant et grave.

- Lui aussi il s'est fait bouffé son T-shirt par une mandragore ?

Remis de son accès d'hilarité, il reprend sa contemplation d'Ibakha en pleine découverte de ces quelques grands classiques. Il se surprend à sourire encore. Il sourit plus souvent, en ce moment...

- Merci…
- De rien.
- C’est ce que tu fais avant de t’endormir ? Lire ?
- Je médite aussi parfois.
- Ca doit être reposant de le faire…dans le silence.
- Oui, ça l'est... Tu veux venir vivre avec moi ?

Les yeux écarquillés, il est surpris lui même par les mots qui viennent de franchir ses lèvres. C'est comme si son cerveau avait exprimé tout haut, une pensée qui n'aurait pas du l'être. Hunter a une expression embarrassée inédite.

- Je veux dire... Il y a de la place, c'est silencieux et tu as déjà adopté la salle de bain..., fait-il en détournant le regard et tentant de faire croire qu'il reprend sa lecture.

Son rire la surprend toujours. Elle trouve fascinant la façon qu’à son visage de changer du tout au tout. Elle l’observe tranquillement, un sourire aux lèvres, étrangement fière d’être capable de provoquer son hilarité de cette façon. L’a-t-elle déjà entendu rire avec quelqu’un d’autre ? Pas à sa connaissance.  

- Lui aussi il s'est fait bouffer son T-shirt par une mandragore ?
- Possible. Du pur coton d’aristocrate, ça ne se refuse pas j’imagine.

S’en suit un dialogue bien plus léger et Ibakha soupire intérieurement de soulagement de voir que tout coule naturellement entre eux malgré ce qui s’est dit et fait dans la salle de bain.
Jusqu’à ce qu’il lâche une bombe telle qu’elle écarquille les yeux et le contemple avec effarement.  

« Tu veux venir vivre avec moi ? »
Sa phrase tourne et tourne dans sa tête. Elle en comprend chaque mot mais l’ensemble à du mal à faire sens. Et quand il le fait soudain, un « oui » irréfléchi coule sur sa langue et s’empresse de vouloir franchir ses lèvres.
Elle a le cœur affolé par un sentiment de planitude comme elle en a rarement connue.
Sauf qu’il a l’air franchement embarrassé. Il va retirer sa proposition…il plaisantait certainement et le « oui » est ravalé rapidement.

- Je veux dire... Il y a de la place, c'est silencieux et tu as déjà adopté la salle de bain...

Non. Il confirme.
Un petit rire aux tonalités incongrues dans la bouche d’Ibakha franchit ses lèvres qui s’étirent dans l’un de ses véritables sourires. Lentement, elle pose la main sur le livre qu’il fait mine de reprendre.
- Tu es sérieux ? … Tu n’as pas peur que d’autres s’invitent aussi ? Ou de ce qu’ils penseront de notre … collocation ?
Evidemment, il n’est pas du genre à plaisanter là-dessus. Elle se mord la lèvre, toujours souriante et se prête à songer à ce que ça ferait d’être réveillée par le soleil, de n’avoir dans les oreilles que les oiseaux, les piaillements de Sizreïs et la voix d’Hunter.
- C’est… tentant…vraiment extrêmement tentant.

Mais si elle fait ça, elle risque de blesser Nina. Quand bien même elle trouve pénible de vivre avec elle, elle reste une amie comme on en fait peu. Lorsqu’Ibakha a débarqué d’Angleterre, elle lui a laissé son canapé alors même qu’elle ne la connaissait pas, lui a fait visiter la ville…bref s’est montré protectrice et amicale…une vraie bouée de sauvetage.
Ibakha réfléchit, le front plissé alors qu’elle observe le ciel de fin d’après-midi.

- Il faudrait…que j’en parle à Nina avant… je ne veux pas lui faire de peine. Même si c’est une chieuse… elle a un cœur en or. Et puis…ça te laissera le temps de te rétracter en songeant à tous les désavantages qu’aura ma présence dans ta petite retraite tranquille.
Elle le contemple un moment et dans un geste spontané qu’elle a très rarement, elle remet l’une de ses longues mèches brunes derrière son oreille, caressant sa joue mal rasée au passage. Elle a une petite moue.

- J’ai envie de les coiffer ! J’observai parfois ton petit manège avec Shareen et les coups d’œil très fiers de toi que tu lançais à Malone quand elle s'occupait de tes cheveux.

Ibakha ricane, plus exactement elle glousse. La mélodie de son rire ricoche entre les côtes d'Hunter et fait vibrer sa cage thoracique en diapason. Une sensation bien étrange.

- Tu es sérieux ?
- Hum... oui, fait-il en se grattant la poitrine de manière un peu bourrue. Je suis toujours sérieux.
- … Tu n’as pas peur que d’autres s’invitent aussi ? Ou de ce qu’ils penseront de notre … collocation ?
- A vrai dire je n'y ai pas réfléchi et je crois bien que je m'en fous, réplique-t-il avec une sincérité brute.

Le sourire de la jeune louve est pétillant, délicieusement pétillant. Elle est bien plus jolie, égaillée de sentiments naturels que lorsque elle filtre tout au travers de son masque de cire.

- C’est… tentant…vraiment extrêmement tentant.
- Alors c'est un "oui" ?
- Il faudrait…que j’en parle à Nina avant…
- Ah... Certes.
- Je ne veux pas lui faire de peine.
- C'est une gentille fille, mais je ne sais honnêtement pas ce qu'elle me trouve. On s'est à peine parlés en deux ans et je suis assez transparent sur le fait qu'elle ne m'intéresse pas.
"Pour ne pas dire qu'elle m'horripile..."
- Même si c’est une chieuse… elle a un cœur en or. Et puis…ça te laissera le temps de te rétracter en songeant à tous les désavantages qu’aura ma présence dans ta petite retraite tranquille.
- C'est tout réfléchi, déclare-t-il doucement, de son timbre grondant.

Ils se regardent longuement, moment suspendu dans le temps. Ibakha se risque à une caresse dont il savoure chaque effleurement sur son poil dru. Il a les cheveux encore humides. La louve adopte une drôle de moue infantile qu'il ne lui a jamais vue.

- J’ai envie de les coiffer !
- Quoi ?! S'étonne-t-il avec un haussement de sourcil. Pourquoi ?
- J’observai parfois ton petit manège avec Shareen et les coups d’œil très fiers de toi que tu lançais à Malone quand elle s'occupait de tes cheveux.
- Shareen ne m'a jamais demandé mon avis. Je me suis laissé faire d'une parce qu'on ne peut pas lutter contre Sha' quand elle a une idée en tête, de deux parce que j'avais la sensation que ça irritait Malone qu'il ne soit pas le seul à avoir une relation privilégiée avec elle. Il a un petit rire ronronnant de moteur diesel. Entendons-nous, c'est complétement puéril, mais parfois, ce genre de conneries fait du bien....

Un silence, il plisse les paupières en la fixant à nouveau.

- Si tu tiens à ce point à me papouiller, vas-y, mais je te préviens d'emblée : je refuse les pâquerettes dans les cheveux.

- C'est une gentille fille, mais je ne sais honnêtement pas ce qu'elle me trouve. On s'est à peine parlés en deux ans et je suis assez transparent sur le fait qu'elle ne m'intéresse pas.
Ibakha lui lance un coup d’œil en coin.
- Je suis certaine qu’il y a quelques semaines tu ne connaissais même pas mon prénom… Elle est très…très persévérante ! Même si c’est une chieuse… elle a un cœur en or. Et puis…ça te laissera le temps de te rétracter en songeant à tous les désavantages qu’aura ma présence dans ta petite retraite tranquille.
- C'est tout réfléchi.

C’est dit avec une sérénité et un aplomb qui ne laisse pas de place au doute.
- Tu y as vraiment réfléchi ? demande-t-elle doucement en exécutant sa caresse sans doute aussi spontanée que sa demande soudaine. J’ai envie de les coiffer !
- Quoi ?! Pourquoi ?
- J’observai parfois ton petit manège avec Shareen et les coups d’œil très fiers de toi que tu lançais à Malone quand elle s'occupait de tes cheveux.
- Shareen ne m'a jamais demandé mon avis.
- Elle le demande rarement.
- Je me suis laissé faire d'une parce qu'on ne peut pas lutter contre Sha' quand elle a une idée en tête, - échange de regard complice – de deux parce que j'avais la sensation que ça irritait Malone qu'il ne soit pas le seul à avoir une relation privilégiée avec elle.
Ibakha lève les yeux au ciel.
- Un jour il faudra que tu parles à Malone sinon je vais être obligé de vous enfermer quelque part jusqu’à ce que quelque chose de constructif en sort…
Il rit. Encore. Et ça lui donne des envies de…
- Entendons-nous, c'est complétement puéril, mais parfois, ce genre de conneries fait du bien...
Elle se secoue de ses pensées et sourit.
- Ravie de te voir si lucide sur ton âge mental, Vieux Loup. Mais de loin c’était très drôle à regarder. Et Sha’ qui continuait de babiller comme si de rien n’était… Bon…je peux oui ou non ?
- Si tu tiens à ce point à me papouiller, vas-y, mais je te préviens d'emblée : je refuse les pâquerettes dans les cheveux.
- Te papouiller ? Bien sur que non, c’est pour te torturer voyons. Elle lui sourit ensuite de façon tout à fait innocente. Tu crois que je suis du genre à mettre des pâquerettes dans les cheveux ? Possible…qui sait après tout…
Elle se relèvepour récupérer peigne et élastiques dans la salle de bain puis reprend sa place sur le banc. Elle désigne du menton l’espèce entre ses jambes écartées sur le sol.
- Viens t’assoir là, ça sera plus simple. Tu veux un coussin ou tes fesses de vieillard s’en remettront ?

Une fois installé, elle commence par démêler les nœuds dans sa tignasse la main sûre et ferme sans qu’il n’en sente aucun tiraillement malgré ses promesses de torture. Il a les cheveux épais et ils sentent bons. L’action répétée du peigne a quelque chose d’apaisant et de lénifiant, sans doute pour lui aussi. Une fois ses cheveux parfaitement lisses, Ibakha s’autorise à une petite variation par rapport à ce que faisait Shareen. Elle repose le peigne et ses doigts fins plongent dans la masse brune jusqu’à pouvoir palper le cuir chevelu et le masser doucement. Elle descend même jusqu'à la base de sa nuque avant de grimper à nouveau sur son crâne. Parant toute remarque, elle se penche vers lui pour glisser dans son oreille.

- Tais-toi et profite. C’est gratuit…

Elle s’attarde sur ses tempes puis remonte doucement sur son scalp, appliquant juste ce qu’il faut de pression sur certains points d’acupuncture dont elle connait quelques bases. Elle resserre un peu ses jambes quand elle le sent s’alanguir pour lui donner un appui.

- Tu vois bien m’expliquer ce qu’il y a entre toi et Malone ?

- Viens t’assoir là, ça sera plus simple. Tu veux un coussin ou tes fesses de vieillard s’en remettront ?
- Mes fesses se portent comme un charme, merci.

"Elle n'a qu'a les palper pour vérifier !"
Hunter s'installe avec un petit grognement offusqué, pour la forme. Néanmoins, il demeure docile sous les coups de peignes appliqués de sa compagne. Lorsqu'il perçoit la pulpe de ses doigts entrer en collision avec son cuir chevelu, il tressaille légèrement.

- Qu'est-ce que tu fais... ?
- Tais-toi et profite. C’est gratuit…
- Je n'ai pas un rond de toute manière.

Le lycan ne tarde pas à s'abandonner aux doigts experts d'Ibakha, paupières closes. Il se laisse lentement mais surement gagner par une torpeur bienheureuse et sa "tortionnaire" l'entend parfois pousser des sortes de ronronnement de gorge satisfait. Dire qu'il est détendu est en dessous de la réalité. Il coule de bien-être entre les cuisses d'Ibakha, complètement offert aux fluctuations de ses palpations.

- Tu veux bien m’expliquer ce qu’il y a entre toi et Malone ?
- Hum... C'est donc ça ta technique d'interrogatoire... ? Petite futée... Tu fais boire Malone, tu m'offres un massage "gratuit"... Je n'ose pas imaginer ce que tu as fait à Colgan ?

Il renverse la tête en arrière pour la voir et ouvre les yeux. Ses prunelles bleues la fixent avec une acuité de rapace.

- C'est une longue -et pas forcément intéressante- histoire entre vieux loups...

Le voir aussi détendu sous ses doigts est fortement appréciable et elle en sourit sans même sans rendre compte. Le pouvoir qu’ont ses quelques caresses sur lui est grisant et les sorte de grognement de contentement qu’il émet la guide dans ses palpations.

- Tu veux bien m’expliquer ce qu’il y a entre toi et Malone ?
- Hum... C'est donc ça ta technique d'interrogatoire... ? Petite futée...
Elle coule un petit rire amusé dans tout près de son oreille.
- Crois-moi, j’en connais des pires.
- Tu fais boire Malone, tu m'offres un massage "gratuit"... Je n'ose pas imaginer ce que tu as fait à Colgan ?
- Tu n’as pas idée… glisse-t-elle sur un ton ronronnant.

Il bascule sa tête qui vient se caller entre ses cuisses qu’Ibakha referme pour le maintenir dans cette position.

- C'est une longue -et pas forcément intéressante- histoire entre vieux loups...

Elle arque un sourcil et fait descendre ses paumes sur son visage pour continuer son massage, les coulissants délicatement de son menton vers ses pommettes qui donnent tout son caractère à ses traits. Elle se fiche du râpeux de sa peau.

- Moi ça m’intéresse. Et j’aime le son de ta voix. Il me restera toujours ça si je trouve l’histoire ennuyeuse. Mais j’en doute.
Elle fait glisser ses pouces sur son nez puis lise son front.
- Je sais qu’il compte pour toi. Et que tu as beaucoup de ressentiment pour lui. Je pensais au départ que c’était à cause de Shareen.
Impitoyablement, elle poursuit ses massages avec douceur mais sans hésitation. Comme pour tout, Ibakha est disciplinée et appliquée.
- Mais je sais que c’est plus profond que ça… si tu ne veux pas, je ne te force pas. Aujourd’hui je suis une tortionnaire magnanime.

- Moi ça m’intéresse. Et j’aime le son de ta voix.
-Hum... Me flatter ne te mènera à rien, tu sais ?

Hunter ferme les yeux, perméable à la danse de ces doigts sur ses traits escarpés. Il y a longtemps qu'on ne l'a pas abreuvé de tendresse désintéressée, de douceur chaleureuse. Il a l'impression de revenir en enfance, à l'époque où, louveteau, sa mère lui léchait le museau.

- Il me restera toujours ça si je trouve l’histoire ennuyeuse. Mais j’en doute.

Le vieux loup refreine à grand peine, l'envie de s'emparer de ces poignets graciles pour en embrasser la finesse du derme, humer leur parfum de lys. Ibakha sent bon. Cela lui tourne un peu la tête.

- Je sais qu’il compte pour toi. Et que tu as beaucoup de ressentiment pour lui. Je pensais au départ que c’était à cause de Shareen.
- A cause de Sha.. Aaah ?! fait-il surpris avant de pousser un gémissement involontaire. Son bourreau vient d'éradiquer sans merci un nœud récalcitrant.
- Mais je sais que c’est plus profond que ça…
"Exactement comme ce massage..." pense le vieux loup en se mordillant la lèvre inférieure pour juguler d'autres démonstrations malheureuses de laisser-aller.
-...Si tu ne veux pas, je ne te force pas. Aujourd’hui je suis une tortionnaire magnanime.

Hunter réfléchit un moment avant de finalement lui offrir cette confession.

- Malone a rejoint les Abyssaux quand je n'étais qu'un enfant. Je venais à peine de connaitre mes premières lunes. Je n'avais eu, jusque là que mon père et mon frère comme modèle. Cela ne me laissait guère de choix en la matière. Malone était... différent. Il avait beau être un Mordu, je me suis davantage reconnu en lui qu'en quiconque. Il m'a donné le gout de la lecture, de l'apprentissage, du travail manuel, il m'a appris les vertus de la patience et de la maitrise de soi. Ce que je vais dire est sans doute étrange, mais avec lui, j'ai appris à être humain....

Un silence qui s'étire.
Ibakha peut nettement sentir sa posture se tendre de nouveau. La douleur est ancrée viscéralement dans chaque fibre de son corps.

- Il est toujours douloureux de se sentir désavoué par quelqu'un qu'on aime et qu'on admire. J'aurais voulu qu'il croit en moi, qu'il me choisisse, mais il ne l'a jamais fait. Avant Colgan, je n'étais pas prêt, après Colgan, je n'étais plus une option.

Il s'écarte d'Ibakha et attrape délicatement ses mains pour les repousser, sans les lâcher pourtant.

- Il avait ses raisons et elle étaient sans doute valables à ce moment là. Il n'en demeure pas moins que je n'arrive toujours pas à les digérer. Ricanement infiniment triste. Qu'il accapare Shareen n'est que le dernier point d'une longue liste de reproches que je nourris à son égard.

Ibakha écoute son récit, attentive, patiente et surtout sans cesser de lui prodiguer ses soins jusqu’à ce qu’il l’arrête. Elle a pu sentir toute la tension dans ses muscles revenir, balayant les effets de ses attentions, prouvant à quel point tout cela lui pèse. Elle trouve cet homme-loup terriblement touchant, bien plus sensible que tous les hommes qui ont croisé sa route réunis. Et dire qu’elle ne le voit que maintenant…après presque deux ans à le côtoyer de loin.
Elle se demande un instant comme elle doit interpréter sa dernière phrase puis balaie cette réflexion.

Doucement elle dégage ses mains de l’étreinte d’Hunter et se porte à son niveau. Dans un geste qui n’a rien de calculer, elle grimpe gracieusement sur ses genoux et prend son visage en coupe pour l’observer comme si elle le voyait pour la première fois.
- Idiot, complexe, ronchon, contradictoire et sensible…

Le regard qu’elle pose sur lui est doux, presque attendri.

- Il est le modèle et la figure paternelle que tu t’aies choisi alors. Je comprends mieux. Je le connais depuis bien moins longtemps que toi mais je suis presque certaine que cette situation lui pèse autant qu’à toi. Parle lui…. Non seulement ça évitera qu’il bousille tous mes efforts pour te détendre mais ça t’empêchera de regretter par la suite. Ses pouces caressent délicatement ses pommettes alors qu’elle lui sourit. C’est peut-être la fin du monde dehors, Hunter. Il n’y a plus le temps pour les vieilles rancœurs…plus le temps d’attendre… Dis-lui ce que tu as là. Elle pose sa paume sur son torse, là où se trouve son cœur. Ne laisse pas ta fierté et tes sentiments blessés ruiner quelque chose de précieux. Je sais bien que tu feras comme tu le veux…il s’agit simplement d’un conseil de ta... gardienne.

Hunter, médusé, regarde Ibakha couler sur lui avec la grâce féline d'un chat de race. Elle vient trôner sur ses genoux comme si là avait toujours été sa place. Le vieux loup fronce les sourcils, troublé par la propension de la louve à se montrer de plus en plus tactile avec sa personne.

- Idiot, complexe, ronchon, contradictoire et sensible…
- C'est ça, moque-toi donc ...

Elle n'a pas l'air, pourtant, au contraire, même. Elle le couve d'une oeillade pétrie de chaleur et d'émotions. Son palpitant s'en trouve complétement dérouté.

- Il est le modèle et la figure paternelle que tu t’aies choisi alors. Je comprends mieux.
- Hum.... Il baisse le regard, c'est la plus terrible des affirmations.
- Je le connais depuis bien moins longtemps que toi mais je suis presque certaine que cette situation lui pèse autant qu’à toi. Parle lui….
- Hum... Continue-t-il d'opiner par borborygmes.
- Non seulement ça évitera qu’il bousille tous mes efforts pour te détendre mais ça t’empêchera de regretter par la suite.

Elle taquine ses joues tendrement, sourit avec effusion, le regard pétillant.
"Qui est cette femme ?" se demande-t-il étrangement ému qu'elle cesse de jouer les impératrices polaires, détachées et indifférentes.
Pour lui.
Rien que pour lui.

- C’est peut-être la fin du monde dehors, Hunter. Il n’y a plus le temps pour les vieilles rancœurs…plus le temps d’attendre… Dis-lui ce que tu as là.

Ibakha applique sa paume sur sa poitrine. Il sent l'organe qui lui sert de moteur pulser plus férocement au dessous. Leurs regards se croisent pour ne plus se lâcher.

- Ne laisse pas ta fierté et tes sentiments blessés ruiner quelque chose de précieux. Je sais bien que tu feras comme tu le veux…il s’agit simplement d’un conseil de ta... gardienne.

Hunter recouvre la main de sa comparse de la sienne, rugueuse et burinée. Son front chute contre celui de la jeune femme. Il ferme les yeux et pousse un profond soupir.

- Tu as sans doute raison... Mais c'est plus difficile pour moi, que d'aller confronter Colgan.

Il reste un moment dans cette posture, puis timidement, son nez vient fureter le long de celui d'Ibakha et dérape sur sa joue escarpée. Le lycan vient frotter sa tête contre sa tempe, à la manière d'un loup câlinant un de ses congénères, à coup d'incursions de museau. C'est un ballet de tendresse pudique et doux, tout en retenu et en délicatesse. Un témoignage d'affection farouche mais sincère.

Ibakha lui est précieuse.

Front à front, main contre sa main, il avoue finalement.
- Tu as sans doute raison... Mais c'est plus difficile pour moi, que d'aller confronter Colgan.
Elle a gardé ses yeux ouverts et l’observe toujours alors qu’il pousse un soupir à fendre l’âme.
- Raison de plus de le faire. Sinon…il me reste toujours l’option de vous enfermer tous les deux quelque part et de ne vous laisser sortir uniquement si vous avez pu vous parler.

Lentement Hunter bouge la tête et Ibakha retient sa respiration. Mais il ne fait qu’effleurer son nez avec le sien, esquisser des frottements qui la laissent une seconde perplexe avant qu’elle ne comprenne.
A quoi s’attendait-elle ?
Pendant un bref instant, elle a cru que…
Elle se laisse faire et émet un faible rire.

- Tu câlines comme un loup…

Elle ressent alors le puissant manque d’affection d’Hunter et elle lui offre la sienne sans plus d’arrière-pensée, lui donne ce dont il a besoin.

Comme une louve. Peau à peau, effluves mélangés.

Elle a appris à se contenter de ce qu’elle avait et à ne pas espérer plus. Elle doit déjà s’estimer heureuse que ça soit auprès d’elle qu’il cherche cette affection. Après tout, elle n’est pas une femme à inspirer la tendresse.
Lentement ses bras enserrent son cou et elle ferme un instant ses paupières savourant ces moments doux et précieux. Des moments qu’elle a rarement connus elle-même et qui serrent son cœur d’une drôle de façon.

Qu’es-tu en train de me faire Hunter O’Rourke ?

Très lentement, elle recule laissant ses lèvres effleurer sa joue dans un baiser si léger qu’il en est à peine perceptible – une démonstration d’affection plus humaine. Elle préfère remettre un peu de distance salutaire entre eux pour reprendre ses esprits.
- Tu trouveras le courage, prophétise-t-elle avec conviction.
Puis, aussi souplement et rapidement qu’elle est venue, Ibakha quittent ses genoux pour revenir sur le banc et reprendre ce qu’elle était sensée faire à la base, tressant maintenant ses cheveux en de très fines nattes alors que le soleil commence à se coucher.

- Tu câlines comme un loup…

Hunter sourit doucement en s'abreuvant toujours de la peau d'Ibakha.

- Je suis un loup.

Il inspire profondément dans le creux de son cou, s'étourdit de cette fragrance féminine aux sous-tons de fleurs délicate et de chaleur matricielle. Ses gestes se délient et prennent une ampleur plus fusionnelle. Ibakha et lui se fondent l'un en l'autre, en caresses animales et tendres. Son coeur se liquéfie lentement dans de vaporeux élans.
Il y a une forme de bonheur dans cet instant, un bonheur qui a déserté sa vie jusque là.
Il est tenté de mordiller ce derme qui lui inspire une certaine gourmandise, mais une vieille chaine chevillée à son âme, l'empêche de laisser libre cour à ses instincts. Les lycanthropes n'ont guère de retenu. Ibakha a trop souffert pour n'être réduite qu'à de la chair. Elle mérite qu'on la traite avec des égards princiers. Il est un prince. Il s'évertuera donc de toujours endosser la noblesse de ce titre pour elle.

Leur étrange étreinte prend fin lorsque Ibakha y met un terme, déposant un baiser aussi léger qu'une brise. Il est temps de reprendre leur distance et leur rôle - quel qu'il soit. Le vide que la jeune louve laisse derrière elle, le fait presque frissonner. Elle s'attèle au nattage de sa chevelure dans un silence d'entre deux.
Hunter ne sais pas comment reprendre une conversation après une tel débauche affective. Le mutisme lui apparait plus que confortable. Quand la nuit tombe et que la moindre mèche de sa tignasse a été tressé, il apparait évident que sa comparse n'a plus aucune raison de rester. Pourtant, planté gauchement devant elle, il n'arrive pas vraiment à lui donner congé.

"Je suis un con indécis..." et il se maudit de ne pas avoir le cran d'une Shareen.

Un silence étrange s’installe durablement entre eux. Pas inconfortable, pas malaisant non plus. Une sorte d’entre deux dont Ibakha ne sait pas quoi faire.
Elle se concentre alors sur l’action de ses doigts, rangeant le moment qu’ils viennent de vivre dans un coin comme une anomalie sans doute. Une pulsion de l’instant, poussée par le manque d’interaction…

En fait elle n’en sait rien.
Elle n’a aucune idée de ce à quoi il pense.
Lui elle n’a jamais su le décrypter naturellement et n’y parvient que grâce aux bribes d’informations qu’il lui partage parfois.
Elle sait à présent ce dont elle a envie mais elle sent confusément que lui ne souhaite pas franchir ce qu’il reste de barrière physique qui les séparent encore d’un fil. Un fil qui a toute son importance.
Elle ne gâchera pas cette relation – peu importe ce qu’elle est, elle est – en écoutant une simple envie.
Brider ses pulsions, elle y excelle.  

Déjà, il a l’air embarrassé, confus devant la grange où il l’a raccompagnée.
Ibakha ne veut pas de cette gêne entre eux.  
Alors elle force un petit sourire sur ses lèvres et tente de le rassurer.
- Ne t’inquiète pas gros dur, ton secret est en sécurité avec moi. Ce qui se passe dans le Silo reste dans le Silo.
Personne ne saura que derrière cette montagne de muscles se cachent un cœur blessé et sensible.
Cette information est à elle. Peut-être à elle seule ?
- J’ai oublié les livres !

Elle file récupérer le premier de la pile – cela lui donnera plus d’excuse pour revenir – et se replante devant lui. Bien, cette fois Ibakha a l’air stupide à rester à attendre …quoi au juste ?  
Elle meurt d’envie de rétablir un contact, retrouver la chaleur de sa peau gorgée de soleil, mais s’en abstient.
- A bientôt alors.
Elle recule déjà de quelques pas.
- Je viendrais te piquer les autres plus tard.
Elle se retourne, sac et livre à la main, un peu crispée.

Tu n’es qu’une idiote toi aussi Iba…

- Ne t’inquiète pas gros dur, ton secret est en sécurité avec moi. Ce qui se passe dans le Silo reste dans le Silo.

Hunter a un bref sourire, sans se départir de sa gaucherie. Tout son être crie son envie qu'elle reste sans parvenir à le verbaliser. Il déglutit comme pour humidifier cette gorge rêche qui lui refuse l'éloquence. Peine perdue.

- J’ai oublié les livres !

"Ne les prends pas tous..." espère-t-il en son fort intérieur, guettant par là la possibilité d'un bon prétexte pour qu'elle revienne plus souvent. Avec une sorte de soulagement abscons, il la voit n'en saisir qu'un seul.
Sonne le temps des aurevoirs. Il crève sincèrement de la laisser s'en aller ainsi, mais elle lui a signifié qu'elle ne reviendrait pas tant qu'elle n'aurait pas formalisé les choses avec Nina.

- A bientôt alors.
- Oui...
- Je viendrais te piquer les autres plus tard.
- D'accord...

Il se fustige d'être un imbécile, lâche et incapable d'affirmer haut et fort ce qu'il désire. On l'a si bien entrainé à se taire qu'il ne sait plus comment parler.

- Je t'attendrais... souffle-t-il pour lui même en fixant sa silhouette féline s'éloigner sur le sentier.

***

Ibakha n'est pourtant pas revenue les jours suivants. Cela ne l'a pas empêché de risquer de se mêler aux autres membres de la meute. Néanmoins, si ses premières tentatives se sont avérées fructueuses, dernièrement, l'atmosphère des repas lui parait plombée. Il ignore exactement la cause de ces tensions mais la raison qui se dessine semble être sa personne.

Nina a cessé tout bonnement de vouloir le côtoyer. Matilda se montre davantage sur la réserve avec lui. Les louves lui jettent des œillades en coin et il est presque certain qu'on parle dans son dos. Shareen, très embarrassée essaie maladroitement d'assainir l'ambiance en y associant toujours le vieux loup, mais ses efforts semble être plus vains qu'à l'ordinaire.
Quant à Ibakha, elle brille par son absence.
Incapable de gérer ce genre de situation, Hunter s'est retranché dans son mutisme habituel, s'isolant par mauvais reflexe : celui qui a toujours présidé à sa propre conservation. La situation l'affecte, plus qu'il ne voudrait l'admettre. Il avait pris gout à ces repas de famille volubiles et animés. A présent qu'il retrouve sa sempiternel solitude, il la supporte de moins en moins.

Ibakha lui manque.
Leurs conversations sans but, leur complicité naturelle, leurs éclats de rires.
La Meute lui manque.
Ses relations tissées fraichement, et le sentiment d'intégration qu'elles lui ont conféré.
Il se sent puni injustement pour une faute qu'il n'a pas commise et son moral s'est copieusement rembruni.

C'est en mâchonnant la mie de son pain, tout en observant les tristes reliefs de repas dans son assiette, qu'il se demande si il n'est pas temps d'agir : exiger des explications claire ou cesser de venir prendre ses repas au Mess...

Colgan se frotte les tempes, déjà lassé de cette situation qu’il ne comprend pas et qu’il n’est pas taillé pour gérer. C’est Marisol qui s’occupait de la cohésion du groupe avec Shareen. Mais son étoile hors-service pour cause de couvade, c’est à lui de prendre le relai.

Et s’il se félicitait de voir Hunter rejoindre plus souvent leur rang, discuter avec les autres, sourire avec Ibakha ? la situation s’est vite dégradée et il n’a aucune idée du pourquoi du comment. Mais il sent quelque chose empoisser l’ambiance, des mini-clans se former entre les femmes de la Meute, dont l’un puissant, autour de Nina. Ibakha elle, n’est quasiment plus visible parmi eux.  

Et ça l’agace !

Franchement, ces bisbilles d’adolescents lui paraissent insensées mais Marisol lui a rappelé, à raison, qu’enfermés et parfois inactifs, les instincts de loup peuvent être malmenés et exacerbés.

Si Ibakha pète un plomb… il ne sait à vrai dire pas de quoi elle serait capable…
Attentif donc, il remarque aussi qu’Hunter semble être mis au banc à nouveau, c’est pourquoi il vient s’assoir en face de lui en levant une main.
- Paix…

Il pousse un soupir et observe Nina du coin de l'oeil qui leur coule quelques regards. Surtout vers le Vieux Loup.

- T’as une idée de ce qui se passe ? Nina te parle plus mais te jette des oeillades comme si elle attendait quelque chose, on ne voit plus Ibakha qui passe son temps à se défouler dans la salle de sport sur un pauvre mannequin mort une dizaine de fois et elle dort dans la salle commune en m’expliquant qu’elle a des « divergences » avec sa colocataire. Sans m’en dire plus…
Il lui jette un coup d’œil perçant.
- Faut que tu m’aides sur ce coup-là. T’as l’air d’être lié de près ou de loin à la chose mais je ne sais pas en quoi. Si d’habitude je ne m’en mêlerai pas, là, ça commence à foutre une sale ambiance dans la Meute. Ibakha est méchamment à cran et j’ai dû la rappeler à l’ordre. C’est jamais arrivé encore... Il marque une pause. Je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté sur son passé mais elle ne doit pas déraper.

Colgan vient s'asseoir en face de lui et Hunter sent son irritation grimper d'un cran. En plus de l'avoir salée, il va s'essuyer une soufflante de Dieu-le-Père ? Merveilleux. Cependant, le scénario ne semble pas être celui qu'il s'est projeté. Leur Alpha a l'air autant en désarroi que lui.

- Qu'est-ce que tu veux ?
- Paix…
- Wow... On en est donc à ce degré de gravité, pour que tu en sois à venir me voir ?
- T’as une idée de ce qui se passe ?
- A quel propos ?
- Nina te parle plus mais te jette des oeillades comme si elle attendait quelque chose. On ne voit plus Ibakha qui passe son temps à se défouler dans la salle de sport sur un pauvre mannequin mort une dizaine de fois et elle dort dans la salle commune en m’expliquant qu’elle a des « divergences » avec sa colocataire. Sans m’en dire plus…

Le vieux loup pousse un soupir et se masse l'arrête du nez. Pourquoi n'est-elle pas venue le voir directement ? Par loyauté envers Nina ? "Ridicule."

- Foutues gonzesses.... Je ne suis pas taillé pour leurs conneries...
- Faut que tu m’aides sur ce coup-là.
- Parce que tu penses sincèrement que j'ai ce genre de pouvoir ?
- T’as l’air d’être lié de près ou de loin à la chose mais je ne sais pas en quoi.

Hunter pince les lèvres sur une grimace embarrassée. Il n'a jamais voulu faire de vagues. Il souhaitait simplement offrir un havre de paix à sa "gardienne".

- Si d’habitude je ne m’en mêlerai pas, là, ça commence à foutre une sale ambiance dans la Meute. Ibakha est méchamment à cran et j’ai dû la rappeler à l’ordre. C’est jamais arrivé encore...

Là, le lycan relève le nez, croisant le regard de Colgan avec une inquiétude réelle.

- Je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté sur son passé mais elle ne doit pas déraper.
- Je sais... répond-il sobrement. Elle ne l'aurait pas fait si elle avait accepté ma proposition de s'installer au Silo avec moi mais elle nourrit une loyauté particulière envers Nina qui lui imposait d'en discuter d'abord avec elle. Depuis, je n'ai aucune nouvelle et tout le monde me bat froid. J'en déduis que ça c'est mal passé...

Il se masse les tempes, l'air passablement fatigué.

- Les femelles sont véritablement abominables entre elles. Au moins, nous on s'engueule, on se fout éventuellement des gnons, mais on passe à autre chose ! Empoisonner l'ambiance c'est vraiment une affaire de femme. Je suppose que Nina me fait passer pour un connard alors que le seul crime que j'ai commis c'est de gentiment repousser ses avances et de lui préférer la compagnie de son amie.

L'idée qu'Ibakha s'oblige à ne pas le revoir pour, il s'imagine, ne pas "trahir" Nina en vertu de l'aide qu'elle lui a apportée par le passé le met franchement en colère.

- Je vais aller dire deux mots à cette petite conne. L'omerta qu'elle fait peser sur Ibakha est juste dégeulasse. Merde à la fin ! Je ne suis pas une putain de robe en solde !

Joignant le geste à la parole, il entreprend de se lever.

Colgan note qu’Hunter a l’air inquiet lui aussi, ce qui ne fait que renforcer son idée que la situation mérite son attention.
- Je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté sur son passé mais elle ne doit pas déraper.
- Je sais... Elle ne l'aurait pas fait si elle avait accepté ma proposition de s'installer au Silo avec moi mais elle nourrit une loyauté particulière envers Nina qui lui imposait d'en discuter d'abord avec elle.
L’Alpha lui jette un coup d’œil acéré sans dire un mot. Si on y réfléchit un peu, normal qu’une Louve sauvage et solitaire trouve des points communs avec un loup du même acabit. Reste qu’il est surpris de cette relation entre ces deux-là.
- Depuis, je n'ai aucune nouvelle et tout le monde me bat froid. J'en déduis que ça c'est mal passé...
- Ouais, apparemment ça a gueulé. Surtout du côté de Nina mais j’en sais pas plus…

Gros soupir, alors qu’il contemple le désarroi du Loup.

- Les femelles sont véritablement abominables entre elles. Au moins, nous on s'engueule, on se fout éventuellement des gnons, mais on passe à autre chose !
Colgan ricane.
- Je vais pas te contredire… parfois je comprends pourquoi on refuse les femelles dans une Meute… ça créera fatalement des tensions. Cela dit ça m’aurais arrangé que tu tournes pas autour de deux femmes en même temps… coup d’œil pétillant qui marque son amusement de le voir devenir le célibataire le plus en vue de la Meute.  
- Empoisonner l'ambiance c'est vraiment une affaire de femme. Je suppose que Nina me fait passer pour un connard alors que le seul crime que j'ai commis c'est de gentiment repousser ses avances et de lui préférer la compagnie de son amie.
- Ah… c’est donc ça le fond du problème. A son tour de se masser les tempes. Je sais foutrement pas ce qu’elle dit sur toi mais on va devoir y mettre le hola tout de suite avant que ça dégénère.
- Je vais aller dire deux mots à cette petite conne. L'omerta qu'elle fait peser sur Ibakha est juste dégeulasse. Merde à la fin ! Je ne suis pas une putain de robe en solde !

Il le regarde se relever, perplexe et l’arrête d’une main.
- Attends. Pas tout seul et essaie de pas rendre les choses plus compliquées encore… Il se lève à son tour. Je viens avec toi et tu me laisses parler.

Ils s’approchent donc à deux de Nina en grande et houleuse conversation avec Matilda pendant que Sasha écoute avec attention et Sally tente de tempérer les deux femmes. Une vraie partie de plaisir s’annonce avec cette conversation…
Lentement Colgan s’assoit et sa présence associée à celle d’Hunter a le don de faire taire les conversations d’un seul coup.
- Oh Col’, s’étonne Nina qui jette un peine un regard à Hunter. C’est gentil de venir nous voir, comment va Marisol ?
Leur Alpha croise le regard de chacune avant de répondre.
- Bien, elle se repose. Nina, on peut savoir ce qui se passe entre toi et Ibakha ?
Aussitôt la Louve à l’odeur de patchouli se referme.
- Ca nous regarde.
- Non. Non certainement pas. Pas quand ça affecte la Meute, pas quand ça fait presque vriller un de nos louves.
Nina a le bon goût de paraitre coupable et se mord distraitement les lèvres.
- Ca devient ridicule Nina, enchaine Matilda qui semble ravie d’avoir l’appui de son Alpha pour une question qui semblait être le cœur de leur débat animé. Va t’excuser qu’on puisse passer à autre chose.
- T’excuser de quoi ? Le ton de Colgan est polaire alors qu’il braque ses iris à l’éclat de glacier dans ceux de Nina.
- On s’est juste…disputées… c’est tout. Il y a eu quelques mots plus haut que l’autre. Rien de grave.
- Tu l’as traitée de « Salope sans cœur », s’indigne Matilda. Entre autres…
Nina semble agacée et bouge ses mains pleines de bagues.
- Tu sais bien comment elle est ! Avec ses grands airs d’impératrice des glaces ! Elle…elle m’a foutue les j’tons d’accord ! Elle m’a regardée comme si elle allait me tuer…et on sait qu’elle en est capable.
Colgan prend sur lui et inspire lentement par le nez pour ne pas prendre cette femme par les épaules pour la secouer comme un prunier.
- Nina ! s’exclame Matilda. Tu penses pas ce que tu dis…  
Cette fois la Louve au look hippy s’adresse à son Alpha.
- Je te jure Col’, j’ai vraiment cru qu’elle allait le faire, elle s’est approchée et j’ai bien senti qu’elle voulait me faire du mal. La seconde d’après, elle quittait la chambre pour ne pas revenir. Je ne suis pas certaine que la faire changer en louve ait été une bonne idée... C’est à elle de venir s’excuser !
Colgan la fusille du regard, trop estomaqué par son audace pour répondre.

- Attends. Pas tout seul et essaie de pas rendre les choses plus compliquées encore…Hunter contracte la mâchoire de manière tellement visible qu'on voit les muscles de ses mandibules saillir. Il fulmine, les poings serrés. Je viens avec toi et tu me laisses parler.
- Si tu veux. Mais tu m'empêcheras pas de balancer quelques vérités.

Les deux lycans aux carrures de colosses se dirigent vers Nina et sa petite cour de suivantes. Le Né-loup laisse donc son Alpha mener la discussion. Il se contente de fixer la louve avec une rage froide et contenue. Son regard n'en est que plus meurtrier, comme son aura particulièrement écrasante.

- On s’est juste…disputées… c’est tout. Il y a eu quelques mots plus haut que l’autre. Rien de grave.
- Tu l’as traitée de « Salope sans cœur ». Entre autres…
- Tu as quoi... ? gronde-t-il de façon si menaçante que Nina se recroqueville sur elle-même. Pourtant, sa veulerie la pousse à camper sur ses positions.
- Tu sais bien comment elle est ! Avec ses grands airs d’impératrice des glaces ! Elle…elle m’a foutue les j’tons d’accord ! Elle m’a regardée comme si elle allait me tuer…et on sait qu’elle en est capable.
- Nina ! Tu penses pas ce que tu dis…
- Je te jure Col’, j’ai vraiment cru qu’elle allait le faire, elle s’est approchée et j’ai bien senti qu’elle voulait me faire du mal. La seconde d’après, elle quittait la chambre pour ne pas revenir. Je ne suis pas certaine que la faire changer en louve ait été une bonne idée... C’est à elle de venir s’excuser !

Cette fois, s'en est trop pour Hunter. Son bras fuse sans prévenir. Il empoigne la mâchoire de Nina et ses doigts s'enfoncent dans ses joues à en faire craquer les os de sa mâchoire. Elle tient sur la pointe des pieds, les yeux exorbités de terreur.

- Stupide créature, hypocrite et jalouse ! Son timbre est si sourd qu'il résonne presque caverneux. Sous tous tes apparats de fausse-générosité, tu n'es qu'une petite vipère venimeuse et égoïste. Jamais Ibakha n'a eu un mot négatif à ton égard. Jamais ! Elle a un immense respect pour votre amitié et s'est toujours sentie redevable de la main que tu lui as tendue quand elle arrivée dans ce pays. Et toi... toi tu la conspues et la salies pour de simples frivolités ?! Elle est bien plus honorable et louve que tu ne le seras jamais.

Il la relâche sans ménagement. Nina titube les jambes flageolantes, les larmes aux yeux. Hunter sait que Colgan va le réprimander mais il s'en fout. Que leur bon Alpha s'estime heureux qu'il ne l'ait pas giflée comme elle le mérite.

- Je ne sais pas ce que tu t'imagines, mais dans cette réalité, je n'appartiens à personne et certainement pas à toi. Si tu t'intéressais un tant soit peu aux gens, tu le saurais. Regard vers leur chef de meute. Je vais chercher Ibakha et la ramener dans le Silo avec moi. Une objection ?

Colgan aurait pu parier avec lui-même que les choses allaient déraper de cette façon. Plus que jamais la présence de Marisol à ses côtés lui manque.
Il se trouve dans une position « diplomatique » tendue et aucun doute qu’elle aurait su comment gérer la situation.
Mais il laisse les choses se faire d’abord.
Il sait qu’Hunter a besoin de lâcher le ressentiment qu’il nourrit contre Nina et celle-ci mérite une belle leçon.
Mais une fois qu’Hunter la lâche, il se jette sur lui et le plaque contre un mur pour lui coller une beigne qu’il arrive à rendre impressionnante tout en n’y mettant qu’une force très faible. Les yeux plantés dans les siens il déclare d’une voix vibrante de son pouvoir d’Alpha.

- Ne lève plus jamais la main sur l’un des nôtres.
Il regarde un long moment le prince déchu avec une expression qui veut clairement dire « Tu m’y as obligé, couillon ! »
- Je considère cet incident clôt. Nina ! La louve sursaute. Tu iras d’excuser auprès d’Ibakha. C’est un ordre. Et tu vas cesser de faire courir ses rumeurs ridicules sur elle ou sur Hunter ! Entendu ?
- O…ui, Colgan.
Il relâche Hunter et effectue un bref mouvement du menton vers la porte.
- Pas d’objection. Va la retrouver.
Sous-entendu, calme-la si tu le peux… Une fois le loup parti, Colgan se tourne vers le reste de sa Meute.
- Le premier qui tentera à nouveau de nous diviser de l’intérieur aura affaire à moi cette fois. Pigé ?

Après s’être assuré d’un regard que le message était bien passé, surtout chez Nina, il sort à son tour.

******

Elle a failli déraper.
Elle voulait vraiment la tuer !
La faire taire !

Ibakha n’arrive pas à se faire à cette idée. Après avoir quitté la chambre, horrifiée de ce qu’elle était prête à faire, elle a foncé sans réfléchir vers la salle technique où elle a retrouvé Hunter après sa crise d’angoisse. Recroquevillée dans un coin, elle a fébrilement remonté les murailles qui l’entourent et qu’elle avait bien trop rabaissé à cause…pour lui. Méthodiquement, elle a emmuré le monstre qu’elle cache en elle, cette part d’elle beaucoup trop dangereuse.

J’étais à deux doigts de tuer Nina…

Elle avait trouvé ses remontrances si injustes…ses insultes si blessantes…
Ibakha n’est sortie de là qu’une fois assurée que son masque était à nouveau bien en place et imperméable à tout. Elle a récupéré ses affaires quand Nina n’était pas dans la chambre et dort à présent dans la salle commune de la Meute, les nuits peuplées de cauchemar ou elle se voir tuer Nina de mille façons possibles. Elle passe ensuite ses journées où elle sait ne pas trouver la jeune femme. Dans la salle de sport.
Elle s’y acharne pendant des heures, jusqu’à avoir le corps tremblant de fatigue. Elle n’arrive même pas à ouvrir le livre qu’elle a emprunté à Hunter, se sentant profondément coupable.

Il lui manque.

Elle voudrait le rejoindre mais elle a peur de mettre le feu aux poudres et que les rumeurs se focalisent à nouveau sur lui. Elle ne veut pas lui créer d’ennui alors qu’il commence enfin à s’intégrer à cette Meute.
Tout est parti si vite et si loin qu’elle se dit que le mieux à faire est encore de quitter la Meute.
Elle est dangereuse…

Alors qu’elle martyrise un pauvre mannequin à coups de pied et de poing, elle le sent… Réflexe presque pavlovien, elle inspire à fond cette odeur qui lui a donné un semblant de sécurité le temps que cela a duré.
Pourtant elle ne détourne pas son attention du mannequin et redouble même de férocité.

- Va-t-en Hunter,déclare-t-elle froidement. Tu n’as pas eu le mémo ? C’est moi la paria maintenant. Ne ruine pas tes efforts d’intégration. Je te relève de tes fonctions de gardien.

Hunter tend presque la joue pour se faire corriger. Il est parfaitement conscient que son geste doit être réprimandé par l'alpha pour des raisons d'autorité et d'harmonie du groupe. Il ne regrette en rien l'avoir commis, pourtant. Il soutient le regard de son alpha et lorsque celui-ci le relâche, émet un reniflement bougon qui a tout du 9]]"Je sais. Fais ton taf."[/b]

- Je vais chercher Ibakha et la ramener dans le Silo avec moi. Une objection ?
- Pas d’objection. Va la retrouver.

Il ne lui faut pas moins pour quitter la pièce et partir en quête de la louve dans les couloirs du bunker. Il a une idée précise du lieu où elle se trouve et son intuition se confirme quand il hume son odeur, aux langueurs de lys, échauffée par la sudation. Une fraction de secondes, sa cervelle est traversée d'images torrides et moites, saturées de cette fragrance.

"Pas le moment, abruti."

- Il t'a manqué de respect à ce point, ce mannequin ? amorce-t-il en s'approchant de sa démarche chaloupée.
- Va-t-en Hunter.
- Certainement pas, fait-il d'un ton tranquille.
- Tu n’as pas eu le mémo ? C’est moi la paria maintenant. Ne ruine pas tes efforts d’intégration. Je te relève de tes fonctions de gardien.
- Pas d'inquiétude, Nina s'est chargée de ruiner les dits-efforts. On est deux parias, si ça ne t'ennuie pas de partager le titre.

Il s'approche un peu plus alors qu'elle lui tourne le dos, si près qu'il pourrait se prendre un coup.

- Ibakha...Arrête-toi cinq minutes. Comme elle n'en fait rien, il finit, par l'enfermer dans ses bras musculeux pour la contraindre au calme. Shhhh... Cesse de t'agiter comme ça... lui souffle-t-il au creux de l'oreille, en la maintenant avec douceur et fermeté contre lui. Les choses ont été arrangées. Colgan est intervenu : Nina a été remise à sa place et te fera des excuses en bonne et due forme. De plus, ton transfert au Silo a été approuvé par notre Alpha. Tu peux venir vivre avec moi sans crainte des "on dit"...

Il dépose un fugace baiser sur son épaule.

- Hey....Je sais que tu as eu envie de la tuer, je sais que tu t'es fait peur ce jour là, mais Nina est toujours en vie. Tu veux bien arrêter de te punir, maintenant, et venir avec moi ?

- Pas d'inquiétude, Nina s'est chargée de ruiner les dits-efforts. On est deux parias, si ça ne t'ennuie pas de partager le titre.

Elle émet un faible ricanement un peu cassé avant de se remettre à la tâche de faire payer ce pauvre mannequin. Parfait, elle aura donc réussi à tout gâcher.
Il s’approche et elle se tend, envoyant un coup de poing violent dans la face inerte. Avec le recul, son coude manque de cogner Hunter.

Pourquoi ne part-il pas ?
Qu’est-ce qu’il fait là au juste ?

- Ibakha...Arrête-toi cinq minutes.
- Non.

Au contraire, elle frappe et frappe, sans plus aucune grâce, ni aucun rythme.
Il passe ses bras autour d’elle et l’attire contre lui. Elle émet un hoquet qui lui prouve avec horreur qu’elle est loin d’avoir réussi son entreprise de reconstruction aussi parfaitement qu’elle l’aurait voulu. Elle a peur, une peur viscérale qu’elle ne peut même pas fuir puisqu’il s’agit d’elle-même.
Ibakha se débat avec force.

- Lâche-moi ! Lâche-moi !!!!
Mais il n’en fait rien…
- Shhhh... Cesse de t'agiter comme ça...
La chaleur de son corps couplée à sa voix dans le creux de son oreille ont un effet presque immédiat et elle cesse tout mouvement, le souffle précipité, les yeux mouillés. Elle appuie inconsciemment sa tête contre la sienne.
- Les choses ont été arrangées. Colgan est intervenu : Nina a été remise à sa place et te fera des excuses en bonne et due forme. De plus, ton transfert au Silo a été approuvé par notre Alpha. Tu peux venir vivre avec moi sans crainte des "on dit"...

A nouveau son rire brisé secoue ses épaules dont l’une reçoit un baiser qui lui donne des frissons malgré la situation.

- C’est moi qui devrais m’excuser…tu sais pas…tu sais pas ce que j’ai failli faire…ce que j’ai ressenti… je suis qu’un…qu’un monstre. Bonne…à enfermer en…encore.
Elle en bégaye tellement la culpabilité l’étouffe.  
- Hey....Je sais que tu as eu envie de la tuer, je sais que tu t'es fait peur ce jour-là, mais Nina est toujours en vie.
Heureusement qu’il ne lui fait pas face, elle n’aurait pas même pu le regarder dans les yeux.
- J’en ai eu terriblement envie… qu’elle se arrête de me reprocher ce que j’avais pas fait… je voulais la faire taire, la faire souffrir... J’étais à deux doigts de le faire. Ça aurait été si facile… déclare-t-elle d’une voix neutre et terriblement lasse, comme si elle parlait d’un sujet anodin.
- Tu veux bien arrêter de te punir, maintenant, et venir avec moi ?
- J’ai failli tuer de sang-froid une amie, Hunter.
Elle laisse planer un silence, et ses bras se referment doucement sur les siens.  
- Pourquoi… pourquoi tu fais ça, Vieux Loup ? Je te l'ai dit... tu ne me dois rien...Son masque se désagrège déjà. Il n’aurait pas tenu cinq minutes face à Hunter. Je ne suis pas fiable… Je ferai mieux de quitter la Meute…Je suis juste...fatiguée.

- J’en ai eu terriblement envie… qu’elle s'arrête de me reprocher ce que j’avais pas fait… je voulais la faire taire, la faire souffrir... J’étais à deux doigts de le faire. Ça aurait été si facile…
- Mais tu ne l'as pas fait. Tu as su t'en empêcher.... Tu veux bien arrêter de te punir, maintenant, et venir avec moi ?
- J’ai failli tuer de sang-froid une amie, Hunter.
- Tout réside dans le "failli". J'ai failli lui défoncer la gueule devant Colgan, mais je ne l'ai pas fait. L'envie de manquait pas non plus.

Finalement, Ibakha rend les armes. Elle accepte l'affection patiente d'Hunter et son étreinte apaisante. Son large tarin caresse doucement la joue et la tempe de la jeune louve. Il lui prodigue toute la tendresse qui a fait défaut à la jeune femme toute sa vie.

- Pourquoi… pourquoi tu fais ça, Vieux Loup ?
- Il n'y a pas besoin de raison ou de justification.
- Je te l'ai dit... tu ne me dois rien...
- Je le fais parce que j'en ai envie, et parce que tu en as besoin... Je suis ton allié, Ibakha. Je suis là pour toi. Nous sommes liés.
- Je ne suis pas fiable… Je ferai mieux de quitter la Meute…
- Ce serait une erreur. La meute t'apporte une stabilité et un équilibre que tu ne trouveras pas ailleurs. Elle t'est nécessaire comme... Il hésite, ferme les yeux et ajoute un ton plus bas, pudiquement. Tu m'es nécessaire...
- Je suis juste...fatiguée.

Hunter la tourne doucement afin qu'elle lui fasse face. Avec une infinie délicatesse, il étanche ses yeux humides. Dans ses prunelles bleues se lit l'assurance honnête d'être protégée quoi qu'il advienne. Hunter se fera rempart contre tous, et contre elle-même s'il le faut.
"Je suis ton Gardien. Je veillerais sur toi jusqu'à ce que tu te lasses de moi..."

- Je sais. On va y remédier... Viens.

Il lui prend la main et la guide en dehors du complexe sportif. Ils se dirigent en silence vers la salle commune qu'on leur a dégottée. Il ne laisse aucunement à Ibakha le temps de réfléchir et en franchit le seuil. Indifférent aux quelques loups présents qui leur jettent des regards curieux, Hunter traverse la pièce les doigts de la louve toujours à l'abri dans sa large pogne. Il ne la libère que pour réunir les quelques affaires de la jeune femme dans son paquetage et caler la bandoulière de celui-ci sur son épaule. Avec le plus grand des naturels, il s'empare à nouveau de la main de sa compagne avec l'intention de la guider vers le Silo.

Tu m'es nécessaire...
Ces mots restent une énigme pour elle. En quoi ? En quoi pourrait-elle être nécessaire à un homme qui a plus du double de son âge et de son expérience.
Ibakha se laisse conduire, l’esprit occupé, elle a de toute façon une confiance aveugle en lui. Sa main est chaude, rassurante, tout comme le fait qu’il prenne les choses en main. Elle se fiche du regard des autres et tente de relever le menton, de reprendre une certaine contenance pour ne pas montrer à quel point elle est éprouvée alors qu’elle le regarde rassembler ses affaires.

Tu m'es nécessaire...
Sa main revient trouver la sienne et ils marchent tranquillement vers le Silo. Elle prie intérieurement pour ne pas croiser Colgan, Nina ou l’un des autres filles. Mais ils arrivent sans encombre au Silo. A peine ses chausses foulent-elle la terre qu’elle s’arrête, le retenant d’avancer.
Elle lève le visage vers le ciel, prend une profonde inspiration et lui dédie un sourire un peu trop faible encore. Les odeurs de l’humus, du soleil et celle d’Hunter présente partout, envahissent ses narines, agissent comme un baume.  
- Merci.
Ce simple mot ne reflète certainement pas ce qu’elle ressent à cet instant mais elle n’en a pas d’autre pour l’instant.
Ils se dirigent naturellement vers la Grange, sa main n’a pas quitté la sienne. Devant la porte, son autre paume glisse sur le bois de la porte.
Chez elle.
C’est ce que sera ce lieu à présent. Avec lui.
Sans un mot, elle pose sa main sur la joue d’Hunter, caresse sa joue du pouce en le regardant dans les yeux, le cœur au bord des lèvres. Elle est poisseuse de sueur, a besoin de se laver de l’odeur du désespoir et de la culpabilité qui lui collent à la peau.
Dans la salle de bain, elle ne réfléchit même pas, se déshabille et entre dans la douche. Elle ne trouve que le savon d’Hunter et s’en sert pour frotter sa peau, s’enveloppant dans un parfum rassurant qu’elle pourrait passer des heures à respirer.

Tu m'es nécessaire...
Propre, elle finit par sortir, la peau rougit et se sentant un peu plus elle-même. Refusant de remettre ses vêtements de sport, elle trouve un tee-shirt propre d’Hunter dans lequel elle flotte et remet simplement son short.
Lorsqu’elle sort de la salle de bain, accompagnée d’un nuage de vapeur, elle se dirige automatiquement vers le Vieux Loup, peu importe où il se trouve, et vient se coller contre son dos, cerclant sa taille de ses bras, la joue callée entre ses omoplates. Elle est bien là, à l’abri d’elle-même et de sa honte.
- Tu crois qu’ils me détestent ? Tout le monde a dû entendre Nina me traiter de meurtrière psychopathe… et Colgan ? J’ai essayé de le frapper…avoue-t-elle dans un murmure coupable.
Elle laisse un silence confortable s’installer entre eux avec de déclarer dans un souffle.
- Moi aussi j’ai besoin de toi… et aujourd’hui elle se fiche de l’avis des autres. Elle a essayé de ménager les sentiments de Nina qui a piétiné les siens sans merci. Alors aujourd’hui, elle pensera à elle.

Tu m'es nécessaire...
Elle voudrait lui demander en quoi mais n’en trouve pas le courage maintenant.
- Quand je suis avec toi, je n’ai pas l’impression d’être un monstre… Je me sens… bien.
Elle émet un petit rire. Ca ne lui arrive pas souvent et elle savoure l’instant, essayant de mettre de côté ces horribles jours où elle a cru retomber dans la partie la plus obscure de son être.  

"Je veux juste rester avec toi. Aussi longtemps que tu me laissera."

Le Silo les accueille avec son soleil de début d'après-midi voilé de nuages cotonneux et tranquilles. Un troupeau de mouton sur un champ bleu. Ibakha fait halte, les yeux rivés vers le ciel magique. Hunter se retourne pour mieux observer ses traits se détendre.

"Tu es à la maison. Tu peux à nouveau respirer, Ibakha..."
- Merci, répond la louve comme si elle l'avait entendu penser.

Son ainé se contente de sourire et ils reprennent leur marche vers la grange. L'Indomptée caresse les linteaux de la porte de l'édifice puis sa joue à lui, du même rugueux réconfortant. Le sourire d'Hunter s'accentue.

"Voilà, ton havre de paix."

Le vieux loup la laisse évoluer à sa guise dans l'espace qui constitue désormais son foyer. Il monte ses affaire dans la mezzanine et s'attèle à lui constituer une paillasse confortable, un coin douillet à elle. Lorsque sa nouvelle colocataire émerge de la salle de bain, humide, chaude et drapée de son odeur, Hunter achève d'accrocher un attrape-rêve au dessus du lit d'Ibakha, sur l'une des poutres transversales. Il réceptionne l'étreinte de la louve en caressant doucement les bras graciles qui cerclent son poitrail.

- Tu crois qu’ils me détestent ?
- Bien sûr que non, répond le Vieux loup en jetant un coup d'oeil par dessus son épaule sans pouvoir la voir.
- Tout le monde a dû entendre Nina me traiter de meurtrière psychopathe…
- Matilda a pris ardemment ta défense. Elle tentait de résonner Nina. La plupart étaient embarrassés par la situation et l'ampleur qu'elle a prise.... Je pense que personne ne souhaitait prendre partie Tsss... Tout ceci pour de stupides jalouseries de bonnes femmes. Je veux bien croire que ton "amie" a un bon fond, mais franchement elle ne le met pas en valeur. Elle s'est discréditée toute seule avec ses calomnies puériles.
- et Colgan ?
- Il était inquiet pour toi. Le comportement de Nina l'a fâché autant que moi. Des conneries de femelle dont nous n'avons pas besoin en ce moment.
- J’ai essayé de le frapper…

Cette fois Hunter s'ébroue d'un petit rire grave et amusé.

- Sérieusement ?... J'aurais bien voulu voir ça...

Ils demeurent ainsi, dans ce mutisme agréable, nourrit de leur chaleur partagée. Hunter est heureux de la voir ainsi s'apaiser et, surtout, lui laisser avoir prise dans sa vie. Elle aurait pu s'acharner à repousser sa main tendue.
Il peut aider quelqu'un.
Il peut l'aider elle.
Il est si gratifiant de se sentir utile...

- Moi aussi j’ai besoin de toi… murmure Ibakha.

Le coeur du lycanthrope dégringole, ricochant sur ses côtes. Une fleur de feu épanouit ses pétales à l'intérieur de sa cage thoracique, comme pour se tendre vers le soleil. Le loup se retourne délicatement et prend le visage anguleux de la jeune femme entre ses paumes. Ses prunelles pénétrantes la couvent comme un oisillon.

- Je suis là.

Une phrase bien courte et bien pauvre qui n'exprime que peu la foultitude de sentiments qui l'animent : "Je ne t'abandonnerais pas. Je prendrais soin de toi. Je te ferais sourire tous les jours. Je t'apprendrais ce que je sais. Je te donnerais tout ce dont tu as besoin et tout ce que je possède pour y arriver. Tu le mérites, je te le promets..."

Les jours s’écoulent tranquillement, sereinement presque.
Hunter et elle trouvent une certaine routine, un rythme qui leur est propre. Ils peuvent alterner entre de long moment de silence complice et des discussions plus animés sur des sujets allant du chamanisme, à la vie dans les steppes ou les dernières lectures de la jeune louve.
Coiffer ses cheveux est devenu un rituel dont elle ne se lasse pas. C’est l’un des seuls moments où ils sont physiquement proches et elle les savoure en se laissant aller parfois à quelques massages pour ses muscles mis à rude épreuve par les travaux manuels.

Ibakha sort peu du Silo, comme un animal blessé, elle lèche ses plaies et en profite pour se ressourcer, retrouver un équilibre interne qui a implosé en quelques jours. Elle ne se rend au Mess que très tôt ou très tard, aide Hunter lorsqu’elle le peut – l’observant aussi évoluer – et passe beaucoup de temps à observer les quelques animaux dans une sorte de mélancolie nostalgique.
Sizreïs tente souvent de la prendre à revers et la louve s’emploie à lui prouver qu’à ce petit jeu-là, elle est tout aussi forte. S’en suit des courses-poursuites qui leur servent de défouloir à toutes les deux.
Parfois, en de plus rares occasions, la mandragore, s’assoit avec elle sur les barrières des enclos, presque calme.

Loin des fouets, de la domination, du stupre et de sa vie citadine, Ibakha redécouvre combien la Mongolie lui manque, le contact avec les animaux. Elle s’est toujours interdit d’aller voir Malone au haras par peur justement de ce mal du pays.

Ibakha se réveille souvent avant son colocataire juste avant l’aube. Si ses cauchemars sont moins récurrents, ils n’en sont pas moins harassants et bien présents. Elle reste un moment sur sa paillasse, assise, à contempler celle d’Hunter et à se demander comment il réagirait si elle l’y rejoignait un jour. Elle lance le café, qui s’égoutter doucement, pour le réveil du Loup, puis profite des premières lueurs du soleil pour effectuer une longue séance de tai-chi-chuan couplée à du yoga, sous les arbres. Elle espère de cette façon chasser les dernières bribes de songes et d’envie.  

La première lune sous les bunkers approche. Elle craint ce moment et les réactions plus franches de sa louve.
Elle essaie de repousser ses craintes pour le moment et accueille Hunter en pleine position du Scorpion, une jambe tendue vers l’avant. Lentement, elle se déplie et lui sourit en buvant une longue rasade d’eau.  
- Bien dormi ? Tu n’as presque pas ronflé cette nuit…un exploit !
Elle refreine à nouveau l’envie de s’approcher, de le toucher … de l’embrasser. Elle adore le Hunter du matin, presque plus animal qu’humain… presque plus irrésistible.  

Elle se tend soudain en humant une odeur familière, mélange d’encens et de patchouli.
Nina
La jeune femme s’avance, toutes en breloques, en cernes et en crinière de lionne blonde. Jamais Ibakha ne l’a connu aussi matinale. Elle s’approche prudemment des deux loups.
- Hey… salut vous deux.
- Bonjour Nina.
Sans même s’en rendre compte elle a enfilé son armure de froideur et d’indifférence et lui présente un visage masqué. Nina, nerveuse, triturent ses bagues et Ibakha lui précise.
- Tu n’as pas à avoir peur de moi.
- Je sais ! Je veux dire… je ne sais pas exactement ce qui m’a pris ce jour-là. Je t’ai poussée à bout et… je m’en excuse. Je t’ai dit des choses affreuses et que je ne pensais même pas.
Sonnée, Ibakha ne sait même plus quoi lui répondre. Ces excuses, elle ne les attendait même plus. Mais Nina enchaine en se tournant vers Hunter.
- Je tiens à m’excuser aussi auprès de toi. J’aimerais…qu’on reparte à zéro…si c’est possible ?

La vie auprès d'Ibakha est douce. Les heures s'écoulent sans se presser, avec une tranquille langueur.
Hunter l'observe, beaucoup, souvent à la dérobée. Il s'amuse de la voir chahuter avec Sizreïs avec laquelle elle partage l'espièglerie et la vivacité. Il s'abime dans le spectacle de sa mélancolie, le regard perdu vers les enclos où paisse le bétail. Il veille à ce qu'elle s'endorme et réfléchit à la manière d'apaiser ses nuits agitées. Il apprécie la voir se contorsionner avec la grâce fluide de l'eau, chaque matin, alors qu'il s'éveille.
Leurs conversations comme leurs silences sont agréables. Ils s'adonnent à quelques attentions tendres et discrètes l'un pour l'autre : elle lui prépare toujours du café, il lui a dégoté une bouteille de vin pour ses bains, elle coiffe et soigne sa chevelure, il lui masse parfois les pieds. De temps en temps, il glisse même une fleur sur son oreiller, qu'il retrouve à son lobe ou dans un gobelet, non loin de sa paillasse.

Le vieux loup n'a pas connu une telle paix depuis des années.

Il sait cependant que la lune, même absente sous cette chape de béton, poursuit sa course. Bientôt, elle sera pleine et ronde, et il leur faudra côtoyer de nouveau leur frères et soeurs de Meute. Hunter ignore si Ibakha est prête. S'il le faut, il s'isolera avec elle comme Malone le fit avec Shareen. Tout dépendra du jugement de leur Alpha.

Comme presque chaque matin, à présent, il sort de la grange, échevelé, torse nu et un mug de café chaud en main. Il est, à ces heures là, plus loup qu'homme. Les mots ne lui viennent pas naturellement et ses gestes sont plus spontanés. Il la regarde tordre son corps de liane souple en tout sens avec une délectable fascination, jusqu'à ce qu'elle le remarque.

- Bien dormi ?
- Hum... Toi ?
- Tu n’as presque pas ronflé cette nuit…un exploit !

Il rompt la distance, sans remarquer les atermoiements de sa colocataire, et vient de lui même la respirer, comme l'animal qu'il est. Son pif fourrage dans la chevelure de la jeune femme pour atterrir dans le creux de son cou, là où son odeur est la plus prégnante. Néanmoins, cette salutation olfactive est perturbée par la présence d'une fragrance à la fois familière et étrangère. Instinctivement, les pupilles d'Hunter se retractent en fixant Nina et il émet un grondement perceptible d'Ibakha seule.
Il recule pour laisser champ libre aux deux louves, tout en surveillant les réactions de sa compagne.

- Hey… salut vous deux.
- Bonjour Nina.

Hunter sirote son café sans répondre, la harponnant du regard par dessus sa tasse.

- Tu n’as pas à avoir peur de moi.
- Je sais ! Je veux dire… je ne sais pas exactement ce qui m’a pris ce jour-là. Je t’ai poussée à bout et… je m’en excuse. Je t’ai dit des choses affreuses et que je ne pensais même pas. Je tiens à m’excuser aussi auprès de toi. J’aimerais…qu’on reparte à zéro…si c’est possible ?

Le vieux loup plisse les yeux. Après un long silence, il prononce d'une voix rauque et grave :

- La confiance une fois brisée peut ne jamais se réparer. Elle a besoin d'actes plus que de paroles. Une pause. Il n'en demeure pas moins que tu es ma sœur de meute et que venir jusqu'ici t'a sans doute necessité du courage. En ce qui me concerne, c'est un bon début. Pour Ibakha, c'est à elle de voir.