- Tu serais à mes côtés en tant que quoi exactement ? Guide spirituel ?
- Ibakha... Je suis et serais toujours ton Gardien, comme tu es ma Gardienne.
La louve fait la moue : de cela elle en doute un peu, Hunter se garde très bien tout seul. D’autant plus maintenant que sa relation avec Colgan semble s’être assainie à défaut d’être apaisée.
- La différence c'est que cette fois, je veillerais non pas de l'extérieur mais à l'intérieur.
- Je ne doute pas un instant que tu effectueras ton rôle à la perfection. Je n’en ai jamais douté. Très bien…si tu es sûr de toi, nous irons ensemble.

Ils gardent tous deux le silence un moment mais Ibakha sent son regard perçant sur elle et doit produire un effort certain pour ne pas gigoter d’inconfort. Parfois elle aimerait être capable de pouvoir lire dans ses pensées…Elle fixe ensuite sa main qui serre doucement la sienne et finit par lever ses yeux vers lui.

- Moi, je suis sûr, mais tant que tu ne le seras pas, je ne m'immiscerai pas dans ta tête. C'est ta décision, ton consentement plein et entier qui importe.
- Tu sais que ça n’est pas une question de confiance… Au moins je t’aurais prévenu…

Il s’approche et l’attire contre lui. Ibakha ne lutte pas et s’agrippe même fermement à lui. Son nez cherche instinctivement sa peau qu’elle respire doucement, furetant contre son cou.
- Tu sens bon…
Elle note distinctement leurs deux odeurs mélangées et ce parfum unique associé à ses attentions la font soupirer de bien-être.  

- Je suis ton compagnon, je te tiendrais la main où que tu ailles et à la place que tu voudras bien me donner. D'accord ?

Ibakha recule la tête pour vriller son regard franc et teinté d’une émotion palpable dans ses yeux bleus. Ses mots sont sans doute ce qui se rapprochent le plus d’une déclaration. Personne ne lui a jamais dit ce genre de chose sans arrière-pensée derrière. Le dos de ses phalanges caresse délicatement la joue d’Hunter alors que la gorge nouée, elle préfère se hisser jusqu’à sa bouche pour l’embrasser.

- A mes côtés. C’est là où j’ai besoin de toi, là où je te veux.
Elle le dévisage un long moment, mémorisant ses traits si particuliers et qui le rendent si magnétique. Si les choses se passent comme elle le craint, au moins aura-t-elle été « sa femme » pendant quelques minutes et il aurait été son Idiot, son Vieux Loup, son Compagnon.
- Tu as mon consentement. Nous irons ensemble.
Elle l’embrasse à nouveau avec un soupçon de précipitation et beaucoup plus de férocité, ses mains glissant sous ses vêtements pour griffer légèrement sa peau.
- Mais d’abord…ramène moi là-haut…

Ca ne fera que le deuxième petit-déjeuner abandonné en court de route.  

- A mes côtés. C’est là où j’ai besoin de toi, là où je te veux.

Cette affirmation caresse une nouvelle fois le palpitant d'Hunter de langues de feu. Il est rare pour lui de se sentir choisi, important et aimé. La place qu'il cherchait tant, il l'a peut-être trouvée.

- Tu as mon consentement. Nous irons ensemble.
- Entendu, souffle-t-il avant d'accueillir ses lèvres gourmandes à pleine bouche. Il sent nettement ses doigts avides chercher le contact peau à peau.
- Mais d’abord…ramène moi là-haut…

Le lycan ne se fait nullement prier. Il la soulève de terre, arrimant ses cuisses à sa taille, tout en grognant d'approbation entre deux baisers.
Combien de fois font-ils l'amour ?
Il en perd vite le fil, complétement happé par la sensualité addictive de sa compagne. Ibakha, bien loin de son image de dominatrice policée et froide, se montre incandescente, sauvage, charnelle et débridée. Par interludes tendres, elle se laisse même aller à quémander sans détour attentions et caresses plus câlines, comme la femme fragile en soif d'amour qu'elle est. Hunter ne se prive pas de l'abreuver. Il octroie également une plus grande marge de manœuvre à l'animal tapi au fond de ses trippes et qui aime mordre, dominer et écouter les suppliques d'une Ibakha qui s'époumone d'extase. Cette dernière semble accepter tant sa douceur que sa brutalité.
Les heure défilent et le jour décline quand les deux loups, plus ou moins repus, constatent qu'ils ont passé une journée entière au lit sans prendre la peine de boire ou manger.

Hunter se fait la terrible réflexion, qu'il pourrait encore y rester quelques jours de plus tant il est incapable de se lasser de sa femme.

Néanmoins, un évènement inattendu précipite l'éclatement de leur bulle. Colgan, Malone et Lewis sont dans le Silo pour faire du repérage afin de préparer au mieux leur première pleine-lune confinée. Shareen poussant Marisol dans une chaise roulante les accompagne. Leurs odeurs parviennent avant eux au couple alangui parmi les draps froissés.

Hunter caressant distraitement la chevelure d'Ibakha, nichée sur lui, se redresse brusquement, alarmé.

- Merde !

Inutile de faire un dessin à sa compagne, son odorat a du l'alerter également.

Jamais encore Ibakha n’avait passé une journée comme celle-ci.
Entre étreintes passionnée et moments de tendres quiétudes, toujours emmêlés l’un à l’autre, la louve oublie tout le reste.
Le temps, le rituel qu’ils devaient pratiquer, ses angoisses…tout.
Ici se joue une autre forme de communion, tout aussi intense et belle.
Elle a bien vite laissé tomber toute barrière, dévoilant à Hunter la femme avide de tout ce qu’il pourra lui donner, aussi bien sa sauvagerie que ses caresses plus douces. Elle ne se prive d’ailleurs pas de chercher les deux et se trouve à chaque fois comblée au-delà des mots.
C’est presque émerveillée qu’elle découvre en lui un être aussi assoiffée de contact et d’affection qu’elle. Elle n’en oublie pas pour autant sa part loup, et à force de murmures encourageant et d’affirmations sonores de son plaisir, Hunter le laisse d’avantage s’exprimer. C’est avec une satisfaction sauvage qu’Ibakha accueille la sauvagerie de sa nature animale qu’il déferle sur son corps qui ne demande que ça.
Jamais encore elle n’avait laissé autant de latitude à un homme dans son lit et presque autant que le plaisir, c’est la confiance qu’elle lui porte qui la grise complètement.

Hunter est l’homme qu’elle s’est choisi.
Le nier serait d’une stupidité crasse.  

Ce n’est que lorsque le soleil entame sa course vers l’horizon qu’elle se fait la réflexion qu’elle commence à avoir faim. Pourtant, étalée de tout son long contre le corps de son loup, elle ne fait absolument pas mine de bouger. Elle papillonne même des yeux, bercée par les caresses d’Hunter et le parfum de sa peau.

Mais une autre odeur parvient soudain à ses narines sensibles et Ibakha se redresse en même temps que son compagnon.

- Merde !

La situation est tellement improbable qu’elle en glousse nerveusement en se levant. Elle essaie de s’habiller rapidement et efficacement puis passe de longues secondes à chercher son haut qu’elle trouve finalement dans l’escalier. Enfin vêtue, elle tente de discipliner sa chevelure avec ses doigts, comme si ça avait la moindre importance. Elle se tourne ensuite vers Hunter en se mordant la lèvre pour ne pas repartir dans un nouveau fou rire avant de presser une dernière fois sa bouche contre la sienne.

- Désolée… c’est nerveux. Bien… qu’est-ce qu’on leur dit ? A ce stade ça va être compliqué de nier l’évidence.

Dans le fond, ça la chagrine tout de même beaucoup de s’exposer. Elle aimait que leur relation soit une sorte de secret entre eux. Rien qu’à eux.
Mais le secret risque de s’éventer avec la rapidité d’un feu de paille. Incendie qui commence par la voix de Malone qui passe à peine la tête par la porte de la grange.
- Hunter ? Ibakha ? Vous êtes là ? Tout va bien ? Personne ne vous a vu au Mess aujourd’hui …

Hunter se lève précipitamment et tâtonne pour trouver ses vêtements disséminés au quatre coins de la mezzanine. Il manque de se vautrer en sautillant, les jambes à moitié enfilées dans son pantalon.

- Qu'est-ce qu'ils foutent là, putain... ? grogne-t-il en ouvrant le velux d'une main - histoire d'aérer tant bien que mal une grange dont l'atmosphère est saturée de sueur et de sexe.

Il revêt son T-shirt complètement chiffonné tout en brassant vainement l'air avec ses mains. Il a la chevelure ébouriffée, lui qui a l'habitude de s'attacher systématiquement la tignasse, et on y décèle même ça et là, un peu de foin.

- Arrête de rire ! s'offusque-t-il tout en ne pouvant s'empêcher de sourire. Elle est incroyable jolie avec cette expression espiègle plutôt inédite. Il ne résiste pas à un dernier baiser volé.
- Désolée… c’est nerveux. Bien… qu’est-ce qu’on leur dit ?
- J'en sais foutre rien.
- A ce stade ça va être compliqué de nier l’évidence.
- Ouais bah j'ai passé l'âge d'être fliqué, hein, on ne leur doit rien.

Leur relation cachée et tranquille lui convenait très bien. Non pas qu'il n'ait pas envie de s'afficher au bras d'Ibakha, mais il estime que leur intimité leur appartient totalement. Finalement il comprend un peu mieux Malone sur ce point.

- 82 ans et l'impression d'être un ado pris sur le fait avec sa nana...

Son regard, comme celui d'Ibakha chute sur son pantalon pas encore zippé et boutonné quand Malone met le nez dans la grange. Hunter s'empresser de fermer son futal pour paraitre un tantinet décent.
Et (très) vaguement crédible.

- Hunter ? Ibakha ? Vous êtes là ? Tout va bien ? Personne ne vous a vu au Mess aujourd’hui …
- Quoi, tu peux pas te passer de nous plus d'une journée... ?
- Tu sais comme il s'inquiète comme un papy-poule quand il a pas tous ses petits-louveteaux autour de lui, glousse Shareen en se moquant gentiment de son koala.
- Il avait peur de quoi, le vieux... qu'on s'entre-tue ?
- Qu'est-ce qui vous a occupé, si ce n'est pas ça ?, demande Marisol qui essaie de se lever de sa chaise roulante mais que Shareen force à se rasseoir. ¡Joder! Je peux encore utiliser mes jambes à la fin ! J'en ai marre d'avoir le cul assis constamment : Se me pegarán la llagas ! jappe-t-elle furieusement dans un espagnol de plus en plus fleuri.
- Qu'est-ce qui vous amène... ? questionne Hunter en sautant sur la diversion sans répondre.

- A ce stade ça va être compliqué de nier l’évidence.
- Ouais bah j'ai passé l'âge d'être fliqué, hein, on ne leur doit rien.
- Je suis d’accord, déclare-t-elle plus tranquillement en retirant délicatement les brins de foin des cheveux d’Hunter.

Ils dévalent les escaliers et Ibakha tente de ranger les reliquats de leur petit-déjeuner interrompu piquant quelques morceaux de fruits au passage. Elle a vraiment faim…
- 82 ans et l'impression d'être un ado pris sur le fait avec sa nana...
Ibakha jette le café froid dans l’évier en se mordant l’intérieur de la lèvre.
- C’est…assez inédit pour moi aussi.

Elle se retourne vers lui et son regard tombe sur son pantalon…largement ouvert. Regard complice avant qu’il ne le referme au moment pile où Malone fait son entrée, rapidement suivi par Shareen et Marisol.
Une bonne hôtesse de maison proposerait à boire à ses invités mais de un, Ibakha n’est pas chez elle et de deux, elle n’a pas vraiment ce genre considération en tête. Elle a beau les apprécier tous énormément, elle a une soudaine envie de grogner qu’on outrepasse ainsi son territoire.

- Hunter ? Ibakha ? Vous êtes là ? Tout va bien ? Personne ne vous a vu au Mess aujourd’hui …
- Quoi, tu peux pas te passer de nous plus d'une journée... ?
- Tu sais comme il s'inquiète comme un papy-poule quand il a pas tous ses petits-louveteaux autour de lui.
- Il avait peur de quoi, le vieux... qu'on s'entre-tue ?
- C’est…une possibilité que j’ai envisagée, lâche le papy loup avec un sourire.
- Rassuré ? Il est toujours en vie, déclare tranquillement Ibakha qui n’a plus rien de la jeune louve qui pétillait d’amusement et de bonheur dans les bras d’Hunter. Elle a retrouvé son visage plus imperméable.
Malone découvre l’état des deux loups des champs, ses narines frémissent légèrement et il ouvre finalement des yeux ronds comme des soucoupes. Il dévisage Hunter comme s’il venait de lui pousser une seconde tête.
- Qu'est-ce qui vous a occupé, si ce n'est pas ça ?
Voilà une question pertinente à laquelle ni Ibakha ni Hunter n’ont envie de répondre. Ils sont heureusement sauvés par les attentions de Shareen qui l’oblige à se rassoir.
- ¡Joder! Je peux encore utiliser mes jambes à la fin ! J'en ai marre d'avoir le cul assis constamment : Se me pegarán la llagas !
- Qu'est-ce qui vous amène... ?
- Mollo sur les gros mots où les premiers de cet enfant seront des insultes hispaniques, lance Colgan depuis le seuil de la Grange où il attend avec Lewis. Il n’y pénètre pas totalement comme pour respecter le territoire d’Hunter. Et puis tu as entendu le doc. Du repos. Si tu veux gambader comme une gazelle, la prochaine fois évite de cramer toute ton énergie stellaire. Il lève ensuite la tête vers Hunter, fronce légèrement les sourcils puis explique. La pleine lune est pour bientôt, on vient repérer les lieux.
- Dans ce cas, sortons. On ne la passera pas dans la grange.
Ibakha amorce le mouvement et rejoint Colgan et Lewis qui l’observent d’un drôle d’air. Imperturbable, Ibakha lève le menton et les toise à son tour.
- Quelque chose ne va pas ?
- Euh… non.
Malone les rejoint, mains dans les poches.
- On se demandait simplement…si…enfin…
- Comment tu allais, finit Lewis qui aime l’efficacité et la sobriété.
- Et si tu souhaites t’isoler pendant la Pleine Lune, termine Colgan qui la scrute avec attention.
Ibakha garde le silence un moment, peu habituée à être la cible d’autant d’attention.
- Eh bien, ravie d’être au cœur de vos préoccupations. Je vais bien, comme vous pouvez le voir. Et pour la pleine lune…je ne sais pas encore. Elle marque une certaine hésitation et jette un bref regard vers Hunter.  

Hunter soutient le regard de Malone avec un plissement de paupières peu amène sur ses deux billes bleues. Le message implicite non-verbal est limpide : "Ta gueule ou je te défonce."

- Qu'est-ce qui vous amène... ?
- Mollo sur les gros mots où les premiers de cet enfant seront des insultes hispaniques, tonne Colgan d'au dehors. Hunter lui sied gré de ne pas foutre les pieds sur son domaine. Et puis tu as entendu le doc. Du repos. Si tu veux gambader comme une gazelle, la prochaine fois évite de cramer toute ton énergie stellaire.
- Aucun de vous ne serait rentré au bercail sans mon énergie stellaire ! fulmine Marisol que Shareen essaie de tranquilliser tant bien que mal.
- On se calme Maridouce, sinon je te ramène illico à l'Infirmerie...

Elle aussi a senti et en résulte une drôle de grimace ainsi qu'un regard en biais à Ibakha. Elle se penche pour chuchoter quelque chose à leur déesse en fauteuil.

- Alors ? insiste Hunter, désireux d'écourter la visite.
- La pleine lune est pour bientôt, on vient repérer les lieux.
- Dans ce cas, sortons. On ne la passera pas dans la grange.

Ch'aska soit louée la présence d'esprit de cette femme qui leur évite à tous de respirer les effluves de stupre laissées derrière eux. Un silence épais s'ensuit comme tout ceux qui accompagnent les gros malaises.

- Quelque chose ne va pas ?
- Euh… non.
- On se demandait simplement…si…enfin…
- Comment tu allais.
- Et si tu souhaites t’isoler pendant la Pleine Lune.
- Eh bien, ravie d’être au cœur de vos préoccupations. Je vais bien, comme vous pouvez le voir. Et pour la pleine lune…je ne sais pas encore.

Ibakha se tourne vers Hunter qui s'est très naturellement posté derrière elle en retrait du cercle qu'elle forme avec les trois autres loups. Il prend donc la parole.

- Cela dépendra de comment Ibakha se sent à ce moment là. Si elle juge qu'il est préférable de s'isoler, je resterais avec elle. Il défie Colgan du regard de l'en empêcher. Sinon, nous serons des vôtres. Un silence, puis il ajoute  : Pour le repérage, il vaut mieux en causer à Dysderie. C'est elle qui gère le Silo et en module le paysage... Son laboratoire est par là bas.

Il désigne, un arbre gigantesque au centre du Silo, qui s'élève jusqu'au ciel magique et semble même le toucher. Alors qu'il se mettent en route, Shareen et Marisol s'approche d'Ibakha pour l'alpaguer discrètement.

- Petite futée...Clin d'oeil complice. Nina a jamais eu aucune chance en fait.
- Une telenovela dans ma propre meute et je peux même pas regarder en direct live... ronchonne Marisol.

- Eh bien, ravie d’être au cœur de vos préoccupations. Je vais bien, comme vous pouvez le voir. Et pour la pleine lune…je ne sais pas encore.

L’attitude des trois mâles qui ont fait cercle devant elle la laisse un peu perplexe. Jamais ils ne lui avaient encore prêté autant d’attention. Est-ce parce qu’elle gravitait à présent dans l’environnement proche d’Hunter ? Elle fronce légèrement les sourcils à cette idée.
Sa présence perceptible dans son dos lui fait pivoter la tête et elle se retient pour ne pas sourire en voyant sa posture presque protectrice et un rien possessive.
Son Loup…
Elle aime la tonalité de ces deux mots.

- Cela dépendra de comment Ibakha se sent à ce moment-là. Si elle juge qu'il est préférable de s'isoler, je resterais avec elle. Sinon, nous serons des vôtres.
Elle lance une œillade appuyée à Hunter, sentant elle aussi très nettement le défi dans sa voix. Colgan le fixe un moment et la tension monte d’un cran passant de gérable à presque insoutenable.
- C’est à Malone ou moi de gérer ce genre de situation.
Machinalement Ibakha pose une main sur le torse d’Hunter.
- Je préfèrerais que ça soit Hunter, réplique-t-elle avant qu’il ne puisse dire quoique ce soit et sur un ton calme et neutre, les épaules légèrement voutées contre son gré. Elle sait qu’elle vient de contrecarrer un ordre voilé de son Alpha et tente de garder la face.
Colgan les observe tour à tour.
- Ok.
- Pour le repérage, il vaut mieux en causer à Dysderie. C'est elle qui gère le Silo et en module le paysage... Son laboratoire est par là bas.
- Allons-y dans ce cas.

L’atmosphère se relâche comme un ballon de baudruche et lorsque son Alpha et Lewis se détournent pour guider la marche, elle pousse un discret soupir alors que son corps se détend. Elle n’avait même pas remarqué à quel point elle était tendue. Elle ressent le besoin soudain de se serrer contre Hunter et cette faiblesse l’alarme un peu. Pourtant l’envie est là, pressante, comme un appel irrésistible. Mais elle se contente de le regarder alors qu’il part lui aussi, flanqué de Malone.

Elle se retrouve volontairement à l’arrière avec Marisol et Shareen. Deux présences amicales lui semble un bol d’air frais après la scène qui vient de se passer.
Elle sourit doucement à sa déesse.
- Je suis contente de te voir ailleurs que dans un lit. Désolée, je ne suis pas venue te voir ces jours-ci. J’étais…j’ai préféré m’isoler un peu. J’imagine que tu en as assez qu’on te demande comment tu te sens…  
Quelques mètres à peine de marché avant que Shareen qui semblait n’attendre que ça intervient.
- Petite futée...
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
Le ton est détaché au possible. Le clin d’œil ne lui échappe pas et elle lève les yeux au ciel.
- Nina a jamais eu aucune chance en fait.
- Une chance de quoi ? … puis après un silence. Je n’ai rien prémédité…
- Une telenovela dans ma propre meute et je peux même pas regarder en direct live...
Ibakha émet un petit rire.
- Je n’ai pas assez le sens du dramatique pour prétendre jouer dans une telenovela. Elle fixe le dos d’Hunter. Ce n’est pas…c’est juste…à court de mots, elle agite une main agacée de son manque d’éloquence sur la question. Ca n’est rien de sérieux alors n’en faites pas tout un plat.
Mensonge éhonté mais si elle ne peut pas vraiment cacher ce qu’ils viennent de faire toute une journée durant, elle compte bien préserver le reste et ses sentiments à son égard.

Plus loin devant Malone lance plusieurs coups d’œil vers Hunter tentant manifestement de trouver le meilleur angle d’approche.
- Alors comme ça…toi et Ibakha hein ? Il lève les mains comme s’il s’attendait à une réplique virulente, avec les poings ou avec les mots. Je dirais rien… mais c’est pas comme si c’était pas inscrit partout sur vous et…les murs de la grange. Il pose prudemment une main sur son épaule en lui souriant. Je suis content pour toi. C’est pas arrivé depuis…Moïra.

- C’est à Malone ou moi de gérer ce genre de situation.

Hunter se tend et contracte la mâchoire. Il est à deux doigts d'éructer un "Va te faire foutre. C'est ma femme!". Lewis a imperceptiblement décroisé les bras comme pour se préparer à s'interposer. Cependant, c'est Ibakha qui désamorce la situation d'elle-même.

- Je préfèrerais que ça soit Hunter.

Long silence.
Marisol qui s'est faite approchée de la discussion par sa chauffeur, effleure le poignet de Colgan et échange un regard avec lui. L'Alpha jauge le duo qui ose s'opposer à ses ordres puis obtempère finalement.

- Ok.

La tension débande d'un seule coup et chacun des protagonistes semble avoir les épaules qui s'affaissent. Shareen pousse même un petit soupir notable.

- Pour le repérage, il vaut mieux en causer à Dysderie. C'est elle qui gère le Silo et en module le paysage... Son laboratoire est par là bas.
- Allons-y dans ce cas.

Les mâles prennent la tête de la marche en se dirigeant vers l'étrange structure boisée en son centre. Les femelles en revanche, font exprès de trainer la patte pour discuter.

- Je suis contente de te voir ailleurs que dans un lit.
- Pas autant que moi ! plaisante Marisol.
- Désolée, je ne suis pas venue te voir ces jours-ci. J’étais…j’ai préféré m’isoler un peu. J’imagine que tu en as assez qu’on te demande comment tu te sens…
- Hum.. hum... J'ai une vague idée du pourquoi maintenant... réplique la déesse d'un air malicieux.
- Petite futée... abonde Shareen.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- C'est ça .. T'es sourde et aveugle maintenant...
- Nina a jamais eu aucune chance en fait.
- Une chance de quoi ? ...........Je n’ai rien prémédité…
- AHAH ! exulte Shareen, triomphante. Elle avoue !
- Une telenovela dans ma propre meute et je peux même pas regarder en direct live...

Ibakha rit et ses deux amies avec.

- Je n’ai pas assez le sens du dramatique pour prétendre jouer dans une telenovela. Ce n’est pas…c’est juste…
- Woooow tout ça ?
- Ca n’est rien de sérieux alors n’en faites pas tout un plat.
- Méwé, prends nous pour des quiches! Si c'est pas sérieux entre vous, mon généreux séant c'est de la putain de volaille!
- Dans la mesure où j'ai jamais gouté, j'peux pas dire... blague Marisol, toute joyeuse. Mais j'aurais tendance à dire que notre loup solitaire te hace cosquillas en el corazón, si ? Elle fait mine de la chatouiller.

Shareen fixe Malone en plein échange avec Hunter et se dit qu'il est probablement en train d'aborder le même sujet, mais avec bien moins de réussite, apparemment.

- Alors comme ça…toi et Ibakha hein ?

Hunter ne répond pas, faisant mine d'ignorer cette tentative lamentable de copiner.

- Je dirais rien… mais c’est pas comme si c’était pas inscrit partout sur vous et…les murs de la grange.
- Tu vas rien dire parce que y'a rien à dire. Pas plus que pour toi et Shareen.

La main sur son épaule a un effet contradictoire : une bouffée de nostalgie et un agacement profond.

- Je suis content pour toi. C’est pas arrivé depuis…Moïra.

Hunter se dégage brusquement, le visage dur.

- Faut vraiment que tu niques absolument tout, hein ?

Enervé, il avance à grandes enjambés et rejoint Colgan et Lewis au point de les dépasser. Le Silo est un endroit réellement surprenant qui mêle bocages, champs cultivés ouverts, breuils à gibiers, vergers, potagers, pâturages et bosquets. Quelques bêtes parsèment les prés ça et là : bovins, mouton, chevaux, cochon, poules... en nombre restreint. D'énormes silos à grains sortent de terre et couvrent les murs bétonnés, tel autant de distributeurs de céréales géants.
En arrivant près du chêne qui porte le laboratoire de Dysderie dans ses branches, le groupe de loups se sent épiés par une présence invisible mais constantes. Une odeur herbacée et florale flotte dans l'air brouillant leurs sens. L'impression est plus que tenace pourtant.

Sans crier gare, une créature au poil noir en bataille saute sur Colgan en hurlant : "POISSOOOOOOOOON!!!". Une petite mâchoire érigée de dents pointues claquent tout près du visage de l'Alpha et ce dernier peut constater qu'elle appartient à une fillette de cinq ou six ans. Elle porte une sorte de débardeur qui baille sur ses membres grêles tatoués de dionées et un short de foot fatigué. Elle est pieds nus, crottée et visiblement ravie de son embuscade.
Hunter attrape nonchalamment Sizreïs par la peau du cou et la gamine se met à glousser.

- Poissooooon!
- Je t'accorde celle là. Elle était pas mal.
- Poisson!!!! La gosse agrippe le vieux loup et lui fait un câlin qui ressemble plus à l'attaque d'une énorme ventouse.
- Oui oui oui... soupire-t-il. Mais t'arrête maintenant, ok ?

Une femme brune à la chevelure permanentée et portant une jolie petite robe rockabilly sous sa blouse blanche apparait sur le chemin. Elle exhale un parfum délicat de rose trémières, les mêmes que tatouées sur ses bras.

- Sizreïs, n'importune pas ces messieurs veux-tu ? Hunter, Ibakha, comment allez-vous aujourd'hui ? Elle se tourne vers les autres avec un sourire charmant malgré son cache-oeil de borgne. Je suis Dysderie Rose Grass. Bienvenue au Silo, Simone m'a prévenue de votre visite. Si vous voulez bien me suivre ?

Dysderie les conduit à l'intérieur d'une serre de jardin agréablement ensoleillée et où une table en fer forgé blanc les attend surplombée d'un service à thé fumant et de petits gâteaux.

-... Pooooooiiisson ! La mandragore saute de l'épaule d'Hunter et roule en quelque cabrioles vers Ibakha qu'elle gratifie aussi d'un énorme câlin collant.
- Vous avez eu un gosse en si peu de temps ? ricane Shareen en apparté.

- Ca n’est rien de sérieux alors n’en faites pas tout un plat.
- Méwé, prends nous pour des quiches ! Si c'est pas sérieux entre vous, mon généreux séant c'est de la putain de volaille !
Ibakha lance à son amie un long coup d’œil ennuyé.
- Dans la mesure où j'ai jamais gouté, j'peux pas dire...
Elle plisse les yeux en voyant l’air rigolard de Marisol.
- Ravie de faire votre soirée…
- Mais j'aurais tendance à dire que notre loup solitaire te hace cosquillas en el corazón, si ?
La louve fait un pas de côté avec fluidité et prend un air idiot.
- Désolée je ne parle pas l’espagnol. Mais j’aimerais autant que vous ne répandiez pas de fausses rumeurs… rien du tout à vrai dire.

Son ton n’a pas changé d’un iota mais ses yeux expriment une légère supplique qui veut tout dire.
« Ils sont bien comme ils sont et n’ont aucune envie de changer quoique ce soit pour l’instant. »
Inconsciemment, le regard d’Ibakha revient vers le dos Hunter qu’elle sent à nouveau crispé. La conversation avec Malone semble l’avoir agacé. Un plissement de front marque son inquiétude alors qu’il accélère pour reprendre la tête du groupe.

Le soupire de Malone est perceptible d’ici et il s’arrête un instant, l’air profondément désolé et un peu triste. Ibakha vient se poster à côté de lui.
- Il a besoin de temps.
Malone a un petit rire triste.
- Pas certain que ça change quoique ce soit dans cette tête de pioche.
- Tu lui manques aussi, déclare franchement la jeune louve alors qu’ils reprennent la marche. Malone tourne la tête vers elle, surpris et Ibakha sourit. Non il ne l’a pas formulé de cette façon. Mais je sais lire entre les lignes. Alors ne lâche pas. Même si ça veut dire te prendre encore ses rebuffades.
- J’avais pas l’intention de laisser tomber.
- Tant mieux. Tu lui dois bien ça.  

Hermétique à l’étrangeté du lieu qui est devenu son refuge, Ibakha laisse les autres apprécient la tranquillité des lieux….
…rapidement bouleversé par une senteur qu’elle connait bien. Un sourire en coin fait remonter la bouche de la louve, sur ses gardes alors qu’elle se demande qui sera la proie de ce jeu.

Avec un cri caractéristique, Sizreïs se jette sur leur Alpha qui, dans un réflexe certainement dicté par son instinct paternel plutôt que celui du prédateur en lui, sécurise la gamine à croc dans ses bras sans penser à s’en protéger. Il observe l’étrange mandragore en fronçant les sourcils sans paraitre le moins du monde impressionné par ses crocs. Il donne simplement une petite pichenette sur le front de la môme aux plantes.

- Salut. Qu’est-ce que t’es toi ?
Rapidement, Hunter le débarrasse de la petite monstresse qui glousse de plaisir.

- Poissooooon !
- Je t'accorde celle là. Elle était pas mal.
- Poisson !!!!
- Oui oui oui... Mais t'arrête maintenant, ok ?
- Charmante enfant, s’exclame Colgan en observant l’étrange comportement du Loup et de l’enfant. C’est la tienne ? Y’a un air de famille.
- C’est le côté attachant ça, lance Malone et Ibakha camoufle un rire bien peu habituel par une petite toux en échangeant un regard avec Hunter.  

Dysderie ne tarde pas à les rejoindre et réprimande sa fille comme à chaque fois.
- Sizreïs, n'importune pas ces messieurs veux-tu ? Hunter, Ibakha, comment allez-vous aujourd'hui ?
En guise de réponse Ibakha se contente d’un haussement d’épaule et d’un :
- Bien.

- Je suis Dysderie Rose Grass.
- Enchanté. Colgan Murtagh, Alpha des Abyssaux. Il présente ensuite les quelques membres de la Meute et sa divine femme.
- Bienvenue au Silo, Simone m'a prévenue de votre visite. Si vous voulez bien me suivre ?

Elle les guide dans un jardin qu’Ibakha n’a encore jamais visité et qui semble tout droit sorti de l’imagination de Lewis Caroll. Elle observe le délicat service et les fleurs du jardin comme si elle visitait un musée. Odorant le musée. Toutes ces odeurs puissantes et florales restent compliquées à gérer pour la jeune louve qui fronce le nez.

-... Pooooooiiisson !
Ibakha roule des yeux en recevant maladroitement l’étreinte de Sizreïs. C’était trop beau pour qu’elle la laisse tranquille.
- Mais oui poisson à toi aussi !
Machinalement, elle arrache une fleur pour la planter dans les cheveux ébouriffés de la fillette.
- Voilà ! Jolie Poisson. Tu me lâches maintenant ?
Apparemment ça n’est pas dans les plans de la mandragore.
- Vous avez eu un gosse en si peu de temps ?
Coup d’œil en coin à son amie alors qu’elle cale l’enfant-plante sur sa hanche. Pendant une micro-seconde, elle essaie d’imaginer ce que donnerait un mélange entre elle et Hunter puis secoue la tête, horrifiée même d’avoir ce genre de penser. Elle n’a jamais songé même pendant un bref instant devenir mère avant. Sans doute la lune…
- Et soudain je ne comprends plus non plus le Shareen…

Ils se réunissent tous autour de la table et si certain semble à l’aise, dont Lewis qui observe les lieux comme s’il en voyait des similaires tous les jours, d’autres semblent aussi à leur place dans ce décor que des éléphants dans un magasin de porcelaine. Ibakha fait partie de la deuxième catégorie mais essaie de le camoufler, tout comme Malone. Colgan semble plutôt préoccupé de trouver un arrangement avec la maitresse des lieux.

- Merci pour votre accueil. Vous savez sans doute qu’en tant que Meute de Loup-Garou nous allons avoir besoin d’un peu d’espace pendant la pleine lune qui approche. Et de l’espace vert, il n’y en a qu’ici. Est-ce que vous consentez à nous laisser envahir le Silo pendant toute une nuit ? Tous nos loups sont conscients et savent se tenir.
- En théorie, précise Lewis en sirotant son thé.
- On évitera tout débordement dangereux, appuie Malone.
- Mais nous avons aussi besoin de chasser. Une seule proie fera l’affaire pour cette fois.

Ibakha se demande soudain ce qu’elle fait dans cette réunion et s’éclipse simplement pour aller vers l’enclos où paissent les cheveux. Elle laisse la parlote à ceux qui ont des responsabilités. La louve a souvent eu envie de grimper sur leur dos mais ne se l’est jamais autorisé. Et puis elle a déjà mis du temps à les apprivoiser. Comme souvent, elle se contente de grimper sur la barrière et t’attendre qu’ils viennent la saluer. Lorsqu’ils s’approchent d’eux-mêmes, elle les câline avec une profusion qu’elle n’a jamais montré qu’à et pour Hunter.  

- Charmante enfant. C’est la tienne ? Y’a un air de famille.
- C’est le côté attachant ça.
- Allez bien vous faire foutre. C'est la fille de Dysderie... maugrée Hunter.

D'ailleurs la mère ne tarde pas à faire son apparition et à les voilà tous invité à pénétrer le patio qui leur servira de lieu de réunion. Une fois tous assis autour de la table, Sizreïs quitte les bras d'Ibakha pour aller s'installer avec le plus grand des naturels sur les genoux de Colgan. Elle le regarde avec un large sourire plein de dents comme pour lui montrer qu'elles a une jolie fleur dans les cheveux. Puis elle s'emploie à boulotter le plus de biscuits possibles, l'assiette qui va avec et un morceau de nappe. Tout en lui retirant délicatement la porcelaine et le linge brodé de la bouche, Dysderie s'emploie à répondre à leurs questions.

- Merci pour votre accueil.
- Tout le plaisir est pour moi.
- Vous savez sans doute qu’en tant que Meute de Loup-Garou nous allons avoir besoin d’un peu d’espace pendant la pleine lune qui approche. Et de l’espace vert, il n’y en a qu’ici.
- En effet, c'est une problématique qui a été soulevée dès lors que nous avons eu confirmation que vous seriez des nôtres. Néanmoins, nous n'avons eu que peu de temps pour concevoir un biome qui puisse vous correspondre.
- Est-ce que vous consentez à nous laisser envahir le Silo pendant toute une nuit ?
- Le Silo a initialement été conçu pour pouvoir nourrir la population des bunker en auto-suffisance, pas comme espace de chasse pour accueillir des prédateurs dont les appétits se tournent en général vers la chair humaine.
- Tous nos loups sont conscients et savent se tenir.
- En théorie.
- On évitera tout débordement dangereux.
- En tant qu'avatar qui les guide, ma présence divine a pu empêcher depuis près de deux ans tout débordement. Les Abyssaux ne chassent pas l'homme quand je suis là.
- Mais nous avons aussi besoin de chasser. Une seule proie fera l’affaire pour cette fois.
- Entendons-nous bien, très chers, je ne vais pas vous mettre à la porte du seul espace vert présent sous terre. Evidemment que nous allons devoir cohabiter. Simplement, il va falloir tenir compte du bétail que nous nous devons absolument de préserver et de l'absence de véritable forêt pour vous contenir. Si mon Maitre avait été présent avec nous, il aurait pu vous en faire pousser une en un claquement de doigt, mais il n'y a que moi et je ne possède pas le dixième de ses pouvoirs. Miss Guemayel, notre architecte, doit arriver d'une minute à l'autre pour voir comment nous pourrions aménager un espace qui vous soit propre et qui ne mette pas en danger l'équilibre du Silo. Mais pour votre première pleine lune, il faudra faire des concessions. Je n'ai pas de proie à vous proposer pour le moment. Nous avons bien introduit du gibier qui évoluent dans deux ou trois des breuils que vous avez pu apercevoir sur le chemin, mais ils ne contiennent que quelques marcassins encore bien jeunes, plusieurs oiseaux mais rien de taille conséquente...

Comme si Sizreïs comprenait que la conversation portait sur la nourriture, elle tend une moitié de biscuit mâchonné à Colgan.

- Poisson ?

Shareen se sentant elle aussi inutile autour de la table a pris la tangente pour rejoindre Ibakha. Elle vient s'accouder sur la barrière de l'enclos après avoir longuement observé cette dernière prodiguer de l'affection à un des chevals y résidant.

- Alors... Tu veux en parler ? demande-t-elle sans détour mais avec la bienveillance chaleureuse qui la caractérise. Avant, tu ne te serais pas autorisée à toucher un cheval devant nous, pas même à rire. Tu serais resté en dehors des relations des autres comme ce qui couve entre Mal et Hunter. Il ne te serait même pas venue à l'idée de défier notre Alpha ouvertement....C'est lui qui génère tous ces petits bouleversements?

Difficile de tenir une conversation sérieuse et hautement importante quand on a un poisson-plante sur les genoux. Pourtant Colgan le fait avec un talent rare. Mieux, il la redresse lorsqu’elle manque de s’étaler par terre, lui tend un biscuit ou dégage les cheveux qu’elle mâchouille en même temps que ses gâteaux. Les gestes de l’Alpha ne sont même pas conscientisés. Il fait, comme si tout était inscrit dans un programme qui tourne en toile de fond.

- Entendons-nous bien, très chers, je ne vais pas vous mettre à la porte du seul espace vert présent sous terre. Evidemment que nous allons devoir cohabiter. Simplement, il va falloir tenir compte du bétail que nous nous devons absolument de préserver et de l'absence de véritable forêt pour vous contenir.
- On se contentera de ce que vous avez. La situation l’exige de toute façon.
- Si mon Maitre avait été présent avec nous, il aurait pu vous en faire pousser une en un claquement de doigt, mais il n'y a que moi et je ne possède pas le dixième de ses pouvoirs. Miss Guemayel, notre architecte, doit arriver d'une minute à l'autre pour voir comment nous pourrions aménager un espace qui vous soit propre et qui ne mette pas en danger l'équilibre du Silo.
- Très bien, soupira l’Alpha.
- Mais pour votre première pleine lune, il faudra faire des concessions.
Colgan pince les lèvres. Il sait parfaitement que c’est nécessaire, il espère simplement qu’aucun membre de la Meute n’en souffrira. Il devra y veiller en même temps que de leur bonne conduite pendant la pleine lune.
- Nous n’avons pas le choix.
- Je n'ai pas de proie à vous proposer pour le moment. Nous avons bien introduit du gibier qui évoluent dans deux ou trois des breuils que vous avez pu apercevoir sur le chemin, mais ils ne contiennent que quelques marcassins encore bien jeunes, plusieurs oiseaux mais rien de taille conséquente...

Voilà un autre problème. Un prédateur a besoin de chasser. A trop étouffer ses instincts de chasse, il peut en devenir dangereux. Très dangereux. Il prend une profonde inspiration, cherche le regard de Marisol et tente de masquer son désarroi aux autres. Même si tout le monde a sans doute saisi la gravité de la situation. Ses yeux tombent sur l’offrande de la drôle de gosse.

- Poisson ?
Il lui sourit machinalement et repousse gentiment le biscuit. Le manque de ses enfants le prend comme un coup de poing dans le ventre.  
- Pour toi.
Il se laisse quelques instants pour reprendre contenance avant de se tourner à nouveau vers la drôle de femme borgne.
- Je comprends. On trouvera une parade.

Dehors Ibakha, la joue posée tranquillement sur le chanfrein blanc d’une jument et les mains caressant paresseusement son encolure est rejointe par Shareen. Aussitôt elle se redresse et ne poursuit que ses caresses.

- Toi aussi tu te sentais de trop ?
Un sentiment qu’elles ont tous deux ressentis plus d’une fois.  
- Alors... Tu veux en parler ?
- De quoi donc ? interrogea innocemment Ibakha.
- Avant, tu ne te serais pas autorisée à toucher un cheval devant nous, pas même à rire. Tu serais resté en dehors des relations des autres comme ce qui couve entre Mal et Hunter. Il ne te serait même pas venu à l'idée de défier notre Alpha ouvertement... C'est lui qui génère tous ces petits bouleversements ?
Ibakha soupire et le cheval souffle par ses naseaux en réponse, ce qui la fait sourire.
- Tu es bien curieuse… Lui qui ? demande-t-elle comme si elle était idiote. Être ici me fait du bien. La collocation avec Nina était trop…étouffante. Hunter est bien plus respectueux de mon rythme et de mes…besoins de silence, d’indépendance. Il m’est juste plus facile de vivre avec lui au Silo. Il m’aide à faire face à certaines choses de mon passé et je veux simplement lui rendre la pareille. Question de réciprocité. Et puis, ajoute-t-elle avec un petit sourire, lorsqu’on s’habitude à ses grognements, on se rend compte que c’est quelqu’un de bien. Elle lui lance une œillade de côté. Mais je te t’apprends rien.

Marisol perçoit parfaitement le désappointement de Colgan et lui souris tendrement. Son coeur de futur mère ne peut s'empêcher de trouver le tableau qu'il forme avec Sizreïs charmant. L'étrange fillette semble l'avoir adopté, exactement comme Marnie chez Jolhane et Magni. Elle se demande s'ils vont bien et ce que devient Scott, et Hina.

- Je comprends. On trouvera une parade.

Sizreïs observe Colgan un moment puis reproduit la pichenette qu'il lui a fait plutôt sur le front. Elle insiste en lui collant son biscuit baveux sous le pif.

- Pour... toi, articule-t-elle avec hésitation.

Dysderie lâche sa tasse de thé qui se répand sur un coin de table mais surtout sur ses jupons avant de se briser au sol. Sa lèvre se met à trembler d'émotion.

- Tu as parlé ? Tu as dit autre chose que "Poisson" ? Elle porte les mains à sa bouche, les larmes au bord de son oeil unique.

Sizreïs la contemple sans comprendre de ses grands yeux verts.

- Pour toi ? répète-t-elle en fronçant les sourcils.
- Oui, c'est ça ! C'est ça ma chérie ! Dysdérie se tamponne les cils avec un mouchoir en dentelle. E.. Excusez-moi, ma fille connait une croissance et un développement chaotique. Personne n'a jamais élaboré d'enfant Mandragore avant moi, comprenez-vous ? Nous sommes le fruit d'hybridations alchimico-génétiques à partir de matière végétale vivante, de matière organique morte et d'âme humaine. Elle est née d'une de mes propre bouture, un pari pour le moins insensé... Elle est restée nourrisson fort longtemps avant de brusquement atteindre la taille d'une enfant de six ans en deux ou trois j... Elle s'interrompt brusquement comme frappée d'une épiphanie... Mais.. oui.... Pourquoi n'y ai-je pas songé avant ! Suis-je sotte !
- POUR TOI ! Clame fièrement Sizreïs en regardant sa mère.

Cette dernière marmonne pour elle même comme en transe, semblant monter toute sorte de théorèmes et de formules dans sa tête avant de brusquement frapper du plat de la main sur la table, ce qui provoque l'éclat de rire joyeux de l'enfant-mandragore et le sursaut d'une Marisol un peu inquiète.

- Je voulais une fille, je m'en suis créé une ! Vous voulez une proie, je vous en fabriquerais une ! Combien de temps nous reste-t-il avant la pleine lune ?..... Oh ? Ma robe est toute trempée, remarque-t-elle en passant du coq à l'âne.

Dehors, deux louves conversent tranquillement.

- Tu es bien curieuse… Lui qui ?
- Fais pas ta couillonne..., Shareen donne un coup d'épaule malicieux à Ibakha.
- Être ici me fait du bien.
- Ca se sent... Et j'parle pas de vos effluves de galipettes , hein ?  La Licorne ricane.
- La collocation avec Nina était trop…étouffante. Hunter est bien plus respectueux de mon rythme et de mes…besoins de silence, d’indépendance. Il m’est juste plus facile de vivre avec lui au Silo. Il m’aide à faire face à certaines choses de mon passé et je veux simplement lui rendre la pareille. Question de réciprocité.
- Une réciprocité hyper rapprochée, donc.
- Et puis, lorsqu’on s’habitude à ses grognements, on se rend compte que c’est quelqu’un de bien.... Mais je te t’apprends rien.

Shareen lui offre un de ses sourire grandioses et solaires.

- Nope ! Ahah! Chuis quand même bien contente qu'il sorte un peu de sa réserve cet adorable crétin. T'as plus réussi à faire en quelques jours que moi en deux ans. Belle perf ! Elle glousse. On s'échangera des tips coiffure si tu veux. Elle soupire, plus sérieuse. Je suis désolée de pas avoir su quoi faire pour Nina. J'estime que ça fait partie de mes responsabilités de savoir désamorcer ce genre de trucs et là.. j'ai été merdique. Malone voulait s'en mêler mais je lui ai dit de retenir ses élans de daronnade aigüe. Ca aurait que jeter de l'huile de partout sur le feu, genre "PFIUOUUUSH"... Mime-t-elle...et puis "KABOOM" tu vois ? Bref... Shareen pose ses billes noisettes sur Ibakha. J'tiens à toi tu le sais, hein ?

Alors que la louve blonde amorce un câlin de tête sur l'épaule de sa longiligne amie, une voix les interpelle sur le chemin. Il s'agit d'une femme, magistrale dans sa tenue d'homme, arborant un carré brun à la diable et une besace en bandoulière.

- Bonjour mesdames, fait-elle d'une voix grave de fumeuse de gitane. Suis-je en retard pour la réunion avec les Abyssaux ?

- Pour... toi.
La formulation hésitante surprend Colgan, tout comme l’emploi de mots autres que « Poisson ». Il regarde la fillette alors que leur hôtesse se répand en exclamation sur surprise.
- Tu as parlé ? Tu as dit autre chose que "Poisson" ?
- Elle ne l’a jamais fait avant ? s’étonne Colgan qui reconnait chez Dysdérie l’émotion et la fierté d’un parent qui constante « une première fois ». Il pose son index sur le nez de l’étrange fillette. Bien joué, petit poisson.
- Pour toi ?
- Oui, c'est ça ! C'est ça ma chérie !
Elle se lance alors dans une explication sur la conception des Mandragores et Colgan se raidit totalement, le biscuit de Sizreïs qu’il tenait entre ses doigts se brise en miette.
- Vous…vous jouez avec les âmes d’humains morts……. ? Des âmes d’enfants aussi…? demande-t-il d’une voix blanche.

Il fait un effort considérable pour garder son sang-froid alors qu’une vague de colère puissante menace de le submerger. Il essaie de se rappeler que cette femme-plante à le bien-être et peut-être même la survie de sa Meute entre ses mains, qu’il ne peut pas se permettre d’attirer l’animosité des surnaturels du Bunker mais à la simple idée que l’âme d’un de ses enfants pourraient être prisonnier d’une plante, il a des envies de vomir, de tout détruire et de hurler en même temps. Ses yeux brillent d’une lueur animale.

- Col’ ? s’inquiète Malone.
- Ca va … Gronde son Alpha qui caresse les cheveux emmêlés de la fillette pour lui signifier qu’il n’est pas en colère contre elle. Il cherche machinalement un contact vers Marisol et attrape sa main dans la sienne.
- La pleine lune approche, résume Lewis en posant très délicatement sa tasse dans sa soucoupe.
Dysdérie part ensuite sur une idée qui pourrait les aider grandement, Colgan espère simplement qu’aucune âme humaine ne viendra agrémenter leur proie.
- Je voulais une fille, je m'en suis créé une ! Vous voulez une proie, je vous en fabriquerais une ! Combien de temps nous reste-t-il avant la pleine lune ?....
- Il reste huit jours, répond Malone tout en gardant un œil sur son Alpha.
- Oh ? Ma robe est toute trempée.
Sans un mot, Lewis lui tend une serviette.

Les deux louves ont certainement senti la tension de leur Alpha mais elle continue de discuter tranquillement.
- Et puis, lorsqu’on s’habitude à ses grognements, on se rend compte que c’est quelqu’un de bien.... Mais je te t’apprends rien.

Ibakha ne peut pas s’empêcher de trouver fascinant cette facilité que Shareen a à se montrer aussi solaire sans que cela semble lui coûter le moindre effort.
- Nope ! Ahah! Chuis quand même bien contente qu'il sorte un peu de sa réserve cet adorable crétin.
- Adorable je ne sais pas…idiot ça il l’est.
- T'as plus réussi à faire en quelques jours que moi en deux ans. Belle perf !
- Oh tu sais, le dressage c’est un peu ma spécialité, ironise Ibakha en laissant échapper un rire qui fait écho à celui de Shareen.
- On s'échangera des tips coiffure si tu veux.
- Si tu veux.
Shareen reprend soudain un visage plus grave.
- Je suis désolée de pas avoir su quoi faire pour Nina.
- Ca n'était pas ton soucis Sha. C'était entre Nina et moi. Entre la jalousie excessive de Nina et moi, plutôt.
- J'estime que ça fait partie de mes responsabilités de savoir désamorcer ce genre de trucs et là… j'ai été merdique.
- Ne dis pas ça. Certaines bombes sont destinées à exploser où ont même besoin d’exploser.
- Malone voulait s'en mêler mais je lui ai dit de retenir ses élans de daronnade aigüe. Ca aurait que jeter de l'huile de partout sur le feu, genre "PFIUOUUUSH"... et puis "KABOOM" tu vois ?
- Tu as eu raison…tant que ces deux idiots n’auront pas eu une conversation claire, Hunter risque de le prendre mal. Enfin…j’imagine.
- Bref... J'tiens à toi tu le sais, hein ?
Ibakha tourne la tête vers son amie licorne et passe un bras autour de ses épaules pour poser sa tête sur le sommet de la sienne, dans un de ces élans tout neufs d’affection.  
- J’en ai jamais douté… Si tu n’avais pas eu la mauvaise idée de séduire Malone, c’est toi que j’aurais prise comme colocataire. Je suis certaine que tu ronfles moins qu’Hunter.
Manière maladroite de lui signifier qu’elle est importante pour elle aussi.
- Dis...tu ne diras rien...aux autres ?

Elles se font interrompre par la venue d’une femme à l’allure inoubliable.  

- Bonjour mesdames. Suis-je en retard pour la réunion avec les Abyssaux ?
- Mmm non, elle vient de commencer. Ils sont à l’intérieur, indique Ibakha en montrant du pousse le jardin qu’elle et Shareen ont quitté. Drôle de personnage, commente-t-elle ensuite.

- Vous…vous jouez avec les âmes d’humains morts……. ? Des âmes d’enfants aussi…?

Silencieux jusque là, Hunter -qui n'a pas souhaité s'asseoir mais est resté adossé à l'une des poutres de la serre- se redresse avec une indignation vive dans le regard.

- "Jouer" ? C'est comme ça que t'appelle une femme, unique représentante de sa race, avec un désir d'enfant ? Le sacro-saint défenseur de la famille qui se permet de juger ceux qui essaient de s'en constituer une ?

L'écœurement se lit sur son visage.
Marisol, qui sert la main de Colgan intervient.

- Hunter... Ce n'est pas ce qu'il a voulu dire.
- C'est un EXACTEMENT ce qu'il a voulu dire. T'es un putain d'hypocrite, Colgan, et un hypocrite nombriliste en plus... Arrête de toujours utiliser ta petite tragédie personnelle comme seul décodeur !
- HUNTER !

Sizreïs, alarmée, s'est tendue sur les genoux de l'alpha. Elle regarde Hunter puis Marisol, puis Colgan avec une inquiétude de bête sauvage encerclée par le danger. Elle fuit se recroqueviller sous la table en se bouchant les oreilles, toutes ses fleurs dardées en protection autour d'elle.

- C'est quoi la différence entre une âme utilisée pour une petite mandragore comme Sizreïs et la réincarnation, hein ? Ca te réconforterait davantage de savoir que tes gosses se sont réincarnés en cafard, peut-être ?

Cette fois Marisol se dresse de son fauteuil roulant et le gifle. Un moment de latence s'ensuit, un silence qui permet à Dysderie de prendre la parole. Elle se lève doucement, attrape Sizreïs qui sanglote de stress à ses pieds. Elle câline l'enfant avec toutes les attentions d'une mère aimante.

- Mr Murtagh, je suis l'assistante du Jardinier des Enfers. Je sais comment l'on fabrique des âmes vierges. Elles se cultivent comme le blé ou l'orge et se cueillent comme des pommes. Elles n'ont aucune aspérité, aucune spécificité qui les différencie. C'est la chair qu'elles habitent, l'existence qu'elles vivent en tant qu'humain qui leur donne une couleur, un parfum et une saveur propre. Savez vous ce que deviennent les âmes quand leur enveloppe meurt ? Il y a trois possibilités : Elles errent sans but parmi les vivants jusqu'à s'altérer irrémédiablement, telle des fleurs sans eau ni soleil; On les tord, on les déstructure et les remodèle pour qu'elles deviennent démoniaques; Ou bien, enfin, elles sèchent, ne laissant plus qu'une emprunte, un ersatz de ce qu'elle furent et son collectées dans des herbiers. Il n'existe pas de vie après la mort, pas de paradis, pas de repos... Juste une bibliothèque millénaire aux rayonnages jonchés d'herbiers. Des milliards et des milliards d'herbiers contenant de la poussière d'âme. Mon Maitre, croyez le ou non, vénère la vie. L'œuvre de son existence peut se résumer à sauver les âmes de cette destruction.

Elle lui adresse un sourire très doux, très poli.

- Je ne vous en veux pas. Vous n'êtes ni le premier, ni le dernier que notre existence dégoute. N'ayez crainte, cela ne changera en rien ma volonté de vous venir en aide. Huit jours, cela va m'obliger à travailler uniquement sur votre future proie. En échange, je vais donc vous demander de m'aider à entretenir le Silo à ma place. Votre meute travaillera aux récoltes, à l'entretien et à la distribution des matières premières à la cellule d'ingénierie agroalimentaire qui fournit les cuisines. Cela vous convient-il ? .... Bonjour Marwa.

Elle se tourne soudain vers la femme qui se tient à l'entrée du patio, les mains dans les poche et l'air décontracté. Aucun des loups n'a pu sentir son arrivée. Elle ne dégage aucune odeur qui puisse la différencier de l'humus ou de la pierre déjà présents sous la serre.

- Bonjour Dysderie. Je peux repasser si tu préfères, déclare-t-elle d'une voix grave. J'aime travailler dans le calme. Une pause. Vous n'avez pas l'air très calme. Battement de cils imperturbable.

Derrière elle, Ibakha et Shareen se sont précipitées vers le lieu de réunion en entendant les éclats de colère dont celle, très distinctives de leur Alpha et d'Hunter.

Des éclats de voix qu’elle connait bien attirent l’attention d’Ibakha vers le jardin idyllique où se tient la réunion. Les chevaux détallent au grand galop et hennissent, les oreilles plaquées vers l’arrière.
Aussitôt Shareen et elle se précipitent à l’intérieur, suivant la nouvelle venue.
La tension qui règne dans l’atmosphère est tellement chargée qu’elle en devient suffocante et les poils de la jeune femme se hérissent sur tout son corps. Marisol se tient devant Hunter, furieuse et Colgan le regarde comme s’il allait lui arracher les tripes. Son visage, à cet instant, exprime une telle haine qu’Ibakha comprend qu’une limite a été franchie.
Elle n’a pas suivi la conversation, même d’une oreille et le regrette amèrement.
Lorsque l’Alpha de leur Meute se lève, Malone le suit aussitôt et l’arrête en attrapant son bras, le suppliant presque du regard.
Colgan se dégage sèchement et se poste aux côtés de Marisol.

- La prochaine fois que tu ouvres la gueule, Loup, assure-toi que ça soit pour exprimer quelque chose au nom de la Meute et non pas un jugement de valeur sur ma personne dont je n’ai rien à foutre, lance-t-il d’une voix polaire. J’étais prêt à te donner toutes les chances qu’il fallait pour l’union de cette Meute. Mais tu ne sembles ne vouloir faire aucun effort de respect et tu préfères te saborder tout seul. Grand bien te fasse. J’en ai ma claque de ton attitude qui ne vise qu’à me défier sans arrêt.

Il marque une longue pause puis lâche sa sentence comme un couperet.
- Tu es banni de la Meute pendant la prochaine pleine lune.

L’horreur de sa punition frappe Ibakha en plein cœur. Malone secoue la tête, affligé alors que Lewis pousse un soupir. Sans même réfléchir, la louve se précipite entre Colgan et Hunter.
- Non, attends ! Colgan tu ne peux pas…
Le regard qu’il lui lance la stoppe net dans ses protestations.
- Je peux et je fais. Tu es la bienvenue si tu veux nous rejoindre Ibakha. Si tu préfères t’isoler volontairement, Malone ira avec toi. Hunter restera seul.
Malgré l’aura implacable de son Alpha, Ibakha trouve le courage de se dresser contre lui et s’abaisse même à le supplier.
- S’il te plait... Colgan...
- Et tu ne le rejoindras pas ! Hors de ma vue, balance-t-il ensuite à Hunter. Maintenant. Cette réunion ne te concerne plus.

Sentant toute la tension dans le corps de son compagnon, Ibakha pivote vers lui et l’oblige à croiser son regard.
- Hunter, regarde-moi !... Viens…Partons s’il te plait… n’envenime pas les choses… je t’en prie…
Lentement, patiemment mais surement, elle le guide dehors. Dès qu’ils se trouvent à l’abri des regards, elle referme fermement ses bras autour de son cou et se serre contre lui.
- On trouvera une solution, d’accord… je fausserai compagnie à Malone pour te rejoindre…
Même si elle est tout à fait consciente que cela lui vaudrait sans doute une punition à elle aussi pour avoir outrepasser les ordres de son Alpha. Elle refuse toutefois de le laisser seul.

Colgan prend la main de Marisol et la raccompagne jusqu’à son fauteuil avant de baiser son front puis se rassoit à la table. Malone semble hésiter mais finit par retourner à la réunion lui aussi. Lewis fixe l’entrée du jardin, comme s’il s’attendait à voir débouler Hunter d’un instant à l’autre.
- Votre grande œuvre ne m’intéresse pas. Je suis là pour discuter de la meilleure façon de gérer la Pleine Lune pour mes Loups et je vous…remercie de nous y aider. Nous viendrons bien entendu palier au manque de main-d'œuvre en échange. Ça nous permettra d’apprivoiser l’environnement.
Manière directe de recentrer les débats.

- La prochaine fois que tu ouvres la gueule, Loup, assure-toi que ça soit pour exprimer quelque chose au nom de la Meute et non pas un jugement de valeur sur ma personne dont je n’ai rien à foutre.
- Tu viens littéralement de gerber à la gueule de la personne dont dépend notre prochaine pleine lune! C'EST au nom de la Meute !
- J’étais prêt à te donner toutes les chances qu’il fallait pour l’union de cette Meute. Mais tu ne sembles ne vouloir faire aucun effort de respect et tu préfères te saborder tout seul. Grand bien te fasse. J’en ai ma claque de ton attitude qui ne vise qu’à me défier sans arrêt.
- Le monde ne tourne pas autour de ton putain d'égo, tu le sais ça ? Ni autour de ta putain d'histoire ! Tu devrais présenter tes excuses à Dysderie au lieu de mépriser ce qu'elle est.


Un long silence s'ensuit.
Personne n'ose bouger si ce n'est Marwa qui semble assez peut intéressée par les bisbilles de canidés.

- Tu es banni de la Meute pendant la prochaine pleine lune.
- Non, attends ! Colgan tu ne peux pas…
- Je peux et je fais. Tu es la bienvenue si tu veux nous rejoindre Ibakha. Si tu préfères t’isoler volontairement, Malone ira avec toi. Hunter restera seul.
- S’il te plait... Colgan...
- Et tu ne le rejoindras pas ! Hors de ma vue. Maintenant. Cette réunion ne te concerne plus.

Hunter est ulcéré, les babines retroussées, tout son être est tendu vers une confrontation physique qu'il appelle presque de ses voeux. Il faut tout le savoir faire d'Ibakha pour parvenir à le guider dehors. Shareen et Marwa s'écartent de leur passage, la première heurtée par ce triste spectacle, la seconde passablement blasée.
Après un long silence, Marisol est reconduite à son siège et embrassée. Son visage s'est fermé et son éclat intérieur bien diaphane.

- Votre grande œuvre ne m’intéresse pas. Je suis là pour discuter de la meilleure façon de gérer la Pleine Lune pour mes Loups et je vous…remercie de nous y aider. Nous viendrons bien entendu palier au manque de main-d'œuvre en échange. Ça nous permettra d’apprivoiser l’environnement.
- Et moi je me fiche de vos querelles intestines, répond froidement mais poliment Dysderie. Hunter est le seul qui sache comment fonctionne le Silo puisqu'il y travaille tous les jours. C'est lui qui va vous montrer et distribuer vos tâches. C'est lui que je désigne comme mon maitre d'œuvre et mon relais d'autorité pendant que "j'oeuvre" à plein temps pour vous fournir une proie. Mon domaine de compétences, mes conditions. C'est à prendre ou à laisser, sinon, il vous faudra faire votre pleine lune à la surface. Silence. Rappelez-le je vous prie.

Marwa soupire.

- Ecoutez, jeunes gens, j'ai des tunnels à agrandir, de nouveaux logements à creuser, peu de temps et une équipe réduite. Donc, soit on commence cette réunion pour évaluer vos besoins topographiques, soit je retourne travailler là où on a urgemment besoin de moi.

Dehors, Hunter ne décolère pas. Il trouve la sentence injuste. Colgan lui a promis qu'il pourrait s'exprimer mais dès qu'il le fait, il se trouve mis au banc. Qu'il ne lui fasse pas croire qu'il n'a rien du tyran ! Certes, il s'est montré injurieux, sur la fin et il a sans doute mérité cette gifle, mais son propos reste légitime à ses yeux. Il n'avait pas besoin de manquer de respect à une femme prête à se mettre en quatre pour les renégats qu'ils sont. Ils ont tué un bon nombre de membre de Malsheem, qu'on veuille encore leur tendre la main est miraculeux.

- On trouvera une solution, d’accord…

Hunter revient à l'instant présent, regarde Ibakha lui prodiguer tendresse et réconfort. Cette mise au banc va ruiner les efforts qu'ils ont mis en place pour elle.

- Je fausserai compagnie à Malone pour te rejoindre…

Son front chute contre celui de la louve.

- Non. Je ne veux pas qu'on te bannisse à ton tour. Il est tellement irrationnel qu'il serait capable de te punir alors que tu n'as rien fait...Juste parce que tu es ma compagne. Je ne veut pas que tu subisses ça.

- Rappelez-le je vous prie.
Le silence s’éternise sans que Colgan ne fasse mine de bouger. En bon second, c’est Malone qui tente de désamorcer la situation.
- Nous avons tous conscience que nous vous devrons beaucoup mais comprenez que ramenez Hunter dans cette pièce maintenant n’est pas une bonne idée. Vous êtes à moitié plante, nous sommes à moitié animaux donc régit par des instincts qu’il n’est pas toujours facile de contrôler et une ...hiérarchie. D’autant plus avec la pleine lune qui monte et l’incertitude de pouvoir la passer dans les meilleures conditions possibles. Nous ferons part de votre condition à Hunter et pour cette réunion je me substituerai à lui. Je connais mal le Silo mais le travail de la terre ne m’est pas inconnu. Pour le reste…vous verrez avec lui s’il est d’accord.  
- Ecoutez, jeunes gens, j'ai des tunnels à agrandir, de nouveaux logements à creuser, peu de temps et une équipe réduite. Donc, soit on commence cette réunion pour évaluer vos besoins topographiques, soit je retourne travailler là où on a urgemment besoin de moi.
- Oui, intervient Lewis, avançons. La pleine lune ne nous attendra pas et nous avons chacun mieux à faire que de camper sur nos positions. Il s’adresse ensuite directement à la nouvelle venue. Pour la topographie, une forêt serait l’idéal. Un millier d’hectares nous permettrait d’avoir des conditions optimales mais franchement, on s’adaptera à tout….

Dehors, Ibakha fait de son mieux pour ramener Hunter à elle.
- Je fausserai compagnie à Malone pour te rejoindre…
- Non. Je ne veux pas qu'on te bannisse à ton tour.
La louve pince les lèvres, le front butté.  
- Je ne te laisserais pas passer la pleine lune seul !
- Il est tellement irrationnel qu'il serait capable de te punir alors que tu n'as rien fait... Juste parce que tu es ma compagne.
Elle pousse un profond soupir.
- Irrationnel…
Beaucoup d’adjectifs pourraient qualifier leur Alpha mais pour qu’il en soit à ce point, c’est qu’Hunter a forcément touché un point sensible. Et tout le monde sait lequel le fait réagir de cette façon.
- Défier son autorité c’est déjà faire quelque chose, Hunter…
- Je ne veux pas que tu subisses ça.
- Parce que tu crois que telle qu’elle est, la situation ne me touche pas déjà ?
Elle recule d’un pas et le fixe un moment.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
Elle était pourtant si certaine que les choses allaient en s’améliorant entre lui et Colgan. Mais entre ces deux-là rien n’est parfaitement évidement. Il n’a fallu qu’une étincelle pour remettre le feu aux poudres.  
- Tu…as parlé de ses enfants ? C'est ça ?

- Parce que tu crois que telle qu’elle est, la situation ne me touche pas déjà ?

Hunter émet un grognement. Aussi pénible est-il de l'admettre, Ibakha a raison.

- Je suis désolé.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?

Son compagnon baisse le regard avant de le remonter lentement vers elle, avec une once de gêne dans ses prunelles bleues.

- Tu…as parlé de ses enfants ? C'est ça ?
- Dysderie a fabriqué Sizreïs en suivant les mêmes procédés qu'elle pour avoir une fille, pour avoir une famille. Sauf que Colgan lui a démontré de l'animosité, considérant qu'elle "jouait" avec l'âme d'enfants morts. Il ne sait rien de cette femme, de son histoire, ni de ses motivations.... Mais il la juge juste parce que ses propres gosses sont morts et que ça dirige toute sa putain d'existence.

Se faisant, il marche à grande foulée pour s'éloigner du lieu de réunion et rejoindre un endroit où il pourra s'occuper les mains. Donner à manger aux bêtes, ce sera parfait.

- Est-ce que tu sais qui on est pour ces gens ? Des meurtriers ! Les mecs qui ont butté leurs compagnons. Eux aussi ils ont perdu des gosses, des maris, des épouses ! Mais parce qu'il obéissent à des préceptes de solidarité universelle, il nous tendent quand même la main pour nous protéger, nous aider.... Alors qu'on était dans le camp ennemi, il n'y a même pas trois semaines ! Il est grand temps que Colgan arrête de les regarder de haut ! Sans eux, Marisol serait morte... on serait TOUS morts, ou sous le joug d'Unseelie !

***

- Très bien, déclare Dysderie avec une politesse glaciale assortie par une puissante bouffée de parfum de rose, Vous êtes convainquant Mr. Sargent. Je vais vous garder comme interlocuteur. Ainsi que Mr. O’Keily. Par contre Mr. Murtagh, je vous prierais de sortir de cette pièce pour le moment. Votre second a raison, votre nature est sensible à la hiérarchie. Vous commandez votre meute, je commande au Silo. En cela, je me positionne au dessus de votre personne. Ici, vous êtes chez moi et je décide des modalités de cette entrevue. Vous êtes aussi dispensable à cette discussion que ne l'est Hunter. Vos loups vous feront un rapport détaillé.

La mandragore se rassoit avec dignité et fait un signe gracieux de balayage de ses doigts laqués de rouge.

- Aller..., nous avons besoin de calme et de sérénité pour travailler. Vous n'êtes ni calme, ni serein. Et je ne négocierais pas davantage. Vous avez suffisamment écrasé mes plates-bandes pour aujourd'hui.
- Viens.... fait doucement Marisol en posant une main sur son poignet. Emmène-moi me promener s'il te plait, le temps qu'ils en terminent.
- Donc, une forêt... Ca risque d'être compliqué puisque Salomon n'est plus de la partie, déclare Marwa en s'installant à la place de Colgan en toute tranquillité comme si Dysderie avait mis au coin deux élèves turbulents.
- Il me reste de l'engrais en réserve... objecte Dysdérie, à présent pleinement concentrée sur la réunion, tout en servant du thé à Marwa.
- Dans ce cas, il y a peut-être possibilité de concevoir votre forêt.
- Je dois passer en revu les graines dont je dispose,  il y a du chêne c'est certain, du frêne  et de l'if mais je dois également avoir un peu d'épicéa... Ce serait tout de même le mieux pour reconstituer une forêt irlandaise.
- Pour les hectares, il faudra se montrer moins gourmand. On est trop proche de la mer pour creuser davantage sans tomber sur infiltrations de nappes phréatiques ou risquer un effondrement de la ville au dessus....

La Ardhi déploie des cartes de sa besace pour les étaler sur la table du patio et c'est la dernière chose que Colgan pourra voir avant de quitter la pièce.

La fin d’après-midi a été…éprouvante.
Malone est fortement partagé entre son empathie pour son Alpha et la conscience que Colgan doit trouver le moyen de guérir de cette plaie qui le ronge et obstrue parfois son jugement.
Mais il se sait aussi bien mal placé pour lui parler de deuil, lui qui a littéralement été hanté par sa femme toutes ses années.

Quoi qu’il en soit, Hunter les avait soigneusement évités lorsqu’ils sont de la réunion et Colgan s’était refermé comme une huître, ne s’ouvrant que partiellement pour Marisol. Il a passé la nuit à ses côtés à l’infirmerie et Malone n’a pas souhaité le déranger. Il sait qu’il est tôt, enfin, selon sa montre puisqu’il est difficile d’en être certain enfermé six pieds sous terre.
Il s’est glissé silencieusement hors du lit pour ne pas réveiller Shareen et déambule dans les couloirs, vides encore à cette heure. Ses pas l’amènent naturellement vers le Silo mais devant la porte, il hésite.

Est-ce vraiment une bonne idée d’aller voir Hunter maintenant ?
Il pousse un soupir et la porte. S’il ne le trouve pas, au moins il passera un moment au vert pour se ressourcer.
Lui aussi en a besoin.

Il inspire à fond les odeurs de terre, d’humus, de rosée du matin, de plantes diverses et d’animaux en tout genre. C’est vers eux qu’il décide de commencer sa visite du domaine de Dysdérie.
Le haras, Gaff et Hina lui manquent soudain si fort qu’il en a un coup au cœur. Il s’accoude à la barrière en bois pour observer les cheveux puis entend des ronchonnements qu’il reconnaitrait presque partout.
Il passe la tête par les portes d’une grange bien plus petite que celle où Hunter a élu domicile avec Ibakha. Hunter est assis là, sur un tabouret, devant les pieds d’une vache qui meugle doucement et s’agite un peu.

- Elle ne semble pas entièrement d’accord de se laisser traire… T’as essayé la négociation ? Faut toujours négocier avec les femmes.

Il s’approche doucement et caresse la grosse tête de l’animal en lui chuchotant des mots apaisants. Le bovidé, sans doute habitué à l’odeur des loups, se calme un peu et cesse de bouger.

Finalement, Malone demande prudemment.

- Comment tu vas Hunter ?

Sans doute une entrée en matière bien maladroite mais il ne sait plus tellement comment rétablir le contact avec ce loup qu’il a pourtant vu grandir.

La punition de Colgan aussi le laisse sur un sentiment ambivalent. Il comprend d’un côté que Colgan n’a pas eu le choix : Hunter l’a provoqué et insulté devant ses plus proches loups et une inconnue. Il devait sévir et sans doute que les choses auraient été différentes s’ils avaient été en tête à tête. Mais de l’autre… la mise au ban même pour une nuit lui semble disproportionnée. Il sait d’instinct que sa nuit avec Ibakha va être compliquée et qu’elle cherchera à le retrouver.  

Globalement il déteste ces tensions qui alimentent la Meute et qu'il s'échine d'habitude à éviter à tout prix. Surtout dans un contexte pareil.

Dear friend accross the river...

La colère retombée, ne reste que la poussière et la lassitude.
Au dehors règne la nuit et la respiration régulière d'Ibakha, blottie contre lui est son seul réconfort dans l'obscurité. Hunter n'a pas ou peu dormi. Son aura de paria lui pèse. C'est moins la violence qui s'est déchainée la veille que le regard de Marisol qui le hante. Il a été trop loin, plus loin que son ordinaire vindicte contestataire. Il a été insultant avec la mémoire de deux innocents. Néanmoins, une part de lui se sait dans le juste. Colgan n'a aucun sens commun quand la chose touche à ses enfants défunts. C'est comme si sa cervelle s'éteignait brusquement. Ils sont morts à la fin, ils ont été vengés et ne reviendront plus. Et puis, il va en avoir un tout neuf ! Va-t-il seulement lui faire une place à ce pauvre gamin ? Ou bien va-t-il vivre étouffé par le poids de deux macchabées ?

"Je vais quand même devoir m'excuser."

Hunter se dégage avec une infinie douceur des bras de sa compagne.
Oui, au moins a-t-il gagné cela de bien.
Incapable de rester allonger plus longuement, il s'habille pour se mettre au travail. Ce n'est pas ce qui manque, le travail ici. Il en sait quelque chose. De tous les loups de la meute, n'est-il pas celui qui connait le mieux le Silo ? Plus que tous, il avait sa place à cette réunion. Mais qui écoute celui qui ne sait pas faire usage correctement de sa langue.
Ecarté, proscrit et sans doute, bientôt, sans meute. Toute une histoire qui s'écroule avec lui, qui s'effrite entre les mains de celui qui n'a pas su -ou voulu- être roi.

Hunter sort de la grange en silence.

Arranger le foin, distribuer le grain, abreuver les auges d'eau fraiche, ramasser les œufs, vérifier les jauges des silos de céréales, relever les compteurs de pluviométrie,... Il en est là de son ouvrage quand il se dit qu'il est temps d'aller traire les vaches. Attrapant un seau, il s'attèle à la tâche.
Les premières fois ont été catastrophiques. Il ne tirait rien des bêtes stressée par sa présence et ses gestes brusques. Il a pris le coup à force d'observation et d'acharnement. A présent, il ne se débrouille pas si mal, même si l'effort le fait toujours un peu grogner. Térésa a toujours été la plus récalcitrante sous ses doigts. Elle continue de s'agiter malgré tout le soin et l'application qu'il fournit. Il comprend à demi son affolement.

Un autre loup est là.

- Elle ne semble pas entièrement d’accord de se laisser traire…
- Elle n'a surtout pas l'habitude de ton odeur.
- T’as essayé la négociation ? Faut toujours négocier avec les femmes.

Hunter regarde Malone en biais, avec une esquisse de sourire qui fond presque aussitôt. Il reprend sa tâche ingrate.

- Qu'est-ce que tu veux Malone ?
- Comment tu vas Hunter ?

Hunter a un rire aigre et sa joie.

- T'as déjà la réponse à cette question, non ? Rictus amer. T'es là pour arrondir les angles et mieux faire passer la pilule ? Il déglutit. Il est tellement aveugle qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fout en l'air.

Un silence. Térésa meugle pour le combler.

- Ibakha allait mieux... Et ça, ça n'est pas grâce à lui.

Le loup reprend sa traite, avec une expression en apparence fermé, mais pour l'homme qui l'a pratiquement élevé, c'est un livre ouvert : il est inquiet, tourmenté même peut-être...

- Comment tu vas Hunter ?
Son rire lui indique clairement qu’effectivement la question est stupide néanmoins elle a le mérite de lancer un début de « quelque chose » qui, il l’espère pourrait se transformer en conversation.
- T'as déjà la réponse à cette question, non ?
- Je crois savoir oui. Tu t’en veux et tu es en colère. Les deux sont justifiés à mon sens.
- T'es là pour arrondir les angles et mieux faire passer la pilule ?
Malone se déporte vers le mur et s’y adosse, les mains dans les poches, un brin de foin entre les dents.
- Non. Non je suis pas là au nom de la Meute, ni en messager de l’Alpha. Je suis juste là en tant que Malone, ton a…il s’arrête une seconde, et préfère changer le mot qui allait sortir naturellement. …ton allié. Que tu me crois ou non. Je m’inquiète pour toi. C’est tout aussi simple que ça. Après ce qui s’est passé hier…
Il n’en faut pas plus pour lancer Hunter.
- Il est tellement aveugle qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fout en l'air.
Malone lève une main en l’air.
- Je ne suis pas là non plus pour faire son procès ou le tien. Vous êtes tous les deux allés trop loin.

Il pousse un profond soupir.

- Je sais que tu as des griefs contre nous. Ça aussi tu en as le droit. Mais on sait tous que lorsqu’il s’agit de ses enfants, Colgan est…plus tout à fait lui-même. Je juge pas. J’ai aucune idée de ce que ça fait de perdre la chair de sa chair…enfin j’ai jamais pu rencontrer mon fils donc… bref tout ça pour dire que quand tu vois apparaitre le bouton danger, tu n’es pas forcé de l’enfoncer avec un coup de poing. On est sensé se serrer les coudes. Pas se tirer des balles dans le pied. Il y a assez de monde qui ne rêve que de ça dans les bunkers.

Court silence.
- Qu’est-ce qu’il aurait foutu en l’air hier… ?
- Ibakha allait mieux...
- Ah…c’est donc ça. Elle ira bien quoiqu’il arrive Hunter.
- Et ça, ça n'est pas grâce à lui.
- Je sais…il le sait. Personne n’ira proclamer le contraire.

Il laisse un temps avant de reprendre.
- C’est ça qui t’inquiète ? Tu viens de te rendre compte que tes actes auront des répercussions sur elle aussi ? demande-t-il d’une voix douce. Instinctivement, il vient poser une main rassurante sur l’épaule d’Hunter. J’irai parler à Colgan…quand il sera dans de meilleures dispositions. La punition est injuste. Lui ne l’est pas. Quand il reviendra à la raison, je suis certain qu’il reconsidèrera sa décision. Mais s’il la maintint… il va falloir que tu la convainques de respecter l’ordre de son Alpha. Il faut que cette situation s'apaise pour le bien de tous. Le tien surtout. 

- C’est ça qui t’inquiète ? Tu viens de te rendre compte que tes actes auront des répercussions sur elle aussi ?

Il lorgne du coin de l'oeil sur cette main parasite mais ne parvient pas à trouver en lui la hargne habituelle pour la repousser.

- Pourquoi crois-tu que je me sois isolé si longtemps?... Pour que personne n'ait à subir "la répercussion de mes actes".
- J’irai parler à Colgan…quand il sera dans de meilleures dispositions. La punition est injuste. Lui ne l’est pas.
- Non, il est irrationnel, imprévisible et dangereux.
- Quand il reviendra à la raison, je suis certain qu’il reconsidèrera sa décision. Mais s’il la maintint… il va falloir que tu la convainques de respecter l’ordre de son Alpha.
- La raison... Est-ce qu'il a jamais été doué de raison ? Le moindre de ses actes en tant qu'alpha n'a été motivé que par une rage aveugle et égoïste. Je le sais, tu le sais, on le sait tous et on a laissé faire ! Il a transformé les Abyssaux en armée, nous a fait intégrer les Hurlants, il a poussé Marisol à bout au point qu'elle veuille se sacrifier, il méprise les gens qui nous abrite alors qu'on devrait faire profil bas... Jusqu'où va encore le pousser le deuil de "la chair de sa chair" hein ?! Rien ne les ramènera et on les a vengé ! C'est terminé ! Est-ce qu'on peut s'occuper des vivants, maintenant ? De Marisol, d'Ibakha, de Lennie, de Chandi, de Seamus, de son putain de gosse à venir !

La colère est revenue aussi vive qu'hier. Térésa s'éloigne du loup dégageant de trop mauvaises ondes pour ses augustes pis.

- Il faut que cette situation s'apaise pour le bien de tous. Le tien surtout.

Les épaules d'Hunter s'affaissent. Il s'accoude sur ses cuisses et se prend la tête dans les mains.

-...... Je regrette.... Je regrette ce que j'ai dit sur ses gamins. Je.... Je voulais juste dire qu'à choisir, si j'étais à sa place, je préférais largement savoir que l'âme de ma fille profite à une petite mandragore comme Sizreïs.

Il s'abîme dans un long silence.

- Nous éparpiller pour la pleine lune alors qu'on a même pas assez d'espace pour nous tous... C'est une belle connerie. Ibakha est têtue. Je lui ai défendue de me rejoindre, mais tu sais comme moi qu'elle n'en fera qu'à sa tête. Tout ça, ça va accentuer nos clivages alors qu'on avait réussi à la reconnecter aux autres...

"Et moi avec."

- Quand il reviendra à la raison, je suis certain qu’il reconsidèrera sa décision. Mais s’il la maintint… il va falloir que tu la convainques de respecter l’ordre de son Alpha.
- La raison... Est-ce qu'il a jamais été doué de raison ?
Malone écoute la liste des récriminations qu’Hunter a contre leur Alpha, son ami, en se passant une main fatiguée sur le visage. Il avait pourtant précisé qu’il n’était pas là pour ça… Mais apparemment, il faut que ça sorte de son système.

- Oui…oui tu as raison. En partie. Mais tu vois qu’un côté du prisme. Il a eu le cran et la détermination de nous débarrasser de Remus, il a reconstruit cette Meute sur les cendres qui en restaient, nous a donné une force de frappe qui fait qu’on n’est plus ignoré aujourd’hui, Il y a accueilli tout ceux et celles qui le voulaient, a aboli toute notion de cuissage et la misogynie qui pèse sur toutes les louves partout ailleurs, a réussi à nous souder par des liens que j’ai jamais tissé dans une autre Meute. Sans lui, pas de Marisol, pas d’Ibakha, pas de Shareen… pas de famille. Alors oui peut-être qu’il l’a fait pour de mauvaises raisons, mais lui n’est pas mauvais. Tu peux penser ce que tu veux de lui mais tu sais qu’il préfèrerait crever que de nous laisser tomber. Reconstruire, c’est ce qu’il cherche à faire. Pour le louveteau qui va naitre, pour nous. Mais il va avoir besoin d’aide. D’aide Hunter. Pas juste qu’on appuie là où ça fait mal ou qu’on le critique dans un coin. Sors de ce coin. Il faut que cette situation s'apaise pour le bien de tous. Le tien surtout, conclut-il.

Hunter craque, du moins son corps, qui part vers l’avant. Malone bouge un cageot du pied pour venir s’assoir à ses côtés et s’autorise à passer un bras autour de ses épaules.
-...... Je regrette.... Je regrette ce que j'ai dit sur ses gamins.
- Je sais…
La voix de Malone est plein d’une compassion tendre. Mieux que personne, il sait qu’Hunter a un bon fond, quoiqu’il dise ou pense.  
- Je.... Je voulais juste dire qu'à choisir, si j'étais à sa place, je préférais largement savoir que l'âme de ma fille profite à une petite mandragore comme Sizreïs.
- Vraiment ? Tu ne dirais rien si ça avait été Moïra ? demande-t-il doucement. Tu ne peux pas lui en vouloir de ne pas avoir les mêmes opinions que toi. Nouveau soupire. Y’en a pas un pour rattraper l’autre… vous êtes si mauvais en communication que ça en devient pathologique.

Un long silence les englobe mais Malone ne bouge pas. Il ne le sert pas vraiment contre lui, mais reste simplement là, à lui offrir son réconfort tout en s’étonnant qu’il l’accepte. Il doit vraiment être au fond du trou.
- Nous éparpiller pour la pleine lune alors qu'on a même pas assez d'espace pour nous tous... C'est une belle connerie.
- C’est pourtant bien ce que tu voulais faire avec ta louve pour folâtrer tranquillement. Mais oui… ça prouve à quel point tu l’as poussé à bout j’imagine.
- Ibakha est têtue. Je lui ai défendue de me rejoindre, mais tu sais comme moi qu'elle n'en fera qu'à sa tête.
- Je m’en doute.
- Tout ça, ça va accentuer nos clivages alors qu'on avait réussi à la reconnecter aux autres...
Malone lui jette un regard en coin.
- Tout comme elle a réussi à te reconnecter aux autres tu veux dire…c'est pour Ibakha ou pour toi que tu es si affligé ? Il n'y a aucune forme de jugement dans sa voix. Tu commençais à te mêler aux autres et à aimer ça hein... il reste plus d'une semaine pour changer les choses. Rien n'est irréparable. Enfin...c'est ce que je veux croire.
Il se relève soudain, intrigué par quelque chose et tâte très délicatement les flancs de la vache.
- Elle attend un heureux évènement. Félicitations ! Ton premier veau… Evidemment dans un monde idéal, il serait bon que vous ayez une discussion tous les deux, une discussion apaisée… si vous en êtes capable.

- Nous éparpiller pour la pleine lune alors qu'on a même pas assez d'espace pour nous tous... C'est une belle connerie.
- C’est pourtant bien ce que tu voulais faire avec ta louve pour folâtrer tranquillement.
- Sois pas désobligeant, tu veux ? Tu t'es mis Shareen de côté dès le premier jour : celui qui "folâtre" le plus de nous deux, c'est pas moi. Un silence. C'est rassurant pour Ibakha d'avoir cette option, mais j'espérais que le travail qu'on fait ensemble porterait ses fruits avant la pleine lune. On aurait pu vous rejoindre. Maintenant, c'est carrément proscrit.
- Mais oui… ça prouve à quel point tu l’as poussé à bout j’imagine.

Hunter a un rire désabusé.

- Tu prendras toujours sa défense, hein ? Y'en aura toujours que pour lui... Le loup se dégage du contact de Malone en se levant, comme si celui-ci le brulait. Après un moment, il reprend, poings sur les hanches. Ibakha est têtue. Je lui ai défendue de me rejoindre, mais tu sais comme moi qu'elle n'en fera qu'à sa tête.
- Je m’en doute.
- Tout ça, ça va accentuer nos clivages alors qu'on avait réussi à la reconnecter aux autres...
- Tout comme elle a réussi à te reconnecter aux autres tu veux dire…

Hunter ne dément pas. Son silence est une réponse en soi.

- C'est pour Ibakha ou pour toi que tu es si affligé ?

Le loup grogne, attrape rageusement le seau de lait et transvase le liquide dans une des citernes de conservation.

- Tu commençais à te mêler aux autres et à aimer ça hein... il reste plus d'une semaine pour changer les choses. Rien n'est irréparable. Enfin...c'est ce que je veux croire.

Hunter en doute, mais il a toujours été d'un pessimisme naturel, un trait de caractère qu'il partageait avec Malone. Shareen a une sacrée influence sur lui. Il l'entend bouger dans son dos mais n'esquisse pas un geste pour se retourner, faisant mine d'être absorbé par sa tâche.

- Elle attend un heureux évènement. Félicitations !
- Sérieusement ? fait son cadet en se retournant vivement, toute trace de mauvaise humeur supplanté par de la surprise.
- Ton premier veau…
- Comment tu as su ? Demande-t-il en s'approchant, arborant cette expression de curiosité boulimique que Malone a longtemps abreuvé de son savoir.
-....Evidemment dans un monde idéal, il serait bon que vous ayez une discussion tous les deux, une discussion apaisée… si vous en êtes capable.
- ... Je dois m'excuser de toute façon, déclare Hunter en soupirant, une paume parcourant le ventre de Térésa. C'est toujours un point de départ. Mais sans un médiateur...Pour ne pas dire carrément un traducteur... Je doute qu'on arrive à le faire sans se foutre un poing dans la gueule.

Hunter se redresse, pensif.

- Ca lui ferait peut-être du bien, en fait, de lâcher toute sa rage dans une bonne bagarre. Tant qu'il n'aura pas appris à évacuer cet enfer qui le ronge, je continuerais à le considérer comme dangereux pour la Meute.

En cet instant, et de manière inattendu, Hunter dégage la même prestance que son père, mais surtout, la même radiance paisible que sa mère, l'étrange et mystique Gwladys.

- Ton premier veau…
- Comment tu as su ?
Malone sourit, retrouvant un bref instant le Hunter moins amer et plus curieux de tout qu’il a vu grandir. Il lui prend la main et la glisse sur le flanc.
- Ca se voit à son attitude. Même si je l’ai rendu nerveuse, elle économise ses mouvements.
La chair de la vache est douce et molle sous leurs doigts jusqu’à ce que leurs mains rencontrent une surface plus dure.
- Là…tu sens ? C’est le fœtus. Un mois pas plus je dirais.

Il relâche sa main, flatte le dos du bovidé qui meugle doucement et recule pour ne pas affolée la future maman plus que ça avec son odeur.

-....Evidemment dans un monde idéal, il serait bon que vous ayez une discussion tous les deux, une discussion apaisée… si vous en êtes capable.
- ... Je dois m'excuser de toute façon.
- C’est…une bonne idée, approuve Malone en hochant la tête.
- C'est toujours un point de départ. Mais sans un médiateur... Je doute qu'on arrive à le faire sans se foutre un poing dans la gueule.
- Tu sous-estime grandement son self-control. Mais oui, un médiateur c’est une bonne idée. Je me propose évidemment pour ce rôle mais il vaut mieux que ça soit toi qui choisisse quelqu’un avec qui tu te sentes en confiance.
- Ca lui ferait peut-être du bien, en fait, de lâcher toute sa rage dans une bonne bagarre.
Malone a un petit rire désabusé.
- Hunter…il serait temps que tu cherches à aller au-delà des apparences. Surtout en ce qui concerne Colgan. Tu l’as déjà observé ? Vraiment ? Depuis quand il règle quoique ce soit avec les poings au sein de la Meute ? C’est pas dans son caractère. Je crois que ça l’a jamais été.
- Tant qu'il n'aura pas appris à évacuer cet enfer qui le ronge, je continuerais à le considérer comme dangereux pour la Meute.

Malone soupire. Hunter aurait été un bon Alpha, il en a l’aura mais il manque encore de maturité sur certain point.
- Super. Et donc tu penses que la meilleure façon de gérer ça c’est en te montrant constamment sur la réserve et agressif avec lui ? C’est quoi ton plan au juste ? Si tu refuses d’essayer comment tu crois que ça va finir ? Hum ?
Il se plante devant lui et vrille ses yeux dans les siens.
- Ecoute moi bien, une bonne fois pour toute. Colgan n’est PAS notre ennemi. Ni le mien, ni celui de la Meute et pas le tien non plus. Un soupçon d’agacement se fait sentir dans sa voix. Tant que tu le considéreras comme ça, c’est voué à l’échec ! C’est un homme profondément blessé qui ne sait pas comment avancer autrement qu’avec la rage au ventre. Tu veux savoir pourquoi je suis obligé de le défendre ? Parce que tu passes ton temps à l’attaquer sans même essayer de le comprendre. Si vous réussissiez à travailler ensemble pour le bien de tous nos frères et soeurs… ses traits affichent soudain beaucoup de lassitude, les Abyssaux deviendraient une Meute à nulle autre pareil ! Bien plus forte qu’elle ne l’a jamais été !