- De toute façon c'est fait et je t'aime. Que ça soit renforcé par ce lien ou non ça change pas ce fait.
- Vraiment ?

Elle se détourne, et les signes que mes mots lui ont fait mal sont nombreux et éloquents.
J'ai encore merdé. J'ai encore laissé parler ma méfiance stupide. Lentement je fais pivoter son visage vers le mien.

- Je voulais pas te blesser. Vraiment Simone. Tu serais pas vampire ou j'aurais pas bu à ton sang ça n'aurait rien changé sur ce que je ressens pour toi. Et toi ? Tu regrettes Simone ?
- Jamais. Ce que tu as bu, ce qui t'as enivré, c'est tout l'amour et le désir pour toi que je n'ai jamais pu exprimer. C'est ça qui t'as entêté jusqu'à l'obsession. Tu comprends ?

Je reste muet de longues secondes et quand bien même je trouve tout ça presque trop étrange et surnaturel pour moi, j'ai finalement assez peu de mal à y croire. On aurait dit que son goût était fait pour les miens, répondait à un appétit enfoui en moi depuis toujours. Peut-être même avant ma transformation. Finalement je sors un peu de ma léthargie mais n'arrivant pas à trouver les mots je me contente de caresser sa joue avec une certaine révérence. Parfois je me sens tellement peu digne d'elle. Et faut dire que je fais rien pour arranger la situation.

- Penses-tu que je me sois offerte à toi corps, sang et âme sans raison ?
Je fronce les sourcils, contrarié d'avoir dit quelque chose qui pourrait lui laisser croire que cette idée lui a traversé l'esprit.
- Non ! Non absolument pas !
- Penses-tu que je n'ai pas souffert de ton rejet après cela ?
- A vrai dire...j'en sais rien...je lâche d'une petite voix pas franchement habituelle.
- Tu n'étais pas là pour constater à quel point tu m'as hanté, jour, nuit à chaque instant de ma misérable vie ! A quel point je repassais en boucle le pire comme le meilleur en allant me cacher pour pleurer. Tu es un homme de passion et d'appétit, Bertus... Ton manque a pris la forme de tes sentiments les plus primitifs. Je suis une femme qui se noie dans la mélancolie apathique quand elle perd pieds...

Je la dévisage un instant puis me recouche lentement à ses côtés en me frottant les yeux de lassitude. Une grimace m'échappe quand une perle s'enfonce dans mon dos et je la retire rapidement.

- Ouais j'étais pas là...parce que j'ai préféré te repousser plutôt que de me laisser aller. Et je recommence. En te faisant du mal.

Les yeux fixés au plafond je suis en train de me dire que je suis si maladroit avec elle que c'est un miracle si elle est encore là.

- Alors quand tu bois à ma veine… tu ressens la même chose que quand je bois à la tienne ? Mère-nuit...pourquoi je m'obstine à chercher des ombres là où y'en a pas ? Pourquoi j'arrive pas à juste...vivre l'instant comme il vient ?

Ses questions s'adressent plus à moi qu'à elle en vérité. Je trouve sa main et la porte à mes lèvres, trop honteux pour la regarder vraiment.

- Quelque part c'était effectivement plus simple quand on était humain. Le cœur qui bat, les mains mointes, la respiration qui fluctue...là je peux que me fier à mon instinct et il a pas brillé par son efficacité en ce qui concerne ma vie sentimentale jusqu'à présent. Je te promets...que je vais faire des efforts pour être plus...moins...moi, je finis avec un pauvre sourire. Mais...malgré toutes les conneries où paroles cyniques qui sortent de ma bouche....je tourne enfin mon regard vers elle, je t'aime. N'en doute pas...s'il te plait

- Ouais j'étais pas là...parce que j'ai préféré te repousser plutôt que de me laisser aller. Et je recommence. En te faisant du mal.

Simone tourne la tête vers lui. Bertus a l'air de se sentir terriblement piteux.

- Nous avons tous nos mécanismes de défenses, dit-elle avec douceur, son sentiment de vexation évaporé aussi soudainement qu'il est apparu. Tu te montres cynique et méfiant. Je suis froide et sarcastique.... "On a pas le cul sorti des ronces"* comme avait coutume de dire ma nourrice, conclue-t-elle avec un de ses petits rires de gorge séduisants.
- Alors quand tu bois à ma veine… tu ressens la même chose que quand je bois à la tienne ?

Simone se positionne sur le flanc pour mieux apprécier son profil découpé et plein de caractère.

- Tu as une saveur puissante, grisante,... ça m'a littéralement submergée. Te boire a été l'expérience la plus intime, exaltante et satisfaisante de ma vie.
- Mère-nuit...pourquoi je m'obstine à chercher des ombres là où y'en a pas ? Pourquoi j'arrive pas à juste...vivre l'instant comme il vient ?

Simone aurait bien quelque pistes de réponse à ses questionnements existentiels. Cependant, son envie de le réconforter supplante toute discussion de cette nature qui risque de remuer les vieilles écorchures. Elle lui caresse l'arrête du nez du bout des doigts, que Bertus vient embrasser.

- Quelque part c'était effectivement plus simple quand on était humain. Le cœur qui bat, les mains moites, la respiration qui fluctue...là je peux que me fier à mon instinct et il a pas brillé par son efficacité en ce qui concerne ma vie sentimentale jusqu'à présent. Je te promets...que je vais faire des efforts pour être plus...moins...moi.
- Surtout pas! Sois toi.... Je ne te demande pas d'être quelqu'un d'autre. Je prends ce bel ensemble contrasté tout entier. La maladresse et le manque de foi font partis du paquet.
- Mais...malgré toutes les conneries ou paroles cyniques qui sortent de ma bouche....Je t'aime. N'en doute pas...s'il te plait.
- Moi aussi... ne le remets plus en question.

Elle dépose ses lèvres sur les siennes. Tendre et délicat baiser qui en appelle d'autres, qui la pousse à se hisser sur son torse de nouveau, assoiffée de lui qu'elle est.

- ... Et fais-toi pardonner, susurre-t-elle.

- Mais...malgré toutes les conneries ou paroles cyniques qui sortent de ma bouche... Je t'aime. N'en doute pas...s'il te plait.
- Moi aussi... ne le remets plus en question.
J’étire un sourire face au ton naturellement autoritaire qu’elle a pris.  
- Bien Madame.

J’ai le droit à un baiser, signe qu’elle m’en veut sans doute pas tant que ça. Puis un deuxième, après le troisième j’ai arrêté de compter. Je préfère me concentrer sur la douceur de ses lèvres qui ne m’apparaissent plus si fraiches que ça maintenant. Son contact, globalement me provoque un ensemble de frisson dont le froid n’a plus grand-chose à voir. De là en dire que j’en deviens addict… Possible. Au moment où elle revient se percher sur mon torse, je l’attire tout contre moi, lui facilitant le travail et parcours son corps en prenant tout mon temps.

- ... Et fais-toi pardonner.

La main prise dans sa chevelure, l’autre calée dans le creux de ses reins, je m’immobilise soudain, un sourire canaille aux lèvres. Je descends ma paume un peu plus bas, trouve l’arrondi que je cherchais et l’englobe fermement. Si elle trouve mes fesses – non mon séant- parfait, que dire des siennes. Pendant ce temps ma bouche en profite pour déposer une pluie de baisers sur la ligne de sa mâchoire, son cou, sur la peau fine tout près de son oreille, dans laquelle je murmure à mon tour.

- Rien ne me ferait plus plaisir… dis-moi donc ce que je peux faire pour t’être agréable, Simone … Un bon bain chaud ? Ou tu veux que je te montre à quel point j’aime ton corps, à quel point je te trouve belle ? Je repose la tête sur l’oreille et l’étire sur le côté pour dégager mon cou. Ou tu as encore soif peut-être ?

Je laisse couler une œillade intense du peu de son corps que j’aperçois vers son regard que j’accroche finalement pour ne plus le lâcher. Lentement je me hisse sur un coude, ramenant la distance entre nos visages à un souffle. Je brise cette distance en venant cueillir ses lèvres dans un long baiser appuyé qui dure bien plus longtemps que ce que deux humains auraient pu supporter. C’est bien la première fois que je trouve un avantage non négligeable à ne plus avoir de poumons fonctionnels.  
- Dis-moi… je répète finalement  à voix basse après l’avoir libérée.

Bertus investit son corps des ses grandes mains plus habituées à tenir un fusil qu'une femme. Simone se gave de ce contact comme si elle n'avait jamais été touchée de sa vie. Vérité terrible. Une terre n'est aride que si jamais on ne l'arrose. Une fois qu'elle est irriguée, qui sait ce qui peut y fleurir ? Une fois qu'elle a gouté à la pluie, peut-elle se priver à nouveau d'eau ? Sous la mue de Madame, la femme se révèle étonnamment tactile, sensuelle et sensible.

- Rien ne me ferait plus plaisir… dis-moi donc ce que je peux faire pour t’être agréable, Simone … Un bon bain chaud ? Ou tu veux que je te montre à quel point j’aime ton corps, à quel point je te trouve belle ? Ou tu as encore soif peut-être ?

Etourdie, un peu ivre peut-être, elle se fige, noyée dans sa propre indécision. Verbaliser ses propres désirs a quelque chose de profondément tabou, comme si l'interdit paralysait sa langue. Il lui est plus simple d'embrasser et de se laisser embrasser. Cependant, ce n'est que reculer pour mieux sauter.

- Dis-moi...

Je veux tout.
Tout à la fois...

Elle vient fureter dans ce cou offert, respirer sa peau glacée. Ses crocs saillent malgré elle, agités par la perspective de le gouter à nouveau. Elle contient pourtant cet élan brusque d'appétit. Ce n'est pas ça qu'elle veut. Pas encore. Elle se redresse et sa chevelure d'ébène tombe en rideaux languides balayant les contours du visage de son amant. Son expression est le plus évident des aphrodisiaque.

- Dessine-moi... souffle-t-elle de sa voix grave, alourdie par des envies plus sourdes. Plus viscérales.  

Aime-moi encore.
Et encore.
Et encore.
Jusqu'à estomper mes contours
Jusqu'à ce que je sois assez floue pour crier grâce..

- Dis-moi...

Elle niche sa tête contre mon cou et pendant un bref instant j’anticipe la morsure avec un frisson délectable d’envie. Ce que je considère comme une aberration par ailleurs reste avec elle un moment unique et d’une rare sensualité. Mais elle relève la tête, semble avoir du mal à formuler concrètement ce qu’elle veut. J’attends, patient et décrypte pour une fois avec une facilité déconcertante les émotions qui passent sur son visage. Je sais ce qu’elle veut, mais je veux l’entendre dire. Ma main se glisse dans ses cheveux et dégagent un côté de son visage.

- Dessine-moi... lâche-t-elle d’une voix plus grave encore que d’habitude.
J’ai un bref moment de surprise. Elle sait pourtant que … Evidemment, Madame n’oserait pas demander quelqu’un chose d’aussi cru. Je lui souris, fais mine de ne pas comprendre.
- J’ai pas mes fusains sur moi, Simone…

Mon index vient courir sur l’arrondi de son épaule, descend le long de son bras puis repart en sens inverse pour continuer sur son flanc, ses hanches.
- Je pourrais peut-être… utiliser d’autres outils. Qu’est-ce que t’en penses ?

Je la fais à nouveau basculer sur le dos et me dresse sur les genoux pour la surplomber complètement. Mère-nuit ! Elle est magnifique… j’en ai la gorge qui s’assèche. Je la contemple tout mon saoul, m’imprègne de mon modèle, dans une attitude qui passe de la révérence au désir animal. Simone m’inspire une palette de sentiments variés qui passent d’un extrême à un autre.
Ployé vers elle, mes doigts s’approchent de sa peau, tout doucement, tracent les contours de son corps que je tente de garder en mémoire. J’essaie de n’oublier aucune parcelle de sa pâleur, ne m’attarde sur aucune zone en particulier, je me contente de redessiner la perfection de son corps, de la sculpter presque, avec beaucoup de délicatesse. Concentré sur ma tâche, j'observe parfois avec avidité ce que mon petit manège provoque chez elle, faisant totalement taire mes propres désirs pourtant évidents.
On sait bien, elle et moi que ça n’est pas ce qu’elle veut et l’atmosphère de la pièce se charge d’électricité et d’une tension palpable. Après avoir remodeler ses formes je retire mes mains et me penche à nouveau vers elle avec un sourire tendre. Je frotte doucement mon nez contre le sien.

- Voilà…je viens de te dessiner Simone… satisfaite ?  

Simone sait qu'elle n'est pas honnête. Les mots se dérobent à elle dès qu'il faut qu'elle assume un désir proprement personnel. Egoïste.

- J’ai pas mes fusains sur moi, Simone…

Je sais.

- Je pourrais peut-être… utiliser d’autres outils. Qu’est-ce que t’en penses ?

Oui, s'il te plait....

Renversée sur l'oreiller qu'elle tient à deux mains, les cheveux épars et la mine vaporeuse, elle le dévisage de ses immenses yeux bleus. Aqueux. Elle ignore à quel point elle dégage une puissante aura de lascivité organique et charnelle.
Bertus prend un malin plaisir à remodeler son corps de ses doigts d'artiste. Il chemine sur elle, explorant chaque colline, chaque sillon vallonné, flattant ses courbes exquises et s'appropriant ses creux. Simone ne respire plus et pourtant sa cage thoracique se gonfle de soupirs à intervalles régulières. Elle frissonne, crispe ses doigts dans la soie clairsemée de perles, entrouvre la bouche pour la refermer aussitôt jusqu'à s'en mordre les lèvres. Ses crocs, visibles, érigent leurs pointes dénudées et avides. Simone découvre son corps en compagnie de son amant qui pétrit sa chair comme un sculpteur doux et patient.
Une torture infiniment savoureuse.
Lorsqu'il estime en avoir terminé, il revient à elle pour la narguer de son petit sourire de vaurien. Une crapule aimante et terriblement tendre.

- Voilà…je viens de te dessiner Simone… satisfaite ?
- ... Non.

Elle l'embrasse à pleine bouche, s'agrippant à sa tignasse échevelée et blonde. Ses cuisses s'enroulent autour de ses hanches solides. Elle aventure une main malhabile contre l'abdomen de son amant et franchit la limite de son nombril vers des contrées plus intimes.

- Utilise un autre "outil"...

- Voilà…je viens de te dessiner Simone… satisfaite ?
- ... Non.

Mon sourire s'élargit, alors que je me sens littéralement sur les crocs qui sont d'ailleurs de sortie chez elle. Je les vois poindre entre ses lèvres. Et je peux pas m'empêcher de trouver ça terriblement sexy, signe que j'ai perdu toute notion de raison avec elle. Elle m'embrasse à perdre haleine, ses dent pointues rapent contre mes lèvres, fendillant la peau fine et mon sang perle. Elle m'attire à elle en nouant ses jambes à mon bassin et comme souvent avec elle j'ai l'impression tenace que mon corps réagit comme s'il est encore en vie. Je prends d'ailleurs une brusque inspiration quand je sens sa main fraiche parcourir mon ventre, puis plus bas encore. Je laisse filtrer un gémissement étranglé quand elle referme ses doigts sur moi.

- Utilise un autre "outil"...
- A votre service Madame, je souffle avec difficulté.

Je savoure un instant la sensation, la guide sur ce qui me fait plaisir. Puis je me cale entre ses cuisses. Mon corps vient se coller au sien et je happe ses lèvres dans un tendre baiser toujours un peu saignant mais je m'en formalise pas. Je reflue, fixe mes yeux dans les siens et la contemple longuement pendant que je viens me faufiler en elle avec autant de délicatesse que la première fois. Je m'immobilise un instant, attend de savoir si tout va bien pour elle avant de bouger avec une langueur étudiée et presque agaçante.

J'enserre sa tête entre mes mains pour l'empêcher de se dérober à mon regard. A chaque fois que je me coule en elle j'ai l'impression de plonger dans un abîme de plaisir et je me laisse volontiers submerger par cette overdose qui met tout mon corps en déroute. Je ne fais pas particulièrement attention au volume sonore de mes plaintes. Je me fous d'être entendu. Rien n'existe en dehors de cette chambre. Ni les Hurlants, ni Malsheem. Juste elle et moi. Une parenthèse hors du temps pour nous deux.

L'intensité de nos baisers réanime ma férocité et je passe ma langue sur le pointu de ses crocs.

- Tu veux me mordre Simone ? Je demande dans un murmure caressant.

Subitement, je nous fais basculer et elle se retrouve à me chevaucher. Jurons étouffés en maudissant ces sales perles qui s'enfoncent encore dans mon dos. Le chevelure en bataille, les yeux bleus pétillants, les lèvres gonflées et rougies de nos baisers, elle me domine à son tour.

- Tu es la plus belle femme que j'ai jamais vu… et je continuerai à le répéter jusqu'à ce que tu me crois, dragostea mea.

Mes mains viennent se poser sur le galbe de ses fesses. Je l'aide à trouver le mouvement de balancier et le rythme adéquat, la laissant explorer parfois.
En manque de ses lèvres je me redresse soudain et mes paumes lui imposent une cadence plus rapide alors que je l'embrasse comme un affamé, déjà au bord de la rupture.

Ce genre de geste obscène est chose inédite, pour elle. A vrai dire le sang de Bertus qui perle sur sa langue fait sauter la plupart de ses inhibitions. Sa saveur est d'une intensité fauve et libératrice. Ces quelques gouttes sont bien trop peu. Elle lèche sa langue égratignée avec une soif avide, lape la commissure de ses lèvres tâchées de cette hémoglobine sombre et capiteuse. Ce n'est pas le manque d'oxygène qui la fait suffoquer, c'est le manque de lui, qu'il comble en s'invitant en elle. Simone chavire, Bertus la rattrape, l'obligeant à s'arrimer à ses prunelles noisette. Sa matrice est bien moins agressée que le première fois propulsant ses sensations dans une tout autre dimension. Joueur, il taquine ses crocs qui en deviennent presque douloureux à force de sollicitations.
Simone pousse un gémissement plaintif qui jette aux orties piété et vertu.

- Tu veux me mordre Simone ?

Il la propulse au dessus de lui et Madame pousse un cri en resserrant ses cuisses autour de ses hanches pour conserver son équilibre. Elle tremble, son ventre crispé autour de son membre, parcourue par un plaisir cru. Les mains en appui sur son torse, elle se pourlèche les babines, sans la moindre conscience de sa propre sensualité.

- Tu es la plus belle femme que j'ai jamais vu… et je continuerai à le répéter jusqu'à ce que tu me crois, dragostea mea.

Leurs bassins se répondent, dansent un pas de deux dont elle n'a nullement l'habitude et qu'elle pratique d'instinct. Pas la moindre question. Pas une seule réflexion. Simone se laisse portée par ce corps qui, même mort, sait comment opérer. Elle ploie soudain pour planter ses crocs dans son pectoral, se gavant du sang qui coule abondamment autour de son mamelon. Elle recommence, avec un sauvage appétit de lui à plusieurs endroits charnus délectables.
Qu'importe ses démonstrations vocales, à présent. Elle s'en fiche.
Bertus se redresse brusquement pour lui manger la bouche, savourant ainsi sa propre essence. Leur étreinte est plus tempétueuse que la première, passionnée à s'en faire exploser les veines.

- Mords-moi... supplie-t-elle en agonisant de satisfaction.

Les morsures qui parsèment mon torse goûtent encore. La première pénétration de ses canines dans ma chair a provoqué la sortie des miennes et l'envie impérieuse de lui réserver le même doux châtiment.

La goûter encore… même si la dernière fois remonte à une petite heure. Mais je me contiens et me venge en coups de reins brusques et profonds, l'entrainant dans une danse infernale qui ne semble pas lui déplaire. Je pousse un cri de plaisir brut quand elle se met à aspirer mon sang et mon corps est soudain pris d'une frénésie que je contrôle à grand peine.

Nos sangs mélangés à nos saliver se révèlent aphrodisiaques à souhait. Mes doigts se crispent sur son fessier à lui en faire mal tellement je me contiens et le sommier craque à chaque mouvement sans doute trop violent.

- Mords-moi…

La supplique ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. Je lui mordille le menton avant de le rejeter brusquement vers l'arrière pour m'offrir la vision de son cou de cygne d'une blancheur immaculée. J'ai plus tellement la patience pour les petits jeux d'anticipation alors je plonge à la jonction entre son cou et son épaule et la mord profondément.

Un gémissement rauque et étouffé m'échappe tellement la sensation est divine. J'ai l'impression de me noyer en elle, qu'on ne fait vraiment plus qu'un et l'arôme de son sang démultiplie toutes les sensations, les rendant presque douloureuses de plaisir. Je bois aussi goulument que je la pénètre, me repait de toute la complexité qui compose son essence. Ce sang qui a le goût de son amour pour moi et dont j'arrive pas à me passer ni à me gaver.

C'est au delà de qualificatif comme "bon" ou "merveilleux". On atteint quelque chose de l'ordre du divin, du surnaturel dans tous les sens du terme.

Je m'arrache à sa chair avec un geignement de dépit, la rebascule sur le dos et lui écarte les cuisses pour la prendre avec une avidité et une brutalité certaine. Ma bouche mord la peau qui passe à sa portée, embrasse ses lèvres avec une férocité maladroite pendant que je nous fais grimper tous les deux vers les sommets.

Au moment au tout m'échappe, où je me laisse emporter je replonge mes crocs, dans son cou cette fois, comme les vampires de légendes. Je suce la plaie avec force dans un grondement venu des tréfonds de mon être et qui ressemble plus à la Bête qu'à moi et me laisse aller à la jouissance la plus magistrale de ma vie.

Elle est tout ce que j'ai toujours voulu. Tout ce que j'ai toujours cherché.

La réalisation se fait au moment où je redescends un peu. Cette fois je me suis écroulé sur elle, ivre de plaisir et ma langue lape paresseusement les restes de son essence qui s'écoule encore des deux petites plaies. Notant enfin que je dois l'écraser un peu, je me redresse et la dévisage avec attention.

- Ça va ? Je murmure un peu inquiet d'y être allé trop fort.

Il existe des expériences difficilement descriptibles : le vocabulaire ne comporte pas de mots adéquates pour en retransposer toute la puissance et l'intensité. Simone ne manque pas d'éloquence, mais rien ne pourra jamais traduire ce qu'elle éprouve en cet instant. De l'étreinte à la morsure, faire l'amour avec Bertus est l'acte le plus extrême, le plus exalté et le plus extraordinaire qu'elle n'ait jamais commis.

Simone a l'impression d'être humaine à nouveau : le coeur battant, les poumons gorgés d'oxygène, la vie s'enracinant au plus profond de sa chair.

Lorsqu'ils retombent, épuisés, repus et exsangues, elle garde les paupières fermées, l'esprit flottant encore loin dans la ouate d'enivrantes stratosphères. Aucune respiration, aucun mouvement ne laisse supposer qu'elle est encore consciente. Elle semble aussi morte que sa peau pâle, froide et souillée de rouge le laisse penser. Une gisante magnifique, sculpturale et alanguie.

- Ça va ?

Le timbre inquiet de Bertus la ramène peu à peu à la surface. Elle papillonne des cils et ouvre finalement les yeux. Son amant a la bouche barbouillée d'hémoglobine, épaisse et sombre. Elle lui essuie du bout des doigts ou bien l'étale-t-elle un peu plus. Elle n'est pas sûr de ses gestes, toute vaporeuse qu'elle est, elle le contemple comme si elle vivait un rêve éveillé.

- Oui... souffle-t-elle finalement avec un sourire radieux. Puis elle ajoute, le regard pétillant. Tu es pardonné.

Elle l'attire contre elle, en le serrant fort entre ses bras.

- Tu veux bien que l'on reste un peu comme ça, encore... ? quémande-t-elle. Je suis bien là...

Elle n'est pas certaine de pouvoir se mettre debout, du reste. Elle se sent éreintée mais d'une fatigue saine qui conduit à la sérénité. Ce n'est que lorsqu'elle lève le nez un peu plus haut qu'elle remarque qu'en empoignant les barreaux de la tête de lit, elle les a complétement tordus.

- Merde*! jure-t-elle en français.

Elle réalise alors la portée de ses propres déchainements vocaux hautement révélateurs. Elle enfouit sa tête dans le creux du cou de Bertus comme une autruche qui cherche à se cacher.

- Ça va ?

Elle semble tellement inerte que j’ai un instant de mini-panique avant de me rappeler que moi aussi je suis mort. Ou pas si j’en crois ce qu’on vient de faire.
Enfin elle réouvre les yeux et je lui souris sans savoir que mes lèvres sont encore pleines de son sang. Ça n’est que lorsqu’elles les caresses et en récupère sur son pouce que je fais le rapprochement. Ma langue vient récupérer tout ce qui peut l’être. Or de question que je gâche !
Elle a l’air tellement alanguie qu’une sorte de sentiment de fierté étrange m’envahit. C’est pourtant pas mon truc de me gargariser, mais la voir dans cet état me procure une sensation de bien-être par procuration.

- Oui... Tu es pardonné.
Je caresse tendrement sa joue.
- Vraiment ? Content de le savoir, je déclare sur un ton nonchalant et amusé. J’ai jamais autant eu l’impression d’être en vie…c’est dingue non ?
Elle referme ses bras sur mes épaules et je me cale de sorte à pas trop l’écraser, la joue contre le haut de sa gorge.

- Tu veux bien que l'on reste un peu comme ça, encore... ? Je suis bien là...
Je pousse un profond soupir, pas tellement plus désireux qu’elle de bouger.
- Ca me va, je suis pas mal non plus.
Mon doigt joue distraitement avec une perle sur les draps.
- Simone…plus de perle quand tu viens me voir s’il te plait…encore mieux, plus de collier. Et plus de Madame... Tu passeras sans doute plus inaperçu si tu veux plus…simplement…  
- Merde*!
Je redresse soudain la tête, alerté par ce que je reconnais comme étant un juron dans sa langue maternelle.
- Quoi ?
Je suis son regard des yeux et ricane en voyant l’état des barreaux de la tête de lit.
- C’était à ce point alors … ? T’inquiète pas, on demandera à Eustache de venir réparer nos dégâts après notre journée entière passée dans ce lit, je propose avec une expression tendrement moqueuse tout en baisant ses épaules. Il risque d'y en avoir d'autres....
Elle vient soudain se cacher contre mon cou et j’éclate franchement de rire.
- Simone ? je l’appelle doucement. Pourquoi tu as si honte ? C’est parce que tu fais ça avec « l’ennemi »  ou c’est plus…global ? Parce que tu sais, m’accueillir chez toi, ça impliquerait que tu révèles à tous qu’on est…ensemble.

Et sa réaction me fait dire qu’elle est peut-être pas encore prête pour ça, quand bien même on pourrait s’afficher ensemble.

- Quoi ?

Bertus suit son regard et ricane.

- C’était à ce point alors … ?
- C'était.... extraordinaire! soupire-t-elle.
- T’inquiète pas, on demandera à Eustache de venir réparer nos dégâts après notre journée entière passée dans ce lit.
- Tudieu, non ! Elle pousse un petit couinement désespéré. Pitié, j'éspère qu'ils sont partis avant qu'on se déchaine.
- Il risque d'y en avoir d'autres....
- Je ne suis pas contre cette idée, mais il va falloir investir dans l'insonorisation des murs...

Madame vient se planquer, pif le premier, dans son cou. Elle ne souhaite pas que son cerveau se remette si vite en route mais elle conscientise déjà les retombées possibles de leurs ébats sur sa relation avec Eustache et sur le reste de ses hommes.

- Simone ?
- Ne te moque pas!
- Pourquoi tu as si honte ?

Elle recule pour le mieux regarder. Elle ne veut pas qu'il se méprenne et qu'il pense que c'est de lui qu'elle trouve consternant.

- C’est parce que tu fais ça avec « l’ennemi »....
- L'ennemi ? Mais tu n'es pas l'ennemi ! Tu es mon informateur et mon espion.
-... ou c’est plus…global ? Parce que tu sais, m’accueillir chez toi, ça impliquerait que tu révèles à tous qu’on est…ensemble.
- Bertus... ça n'a rien à voir avec ça, ni même avec toi ! Crois-moi, je serais très fière de m'afficher à ton bras quand nous seront libre de cette comédie... Non c'est.... Elle soupire et se passe une main sur le visage.... Educationnel. J'ai été élevée dans une famille très pieuse et j'ai cette espèce de culpabilité chevillée au corps qui traduit tout ce qui concerne les plaisirs de la chair en indignité. J'ai capitalisé sur cette dignité, Bertus, c'est ce qui me permet d'avoir du respect et du crédit auprès des hommes sous ma gouverne. Il est très difficile pour une femme de ne pas être réduite à sa plastique ou à sa sensibilité dans un univers de violence constante dominé par des hommes. Combien y a-t-il de femmes chez les Hurlants ? On peut les compter sur les doigts d'une main...En étant sexuellement inatteignable, je me prémunissais de cet écueil.

Elle le regarde avec une expression d'anxiété retrouvée.

- Et si je perdais leur estime, maintenant que... qu'ils m'ont entendue vagir d'extase ?

- C’est parce que tu fais ça avec « l’ennemi »....
- L'ennemi ? Mais tu n'es pas l'ennemi ! Tu es mon informateur et mon espion.
- Pour toi oui…pour les autres c’est une autre histoire. On fait jamais totalement confiance à un espion tu sais… ou c’est plus…global ? Parce que tu sais, m’accueillir chez toi, ça impliquerait que tu révèles à tous qu’on est…ensemble.
- Bertus... ça n'a rien à voir avec ça, ni même avec toi ! Crois-moi, je serais très fière de m'afficher à ton bras quand nous seront libre de cette comédie...
- Oh. Je souris bêtement. Dans ce cas, explique moi…c’est ton statut ?
- Non c'est... Educationnel. J'ai été élevée dans une famille très pieuse et j'ai cette espèce de culpabilité chevillée au corps qui traduit tout ce qui concerne les plaisirs de la chair en indignité.

Je la dévisage avec une expression attendrie. Dire que je me trouvais vieux-jeu. C’est si facile d’oublier parfois le temps qui passe sans nous laisser une seule ride, facile d’oublier qu’elle a plus de deux cents ans.  

- Les temps ont changé tu sais.
- J'ai capitalisé sur cette dignité, Bertus, c'est ce qui me permet d'avoir du respect et du crédit auprès des hommes sous ma gouverne. Il est très difficile pour une femme de ne pas être réduite à sa plastique ou à sa sensibilité dans un univers de violence constante dominé par des hommes. Combien y a-t-il de femmes chez les Hurlants ? On peut les compter sur les doigts d'une main...En étant sexuellement inatteignable, je me prémunissais de cet écueil.

Ses arguments sont tout ce qu’il y a de plus logiques et de sensés et se sont clairement des considérations que j’avais pas spécialement en ligne de mire étant un homme.

- Je comprends. Mais…
Elle me coupe, de l’anxiété plein les yeux.  
- Et si je perdais leur estime, maintenant que... qu'ils m'ont entendue vagir d'extase ?
Le terme « vagir » me fait rouler des yeux.
- T’as vraiment de ses expressions… Je l’embrasse ensuite avec une tendresse infinie. Je veux pas qu’une relation avec moi te porte préjudice, Simone. Mais je suis persuadé qu’elle n’aura pas beaucoup d’impact. C’est pas ta dignité ou ton image de vierge de fer intouchable qui te vaut le respect des autres. C’est ce que tu accomplis et je crois pouvoir dire que c’est assez conséquent. Tu bosses comme une tarée depuis…je sais même pas depuis combien de temps ! Tu t’es donnée corps et âme pour cette cause. Et t’aurais pas le droit à un peu de bonheur à côté ? Si les gens qui t’entourent et bossent proche de toi sont pas heureux de te savoir heureuse, j’appelle pas ça « une famille » moi. Et puis on a pas prévu d’invité tout Malsheem dans notre chambre si ? Y’a donc pas de raison pour que les autres entendent les merveilleusement érotiques gémissements et petits cris que tu pousses quand tu prends du plaisir. Si je pouvais les garder rien que pour moi, ça m’arrange, j’ajoute avec un sourire. Puis le bout de mon index vient tracer des arabesques sur sa gorge. Si…quand on pourra être ensemble, vraiment, on n’est pas non plus obligé de l’afficher si ça t'inquiète tant que ça… au moins au début. Toi et moi, ça restera dans la sphère privée, ça impactera moins ton image si tu penses que c’est si important pour toi. J’esquisse un petit haussement d’épaules. Je préfèrerai évidemment l’inverse mais je comprendrai. Et puis dans la tête de beaucoup je resterai un moment le Hurlant à qui on ne peut pas faire confiance, alors ça serait pas plus mal. Je dépose un baiser sur le bout de son nez légèrement tacheté. Tant que tu restes toute à moi après le travail…si y'a un après-travail, évidemment !  

- T’as vraiment de ses expressions…
- Dis-tout de suite que je sui vieil... Il l'embrasse, la faisant taire de la plus tendre des façons.
- Je veux pas qu’une relation avec moi te porte préjudice, Simone. Mais je suis persuadé qu’elle n’aura pas beaucoup d’impact. C’est pas ta dignité ou ton image de vierge de fer intouchable qui te vaut le respect des autres. C’est ce que tu accomplis et je crois pouvoir dire que c’est assez conséquent.
- Tu le penses vraiment ... ?

Malgré son aura souveraine d'autorité, Simone est percluse de fragilités et d'un manque terrifiant de confiance en elle. Elle vient d'un temps où "être femme" signifie "être la possession d'un homme" : d'un père, d'un époux ou d'un fils. Cela aussi a marqué férocement son esprit et forgé sa défiance.

- Tu bosses comme une tarée depuis…je sais même pas depuis combien de temps ! Tu t’es donnée corps et âme pour cette cause. Et t’aurais pas le droit à un peu de bonheur à côté ? Si les gens qui t’entourent et bossent proche de toi sont pas heureux de te savoir heureuse, j’appelle pas ça « une famille » moi.
- C'est... C'est juste.

Si elle sait qu'Amon, Asmodée et Ciulin regarderont leur relation avec bienveillance, elle n'en est pas aussi sûre pour Eustache, Hyppolite ou même les frères de Bertus.

- Et puis on a pas prévu d’invité tout Malsheem dans notre chambre si ?
- Certes...
- Y’a donc pas de raison pour que les autres entendent les merveilleusement érotiques gémissements et petits cris que tu pousses quand tu prends du plaisir. Simone se cache le visage entre ses mains, comme si elle était encore capable de rougir. Si je pouvais les garder rien que pour moi, ça m’arrange. Ses paumes glissent sur ses joues et elle le regarde avec une moue drolatique.
- Je préfère que mes concertos lyriques restent entre nous, si tu veux bien...
- Si…
- Quand... corrige-t-elle.
- Quand on pourra être ensemble, vraiment, on n’est pas non plus obligé de l’afficher si ça t'inquiète tant que ça… au moins au début. Toi et moi, ça restera dans la sphère privée, ça impactera moins ton image si tu penses que c’est si important pour toi. Je préfèrerai évidemment l’inverse mais je comprendrai. Et puis dans la tête de beaucoup je resterai un moment le Hurlant à qui on ne peut pas faire confiance, alors ça serait pas plus mal. Tant que tu restes toute à moi après le travail…si y'a un après-travail, évidemment !

Il gratifie son nez d'un bécot adorable et Simone s'empresse de lui caresser le visage avec un sourire pétri d'affection.

- Je veux m'afficher avec l'homme merveilleux que tu es. Je veux que tout le monde le sache et l'accepte comme tel : il y a bel et bien un Monsieur Montespan. Petit sourire en coin. Parce que tu prendras mon nom, évidemment. Elle pouffe de rire. Estime-toi heureux d'éviter la particule ! Bertus Montespan sonne plus agréable que Bertus de Rochechouart de Mortemart, non ?

Madame se gausse, parce que Madame trouve la perspective de Bertus en Comte hilarante. Elle rit de bon coeur, une expression réjouie et détendue sublimant sa beauté.

- Je t'aime... fait-elle en le regardant avec ravissement, une fois l'éclat de joie apaisé. Elle soupire d'aise, délestée pour la première fois depuis longtemps de son corset imaginaire.

Dehors, le jour se lève enfin.
L'hôtel de Miss O'Grady s'éveille sans la moindre conscience d'avoir échappé à un drame. L'alerte au gaz était infondée, tout compte fait et le peu de clients sont depuis longtemps partis finir leur nuit dans leurs chambres. Le probable danger n'a visiblement pas affolé le beau Bertus et sa donzelle. Leur enthousiasme s'est étendu à tous les étages. Aussi n'est-elle étonnée de voir le gaillard pointer sa mine réjouie pour quémander un plateau de petit déjeuner avec deux cafés bien noir et quelques douceurs. Elle a même anticipé sa demande en le préparant pour lui et lorsqu'elle lui tend, c'est avec un clin d'oeil complice clairement grivois.
Nulle trace d'Eustache et de son équipe de nettoyeurs.
La journée qui suit est d'une quiétude presque romantique. Les deux amants profitent l'un de l'autre, ne s'éloignant jamais trop longtemps, recherchant le contact mutuel et constant. Ils flânent au lit, discutent et Simone se laisse même dessiner à nouveau.

Lorsque Mère-Nuit agite ses dentelles, c'est à regret que Simone endosse à nouveau sa peau de Madame. La main sur le poignée de la porte , elle rebrousse chemin brusquement pour étreindre et embrasser Bertus avec effusion.

- Sois prudent... souffle-t-elle étrangement émue.

Et la pièce se vide de sa présence, ne laissant flotter que son parfum.

Trois semaines plus tard

Assis sur ma bécane, je fume tranquillement ma clope en regardant l’astre lunaire. Peut-être même que j’ai l’expression d’un idiot fini à force de sourire comme un con.

Comme souvent depuis quelques semaines, je pense à elle. Encore et encore…inlassablement. Rien de mal à ça, non ? Sauf que je peux pas me permettre de rêvasser en mission. Heureusement le début de nuit est plutôt tranquille aujourd’hui.
J’en profite largement pour repenser à notre dernière journée ensemble qui date maintenant déjà. Je sens déjà cette sensation de manque qui m’a prise aux tripes avant de me transformer. Diffuse pour le moment mais bel et bien là.

En rentrant avant l’aurore, je l’appellerais. Entendre sa voix servira de palliatif en attendant de la serrer contre moi. C’est au moment où j’y pense que mon portable se met à vibrer dans ma poche. Peut-être que je lui manque aussi ? Peut-être que c’est elle qui appelle ? Peu probable mais l’idée me faire sourire. « Colgan » s’affiche sur mon écran.

- Boule de poil.
- Sangsue.
Je souris malgré moi. Colgan est l’un des seuls que je respecte chez les Hurlants. On a effectué quelques missions ensemble. A vrai dire je sais même pas ce qu’il fout avec ces types. Il a plus d’étique et de valeurs que l’ensemble du groupe réunis. Une histoire de vengeance je crois…
- Que me vaut le déplaisir de ton appel ?
- Ramène ton cul glacial, on a fait une jolie prise.
Je fronce les sourcils, légèrement inquiet. Une belle prise pour les Hurlants n’annonçait rien de bon pour Malsheem en général.
- Ah, je fais sobrement. Vous êtes où ?
Colgan me donne des indications très précise d’une vieille bicoque abandonnée en forêt et qui tombe à moitié en ruine. Aussitôt raccroché j’écrase ma cigarette du talon et démarre ma moto.

Il me faut à peine vingt minutes pour accéder à ladite cabane en passant par des petits sentiers de randonnée. Il semble y avoir un petit groupe de Hurlants à l’intérieur et Yvain semble presque m’attendre dehors.
Ce type me colle toujours des frissons avec son regard froid et ses manières de personnages de comics qu’affectionne Simone. J’éteins le moteur et me dirige tranquillement vers le perron en rallumant une cigarette. J’adresse un signe de la tête en guise de salut à Yvain mais ne lâche pas un mot. Aucune envie de discuter avec ce type qui me regarde d’une façon qui me déplait foncièrement.

La maison en bois et en pierre tient mieux la route que ce qu’elle ne laisse présager de l’extérieur. Colgan m’attend avec une dizaine de Hurlants qui semblent exciter comme des puces. Sa silhouette massive et patibulaire donne pas tellement envie de l’approcher. Ce qui l’arrange souvent, il m’a même avoué cultiver cet air perpétuellement de mauvais poil.

- Il se passe quoi ? je demande en guise d’introduction.
Le loup me fait signe du menton le couloir.
- Viens, je vais te montrer.
Je le suis vers des escaliers qui descendent dans une cave éclairée à la lampe à pétrole.
- On était en mission « passeur » ce soir. Les gars de Malsheem nous sont tombés dessus mais on les a pris à contrepied. Tu devineras jamais qui on a chopé … !
- Le suspense me tue Sac à puce.

Malgré mon ton neutre, voir ennuyé, j’ai une vilaine angoisse qui grimpe, renforcée par mon instinct qui me dicte que quelque chose ne colle pas. Colgan étire un sourire féroce qu’il ne sort que pour les grandes occasions et ouvre une vieille porte vermoulue qui ne serait sans doute pas capable de résister à la force d’une môme. La vieille lampe jette sa lumière crue sur une silhouette assise les pieds attachés, les mains nouées dans le dos et par trop familière.

Simone.
Mère-Nuit ils ont eu Simone ces enfants de salaud.

Débraillée, décoiffée, elle semble un peu groggy.
Le choc est si violent que j’ai la nette impression qu’on vient de me mettre un coup violent au plexus mais j’essaie de ne rien laisser paraitre, de garder un visage résolument indifférent alors que j’ai qu’une envie, réduire cette maison en cendres et la sortir de là.

- Tu sais qui c’est au moins ?
Je dois faire un effort monumental pour hausser les épaules.
- Je devrais ?
- Je te présente Simone Montespan, dit « Madame ».

J’essaie d’agir avec indifférence à tout ça alors que mon âme et mon cœur hurle, que même la Bête en moi rue. Je m’accroche et lève son menton pour la dévisager. Je sens bien que Colgan épie mes moindres faits et gestes et j’aime pas ça. J’arrive toutefois à glisser une légère caresse du pouce sur sa joue.

Je suis là, dragostea mea. Je vais te sortir de là.

J’esquisse un sourire froid et lui envoie ma fumée au visage avec un dédain que je suis très loin de ressentir.
- Enchanté, Madame. Bertus Taur, j’crois que vous travaillez avec mon connard de petit frère.
- On t’attendait pour la « questionner ».
Je lâche brusquement son visage et force mon regard à se détacher d’elle.
- Quoi ? Tu sais plus poser des questions ? Pourquoi moi ?
- Sais pas… c’est Yvain qui m’a demandé de t’appeler.

Rahat…cette fois tous les signaux sont au rouge. Réfléchis…putain réfléchis Bertus ! Mais là j’arrive à rien, ma raison semble être obscurcie par la peur et une rage terrible. J’ai qu’une idée : la sortir de là. Rapidement.

Son propre sang inonde sa bouche. Même lui a gout de cendre. Le front collé dans la paille poussiéreuse, elle sent l'aubépine cesser de progressivement de polluer ses veines. Elle lutte désespérément pour ne pas se rendormir en se mordant l'intérieur de sa joue.

***

Avec l'équipe de Nettoyeurs, ils attendaient patiemment derrière la colline que les combattants de terrain maitrisent la zone. Leur mission était simple : réceptionner les victimes des passeurs Hurlants et les prendre en charge avec autant de douceur et d'efficacité que possible. Une opération d'envergure que Madame présidait de sa personne.
Un leurre.
Leur propre embuscade s'était retournée contre eux. Les Hurlants leur étaient tombés dessus à la vitesse de l'éclair. Ils avaient visiblement étudié leur équipe car ils immobilisèrent Eustache le premier, l'empêchant de déchainer son feu sur les assaillants. Il s'était vu réduit à néant par un sceau d'une puissance redoutable et asservi dans une bouteille de Chardonnay. Madame s'était débattue avec hargne mais avait été ciblée dès le début des hostilités avec des fléchettes enduites d'essence d'aubépine et de verveine. Tombant à genoux dans l'herbe gelée, elle assista impuissante au massacre des nettoyeurs de Malsheem. Keshav contempla, hébété, son propre coeur tenu par une main griffue et arraché à sa poitrine. Ardghal se défendit comme un ours furieux avant de se faire dévorer la jugulaire par deux loups-garoux en même temps. Key, leur plus jeune recrue, humain de surcroit, se jeta, comme hypnotisé, dans les bras de plusieurs vampires qui déchirèrent son corps en lambeaux. La tête de Deborah roula jusqu'à elle, et Simone ne pu que mirer son propre reflet dans ses rétines sans vie.
Par chance, Hyppolite était parvenu à s'échapper, emportant avec lui, Ygerne leur thaumaturge illusionniste,  sérieusement blessée. Une voix calme à l'accent distinctement français, avait ordonné alors qu'on les pourchasse. La dernière chose qu'avait vu Simone, c'était cette phalène noire et duveteuse, venu butiner le globe oculaire de Deborah.

***

Elle a reprit conscience en entendant les rumeurs d'une conversation entre deux voix d'hommes dont l'une lui rappellent les inflexions séduisantes de Bertus. Elle se  fustige mentalement. Il ne peut pas être là. Elle cherche juste du réconfort dans l'adversité. Une main calleuse et familière lui attrape le menton. Elle dodeline la tête vers celui qui ose se comporter avec cette répugnante familiarité. Ses yeux font le point et l'image de Bertus emplit toute sa vision.

Bertus...

Un instant, un très bref instant, son visage a exprimé un soulagement radieux.

- Enchanté, Madame. Un tressaillement de panique fugace et presque imperceptible alerte la vampire qu'elle n'est pas dans un fantasme éveillé. Elle est dans le pire des scénarios qu'elle pouvait anticiper. Bertus Taur, j’crois que vous travaillez avec mon connard de petit frère.

Simone tente de se dégager avec brusquerie des doigts de l'homme qu'elle aime, le regard résolu à être dur et hautain.

- L'ainé prodigue, lâche et envieux de son cadet. Oui, je sais qui vous êtes : un larbin. Ni plus, ni moins, fait-elle avec un froid mépris.
- On t’attendait pour la « questionner ».
- Quoi ? Tu sais plus poser des questions ? Pourquoi moi ?
- Sais pas…  c’est Yvain qui m’a demandé de t’appeler.

Madame a un ricanement sec et aussi coupant que la lame effilée d'un rasoir. Son sourire, même délavé de son rouge, n'a rien perdu de sa superbe.

- Allons-bon !Vous fais-je si peur que cela, que vous ayez besoin d'être trois pour m'interroger ?
- Pas du tout, ma chère, pas du tout !

Yvain, royal dans un costume trois pièces en soie prune et or s'avance alors hors des ombres, jouant négligemment avec le goulot bouchonné de cire de la bouteille où Eustache est retenu asservi.

- Je voulais simplement faire profiter à mes comparses de votre grâce exquise ! Et puis Vicham a tant insisté pour que Bertus soit votre tortionnaire... Que voulez-vous, je suis un homme qui ne résiste pas au charme de l'ironie dramatique. ... Mais quel goujat je fais ! Je ne me suis point présenté : Yvain de Landuc ! Pardonnez-moi si je ne me fend pas du baise-main que vous méritez : vos liens m'en empêchent, déclare le dandy avec une courbette ridicule.

Le dénommé Vicham entre à la suite du thaumaturge iconoclaste et lorgne Bertus d'une oeillade venimeuse.

- Madame, il me semble que vous avez capturé et tué son frère ainé, Saram.
- Oh... C'était votre frère ? Ravie d'avoir permis votre émancipation familiale, Vicham. Savourez ce nouveau pas dans l'âge adulte. rétorque Simone, avec une aura aussi impériale que si elle conversait du haut de son trône.
- Espèce de salope ! éructe le concerné en giflant Madame qui continue de sourire en coin, les prunelles polaires.
- Je préfère le terme de catin, je le trouve plus sophistiqué.
- Je ne peux vous donner tord sur ce point, Madame. Bertus ? Je serais curieux de connaitre vos méthodes en matière de torture vampirique : éblouissez-moi de votre savoir-faire roumain ! ordonne Yvain avec emphase.

- Pas du tout, ma chère, pas du tout !

Comme je le craignais Yvain entre en scène, les choses ne vont faire qu’empirer c’est une certitude.
Je n’écoute même pas son blabla mielleux, trop concentré sur le maintien de ma facade et la recherche intensive d’une solution pour la sortir de ce traquenard. Vicham entre à la suite de mage et me fusille du regard. Cette fois j’ai du mal à camoufler ma surprise. Comment ce fils de Dacul a pu en réchapper ? Je l’avais laissé dépieuté et plein de verveine dans un champs. Le soleil aurait dû lui régler son compte une bonne fois pour toute…
Rahat c’est encore pire que prévu.

- Pas trop surpris de me voir Taur ? susurre Vicham sans me lâcher de son regard meurtrier.
Je prends le temps d’une longue bouffée de tabac avant de lui répondre avec nonchalance.
- Nope, pas tellement. La vermine ça s’accroche. Mais crois-moi, c’est que partie remise.

Je me paie même le luxe de lui faire un clin d’oeil. Tout ça pour grapiller quelques minutes de plus pour détourner l’attention sur moi plutôt que sur la femme que j’aime qui est ligotée et prisonnière de l’ennemi.

- Putain Yvain qu’est-ce que ce type fait encore dans nos rangs ? C’est pas un des nôtres, c’est un putain de Taur et un chasseur.  
J’éclate d’un rire sec.
- C’est ça, appelle ton papa pour résoudre tes problèmes. J’ai rien à cacher Vicham, toi et ton frère vous êtes juste des connards qui pouviez pas me piffer. Ouais je suis un chasseur et c’est toi et feu ton trou duc de frère que j’avais en ligne de mire. Vous m'avez largement cherché et j'ai fini par te trouver...

Vicham fait un geste dans ma direction mais Colgan s’interpose alors que je souris tranquillement au vampire.
- Lâche lui la couenne morte Vicham ! Il est réglo, ok ? Tu te calmes et t'oublies ! Notre cible c’est eux, qu’il fait en désignant Simone du menton.
- Madame, il me semble que vous avez capturé et tué son frère ainé, Saram.
- Oh... C'était votre frère ? Ravie d'avoir permis votre émancipation familiale, Vicham. Savourez ce nouveau pas dans l'âge adulte.
Pour un peu je l’embrasserai ma Dame mais je me contente d’observer les échanges comme si tout ça m’ennuyait profondément.
- Espèce de salope !

Je tressaille à peine alors qu’intérieurement j’ai envie de lui arracher la main.

Du calme Bertus...du calme. C’est pas en pétant un plomb que je vais arriver à nous sortir tous les deux de là en un seul morceau.
Mon cerveau tourne à plein régime et je me force à ne même pas regarder Simone. C’est trop dur de la voir dans cet état sans pouvoir rien faire.

- Je préfère le terme de catin, je le trouve plus sophistiqué.
- Je ne peux vous donner tort sur ce point, Madame. Bertus ? Je serais curieux de connaitre vos méthodes en matière de torture vampirique : éblouissez-moi de votre savoir-faire roumain !

Je le fixe sans ciller alors qu’une tempête de rage brûlante m’incendie les tripes.
Ne rien laisser paraitre, ne rien montrer de la panique qui me submerge.

Non ! Impossible. Je pourrais jamais lever la main sur elle ! Je pourrais pas lui faire du mal !
On est foutu !

Yvain me dévisage avec une attention qui me fait froid dans le dos et j’écrase lentement mon mégot de cigarette sur le sol en terre.

- Ok, je lâche finalement en mourant déjà de l’intérieur.

Pour elle, pour moi, pour nous.

Il faut que je le fasse. Même si elle me déteste après ça. Si elle me hait, c’est qu’elle existe encore. Ça me suffit. Faut que je m’accroche. Putain c’est moi que je hais !

- Mais je refuse que ce sac à merde reste là, j’impose en désignant Vicham du doigts.
Celui-ci essaie à nouveau de me sauter dessus rapidement maîtrisé par Colgan qui le prend par le col sans ménagement et le bouscule hors de la pièce.
Je profite de la légère agitation pour glisser nonchalamment ma main dans la poche. Mes doigts trouvent mon portable et j’exécute discrètement les manipulations pour appeler le deuxième numéro sur ma liste. Kaelig. J’ai répété l’exercice plusieurs fois, j’espère que ça fonctionnera. En attendant faut que je gagne du temps.
Lentement je dégaine l’une de mes lames et teste son tranchant sur mon pouce. Evidemment qu’elle est affutée. Comme si je ne m’en assurais pas tous les jours.

- Donc vous m’avez fait crapahuter dans les bois dans cette charmante ferme qui tient sans doute debout par magie pour me laisser un tête à tête avec Madame de Malsheem ? C’est trop d’honneur, je déclare en essayant de donner des info sur notre localisation, sans que ça paraisse trop louche.

Je récupère une autre chaise et la poste devant Simone. Une fois assis en face d’elle je repique une cigarette entre mes lèvres, l’allume et la lui présente avec une galanterie appuyée. Notre rituel à nous.

Je suis là, Simone.

- Vous fumez ? Profitez, ça sera sans doute la dernière fois.
Je replace la clope dans mon bec.
- Vous m’excuserez Votre Altesse,  je déclare avec l’ironie mordante qui me caractérise.

D’un mouvement vif, j'agrippe l’arrière de sa tête et la bascule légèrement vers l’arrière. Vu de l’extérieur, le geste est brutal, alors que mes doigts se sont noués à ses cheveux épais pour lui faire le moins mal possible. Ma lame chante et une longue estafilade ouvre sa joue.

Pardon...pardonne-moi mon amour…

Je regarde ma montre puis sa joue, attendant de voir le temps que cela mettra pour guérir. Le coeur en vrac, l’envie terrible de vomir me prend mais je profite de ces quelques instants pour échanger de discrets regards avec elle.
- On fait ça pour la plaisir ou vous avez des infos précises à lui soutirer ? Histoire de savoir si elle doit rester consciente et capable de parler...

Je te laisserai pas crever là… pas seule.
Putain Kaelig je t’en prie déboule avec une armée pour la sauver…

La plaie met à peine deux minutes à se refermer pleinement et je relâche ma prise.  
- Une torture réussie ça demande un bon équilibre de verveine, je déclare pour Yvain, tentant de me remettre dans mon rôle. Là il m’en faut clairement plus et de la fleur d’ail.  J’en ai dans mes affaires. J’vais chercher mon matos.

Je me relève et va pour sortir, sans jeter un regard vers l’arrière. Vers son visage.
Me hais pas...j’t’en prie ! Je vous te sortir de là, même si c'est le dernier truc que je fais...

Madame observe ses bourreaux avec une acuité de faucon. Que cette capture ne soit pas inutile (Car ils s'en sortiront, elle ignore encore comment, voilà tout.). Vicham, a donc échappé à la mort et s'est dissimulé jusque là. Un stratagème trop élaboré pour le sanguin qu'il semble être. Le loup a l'air silencieux et posé. Si elle en croit les échanges entre Bertus et lui et la manière dont il a obéit directement à sa demande, il doit estimer son camarade, bien davantage qu'Yvain ou Vicham. Cela pourrait s'avérer un atout plus tard.
Reste Yvain.
Une énigme.
Un des rares humains chez les Hurlants.

Simone n'aime pas sa façon qu'il a de scruter Bertus. Elle comme lui sont protégé par Odin des attaques mentales, en vertu d'un rituel chamanique ancien. Elle est incapable de discerner les manifestions du pouvoir d'Yvain lors de sa conversation avec Bertus. Si jamais il a fait usage de manipulation psychique, il a du se heurter à la puissante barrière magique qu'elle a elle même érigée.

Se contraignant à conserver une impassibilité de reine, elle espère que son amant saura jouer sa partition sans accroc. Elle étouffe les élans de son cœur inerte qui s'enhardi de fierté de le voir ainsi maitriser ses nerfs. Yvain en sera-t-il convaincu ?
Simone s'efforce de l'observer avec une absolue froideur quand il s'approche d'elle, le menton haut et fier.

- Vous fumez ?

Notre rituel...
Je t'aime aussi, Bertus.

Avec une expression de défi affiché, elle tend le cou vers la cigarette et la happe entre ses lèvres. Elle tire une bouffée de nicotine qu'elle lui recrache à la figure. Elle recule, lentement, comme une vipère prête à mordre.

Fais ce que tu as à faire.
Tout ira bien.
Tout ira bien.

- Profitez, ça sera sans doute la dernière fois...Vous m’excuserez Votre Altesse.

Il empoigne son chignon à moitié défait et lui bascule la tête en arrière. Elle perçoit nettement es efforts pour ne pas l'abimer tout en paraissant brusque et compense en faisant mine de crisper la mâchoire d'inconfort.

- Ai-je le choix ? claque-t-elle alors que la lame découpe la chair de sa joue blanche, que le sang vermeil coule et que ses tissus se recomposent sans grand effort. Son regard accroche intensément les prunelles de Bertus.

Ne me ménage pas.
Je sais pourquoi tu le fais.
Je t'aime.
Tout ira bien.

Yvain les scrute avec un plissement de paupières ponctuel. Il se tient, silencieux, tripotant toujours le verre de la bouteille qui retient Eustache. Simone remarque alors que quelques phalènes aux ailes noires irisée de violine volètent paresseusement autour de l'ampoule électrique.

- On fait ça pour la plaisir ou vous avez des infos précises à lui soutirer ? Histoire de savoir si elle doit rester consciente et capable de parler...
- Très cher, pour qui donc me prenez-vous ? La gratuité est d'une telle vulgarité ! Que cette séance de torture soit décemment productive. J'aime le jeu, voyez-vous ? J'apprécie de voir mes adversaires se débattre et se résigner lentement à leur défaite. Il n'y a rien de plus grisant que de voir l'espoir s'éteindre dans leurs yeux après avoir résister de toute leur force.
-Je tâcherais d'être un spectacle à la mesure de vos attentes, réplique Madame avec une morgue tranquille.
- Une torture réussie ça demande un bon équilibre de verveine, Là il m’en faut clairement plus et de la fleur d’ail. J’en ai dans mes affaires. J’vais chercher mon matos.
- Faites-donc mon ami ! Un artisan doit toujours avoir de bons outils.
- Ne lésinez pas sur la verveine, jeune homme. J'ai pour réputation d'être une femme aussi récalcitrante qu'horripilante. Elle lui adresse un rictus amusé comme si il échangez là de simples mondanités.

Une fois seule avec son compatriote, un silence inquiétant s'installe. Les papillons de nuit se sont accumulés dans la pièce, nichant sur les murs ou s'ébattant sur l'épaule d'Yvain. Ce dernier ne semble pas gêné par leur présence. Mieux, il semble les apprécier, comme ce sourire affectueux destiné à celui qui semble lui chatouiller le lobe de l'oreille. Il le cueille sur son index et le laisse ensuite reprendre son envol.

- Comme c'est amusant, gazouille-t-il.
- Quoi donc, mon cher ?
- Hé bien, voyez-vous, je me targue d'être un excellent manipulateur d'esprit. J'ai su faire plier bon nombre d'humains et de créatures à la moindre de mes volontés mais.... je ne parviens pas à entrer dans votre tête.
- Auriez-vous trouver une femme qui résiste à vos charmes, Yvain... ? déclare Madame, piquante, sourire de Joconde à l'appui.
- Pas qu'une femme, et c'est là que cela devient amusant... Bertus semble aussi hermétique que vous à ma "séduction." Curieux, non ? Fait-il avec un air matois, juste avant que son amant ne revienne dans la pièce.

Passé par la porte, je m’autorise un instant de relâchement quand je remarque que personne ne se trouve à proximité. Mes mains tremblent et j’essuie frénétiquement ma lame rougie du sang de Simone contre un vieux chiffon qui tombe à moitié en poussière.
Jusque là j’ai tenu…pour combien de temps encore ? J’arriverai pas à plus…je le sais…je le sens. Pourtant il va falloir. Je vérifie machinalement mon portable qui est toujours en communication avec Kaelig. Je manque donner un violent coup de poing dans le mur quand je constate que cet abruti est sur messagerie.
Bordel de putain de merde !

La cavalerie est loin d’être en route !
Calme toi, Bertus…
Faut que je réfléchisse mieux que ça… que je trouve un mieux de nous sortir de là, quitte à briser ma couverture. J’emmerde Malsheem ! Où est-ce qu’ils sont tous ces prétendus agents à la con ?
Je remonte les marches vers le rez-de chaussé pour trouver Colgan en pleine discussion avec Vicham. Visiblement celui-ci passe ses nerfs sur le Loup qui reste aussi tranquille et impassible qu’un mur. Il croise mon regard un instant et fronce les sourcils. J’hausse nonchalamment les épaules en guise de réponse et reprend le chemin de ma bécane. Je prends ma sacoche avec des gestes lents et en profite pour envoyer mes coordonnées GPS au seul autre numéro que je connaisse.
Ciulin.

Pour faire bonne mesure je l’envoie aussi à Kaelig. J’espère que le message passera. Je retourne vers les sous-sols comme un condamné à mort mais je sens déjà qu’Yvain me regarde bizarrement. Je peux pas éveiller plus ses soupçons en trainant.
Je réouvre la porte et fait mine de ne pas avoir entendu les derniers mots d’Yvain. Merde ! Ce type est donc capable de « séduction » ? Magie mentale. Puissante. Rahat c’est bien ma veine !

Je pose négligemment ma sacoche sur une sorte de planche en bois posée sur des tréteaux et sort ce dont je vais avoir besoin en essayant de penser que je n’utiliserai rien de tout ceci sur Simone.
Je prépare une dose de verveine adéquate, tout en essayant de conserver mon calme et mon détachement, ce qui s’avère bien plus dur que prévu.

La seringue prête, je m’approche de Simone en tournant résolument le dos à Yvain pour qu’il ne puisse pas voir mes yeux désespérés, suppliant. J’attrape son menton que je gratifie d’une légère et rapide caresse du pouce avant de le déporté violemment sur le côté pour me libérer l’accès à son cou.

Je trouve rapidement une veine, je connais cette partie de son anatomie par cœur…et y déverse le poison pour vampire.
- Voilà, on va pouvoir s’amuser dans quelques minutes, j’annonce comme si je déclarais qu’il allait pleuvoir. Je ne sais même pas où je trouve la ressource de me comporter de cette façon aussi froide et peu impliquée.
- Pourquoi vous tripotez votre bouteille depuis tout à l’heure ? Je suis plus bière que Chardonnay si c’était prévu pour me rafraichir le gossier…  

La microcaresse de la pulpe de son pouce imprègne Simone jusqu'à l'âme. Elle s'y accroche férocement comme au maigre espoir qu'ils en réchappent vivant. La seringue se plante dans sa gorge d'albâtre. L'huile essentiel de fleur d'ail agresse ses veines. Elles gonflent et se nécrosent, diffusant une douleur abrasive qui fait serrer les dents de Simone. Elle ne pousse pas une plainte, conserve au mieux un visage composé malgré le sévice.

- Voilà, on va pouvoir s’amuser dans quelques minutes...
- Prenez votre mal en patience, je crains qu'il faudra attendre un peu plus, articule-t-elle en dépit des effets du venin qui grise déjà son teint.
- Pourquoi vous tripotez votre bouteille depuis tout à l’heure ? Je suis plus bière que Chardonnay si c’était prévu pour me rafraichir le gossier…  
- Cela ?  Yvain a un petit gloussement de godelureau. C'est le fidèle serviteur de Madame : un djinn efrit que j'ai asservi. J'attends de voir comment vous vous en sortez et si je tarde à être diverti, je demanderais à ce brave petit feu-follet de la mettre sur des "charbons ardents" comme on dit ! Il a l'air très content de son trait d'humour. Comme s'appelle-t-il déjà ? Aristide ? Emile ? Eude ?
- Eustache, siffle Simone avec une haine palpable.
- Euuuustache ! Mais c'est un petit morceau de France qui se réunit ce soir.
- Il est belge, corrige Simone avec une dignité qui confine à l'exploit vu la situation.
- Oh. C'est une véritable déception. Bertus, cela mérite une petite correction, vous ne croyez pas ? Torturez Madame, je m'ennuie ferme... Soyez créatif, j'aime la créativité.

Une nouvelle fois, son pouvoir vient chatouiller la cervelle du vampire et se heurte à un mur dont il ne comprend pas encore tout à fait la structure. Néanmoins, il ne s'en agace pas. Yvain est un joueur invétéré : rien ne l'excite plus qu'une énigme à déchiffrer. Il finira par trouver une brèche.

***

Loin de là, un portable laissé sur une table de chevet vibre, laissant des coordonnées GoogleMap sur l'écran luminescent. Une main tâtonne laborieusement avant de trouver l'appareil. La tête en pétard et ensuquée de sommeil de Ciulin franchit la ligne de flottaison du meuble.

- Gné ? grogne lea roumain-e tout en se grattant le crâne.

Je tente par tous les moyens de ranger mes sentiments dans un coin sombre et inaccessible de mon esprit, de ne pas noter la grimace de souffrance de Simone. Mais c’est quasi-mission impossible. Alors je serre les dents avec elle et je continue cette comédie ridicule qui me donne envie de tout péter autour de moi. En commençant par la sale trogne de De Landuc.
- Pourquoi vous tripotez votre bouteille depuis tout à l’heure ? Je suis plus bière que Chardonnay si c’était prévu pour me rafraichir le gossier…  
- Cela ? Son gloussement me hérisse le poil. C'est le fidèle serviteur de Madame : un djinn efrit que j'ai asservi. J'attends de voir comment vous vous en sortez et si je tarde à être diverti, je demanderais à ce brave petit feu-follet de la mettre sur des "charbons ardents" comme on dit !
Bordel de merde ! Ils ont eu Eustache ! Plus les minutes passent et plus j’ai l’impression que la situation empire.
- Comme s'appelle-t-il déjà ? Aristide ? Emile ? Eude ?
- Eustache.
- Euuuustache ! Mais c'est un petit morceau de France qui se réunit ce soir.
- Il est belge.
- Oh. C'est une véritable déception.
- Dites, je peux vous laissez papoter si vous préférez, je déclare avec un détachement feint qui colle parfaitement avec le personnage que je me suis construit pour l’occasion.
- Bertus, cela mérite une petite correction, vous ne croyez pas ? Torturez Madame, je m'ennuie ferme... Soyez créatif, j'aime la créativité.

On y est.
La frontière à franchir.

L’ultime choix que je dois faire en moins de quelques secondes pour ne pas éveiller les soupçons de ce mage aussi dangereux que terrifiant. Rahat qu’est-ce qu’il glande les renforts. J’essaie de lire dans les yeux de Simone, savoir si elle me détestera après ça…si elle a la force de subir ce que je dois faire pour plaire à Yvain…si elle m’en voudra dans le cas où moi je ne l’aurais pas cette force…

Le faire.
Ou tout arrêter.

Lentement je m’approche, la domine de toute ma taille. Je retire ma veste, remonte mes manches, autant de signes qui devraient lui mettre la puce à l’oreille. Je vais essayer… parce que je ne sais toujours pas ce que mijote les Hurlants…et que je suis pas certain qu’en mettant ma couverture en péril on arrive à quoi que ce soit… peut-être que si j’arrivai à mettre la main sur Eustache…Non il me faut des renforts, j’ai pas le choix.

Alors je m’attèle à la tâche. J’arrive même pas à savoir ce que je lui fais exactement. Je suis plus vraiment là de toute façon. Mais si j’ai appris une chose pendant toute ses années, c’est que les blessures les plus douloureuses sont pas forcément les plus impressionnantes. J’offre un spectacle sans doute pas très impressionnant pour Yvain mais je m’en balance. Je l’entends…j’ai beau me fermer à tout j’entends qu’elle souffre, qu’elle a mal…à cause de moi et j’en meurs à petit feu.  
Mon cœur saigne, mon âme hurle et j’ai sans doute l’air aussi froid et insensible que la mort.
Sans doute parce qu’à cet instant, je le suis.

Mort de corps et d’esprit.

Alors pour la première fois depuis longtemps, je prie Mère-Nuit.

Je lui demande de m’envoyer quelqu’un, n’importe qui, avant que je ne disparaisse complètement derrière le masque que je porte depuis que j’ai commencé cette mission. Avant de dépasser les limites qui définissent encore mon humanité.

Simone et Bertus se trouve à la lisière de leurs rôles respectifs. Madame ferme les yeux une poignée de secondes, elle puise la force de faire face au masque déplaisant du Hurlant.
A l'homme qu'elle aime.
A son bourreau.

Fière, elle se redresse bien droite, le menton haut et regarde devant elle. Rien ne l'atteindra. Rien. Bertus prend soin de la torturer avec une précisions singulière. Elle sert la mâchoire, encaissant la douleur allant crescendo. Elle cherche Bertus derrière ses prunelles noisettes mais il s'est déjà barricadé au plus profond de sa conscience. C'est sans doute cela qui lui fait pousser un premier cri. Ténu. Etranglé.

Ne part pas.
Ne me laisse pas !

S'en suivent de nombreux autres.
Le sang coule, odorant et parfumé. Ses plaies sont si nombreuses que son chemisier en est souillé de rouge, poisseux, révélateur des formes que Bertus embrassait il n'y a pas si longtemps. Simone déglutit, regarde le plafond, endure. Elle n'a que faire de sa propre souffrance, elle crève de voir Bertus s'infliger une telle épreuve pour le bien commun. Elle est terrorisée à l'idée qu'il se perde à tout jamais.

Reste....
Reste avec moi....

Soudain des éclats de voix au dehors se font entendre puis des pas qui caracolent sur les lattes du plancher. La porte s'ouvre à la volée, sous le coup de talon furieux d'une femme brune au teint halé. Elle rue sur Bertus et lui assène un coup de genoux en pleine poire qui l'envoie voler sur la paille.

- BERTUS ! S'insurge l'inconnue. ESPECE D'ENFANT D'SALAUD ! T'AS DIT QUE TU FRAPPAIS PAS LES FEMMES ! QU'EST-CE QUE TU FOUS !?

Elle pivote alors vers une Simone éberluée et ses rétines s'illuminent d'une lueur iridescente et froide. Ses paumes brillent de la même façon et d'une poigne sèche elle arrache les cordes qui se réduisent en cendres dans sa main fermée.

- COLGAN MURTAGH ! S'agace Yvain. Veillez à tenir votre femelle.
- La femelle t'emmerde, tas de viande périmée ! Elle pointe sur lui un doigt accusateur.
- Vous n'avez rien à faire ici, Mademoiselle Laciudad. Vous n'êtes que tolérée...

Elle l'attrape rageusement par le col et le plaque contre le mur. La bouteille lui glisse des mains et roule au sol.

- C'est toi le sale humain qu'on tolère ici ! Inverse pas les rôles !

L’odeur du sang capiteux de Simone me monte à la tête, fait remonter des souvenirs qui n’ont pas sa place ici, dans cette cave sordide ou je taillade la femme que j’aime dans le but de lui prodiguer de la souffrance. Le coup ne me fait rien. Sans doute suis-je à cet instant incapable de ressentir une douleur plus profonde que celle que je me suis infligé moi-même. Je bénis intérieurement l’intervention de Marisol et son coup de genou qui atterrit dans ma mâchoire. J’en rajoute un peu en me laissant tomber au sol dans la paille rougie et crache une gerbe de sang.

- BERTUS ! ESPECE D'ENFANT D'SALAUD ! T'AS DIT QUE TU FRAPPAIS PAS LES FEMMES ! QU'EST-CE QUE TU FOUS !?

Je me suis recroquevillé si loin en moi-même que j’ai l’impression que mon corps ne m’appartient plus ou que j’observe la scène d’un point de vue extérieur.  
- Je fais mon job, Marisol.
Ma voix est tellement froide que pendant un instant je ne la reconnais même pas.
Colgan m’aide à me lever et me dévisage avec attention, cherchant sans doute à savoir pourquoi j’affiche une expression aussi…morte. Il fronce les sourcils, une lueur interrogative dans ses yeux bleus.
Marisol en profite pour briser les liens de Simone et je ferme un instant les yeux, remerciant Mère-Nuit de m’avoir envoyé l’une de ses étoiles.  

- COLGAN MURTAGH ! Veillez à tenir votre femelle.
- Je suis là, humain, pas la peine de hurler. Et Marisol fait ce qu’elle veut.
- La femelle t'emmerde, tas de viande périmée !
- Vous n'avez rien à faire ici, Mademoiselle Laciudad. Vous n'êtes que tolérée...
- C'est toi le sale humain qu'on tolère ici ! Inverse pas les rôles !

Colgan me jette un dernier regard avant de reporter tout son attention sur Yvain. Il s’avance lentement, sans se presser et pourtant chaque pas assoit une sorte d’autorité naturelle, de puissance tranquille. Avec une délicatesse qu’on ne soupçonnerait pas chez lui, il retire les doigts de Marisol refermés autour du col d’Yvain puis lui souffle quelques mots qui la font reculer. Il redresse le sorcier d’un mouvement brusque puis le toise, droit dans les yeux. Sans hausser le ton il met les points sur les i, ses yeux bleus luisant d’un éclat bien plus prononcé, presque luminescent.
 
- Elle fait partie de ma meute, sorcier. Et si vous voulez que les Abyssaux marchent avec vous, je vous conseille d’éviter ce genre de paroles. Si vous êtes pas content faites donc un mémo à la Bête.

J’ai les yeux baissés, incapable de regarder Simone, incapable de voir la souffrance dans son regard…ou pire encore…le dégoût, la haine. C’est là que je tombe sur la bouteille au sol. Le sorcier, accaparé par le Loup et sa compagne ne me jette pas un regard, je me décale légèrement, centimètres par centimètres, jusqu’à atteindre la bouteille du bout du pied. Alors je la fais rouler doucement vers Simone…

Simone n'est pas certaine de saisir la globalité des enjeux de cette brusque prise de bec, mais elle parvient, au travers son esprit brumeux, à enregistrer la moindre information dans sa bibliothèque mentale.

Colgan Murtagh,
loup-garou, alpha des Abyssaux,
semble préserver sa propre volonté face à Yvain de Landuc
Marisol Laciudad,
(avatar ?), compagne de Murtagh,
déteste Yvain de Landuc, imperméable à son pouvoir.
Yvain de Landuc,
sorcier, manipulateur psychique,
Pourquoi y'a-t-il autant de papillons dans la pièce ?

En effet, ils sont incroyablement nombreux, à mesure que le ton monte. Ils volètent en s'agitant furieusement autour des lampes, comme si ils n'appréciaient guère de voir Landuc malmené.

- Elle fait partie de ma meute, sorcier. Et si vous voulez que les Abyssaux marchent avec vous, je vous conseille d’éviter ce genre de paroles. Si vous êtes pas content faites donc un mémo à la Bête.
- Je n'y manquerais pas Murtagh. Elle sera sans doute ravie de constater que votre putain a tenté de libérer une prisonnière de la plus haute importance.
- La "putain" va te liquéfier les couilles, et on verra si t'es capable de revenir une deuxième fois d'entre les morts après ça.

Simone se raidit brusquement en sentant le contact d'un objet contre son pied. La bouteille de Chardonnay scellée. La prison d'Eustache ! Elle lève le nez pour croiser le regard de Bertus. Pendant un fugace instant, son visage a fendu le masque pour exprimer tout l'amour qu'elle a pour lui. Sans perdre une seconde, Madame empoigne le goulot de la bouteille et mobilise toute ses forces pour la briser. Le bruit brusque du verre qui explose en millier de tessons interrompt la dispute. Simone les toise avec un sourire triomphant. Un nuage de fumée pourpre se dégage des débris et tourne en spirale furieuse formant bientôt une tornade de flammes. Une forme humanoïde, torche-humaine couverte de tatouages incandescent pousse un hurlement de rage.
La déflagration cause une explosion qui  fait s'écrouler le pan de mur où se trouvaient les trois Hurlant en querelle. Marisol a juste eu le temps de projeter un dôme de lumière stellaire pour les protéger. Bertus, par un miracle inexplicable, a été épargné par les flammes. Sans  besoin de concertation, Eustache lance une nouvelle attaque incendiaire et Simone en profite pour décamper à toute allure loin de la ferme, vers les bois sombres.

- BERTUS ! Poursuivez-là ! s'égosille un Yvain courroucé coincé parmi les flammes avec Murtagh et sa compagne. Tout cela c'est de votre faute, petite trainée imbécile !
- La trainée est la seule qui peut sauver ton cul, alors me fais pas chier où je te laisse tester ta résistance au barbecue! rage Marisol.

S'engage alors un combat furieux entre l'efrit et la déesse étoilée.

J’entends la bouteille qui craque et je sais plus ou moins à quoi m’en tenir. Sauf que j’étais bien loin du compte.

L’enfer se déchaine dans la cave et la seconde d’après, je suis expulsé au sol, soufflé par une déflagration accompagnée d’un vent chaud. Je me relève avec difficulté pour constater qu’un pan de mur entier a disparu. Tout comme Simone. Je soupire de soulagement puis constate qu’Eustache a déferlé sa colère et semble inarrêtable. Que De Landuc y passe me laisse parfaitement froid, par contre ça me ferait chier que Colgan et Marisol finissent cramés. Heureusement, la jeune femme jugule pour l’instant les flammes grâce aux pouvoirs de sa déesse. Par miracle je m’en sors sans aucune égratignure.

- BERTUS ! Poursuivez-là ! Tout cela c'est de votre faute, petite trainée imbécile !
L’ordre déclenche quelque chose dans mon crâne, comme un picotement.
- La trainée est la seule qui peut sauver ton cul, alors me fais pas chier où je te laisse tester ta résistance au barbecue !
- La ferme le sorcier ! A part donner des ordres à tout bout de champ, vous nous servez pas à grand-chose. Marisol, si ça tourne mal tu te protèges et tu te barres, promet-le !

Pour la première fois depuis longtemps, je vois passer une émotion sur le visage de Colgan. Une inquiétude profonde marque ses traits tandis qu’il pose une main sur l’épaule de sa compagne. J’ai jamais su exactement ce qui avait entre ces deux-là. Mais le lien qui les unit est aussi étrange qu’incassable. J’ai à peine le temps de le voir se métamorphoser dans une grimace de douleur qu’à la place de l’homme taciturne ce tient un loup massif à la fourrure fauve qui rappelle fortement la couleur de ses cheveux. Il rejette la tête en arrière et pousse un hurlement bestial, qui s’entend certainement à des kilomètres à la ronde, en modulant son cri. Il appelle sa meute à la rescousse.  

J'aimerais pouvoir faire comprendre à Eustache de pas tuer ces deux-là mais ça me paraît mission impossible avec Yvain dans les parages. J'ai plus qu'à faire confiance à leur instinct de survie. Ne pouvant de toute façon rien faire de plus pour eux, j'attrape ma sacoche, survivante du massacre et me précipite à la suite de Simone. Ses traces sont clairement visibles et vu son état elle ne doit pas être loin. Je manque rentrer dans une membre de la meute de Colgan dans sa forme humaine. Elle semble aux abois, angoissée et je lui hurle que l'Ifrit a été libéré avant de poursuivre ma traque qui se finit assez vite. L'odeur de son sang m'appelle et j'ai aucun mal à la retrouver. Je sais qu'elle me sent aussi et je laisse filer son nom dans la nuit en me postant sur son chemin.

- Simone...

Appel étranglé, bourré de culpabilité et de mon amour pour elle. Finalement je lui fais face et elle s'arrête à quelques mètres de moi. Elle a l'air mal mais sauvage, déterminé, magnifique. Je m'approche et tombe à genoux devant elle comme un suppliant, la tête basse le front posé contre son ventre et cette chemise poisseuse du sang que j'ai fait couler. . Je n'ose même plus la toucher, me serrer contre elle...

- Pardonne-moi...J't'en prie pardonne-moi, dragostea mea.

Je sais même pas si j'ai encore le droit de l'appeler comme ça...J'ai la voix cassée, brisée mais déjà je me relève, je sais qu'on a peu de temps. Je sors une poche de sang de ma sacoche et une dague que je lui tends.

- Reprends des forces. La lame est enduite de verveine. Mon frère et Ciulin sont prévenus. Je lui donne également mon portable. Contacte les et mets-toi à l'abri, je vais couvrir ta fuite...File !

Je tourne la tête en percevant une odeur malheureusement trop familière.

- Fils de pute ! Je savais que t'étais une sale taupe de merde ! Je vais exterminer ta sale face et ramener ta putain aux Hurlants !

Vicham me crache sa rage au visage et j'empoigne ma deuxième dague sans réfléchir en me postant devant Simone.

- Essaie, je déclare tranquillement. Maintenant que tu es là je vais pouvoir rectifier mon erreur. Cette fois je te louperai pas.