- Marisol, si ça tourne mal tu te protèges et tu te barres, promet-le !
- Et te laisser derrière moi ?! Jamais de la vie !

La femme-étoile se lance alors dans un duel effréné et pyrotechnique avec Eustache dont Simone voit les éclats lumineux au travers des feuillages. Sa propre ombre s'allonge à intervalle régulière et crépitante, tandis qu'un hurlement de loup lui annonce que des renforts -sans doutes les Abyssaux de ce Colgan- arrivent. Madame tente de presser le pas, ses Louboutin pointus à la main. C'est sans compter ses pénibles blessures qui refusent de se refermer et sa conscience qui s'obscurcit par intermittence. Elle a perdu beaucoup plus de sang qu'elle ne le croyait.

- Merde...*

Elle ne se démobilise en rien, progressant un pas vacillant devant l'autre, la mâchoire serrée, sa volonté farouche en bandoulière. Elle s'appuie sur les tronc et les rochers pour avancer, vaille que vaille. Soudain, la brise lui apporte les effluves du fumet de Bertus. Elle pousse un gémissement plaintif imperceptible avant de se retourner.

- Simone...
- Bertus...

Elle s'arrête et se retourne, ses talons aiguisés aux poing, la chevelure en vrac. Elle s'octroie le droit de flancher, le dos contre un tronc, à bout de force. Bertus s'approche. Sa détresse est si palpable qu'elle lui brise le coeur. Il tombe à genoux et implore son pardon.

- Pardonne-moi...J't'en prie pardonne-moi, dragostea mea.
- Bertus... souffle-t-elle en caressant tendrement sa chevelure. Tu.. Tu as fait ce que tu devais faire. Lorsqu'il se redresse, elle attrape son visage et l'embrasse à pleine bouche avant de le serrer contre elle. C'est fini maintenant....

Comme elle aimerait que ce soit vrai.
Comme elle aimerait qu'ils soient tous deux sortis d'affaires.
L'ainé des Taur lui confie une poche de sang, une dague et son portable.

- Reprends des forces. La lame est enduite de verveine. Mon frère et Ciulin sont prévenus. Contacte les et mets-toi à l'abri, je vais couvrir ta fuite...File !
- D'accord... Elle n'a pas le temps ni le luxe de le contredire.

Front à front elle lui fait promettre de ne pas commettre d'imprudences et ponctue par un "Je t'aime" éperdu susurré à même ses lèvres.

- Fils de pute !

Les deux amants se retournent vivement vers la source de cette voix haineuse. Vicham se tient là, accusateur.

-Je savais que t'étais une sale taupe de merde ! Je vais exterminer ta sale face et ramener ta putain aux Hurlants !
- Essaie, répond Bertus en s'interposant. Maintenant que tu es là je vais pouvoir rectifier mon erreur. Cette fois je te louperai pas.

Vicham prend immédiatement sa forme monstrueuse pour foncer sur le couple à toute berzingue. Simone et Bertus on juste le temps de s'écarter de part et d'autre du tronc avant que les griffes acérées du vampire ne le réduise en charpie. Simone à terre, décapsule la poche en espérant que son corps ne rejettera pas cette nourriture nécessaire. Elle grimace en avalant le tout et refoule son envie de vomir pendant que Bertus et Vicham se livrent un combat sans merci.

HRP:

Dire que je suis sur les nerfs est au-delà de la réalité. Pourtant la férocité de la bête Vicham arrive à me surprendre. Ce mec est tellement plein de haine que ça booste son attaque avec une efficacité redoutable et si j'arrive à repousser Simone brutalement, je me prends le coup de plein fouet. Les griffes acérées de Vicham me lacère profondément le torse. De quoi me déstabiliser suffisamment pour que l'attaque suivante soit vicieusement mortel. Ses griffes visent cette fois mon cou et je suis incapable de les éviter. Heureusement j'ai un vieux réflexe de survie qui m'évite le coup à la carotide mais un flot de sang m'éclabousse tout de même le torse.

Je sais que je vais devoir faire en sorte que ce combat soit rapide au risque de voir mes forces diminuées rapidement et de lui donner un net avantage.

Je jette un bref coup d'œil à Simone et ça me donne la niaque de me battre comme le Chasseur que je suis toujours au fond de moi.
Hors de question qu'elle retombe entre les pattes des Hurlants. Ça n'arrive pas ! Ou je ne m'appelle plus Taur.

Je reste en forme humaine. Je refuse de m'abaisser à son pathétique niveau. Je vais l'avoir comme un homme. Ou presque.
Mes doigts se referment sur le manche de mon arme avec force et je profite de notre proximité pour lui donner une première estafilade dans le ventre. Vif je l'attrape ensuite par le col de sa veste en lambeaux et l'attire vers moi en même temps que je lui perfore le cœur. Ma lame pleine de verveine se fraye un chemin entre ses chairs jusqu'à l'organe mort. Je sais bien que que ça n'est pas létal...pas encore. Alors je ressors la lame et profite de ma vitesse de vampire pour lui trouer le torse à de nombreuses reprises à différents endroits et j'y prends un pied énorme. Cette fois c'est lui qui saigne abondamment mais j'en ai pas encore fini avec lui. Son visage bestial affiche une expression de surprise qui me ravit littéralement.

- Je te l'ai dit...je te louperai pas Vicham…

Je le propulse contre un arbre de toutes mes forces et l'écorce gémit tandis que le tronc pourtant séculaire penche sous le choc. Vicham pisse le sang et tente de se redresser mais je suis déjà sur lui et avec une bestialité que je ne me connaissais pas je me mets à le taillader et à le bourrer de coups de poings et de pieds de tous les côtés, assez rapide pour que mes mouvements en deviennent flous. J'y mets toute ma frustration, ma fureur et mon dégoût de moi-même.

Je vois littéralement rouge, le visage souillé du sang de mon ennemi et lâche des cris enragés pendant que je fais de Vicham de la charpie vampirique. La verveine faisant en plus son travail, il ne m'oppose plus aucune résistance. Il émet à peine un gargouilli, le corps affalé contre l'arbre. Ma colère n'était pas encore satisfaite je me mets ensuite à le découper. Je garde la tête pour la fin et je l'empale avec ma lame sur le même arbre. Ses yeux révulsés et sans plus aucune étincelle de vie fixe le ciel et je lui crache à la gueule.

Ma fièvre vengeresse et implacable terminée, je titube en arrière, couvert de mon sang et de celui de mon ennemi. Évidemment je ne suis même pas essoufflé et le spectacle de ce qu'il reste de Vicham me cloue un instant sur place. Ma propre violence me surprend et pour la première fois je fais face à ce dont je suis vraiment capable non pas quand je défends ma propre vie mais quand je veux protéger ceux que j'aime. Celle que j'aime en l'occurrence et qui n'est toujours pas sortie d'affaire. Je me tourne vers elle, et soudain conscient de la vision d'horreur que je dois renvoyer, j'essuie maladroitement mon visage d'un revers de manche. Ma blessure à la gorge est encore ouverte et dégueule toujours mon essence vitale. Je m'avance vers elle, le corps privé d'une certaine dose d'énergie après mes blessures et ma petite démonstration. Je tends une main vers elle mais constatant qu'elle est aussi rouge que le reste je la retire aussitôt.

- Tu vas bien ? Vas-t'en, Simone…cours. Je les laisserai pas te reprendre…

Pas très loin, des hurlements lupins résonnent dans la forêt.

La violence de Bertus est à la fois horrifiante et sublime. Simone, quia réussi à métaboliser le sang de la poche au mieux et sans le rendre, reste médusée et coite devant un tel déferlement de rage. Elle avait déjà pu observer cette folie guerrière dans le regard de Ciulin et de son père. Le constater chez un homme capable de caresses aussi douces et délicates la pétrifie. Les Sang-Coureur ont produit de terrifiant combattant, l'âme aussi cassée et meurtri que les détenus des Fosses.

Bertus, sanglant de la tête au pied lui tend une main et constatant sa propre souillure, tente de la soustraire aussitôt. Simone la rattrape, pourtant, s'y accroche pour se relever.

- Tu vas bien ?
- Bertus, tu es blessé !

Voilà tout ce qui l'inquiète en cet instant. Elle tente maladroitement d'endiguer le sang qui s'éparpille à sa gorge, relevant la chair découpée pour la maintenir en place.

- Vas-t'en, Simone…cours.
- Non ! Je....
- Je les laisserai pas te reprendre…

Il a raison.
Elle sait qu'il a raison.
Ses pieds refusent pourtant de bouger. Au loin les hurlements des Abyssaux se répondent en écho et les explosions pyrotechniques ont cessé.

- Comment vas-tu te justifier pour Vicham ? Bertus.... Viens avec moi ! supplie-t-elle soudain.

A cet instant, une moto MV Agusta F4 Claudio noire fait irruption dans la clairière avec deux personne à son bord. Le conducteur retire son casque, en laissant tourner le moteur.

- Putain d'merde ! J'ai eu du mal à vous retrouver ! Balance Ciulin en retirant son casque. Merci pour l'alerte Unchi.
- Vous êtes dans un état... ponctue Vesper en l'imitant et en jetant un regard rond sur le spectacle digne des meilleures séries Z.
- Draga, tu rapatries Simonette! Fait Ciulin  à sa compagne.
- Comme si c'était fait ! répond la brunette  en se glissant à la place du pilote.
- Ciulin, attends...
- Nope ! On attends qu'dalle ou mon mec va nous fumer. T'as d'la chance qu'il soit occupé avec ses graines, là sinon on aurait du temporiser une guerre nucléaire! T'as trois secondes pour bécoter ton Jules.

Madame jette un regard désolé à son amant et l'embrasse à pleine bouche avant que Ciulin lui mette d'autorité son casque et l'installe sur sa monture. Les deux femmes démarrent en trombe et disparaissent dans la Nuit. Lea chasseureuse se tourne vers son oncle avec un grand sourire.

- Faut qu'on maquille ton meurtre mieux que ça, Tonton ! Sinon personne croira qu'c'est moi qui vous ait fait ça à toi et ton p'tit pote.

- Comment vas-tu te justifier pour Vicham ? Bertus.... Viens avec moi !

Je lui souris et retire ses mains de ma blessure.

- Ça va aller...Le pion sauve la Reine c'est dans l'ordre des choses.

On est interrompu par une bécane sportive et élancée. Pas mon style mais j'apprécie le ronron de son moteur. Je sais déjà qui la conduit.

- T'en as mis du temps, Ciu...
- Putain d'merde ! J'ai eu du mal à vous retrouver ! Merci pour l'alerte Unchi.

Je ponctue par un petit mouvement du poignet avant de sortir mes clopes. Ça me semble être un bon moment pour tirer une taff là tout de suite.

- Vous êtes dans un état…
- C'est plutôt lui qu'il faut plaindre, je précise en désignant du pouce le tas de chair qu'était Vicham avant d'allumer ma cigarette.
- Draga, tu rapatries Simonette!
- Comme si c'était fait !
- Ciulin, attends...
- Nope ! On attends qu'dalle ou mon mec va nous fumer.
- Iel a raison Simone. Pars où on aura fait tout ça pour rien. J'te jure que ça va aller, je répète, presque confiant.
- T'as d'la chance qu'il soit occupé avec ses graines, là sinon on aurait du temporiser une guerre nucléaire! T'as trois secondes pour bécoter ton Jules.

On échange un long regard qui vaut mille mots et je lui caresse doucement la joue du dos de la main avant qu'elle m'embrasse sans s'embarrasser de la présence de ses deux sauveurs et m'accroche à son "Je t'aime" comme un désespéré. Elle m'en veut pas...elle m'aime encore...

- On se revoit plus tard…
J'ai l'air confiant mais je sais que Vicham m'a mis dans la merde...encore une fois.
Je la regarde partir en tirant bouffée sur bouffée jusqu'à ce que Ciulin se tourne vers moi.

- Faut qu'on maquille ton meurtre mieux que ça, Tonton !
- Une petite sortie en famille tranquille quoi...Merci d'être venu.e et fais gaffe à ce qu'elle récupère...j'ai été obligé de...bref.
- Sinon personne croira qu'c'est moi qui vous ait fait ça à toi et ton p'tit pote.

Je ricane, la cloppe au bec et va récupérer mon arme et la tête de mon ancien adversaire.  

- Il m'a un peu énervé. Il est plus décoratif qu'appréciable cet enfoiré. Tout le monde sait qu'entre lui et moi c'est pas le grand amour. Mais cette fois faut pas qu'il revienne d'entre les morts...encore une fois. Il nous à vu avec Simone. Faut faire vite Colgan va me flairer rapidement, c'est une machine, ce type. Heureusement il m'aime bien...Le charme Ta...

Pas le temps d'en dire plus je sens déjà qu'il approche, j'entends ces longues foulées sur le sol. Heureusement il semble pas accompagné mais je me tourne à peine vers Ciulin qu'il est déjà sur nous sous forme bipède, immanquable avec sa fourrure fauve. Je me poste instinctivement entre lea chasseureuse et lui. Le Loups-garou s'arrête prend la mesure de la situation et flaire l'air ambiant. Il tourne son regard terriblement bleu vers le mien et lâche d'une voix rocailleuse mais neutre.

- J'interromps une réunion de famille ? C'est toi qui a tué Vicham.
C'est une affirmation inutile de nier. J'hausse des épaules nonchalante.
- Il pouvait pas me blairer et c'était réciproque. Techniquement il est pas encore mort.
- Pas une grande perte, constate-t-il tranquillement. La vampire est partie je suppose ? Ça pue l'essence.

Il tourne son regard vers Ciulin.

- Tire-toi, ma meute arrive. Mais avant, abîme la tronche de Bertus. Faut que ça ait l'air un minimum vrai. Je dirais que vous étiez plusieurs.
- Colgan…
- Essaie même pas Sangsue. Je savais que quelque chose clochait avec toi ce soir. Je suis pas assez con pour gober tes salades. Je vais te couvrir pour cette fois mais tu m'en dois une...l'oublie pas. J'aime pas plus que toi ce qui se passe. Dépêche toi chasseur, le jour va se lever.

-Colgan? L'alpha des Abyssaux?

J'ai à peine le temps de poser ma question qu'un loup massif en forme bipède déboule, le pelage flamboyant sous la lune. Mes chardons fretillent sous ma peau, ma télékinésie prête à libérer ses décharges.

- J'interromps une réunion de famille ? C'est toi qui a tué Vicham.
- C'est Vicham le steak haché ? Vais l'retirer d'mon carnet d'bal alors.
- Il pouvait pas me blairer et c'était réciproque. Techniquement il est pas encore mort.
- Pas une grande perte. Tiens ? Du rififi chez les ruffians. On accorde pas ses violons aux mêmes diapasons chez les Hurlants. Je note pour plus tard. La vampire est partie je suppose ? Ça pue l'essence.
- Ouep. Si toi et tes potos vous pouviez lâcher l'affaire ça m'arrangerait.
- Tire-toi, ma meute arrive. Mais avant, abîme la tronche de Bertus. Faut que ça ait l'air un minimum vrai. Je dirais que vous étiez plusieurs.
- Plutôt coulant pour une machine... Que je ricane pépouse.
- Colgan…
- Essaie même pas Sangsue. Je savais que quelque chose clochait avec toi ce soir. Je suis pas assez con pour gober tes salades. Je vais te couvrir pour cette fois mais tu m'en dois une...l'oublie pas. J'aime pas plus que toi ce qui se passe. Dépêche toi chasseur, le jour va se lever.
- Surtout, le prends pas mal, Unchi, mais tu vas devoir un poil douiller pour donner le change après ce massacre. Tu m'aimes quand même, hein ?

Et brusquement, je balance une rafale puissante sur Bertus et les morceaux de Vicham. L'ensemble vole artistiquement dans les airs. J'empale Tonton sur une branche haute qui lui perce le bide et ressort en oblique vers les reins. Je disperse Vicham ça et là sur le même arbre. Mes chardons dansent comme des serpents autour de ma silhouette quand je me tourne vers le loup.

- Bonne cueillette Colgan et à la revoyure ! Clin d'œil avant de prononcer mon invocation à Frigg en vieux noroit et de soudain disparaître dans un tourbillon de plumes d'or.

Quelques secondes plus tard, les Abyssaux débarquent Marisol, du sang dégoulinant du front, dodelinant sur le dos de Shareen. Elle descend en titubant.

-L'efrit s'est créé un portail de feu pour foutre le camp, elle s'est assommée avec la defla.... Tente d'expliquer Malone.
-....  Et ce connard d'Yvain à mis les voiles pendant que je me grillais le cul. Coupe la déesse. Je hais ce sale type. Où est Tutus ?

Les loups levent la tête dans un bel ensemble. Marisol à un sifflement ébahi.

- Par la Nuit ....

J’ai beau me préparer à à peu près tout, la douleur quand la branche me transperce le ventre est assez forte pour que ma vision soit envahie de papillons blancs. Ca a sans doute traversé un organe important parce que je me mets à cracher un tousser un flot de sang.
Bordel Ciu…t’y es pas allé de main morte…

- Bonne cueillette Colgan et à la revoyure !

Colgan me regarde d’en bas, bras croisés sur son torse.
- T’es un emmerdeur, Bertus. L’aube sera là dans quelques minutes et tu me fais chier à aller te décrocher de là-haut…
- La vue est jolie, que je siffle entre mes dents. Tu regretteras pas le voyage…promis…
- Tu me fatigues sérieusement, Sangsue…

Une petite partie de la meute arrive et Colgan oublie un instant son ami perché pour venir réceptionner Marisol dans ses bras. D’autorité, il prend son visage entre ses mains et inspecte sa blessure.
- Superficiel, juge-t-il avec soulagement. Rapport.
- L'efrit s'est créé un portail de feu pour foutre le camp, elle s'est assommée avec la defla....
- ....  Et ce connard d'Yvain à mis les voiles pendant que je me grillais le cul. Je hais ce sale type. Où est Tutus ?

Colgan a un petit sourire avant de désigner les hauteurs.
Tout le monde lève immédiatement la tête.

- Par la Nuit ...
Je fais un petit signe de la main à mon amie, la gueule encore pleine d’hémoglobine.
- Coucou ma Marisoleil, tout va comme tu veux ma belle ?
- Mais je rêve…Malone, tu te prépares à réceptionner l’engin, je grimpe. Shareen tu ramène Marisol à l’abri. On a plus beaucoup de temps. Il se tourne vers la jeune femme et pose son front contre le sien, se foutant du sang partout. Pour une fois, obéis s’il te plait. Je veux pas que tu te retrouves au soleil. File.
Il dépose un baiser sur son front et se tourne vers l’arbre en l’analysant avec attention avant de commencer son ascension.
- Prends ton temps, hein…ça pique à peine.
- Encore un mot et je te laisse là…
- T’oserais pas…tu m’adores trop.
- Dans tes rêves.
Un sourire qui me dit rien qui vaille étire ses lèvres quand il se trouve enfin à ma portée.
- T’es prêt ? A trois je t’extirpe. Un…
Il m’agrippe par l’avant de mon manteau et me fait coulisser le long de la branche avant que je ne m’étale à moitié sur le pauvre Malone qui n’avait pas assez bien anticipé ma chute.
- Rahat ! Colgan t’es qu’un salopard.
- De rien.
Il est déjà au sol et regarde l’est avec inquiétude.
- Malone, mets-le sur mon dos. On a pas de temps à perdre.
- Alors là ! Même pas en…
- Ta gueule Tutus…y’a pas le choix. C’est ça ou cramer. Malone, assure-toi que les restes de Vicham parte en fumée.
- Pas de problème Col’.

J’en reviens pas que le Loup ne pose même pas une seule question à Colgan et le suive sans sourciller. Ce type a réussi à gagner une confiance et un respect chez ses hommes que j’admire franchement. En quelques secondes, Colgan est remplacé par un loup gigantesque à la fourrure aussi fauve que ses cheveux.
Il semblerait donc que cette soirée ne soit pas assez éprouvante et étrange…il va donc falloir que je chevauche ce qui se rapproche le plus d’un meilleur ami…
Foutue nuit…

**Quelques jours plus tard**

J’arpente à nouveau ma chambre comme un lion en cage. J’ai eu aucune nouvelle de Simone et les retombées de ce qui s’est passé il y a quelques nuits ne sont pas encore très claires.
Mes blessures ont guéri depuis longtemps mais j’ai sifflé mes dernières réserves de sang à cause d’elles.
Je fume clope sur clope en me faisant un sang d’encre…
Pourquoi elle ne répond pas à mes messages ? Pourquoi elle ne m’appelle pas ?
C’est une vraie torture en soi. Peut-être que finalement ce que je lui ai infligé n’est pas pardonnable ? Qu’elle me déteste ?
Je finis par m’asseoir au bord du lit, la tête entre les mains, une cigarette entre les doigts, désespéré d’avoir potentiellement perdu la femme que j’aime.
Le pire…c’est que je ne peux pas tellement lui en vouloir…

- Simone…t’es où putain ? que je souffle d’une voix brisée.

Les quelques jours qui suivirent furent mouvementés à bien des égards Madame. Il avait fallu faire un rapport à Asmodée, essuyer une brûlante justifiée à la hauteur de son inquiètude pour elle et accepter un bilan des opérations plutôt ingrat. La section des Nettoyeurs avait perdu plus de la moitié de ses effectifs. Il était nécessaire de panser les plaies, recruter de nouveaux éléments, apaiser les esprits. Monsieur n'était pas prêt à la renvoyer sur le terrain.
Par ailleurs le portable de Simone, avait été affecté lors de la bataille. L'un de leurs agresseur avait tenté de l'ouvrir pour en hacker le contenu et la puce s'était automatiquement autodetruite. Il avait fallu quelques jours pour récupérer ses données cryptées d'après sa dernière sauvegarde sur le cloud protégé de Malsheem pour les transférer sur son nouveau téléphone. Cristian Taur avait fait un travail formidable mais n'avait pas spécialement cru bon de la prévenir qu'elle recevait des messages intempestifs d'un certain "Délectable Séant".
Elle avait blêmit en l'apprenant.

Simone dépêche le pas. Une bruine légère, irlandaise au possible, mouille sa chevelure de jais. Elle ne porte aucun de ses atours habituels. Un legging noir enduit, une chemise simple d'un rouge vif et une veste blazer sombre destructurée. Un rien de bijoux sautillant alors qu'elle court. Du rouge sur sa bouche, un peu.
Elle s'engouffre dans l'hôtel en saluant à peine Miss O'Grady et se précipite dans l'escalier. Elle frappe à la porte, le cœur absent battant la chamade.

- Je suis là.... Murmure-t-elle contre le panneau de bois.

Plus le temps passe sans ses nouvelles, plus je me dis que quelque chose cloche…
Simone ne veut plus me parler…plus me voir…

C’est fini Bertus. T’as fait la connerie de trop, t’es allé trop loin…

Et en même temps…à quoi je m’attends ? Je l’ai torturé bordel de merde ! Comment je peux prétendre l’aimer comme un fou et me faire son bourreau ?
Mes mains, ma décision, mon erreur.
Je m’attends à tout instant à ce que Ciulin vienne m’annoncer que c’est fini, que mon rôle n’a plus lieu d’être. Retour à la case départ…sans elle.
Une partie de mon cerveau essaie de me raisonner, de me dire qu’elle ne semblait pas me détester après…qu’elle a affirmé m’aimer encore…mais ça fait six putains de jours ! Elle a largement eu le temps de réfléchir, de se laisser convaincre que j’étais qu’un monstre, de ne voir que l’horreur de ce qu’il s’est passé dans cette cave quand elle pense à moi. Eustache a dû sans donner à cœur joie.
Mais qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ? Cette question m’obsède. Me retourner contre les Hurlants dans cette cave aurait simplement signé notre arrêt de mort à tous les deux. C’est ce que j’ai conclu cette nuit-là. Est-ce que j’ai eu tort ? Est-ce qu’il y avait autre chose à tenter ? Tout s’embrouille.

L’isolement de ces derniers jours me fait perdre la boule. Je n’ai pas osé aller voir Colgan et Marisol après ça. J’ai eu le droit à des regards extrêmement suspicieux de la part des Hurlants présents à ce moment-là et les coups d’œil d’Yvain commencent sincèrement à me foutre la trouille. Mais personne n’a osé remettre en cause la parole des Abyssaux qui se sont rangés à ma version des évènements après la fuite de Simone d’un même bloc. Je n’ai jamais été aussi reconnaissant envers le couple de leader des Loups-Garous, je leur en dois une et une belle. Maintenant entre eux et moi, c’est à la vie à la mort. Jamais je n’aurais pu espérer trouver une amitié aussi forte en commençant ma mission. Ils sont peut-être bien tous ce qui me reste de toute façon.

Pour la millième fois dans la journée, je compose à nouveau son numéro.

Simone… réponds-moi…même si c’est pour me dire que tu me détestes, je veux juste savoir si tu vas bien…

Mais évidemment je ne peux pas laisser de message. Trop risqué. Et ces sonneries qui tournent dans le vide me tapent franchement sur les nerfs.
Je sais qu’un vampire regénère vite mais je même pas l’assurance concrète qu’elle s’est remise de cette soirée, qu’elle n’a pas de séquelle à cause de la verveine…et parce que je sais faire mon job…surtout quand il s’agit de faire mal.
Rahat !
De désespoir, je jette mon téléphone contre le mur et je l’entends se briser en mille morceaux. Pour ce qu’il m’a été utile de toute façon…Mais je le regrette aussitôt. Gros con ! Comment elle va faire maintenant pour me contacter ? Je me prends la tête entre les mains, assis au bord du lit, et maudit mon impulsivité. La vérité c’est que je suis en train de craquer… comme la dernière fois quand j’ai laissé la Bête prendre le dessus. Sauf que là c’est deux fois plus rapide. J’ai déjà les mains qui tremblent, des envies de violence de plus en plus fortes…
Je redresse soudain la tête. Des bruits de pas que je connais.
J’arrive pas à y croire… j’arrive pas…
Mon corps bouge bien plus vite que ma tête et se trouve déjà près de la porte contre laquelle on frappe.

- Je suis là...

Enfin... j'ai un faible sourire en entendant sa voix. J'ai bien cru plus jamais l'entendre. J’attends une demi-seconde, le front posé contre le bois…me préparant mentalement à me faire jeter par la femme que j’aime…une seconde fois. Sauf que là…ça sera entièrement de ma faute. Puis j’ouvre et l’attire à l’intérieur de la chambre sans un mot pour refermer derrière elle. Mes mains s’envolent mécaniquement vers son visage qu’elles encadrent et je la dévore des yeux…peut-être que ça sera la dernière fois…Mais mon regard se fait rapidement plus clinique et l’inspecte pour voir si des traces de ce que je lui ai fais subir subsistent.

- Tu vas bien ? que je souffle avec une inquiétude palpable. Quand je le constate enfin de mes propres yeux, je pousse un soupir de soulagement, relâche son visage puis recule. Mon corps se tend, se crispe. Il attend le coup, si ce n’est physique au moins mental.
Mère-nuit ! Qu’est-ce que je vais faire sans elle…

Mâchoire serrée, je demande sur un ton qui se voulait neutre mais sort bien trop désespéré à mes oreilles.
- T’en as mis du temps…

Simone apparaît misérable et mouillée. Son envie de le voir est égal à son angoisse de se confronter à lui. Les marques des sévices qu'il lui a infligée ont physiquement disparu mais demeurent sous la peau, dans son subconscient. Elle est coutumière de la violence de ce monde, des hommes de guerre, des massacres et du sang, et pourtant, le pouvoir de destruction de Bertus l'a profondément secouée. Plus qu'elle ne voudrait l'admettre.

Pourtant, lorsqu'il l'attire à lui, lorsqu'elle sent ses mains sur sa peau, elle n'éprouve qu'un soulagement indicible, une félicité hors du commun. Elle couvre ses mains de ses paumes et plonge ses yeux dans les siens.

- Tu vas bien ?
- Oui....

Il s'éloigne creusant un vide sidéral dans son cœur dépourvu de pulsations. L'incompréhension et l'inquiétude domine.

- T’en as mis du temps…
- Mon portable à été cassé durant l'agression. Il m'a fallu quelques jours de convalescence, de gestion de crise et de récupération de données....Je suis désolée.

Elle triture nerveusement les bracelets à son poignet.

- Tu m'en veux ?

Elle ne sait pas vraiment comment interpréter la distance qu'il impose. Sa sagacité habituelle est brouillée par un trop plein d'émotions.

- Bertus...? Sa voix vacillante sonne comme une plainte.

- T’en as mis du temps…
- Mon portable a été cassé durant l'agression. Il m'a fallu quelques jours de convalescence – je fronce les sourcils, détourne le regard, honteux comme jamais. Quelques jours de convalescence…à cause de moi…je ne pensais pas pouvoir me détester autant, je croyais avoir déjà touché le fond. J’avais tort - de gestion de crise et de récupération de données....Je suis désolée.

Je pivote brusquement la tête vers elle, le regard dur, haineux. Pas à cause d’elle, jamais à cause d’elle. De quoi est-elle désolée ? Ça n’a aucun foutu sens…

- Tu m'en veux ?
- Quoi ? Mon exclamation claque comme un coup de fouet.
- Bertus...?
Je me rends alors compte de l’image que je donne et de toute la colère que j’affiche et que j’ai contre moi, dont elle pense certainement être la cible. Je me force donc à me calmer et à détendre mes muscles.
- Non ! Non… je t’en veux pas, Simone. Rahat ! Pourquoi je t’en voudrais ?
Je tends une main vers elle, comme cette nuit-là, et même si elle n’est pas couverte de sang, je la retire quand même.

Indigne.
Monstrueux.
Voilà ce que je suis…

Je retourne m’asseoir sur le lit passe une main nerveuse dans mes cheveux.
- C’est pas contre toi, Simone… j’ai la rage…mais à cause de ce que j’ai fait…pas à cause de toi, je répète. Comme je n’avais pas de nouvelles j’ai eu peur que… de t’avoir blessée plus que ce que je pensais. Et je me suis dit que je te faisais sans doute horreur…
J’ai un rire dissonant, presque pathétique et je déglutis difficilement, même si ça non plus j’en ai techniquement plus besoin. Je fixe mes mains.
- Tu me jures…que t’as pas de séquelles ? Finalement je redresse la tête et pose la seule question qui m’importe après celle-là. Et toi Simone ? Est-ce que tu m’en veux ?...est-ce que tu me détestes…pour ce que je t’ai fait ?

Avant quand je fermais les yeux, je la voyais entre mes bras, j’entendais ses rires ou ses cris de plaisir. Maintenant, je suis hantée par des visions d’elle en sang et la bande-son s’est transformé pour devenir digne d’un film d’horreur.
- Dragostea mea… je souffle avec une affliction réelle. Je suis désolé… je suis tellement désolé…
J'ai l'impression d'avoir tout gâcher, tout détruit. Cette fois quand je lui tends la main je ne la dérobe pas. J’ai besoin d’elle et j’ai besoin de savoir que mon contact ne la répugne pas. Me déteste pas...je t'en supplie me déteste pas...

- Non ! Non… je t’en veux pas, Simone. Rahat ! Pourquoi je t’en voudrais ?
- Parce que je n'ai pas repris contact et t'ai laissé sans nouvelle. Tu.. tu as du être inquiet. Moi, je l'étais. Ciulin m' a dit ce qu'il avait fait pour maintenir ta couverture. J'ai eu mal par procuration. Tout cela est de ma faute...
- C’est pas contre toi, Simone… j’ai la rage…mais à cause de ce que j’ai fait…pas à cause de toi, je répète. Comme je n’avais pas de nouvelles j’ai eu peur que… de t’avoir blessée plus que ce que je pensais. Et je me suis dit que je te faisais sans doute horreur…
- Bien sûr que non !

Simone viens se poser à genoux sur la moquette, à ses pieds. Elle ne le touche pas, toutefois.

- Tu me jures…que t’as pas de séquelles ?
- J'ai cicatrisé complétement. Elle s'abstient de tout verdict sur son état mental. Elle ne sait pas dans quel mesure sa psyché a été impactée. Cependant, elle fait confiance à sa solidité.
- Et toi Simone ? Est-ce que tu m’en veux ?
- Pas le moins du monde.
- ...est-ce que tu me détestes…pour ce que je t’ai fait ?
- Bertus... Elle prend son visage entre ses paumes. Jamais je ne pourrais te détester. J'ai juste.... souffert de te voir te contraindre une fois de plus à commettre des horreurs pour le bien de ton rôle d'infiltré, pour ma cause.
- Dragostea mea… Je suis désolé… je suis tellement désolé…

Il tend la main vers elle. Simone se raidit, saisie par une appréhension soudaine. Des images flotte dans sa tête, de douleur, de vide et de tristesse. Elle frisonne par anticipation.

- Me déteste pas...je t'en supplie me déteste pas...

Les doigts de Bertus entre en contact avec sa joue. Elle tressaille légèrement, mais ne se dérobe pas. Au contraire, avec une délicatesse féline, elle vient loger son visage dans le creux de sa paume.

- Tu as fait ton devoir. Tu n'as rien à te reprocher. Tout cela, c'est parce que je t'ai forcé la main. C'est moi qui est détestable, pas toi.

Après un long silence, elle lève ses immense yeux bleus vers lui.

- J'aimerais que ça s'arrête, Bertus. Je veux que tu sois en sécurité avec moi...Tu t’abimes à jouer ce rôle et après ce qu'il s’est passé, j'ai peur que tes "camarades" Hurlants ne se retournent contre toi.

- Tu as fait ton devoir. Tu n'as rien à te reprocher.

Ça sonne foutrement faux à mes oreilles, comme le ricanement que je laisse échapper malgré moi. Ça n’est pas ça mon devoir…et quand bien même…ça me dédouane pas de ce que j’ai fait.

- Non…non… n’essaie pas de me faire passer pour le gentil…j’ai fait un choix, il faut que je l’assume.

Je retire doucement ma main et me lève pour récupérer mon paquet de clopes sur la commode. J’en sors une cigarette et l’allume d’une main fébrile.

- Tout cela, c'est parce que je t'ai forcé la main. C'est moi qui suis détestable, pas toi.
- J’ai pas envie de jouer à ça, Simone ! C’est pas un putain de concours !

Je ne devrais pas m’agacer comme ça…foutu caractère colérique de merde, je retourne m’asseoir et soupire. Je prends ma tête entre mes mains, la clope fumante entre mon index et mon majeur.

- Pardon je… C’est juste que je suis ni con ni aveugle…Tu dis que tu ne me détestes pas mais ton corps raconte une autre histoire. Et il a peur. Je le sens d’ici. Au moment précis où j’ai voulu te toucher t'as eu…je serre mes mâchoires à m’en péter les dents et déglutit avec difficulté…t’as eu… une sorte de crispation et tes pupilles se sont dilatées. Je t’en veux pas… t’as parfaitement le droit d’être…répugner par mon contact mais ne me mens pas…

Finalement j’ai eu raison, le rejet est moins brutal et violent que prévu mais il est là. Insidieux mais tout aussi dévastateur. L’idée même que je lui fasse maintenant horreur me rend malade. Si sa bouche ne l’est pas, son corps au moins est honnête. Et alors que je crève d’envie de la serrer contre moi, je m’abstiens.  

- J'aimerais que ça s'arrête, Bertus. Je veux que tu sois en sécurité avec moi...
Je tourne mon regard las vers elle.
- Pas encore. Je te l’ai dit.
- Tu t’abimes à jouer ce rôle et après ce qu'il s’est passé, j'ai peur que tes "camarades" Hurlants ne se retournent contre toi.

Je prends une longue bouffée de ma cigarette avec un sourire tordu.  

- Les Abyssaux m’ont couvert et Ciulin a fait son travail aussi, que je lâche d’une voix atone. Les Hurlants ne remettront pas la parole de Colgan et de sa meute en doute. Ils ont trop besoin des infos qu’ils fournissent pour se passer d’eux et il y a déjà de l’eau dans le gaz entre les Loups-garous et le reste du groupe. Si tu peux, il faut leur aménager une voie de sortie. Au moins pour Marisol et Colgan. C’est un brave type et Marisoleil est une nana qui a un cœur d’or sous ses airs de castagneuse. Je ne peux pas les laisser dans ce bordel. Yvain manigance un truc et tant que je ne saurais pas ce que c’est, hors de question d’arrêter. Y’a des gens auxquels je tiens dans cette putain de ville … si je m’arrête maintenant et qu’il se passe quelque chose…je ne pourrais plus me regarder en face.

C’est une image évidemment. Ca fait longtemps que j’en suis plus capable.

Bertus se retracte et la fuit. L'acte, anodin pourtant, brise Simone en milles morceaux. Vaillante et digne, Madame n'en laisse rien paraitre. Elle se tient les mains serrées, au repos sur ses genoux repliés qu'elle fixe dans un silence de prière. Elle endure les mots durs de son amant avec une stoïcité taillé dans le marbre le plus fin. Elle ne pleurera pas. Elle se refuse à cela. Un reliquat de fierté inopportune sans doute. Le rejet est si prégnant, pour elle, qu'elle reconstruit pierre après pierre les murailles qui l'ont si longtemps protégée.

Mieux vaut cela que de s'effondrer.

Madame se lève doucement et avec élégance. Elle s'assoit sur le seul fauteuil de la pièce pour mieux faire face à son espion. Ils sont encore au moins ça.

- Les Abyssaux m’ont couvert et Ciulin a fait son travail aussi.
- Les Abyssaux sont-ils fiables ?
- Les Hurlants ne remettront pas la parole de Colgan et de sa meute en doute. Ils ont trop besoin des infos qu’ils fournissent pour se passer d’eux et il y a déjà de l’eau dans le gaz entre les Loups-garous et le reste du groupe. Si tu peux, il faut leur aménager une voie de sortie. Au moins pour Marisol et Colgan. C’est un brave type et Marisoleil est une nana qui a un cœur d’or sous ses airs de castagneuse. Je ne peux pas les laisser dans ce bordel.
- Tu dis qu'ils sont informateurs ? Quelles sont leurs sources ? Qu'est-ce qui les gêne dans leur alliance avec les Hurlants ?
- Yvain manigance un truc et tant que je ne saurais pas ce que c’est, hors de question d’arrêter. Y’a des gens auxquels je tiens dans cette putain de ville … si je m’arrête maintenant et qu’il se passe quelque chose…je ne pourrais plus me regarder en face.

Simone garde le silence un moment, puis, esquisse un sourire un peu triste.

- Je suis heureuse que tu ais tissé des liens qui t'importe et qui te motive à vivre... même... si... Sa voix vacille un peu, bien malgré elle,... même si tu considères que je n'en fais pas partie. Sa lèvre tremble, elle regarde ses mains, ses ongles peints qu'elle écaille machinalement... Parce que je viens de rater ton "test" de confiance...

Un silence. Ses sourcils se froncent. Elle déglutit.

- Je ne suis pas une menteuse, crache-t-elle soudain en le regardant avec colère. Je t'aime. Oui, mon corps a subi un traumatisme ! Oui, c'est toi qui l'a perpétré ! Mais cela ne change rien au fait que je t'aime. Tu as été contraint de me torturer et j'approuve ton choix en tant que collaboratrice pour le bien de ta couverture. J'ai simplement besoin de temps pour m'en remettre. C'est ma part à assumer, pas la tienne ! Est-ce si dur à comprendre ?

Son beau visage se contracte d'usure et de chagrin.

- Je suis fatiguée, Bertus, fatiguée de devoir sans cesse me justifier, fatiguée que tu sautes sur la moindre occasion pour tester ma loyauté ou te saborder... Tu es si... injuste. Elle essuie ses larmes avec distinction et les ravale avec autant de grâce. Ne me crois pas puisque c'est préférable pour toi mais entends moi bien : ce sera ton choix de renoncer à la vérité, pas moi qui serait une vulgaire menteuse.

Elle se redresse naturellement, reprenant sa posture royale de "Madame".

- Organise-moi un entretien secret avec tes deux amis. Je verrais ensuite ce que je peux faire pour eux. Mais ne t'attends pas à un miracle. Ils ont contribué à tuer cinq de mes précieux nettoyeurs : certains étaient non-humain, comme eux. Ils avaient des familles... des enfants... C'étaient de précieux amis dont je porte toujours le deuil.

- Tu dis qu'ils sont informateurs ? Quelles sont leurs sources ? Qu'est-ce qui les gêne dans leur alliance avec les Hurlants ?

Pour la première fois peut-être, j’hésite à lui dire tout ce que je sais. Trahir les Hurlants ne me pose aucun cas de conscience. Trahir les seuls amis que j’ai dans cette putain de ville me chatouille un peu plus la morale. Je tergiverse un moment.

- Ils ont un vaste réseau…chez les prostituées. C’est comme ça qu’ils ont démarré. Et ce qui les gêne ? La violence aveugle. T’as bien vu comment Marisol a pété un plomb quand elle a vu…ce que je te faisais… Ils ont des principes…des valeurs. Ils ne touchent pas aux femmes et aux enfants. Leurs cibles, c’est les chasseurs. Les Hurlants les ont aidés à étendre leur capacité d’action, mais…depuis qu’Yvain est de la partie, ils sentent comme moi que les choses sont en train de changer. Et pas en bien. Yvain manigance un truc et tant que je ne saurais pas ce que c’est, hors de question d’arrêter. Y’a des gens auxquels je tiens dans cette putain de ville … si je m’arrête maintenant et qu’il se passe quelque chose…je ne pourrais plus me regarder en face.

- Je suis heureuse que tu ais tissé des liens qui t'importe et qui te motive à vivre... même... si... Sa voix tremble un peu et je relève la tête de mon nuage de fumée… même si tu considères que je n'en fais pas partie.
- Quoi ? Mais d’où tu sors ça ? A nouveau l’agacement et un fond de colère me chatouille les tripes et je la fixe de mon regard perçant. Quand est-ce que j’ai suggéré ça exactement ?
- Parce que je viens de rater ton "test" de confiance...
Je suis tellement estomaqué que je me fige complètement, raide comme un mort, sans ciller, ni bouger le moindre muscle. Ça n’est qu’ensuite que je me lève brusquement avec l’envie très très pressante de frapper quelque chose.
- Un test de confiance ? que je répète d’une voix blanche. Putain de merde Simone ! C’était pas un test de confiance ! Je voulais simplement toucher la femme que j’aime et que j’ai violenté comme un salopard ! J’admets que c’était foutrement égoïste comme volonté mais y’avait rien de plus derrière…On ne réfléchit pas tous aussi froidement et stratégiquement que tu le penses ! Ca relevait plus d’une pulsion que d’une réflexion mesquine de « test » !

- Je ne suis pas une menteuse.
- Non effectivement, je déclare sur le même ton. Excuse-moi, tu n’es pas une menteuse, tu manques juste cruellement de franchise…
- Je t'aime. Oui, mon corps a subi un traumatisme ! Oui, c'est toi qui l'a perpétré ! Mais cela ne change rien au fait que je t'aime. Tu as été contraint de me torturer et j'approuve ton choix en tant que collaboratrice pour le bien de ta couverture. J'ai simplement besoin de temps pour m'en remettre. C'est ma part à assumer, pas la tienne ! Est-ce si dur à comprendre ?
- Mais non putain ! Bien sûr que non ! Pourquoi on doit s’engueuler pour que ce genre de choses sortent Simone ? T'as le droit de me détester...même un peu...Pourquoi tu te sens obligée de faire comme si tout allait bien et de pousser ça sous ton petit tapis personnel ? C’est pour ça que je parle de franchise, bordel ! Je me fous de savoir que t’es une femme forte qui sait encaissée. Je veux simplement savoir comment va la femme que j’aime et qu’elle me parle ! Là tu fais comme si tout allait bien en apparence ! Tout ne va pas bien ! Et c’est pas grave… Mais si tu te retranches derrière ton personnage de « Madame qui n’a pas le droit de craquer » tu me donnes que ce que j’ai envie d’entendre. Résultat je constate des trucs grâce à ton langage corporel et j’en tire forcément des conclusions…

Cette femme me rend dingue ! Littéralement. Elle semble soudain terriblement las et je suis à deux doigts de croire que je viens d’enfoncer le premier clou sur le cercueil de notre relation.
- Je suis fatiguée, Bertus, fatiguée de devoir sans cesse me justifier, fatiguée que tu sautes sur la moindre occasion pour tester ma loyauté ou te saborder... Tu es si... injuste.
Ça a le don de me calmer aussitôt et j’arrête de m’agiter dans tous les sens pour venir m’appuyer contre la commode, non loin de la fenêtre.
- Ah… si c’est ce que tu penses… Mais je ne suis pas injuste, Simone. Je te demande juste d’être toi-même avec moi. Je comprends que ça ne soit pas facile...
- Ne me crois pas puisque c'est préférable pour toi mais entends-moi bien : ce sera ton choix de renoncer à la vérité, pas moi qui serait une vulgaire menteuse.
- Question de perspective… Je ne renonce jamais à la vérité. Au contraire, je la recherche à tout prix. Même si ça fait mal. Je préfèrerai toujours une vérité cruelle à un beau mensonge.  

Elle reprend une posture plus solennelle et digne. Retour au travail donc. Ok…si c’est ça qu’elle souhaite…Je passe une main lasse sur mon visage et fume en silence.  
- Organise-moi un entretien secret avec tes deux amis. Je verrais ensuite ce que je peux faire pour eux.
- D’accord.
- Mais ne t'attends pas à un miracle. Ils ont contribué à tuer cinq de mes précieux nettoyeurs : certains étaient non-humain, comme eux. Ils avaient des familles... des enfants... C'étaient de précieux amis dont je porte toujours le deuil.
- Ouais…et les chasseurs ont tué les enfants de Colgan et Marisol sous leurs yeux… mais ça tout le monde s’en fout… Je vais écraser ma clope dans le cendrier et déclare sur un ton sans inflexion et aussi fatigué que ma personne. Toutes mes condoléances pour tes précieux amis. La guerre n’a jamais été juste non plus. Merci d’être passée. Je suis content de voir que t’as aucune séquelle physique. Pour le reste… si tu veux m’en parler…je suis là. Si tu préfères du temps de ton côté et en discuter avec quelqu’un d’autre, fais…je comprendrais parfaitement que tu te sentes plus en sécurité avec moi...Mais par pitié ne range pas toute cette histoire dans un dossier en te disant que ça passera avec le temps et que tu as peur de dévier de ton personnage inébranlable...  

La discussion est terrible. Plus elle progresse, moins Simone comprends où veut en venir Bertus. Elle a l'impression affreuse de ne pas parler la même langue que lui et que cette dichotomie les clive et les éloignent de plus en plus.

- Je ne suis pas une menteuse.
- Non effectivement. Excuse-moi, tu n’es pas une menteuse, tu manques juste cruellement de franchise…
- De franchise ?!! Mais je....je suis on ne peut plus franche ! Je t'aime. Oui, mon corps a subi un traumatisme ! Oui, c'est toi qui l'a perpétré ! Mais cela ne change rien au fait que je t'aime. Tu as été contraint de me torturer et j'approuve ton choix en tant que collaboratrice pour le bien de ta couverture. J'ai simplement besoin de temps pour m'en remettre. C'est ma part à assumer, pas la tienne ! Est-ce si dur à comprendre ?
- Mais non putain ! Bien sûr que non ! Pourquoi on doit s’engueuler pour que ce genre de choses   T'as le droit de me détester...même un peu...
- Mais je ne te déteste pas, bon sang !
- Pourquoi tu te sens obligée de faire comme si tout allait bien et de pousser ça sous ton petit tapis personnel ?
- Pourquoi tu tiens à ce point à ce que je te haïsse alors que ça n'est pas le cas !
- C’est pour ça que je parle de franchise, bordel ! Je me fous de savoir que t’es une femme forte qui sait encaissée. Elle ouvre la bouche et arrondit les yeux, la situation lui échappe et elle n'y comprend rien. Je veux simplement savoir comment va la femme que j’aime et qu’elle me parle !
- Je te parle ! Tu refuses d'écouter !
- Là tu fais comme si tout allait bien en apparence !
- Au contraire, je suis honnête avec toi.
- Tout ne va pas bien ! Et c’est pas grave… Mais si tu te retranches derrière ton personnage de « Madame qui n’a pas le droit de craquer » tu me donnes que ce que j’ai envie d’entendre. Résultat je constate des trucs grâce à ton langage corporel et j’en tire forcément des conclusions…
- Donc... en fait, quoi que je fasse, je suis perdante, finalement : si je prends sur moi je suis trop "Madame" cette sale faux-jeton ; Si je dis que je t'aime, je suis une menteuse ; Si je suis honnête et que je laisse mon traumatisme s'exprimer, j'ai peur de toi et je te déteste mais je n'ose pas l'avouer ! A quel moment prends tu la peine de véritablement me voir, Bertus, de véritablement m'observer ?! Tu me prêtes un tas de comportement que je n'ai pas parce que ça t'arrangerais sans doute pour gonfler ta jolie petite culpabilité chérie, de penser que je te vois comme un salopard. Elle soupire de lassitude. Je suis fatiguée, Bertus, fatiguée de devoir sans cesse me justifier, fatiguée que tu sautes sur la moindre occasion pour tester ma loyauté ou te saborder... Tu es si... injuste.
- Ah… si c’est ce que tu penses… Mais je ne suis pas injuste, Simone. Je te demande juste d’être toi-même avec moi. Je comprends que ça ne soit pas facile...
- Par Odin !!! Es-tu sourd, buté ou stupide !? Ne me crois pas puisque c'est préférable pour toi mais entends-moi bien : ce sera ton choix de renoncer à la vérité, pas moi qui serait une vulgaire menteuse.
- Question de perspective… Je ne renonce jamais à la vérité. Au contraire, je la recherche à tout prix. Même si ça fait mal. Je préfèrerai toujours une vérité cruelle à un beau mensonge.
- C'est toi qui est cruel. Toi seul....

Simone prend quelques minutes pour se calmer. Jamais, à part avec Asmodée, elle n'était à ce point sortie de ses gonds. Bertus a ce pouvoir particulier sur elle de lui donner envie de le boxer et de lui faire l'amour tout autant. Elle se redresse naturellement, reprenant sa posture royale de "Madame".
Elle se fiche bien que cela l'irrite, peut-être même le fait-elle exprès.

- Organise-moi un entretien secret avec tes deux amis. Je verrais ensuite ce que je peux faire pour eux.
- D’accord.
- Mais ne t'attends pas à un miracle. Ils ont contribué à tuer cinq de mes précieux nettoyeurs : certains étaient non-humain, comme eux. Ils avaient des familles... des enfants... C'étaient de précieux amis dont je porte toujours le deuil.
- Ouais…et les chasseurs ont tué les enfants de Colgan et Marisol sous leurs yeux… mais ça tout le monde s’en fout…
- C'est une tragédie, déclare-t-elle avec sincérité. J'aurais aimé les connaitre plus tôt pour leur venir en aide, mais, au risque de me répéter, Malsheem recueille des familles de créatures ou mixte dans le but de les préserver d'agresseurs venant autant du monde de la chasse que de leurs bord. Ces cinq personnes ont eu des vies tout aussi tragiques et subit tout autant de persécutions. Ceci n'est pas un concours.
- Toutes mes condoléances pour tes précieux amis. La guerre n’a jamais été juste non plus.
- Ne sois pas condescendant, je te prie.
- Merci d’être passée. Je suis content de voir que t’as aucune séquelle physique. Pour le reste…
- Pour le reste quoi ? fait-elle avec une aigreur notable. Cette fin de non-recevoir est la gifle de trop.
- Si tu veux m’en parler…je suis là. Si tu préfères du temps de ton côté et en discuter avec quelqu’un d’autre, fais…je comprendrais parfaitement que tu te sentes plus en sécurité avec moi...Mais par pitié ne range pas toute cette histoire dans un dossier en te disant que ça passera avec le temps et que tu as peur de dévier de ton personnage inébranlable...  
- Va-te-faire foutre !* lance-t-elle brusquement dans sa langue natale. Quand j'ai vu tes appels, tes messages, je suis venue ici en courant. Je n'avais qu'une envie, qu'une idée en tête : te voir ! Je voulais... Elle se mord la lèvre mais son timbre se fêle à nouveau.... Je voulais juste que tu me sers dans tes bras, que tu me dises que tu m'aimes. Mais j'ai eu le malheur de tressaillir une demi seconde et soudain, c'était fini !

Elle lève les bras au désespoir, debout à présent et tenant la poignet de porte :

- Tout ce que j'ai pu dire, tout ce que j'ai pu faire, tout ce que j'ai vécu avec toi s'est résumé à un malheureux tremblotement que je n'ai pas contrôlé, JUSTEMENT parce que je suis venue ici, en étant simplement moi : Simone, la femme qui t'aime, mais qui ne t'aimera visiblement JAMAIS assez ! Te parler, Bertus ? Mais je suis là. Je suis là, tu ne me vois pas, tu ne m'écoute pas... Elle se tient le haut du ventre comme si elle suffoquait. Son diaphragme est douloureux, sa cage thoracique compressée. Elle hoquète entre ses larmes : Je.. Je suis désemparée. Que faire face à un homme qui a tout décidé pour vous à votre place et à l'avance ? Si tu avais tant envie de me toucher, il fallait le faire, je n'attendais que ça....Pourquoi, plutôt que de te complaire dans ton rôle de bourreau maudit, n'essaies-tu pas simplement de réécrire ce souvenir malheureux avec la tendresse dont tu es capable ?.... Pourquoi, je dois toujours lutter avec toi.... ?

Elle s'effondre sur le tapis en pleurant à grandes eaux. Elle aimerait être douée de téléportation à cet instant précis, pour disparaitre de cette chambre et de sa vue.

- Va-te-faire foutre !*
L’insulte dans sa langue natale me fait tourner la tête.
- Quand j'ai vu tes appels, tes messages, je suis venue ici en courant. Je n'avais qu'une envie, qu'une idée en tête : te voir ! Je voulais... Je voulais juste que tu me sers dans tes bras, que tu me dises que tu m'aimes.

Je baisse les yeux sur mes mains…moi aussi c’est ce que j’aurais aimé. Mais quelque part entre ma volonté et la réalité, j’ai… merdé… ? J’en sais rien en fait. J’ai l’impression d’arriver à rien de bon.

- Mais j'ai eu le malheur de tressaillir une demi seconde et soudain, c'était fini !
- Rahat ! Qu’est-ce que j’aurais dû faire selon toi hum ? Faire comme si j’avais rien vu ? Ravaler la culpabilité et mon dégout envers moi-même en forçant le contact comme un salopard d’égoïste ?

Elle se lève et va quitter la chambre. Ça m’enrage soudain, j’ai aucune putain d’envie qu’on se quitte là-dessus…comme ça…
En un clignement d’œil je suis à côté d’elle et plaque ma main sur le battant de la porte.

- Tu crois aller où comme ça ? On n’a pas fini de parler. Affronte-moi à la place de fuir à chaque fois !
- Tout ce que j'ai pu dire, tout ce que j'ai pu faire, tout ce que j'ai vécu avec toi s'est résumé à un malheureux tremblotement que je n'ai pas contrôlé, JUSTEMENT parce que je suis venue ici, en étant simplement moi : Simone, la femme qui t'aime, mais qui ne t'aimera visiblement JAMAIS assez ! Te parler, Bertus ? Mais je suis là. Je suis là, tu ne me vois pas, tu ne m'écoute pas...
- Non Simone ! Le geste instinctif que tu as eu n’a rien à voir avec ce qu’on a vécu mais tout avec ce qu’on va vivre ensuite…ensemble ou pas… c’est CA qui m’importe à moi ! Bordel de merde…pourquoi tu t’échines à le rendre si insignifiant ? C’est ça qui me fout littéralement la trouille ! Pour te voir, crois-moi je te vois ! Et je ne sais pas bien ce que j’ai loupé dans ce que tu as dit. Mais comme tu préfères manifestement te draper dans ta dignité bafouée et te débiner plutôt que te me parler...

Elle a ce vieux réflexe comme si elle portait encore son corset mais je n’ai pas besoin de ce geste pour comprendre qu’elle n’est pas bien. Ses premières larmes ne tardent pas et je me fige.

- Je… Je suis désemparée. Que faire face à un homme qui a tout décidé pour vous à votre place et à l'avance ? Si tu avais tant envie de me toucher, il fallait le faire, je n'attendais que ça... Pourquoi, plutôt que de te complaire dans ton rôle de bourreau maudit, n'essaies-tu pas simplement de réécrire ce souvenir malheureux avec la tendresse dont tu es capable ?...
- Je me complais dans mon rôle ? Je. Me. Complais ???? Mais oui, il est si chouette après tout ! C’est pas comme si avant tout ce bordel je me sentais enfin à peu près heureux depuis un paquet d’années hein ! Qu’est-ce que tu veux ? Je dois avoir un putain de goût pour la dramaturgie ! Réécrire ? Mais comment je fais ? Comment je te touche en sachant pertinemment qu’une partie de toi n’en a pas vraiment envie ? Qui je crois ? Ta bouche ou le reste de ton corps ?
- Pourquoi, je dois toujours lutter avec toi... ?

Elle s’écroule en sanglots à mes pieds et j’ai quelques secondes d’absence. Est-ce que c’est le point de non-retour ? Le point final d’une histoire que n’a même pas pu vraiment commencer ?
J’en sais rien… je crois bien.
J’ai aucune idée de pourquoi je lui rends les choses si difficiles… J’ai le corps tendu à craquer, les veines palpitantes comme jamais depuis ma mort. Je me laisse d’abord lentement glisser à genoux et je regarde ses épaules se secouer de larmes terribles.

A cause de moi.
Encore à cause de moi.

Lentement j’approche ma main d’une de ses épaules, les doigts prêts à se rétracter au moindre signe de rejet. Finalement, elle ne fait pas un bon de trois mètres en arrière et ne bouge pas alors je m’enhardis à l’attirer contre moi et la laisse pleurer contre mon torse. Je ne sais plus quoi lui dire. Mes excuses ne changeront rien.

J’ai tout gâché sans avoir la moindre idée de comment réparer ce que j’ai détruit.

Réécrire ? J’ai bien peur que ça soit trop tard…
Je ne me rends même pas compte que je pleure moi aussi. En silence, les mâchoires serrées.
Je m'en veux... je m'en veux tellement...et toute cette haine contre moi est en train de me bouffer et de grignoter ma relation avec Simone, sans que je sache comment l'arrêter.

Simone s'essore comme une éponge gorgée d'eau. Elle hoquète et tremble, incapable de s'arrêter. La vue brouillée, elle ne voit rien de ce que fait Bertus. Elle est recroquevillée en elle-même avec l'envie confuse de disparaitre.

Une mais se pose sur son épaule.
Sa joue s'écrase sur un torse.
Bertus l'enlace et tente de la calmer du mieux qu'il peut.

Si elle est désemparée par cette haine de lui-même qui menace de les engloutir tous deux, elle doit tout autant l'égarer avec sa terreur irrationnelle de l'abandon. Ont-ils réellement la force de vivre une saine relation tant qu'ils n'ont pas réglé leurs comptes avec eux même ? Elle l'ignore. Cette donnée inconnue avive ses pleurs. Elle ne veut pas être séparée de lui par la peur. Elle se blottit contre lui et ses bras entourent son buste, ses mains s'agrippant à ses omoplates comme pour l'empêcher de s'en aller.

Ne me laisse pas.
Ne nous laisse pas.
Donne nous une chance...

Ils restent ainsi, accrochés l'un à l'autres alors que le temps s'égraine, imperturbable : quelques minutes ? Une heure ? Bien plus ? Qu'importe finalement. Simone finit par se calmer, poussant des soupirs ensuqué de chagrin, ceux qui viennent après les larmes. Elle respire sa proximité, le nez enfoui dans son cou, s'abreuvant de la moindre caresse tendre.
Finalement, lorsqu'elle retrouve l'aplomb de le regarde en face, elle découvre ses joues mouillées et son regard rougi. Avec une infinie délicatesse, presque craintive, elle vient effleurer ses pommettes du bout des doigts. Elle se réapproprie son contact, lentement, avec une réserve timide, au départ, puis avec plus de hardiesse ensuite. Elle redessine les contours de son visage, reprenant possession des traits de son amant -durs et tristes à la fois, capable d'une luminosité qu'il étouffe - jusqu'à prendre ses joues entre ses paumes.

Pas de mot.
Le silence est plus éloquent.
Leurs mots sont des armes mal maitrisées, autant pour l'un que pour l'autre. Ils se font mal sans en comprendre la portée. Ils s'écorchent sur leur propres remparts.
Plus de mots.

Elle s'approche, avec beaucoup de précautions et dépose ses lèvres sur les siennes.

Je suis là.

Ses longs cils noirs et humide s'ébattent et son regard d'un bleu intense cherche les siens.

Je t'aime.

Elle y revient, tout doucement, presse sa bouche contre la sienne et le regarde à nouveau. Sourire ému, fragile, poignant.

Laisse-moi t'aimer Bertus, s'il te plait.

Je continue de la serrer contre moi et tandis qu'elle s'accroche presque désespérément à moi, nouant ses bras à mon corps, je peux peux pas m'empêcher de me dire que je suis vraiment trop con d'avoir réussi à détruire la seule relation véritablement importante pour moi depuis des années, d'avoir réussi à repousser la seule femme qui m'ait véritablement aimé...
C'est pas que le bonheur se refuse à moi, c'est simplement moi qui le bousille avant même qu'il s'installe.
Je sais plus quoi faire. J'ai l'impression qu'on se comprend pas et en même temps je sais que si tout s'arrête aujourd'hui, je finirai pas en crever. Par redevenir cette bête assoiffée d'elle qui ne s'apaisera qu'en sa présence.

Elle finit par relever la tête et nos regards emplis d'une même détresse se retrouvent. Ses doigts frôlent avec une extrême délicatesse mon visage et ça n'est qu'à cet instant que je note avoir pleurer. Je la laisse faire, mâchoires d'abord crispées jusqu'à finir par me détendre sans pour autant savoir ce que ces caresses veulent dire. Ni elle ni moi ne prononçons un mot. J'ai pas envie de lui poser la question qui me brûle la langue. Le silence est finalement plus confortable. Il me permet de faire comme si tout allait peut-être s'arranger, comme si le fin mot de l'histoire n'était pas déjà écrit.

C'est le regard plein de perplexité et de d'incompréhension que je la regarde s'approcher pour poser ses lèvres sur les miennes. Une fois puis deux. Des baisers doux, aussi tendres que ses caresses l'ont été. Inconsciemment je la serre plus fort, incapable de la lâcher même si ma vie en dépendait. Le sourire qu'elle m'adresse reste indéchiffrable, un peu fragile. Dans un réflexe je déglutis. Avec un milliard de précaution et autant d'hésitations, mes phalanges viennent tracer à leurs tours ses traits nobles et d'une beauté envoûtante. J'ai les doigts qui tremblent, le cœur en vrac. Mes deux paumes encerclent son visage, l'attire à moi. Mes baisers sont moins maîtrisés et chastes que les siens, sans doute sont-ils influencés par le désespoir qui me gagne. Quand bien même j'en ai une envie féroce, je ne me permets pas de toucher son corps. Il m'apparaît comme un temple que j'ai bafoué de la plus horrible des façons et je m'en sens plus digne. Alors je reprends sa bouche, qu'elle m'a plus ou moins offerte de son plein gré.

- Me quitte pas...Je veux pas te perdre Simone...je le supporterai pas...dis-moi...dis-moi ce que je peux faire...dis moi comment…

Ma voix se brise alors que je la scrute avec une intensité douloureuse. Je voudrais coller mon visage à son cou, respirer le parfum de sa peau. Mais même ça, ça me paraît intrusif...hors de ma portée

- Je voudrais arrêter de te faire pleurer...sans arrêt...

Bertus semble perdu, égaré au milieu de cette effervescence de caresses. Il ne semble pas y croire, comme si toute l'affection prodiguée demeurait un mirage hors de sa porté.

Crois en moi, Bertus.
Crois en nous...

Simone ferme les yeux lorsqu'il ose enfin effleurer sa peau. Elle frisonne, mais pas d'angoisse, juste d'expectative. Il est capable de tant de douceur, de temps de suavité. C'est cela qu'elle veut, pour le moment. Elle désire la tendresse et la chaleur dont il est capable en tenant un fusain. Lorsqu'il l'embrasse avec une fougue désespérée, un gémissement de bien être lui échappe. Elle lui répond avec la même envie maladroite, ses doigts s'enfonçant dans sa chevelure blonde. Elle se presse contre lui, le coeur tout aussi tourmenté.

Pitié, Bertus.
Ne me laisse pas....

Comme si cette pensée faisait écho en lui, il la supplie :

- Me quitte pas...Je veux pas te perdre Simone...je le supporterai pas...dis-moi...dis-moi ce que je peux faire...dis moi comment…Je voudrais arrêter de te faire pleurer...sans arrêt...
- Sommes nous à ce point idiots, toi et moi, de nous affliger de la sorte, alors que nous voulons la même chose ? Elle le contemple avec un amour débordant et une tristesse égale. Sa lèvre tremble et son timbre vacille en poursuivant. Je voudrais tellement que tu me crois quand je te dis que je t'aime. Laisse-moi t'aimer Bertus, je t'en supplie. Elle colle son front contre le sien. Laisse-moi être ton alliée. Je pleurs, je souffre et j'ai peur, c'est vrai... La peur viscérale que tu m'abandonnes vraiment chaque fois que tu trouves une occasion de me repousser, chaque fois que je t'en donne une parce que je suis terrifiée d'être vulnérable. J'aimerais que tu m'aimes, plus que tu ne te détestes. J'aimerais que tu m'acceptes comme je suis. Elle a un petit rire fêlé. Un femme carapaçonnée dans une armure, têtue comme un mulet et insupportablement obsédée par le contrôle. Je suis forte Bertus, je suis solide, mais j'aimerais pouvoir te confier ma fragilité sans qu'elle ne te procure de doutes. Si.. si je me montre sous ce jour avec toi, c'est parce que j'ai confiance en toi. Avec toi, je peux être une femme qui pleure, qui rit, qui a besoin d'être rassurée au même titre que n'importe qui... Tu comprends ça ? Est-ce... Est-ce que je t'en demande beaucoup trop ? questionne-t-elle avec sincérité.

Elle laisse file un silence, essuie une larme et le fixe droit dans les yeux , de son regard immense et bleu.

- Est-ce que tu m'aimes Bertus ?... Dis-le moi..... Montre-le moi..... S'il te plait.

- Sommes-nous à ce point idiots, toi et moi, de nous affliger de la sorte, alors que nous voulons la même chose ?
J’ai une esquisse de sourire.
- J’en sais rien…sans doute…

Je l’écoute ensuite avec attention tout en l’étreignant toujours avec force, la gorge un peu trop nouée pour vraiment converser, le front contre le sien, mes yeux braqués dans ses prunelles limpides.
J’aimerais me montrer aussi à l’aise qu’elle avec les mots, mais c’est loin d’être mon atout principal et quand ils sortent, elle a raison, c’est souvent pour faire plus de mal que de bien au final. Pourtant je fais l’effort de sortir les mots, les sentiments tout ce que j’ai d’enfoui un peu trop profond, surement avec une grande maladresse mais une réelle sincérité.

- C’est ce que je veux, Simone. Qu’avec moi tu puisses être toi-même. Je recule légèrement la tête caresse sa joue froide avec le dos de mes phalanges. Je veux voir ta vulnérabilité, je l’aime autant que le reste…là… là c’est juste différent. Mes doutes viennent pas d’elle, ils viennent de…ce que je t’ai fait et…il va aussi me falloir du temps pour me pardonner…si j’y arrive un jour. Mais y’a qu’à travers toi que j’arrive à ne pas me détester. Ce que je suis devenu, mon immortalité, elle a un sens que parce que je sais maintenant que je veux la passer avec toi ! Y’a que comme ça que j’arrive à me dire qu’être un vampire est acceptable. Sans ça…je t’aurais jamais rencontré, et ça me parait plus insupportable que ma mort.

Elle me fixe un long moment et mon pouce vient cueillir une larme vagabonde sur sa joue.

- Est-ce que tu m'aimes Bertus ?... Dis-le moi ... Montre-le moi... S'il te plait.

Je la contemple, une expression sans doute déchirée sur le visage.  Mais finalement, j’essaie d’étouffer ma culpabilité comme je le peux et je nous redresse. Lentement je la débarrasse de son blazer puis vient encadrer son visage de mes mains rudes. Je ploie vers elle et embrasse avec une tendresse appuyée son front, ses tempes, ses yeux, son nez, ses joues… je reviens brièvement contre ses lèvres où je murmure un premier « Je t’aime » révérent. Je descends vers sa mâchoire, son cou où je n’oublie pas une parcelle de peau. Je laisse échapper une nouvelle déclaration, plus enfiévrée cette fois.
Après une infime hésitation, mes doigts s’activement à défaire un à un les boutons de sa chemise écarlate.

- Arrête-moi si tu sens que ça va trop loin pour toi…

Son chemisier finit par tomber au sol et mes lèvres continuent leur œuvre, il n’y a qu’avec elles que je me permets de la toucher. Je prends tout mon temps sur ses mains et finit par me mettre à genoux devant elle pour mieux vénérer sa poitrine parfaite. Nouveau murmure enflammé contre la chair qui me sépare de son coeur puis je continue sur son ventre. Pendant ce temps, je la déchausse et retire son pantalon puis son sous-vêtement. Je suis dingue de ses jambes que je bénis d’une myriade de baiser, toujours agenouillé comme un pénitent.

Inconsciemment je m’attarde particulièrement là où je sais lui avoir fait mal, là où mes lames ont rudement pénétré sa chair. Je tente d’effacer, comme elle me l’a demandé, même si c’est de façon imparfaite.
Mon travail est lent…minutieux mais je ne m’arrêterai que lorsque j’aurais vénéré son corps autant que je l’ai brutalisé. Je ne songe pas un instant à moi. Tout mon attention est tournée vers elle.

Pour la première fois, je presse ma main sur sa peau nue, la guidant d’une légère pression en arrière, jusqu’à ce qu’elle chute sur le matelas tout proche. Je me poste entre ses jambes, osant y poser mes mains et fait courir ma bouche sur l’intérieur de ses cuisses, mon regard dans le sien.

- Je t’aime, dragostea mea. Tellement… …mon cœur, mon âme, la Bête en moi…tout est à toi. Ma bouche remonte, lentement, surement… Tu veux bien faire quelque chose pour moi ? Ne te retiens pas… laisse-moi remplacer tes cris de douleur par d’autres… s’il te plait.

Alors seulement, je m’applique à chérir cette dernière partie de son corps.

-... Mais y’a qu’à travers toi que j’arrive à ne pas me détester. Ce que je suis devenu, mon immortalité, elle a un sens que parce que je sais maintenant que je veux la passer avec toi ! Y’a que comme ça que j’arrive à me dire qu’être un vampire est acceptable. Sans ça…je t’aurais jamais rencontré, et ça me parait plus insupportable que ma mort.

Cette affirmation la rend profondément triste. Elle aimerait tant qu'il accepte ce qu'il est devenu, qu'il en voit les bons côtés. La Non-vie n'est pas une fatalité. Elle offre des plaisirs, des beautés, des découvertes différentes mais tout aussi vraies que lorsque leurs cœurs battaient. Elle est une opportunité à saisir.

- Est-ce que tu m'aimes Bertus ?... Dis-le moi ... Montre-le moi... S'il te plait.

Il ne s'en sent pas digne et elle ne le sait que trop, pourtant elle l'invite à venir à elle avec l'attitude la plus ouverte possible. Bertus la remet sur pieds et commence alors un effeuillage d'une langueur peu commune. Ses baisers décuplés bénissent chaque parcelle de peau. Sa bouche lui susurre des mots d'amour. Parfois, Simone trésaille, lorsqu'il s'attarde aux endroits où ses plaies restent vivaces, bien qu'invisibles, alors il s'arrête, la regarde, guette un refus, une injonction à cesser, mais toujours elle l'invite à continuer, repoussant cette douleur fantôme révolue pour ne se concentrer que sur la tendresse présente.

- Tout va bien... Je vais bien... La vampire caresse la joue de son amant avec un sourire énamouré. Continue....

Elle plonge dans son regard noisette, fervent, débordant d'une forme de vénération qu'elle ne croit pas mériter. Mieux vaut cela que ses yeux vides de tout, froids et lointains. Petit à petit, son corps oublie d'être craintif, il se crispe moins, se laisse aller. Simone pousse des gémissements discrets mais de plus en plus voluptueux. Les mauvais souvenirs s'étiolent face aux sensations brutes et primaires. Leur alchimie physique fait taire sa cervelle.
Simone réalise qu'elle veut sentir ses mains sur elle, ses grandes mains créatives, nerveuses et capables de la plus grande des finesses. Oui, elles savent commettre le pire, mais tant de beauté aussi.

- Je t’aime, dragostea mea. Tellement… …mon cœur, mon âme, la Bête en moi…tout est à toi.

Madame se mordille l'index pour juguler ses soupirs. Bertus lui intime immédiatement de cesser.

- Tu veux bien faire quelque chose pour moi ?
- Tout ce que tu voudras...
- Ne te retiens pas… laisse-moi remplacer tes cris de douleur par d’autres… s’il te plait.

Elle hoche la tête, caressant une dernière fois son visage, s'accrochant encore un peu à ses prunelles.

- Je t'aime, dit-elle simplement.

S'ensuit une symphonie subtile où Simone, abatant progressivement les barrières érigées, finit par se livrer, pleinement et entièrement à lui. Elle chante son prénom, sur différents tons. Un arpège d'une rare puissance, comme si son corps n'avait attendu que cette délivrance là. De cette même main qui l'a meurtrie.  Après s'être tendue à l'extrême, renversée par l'oubli, sa carcasse dérive avec une lenteur stagnante.
En regagnant ses sens, elle a la fausse impression de grelotter sans les bras de Bertus autour d'elle. Elle l'appelle d'une voix pressante.

- Bertus... Bertus, je veux te boire.... Boire ta culpabilité, ton chagrin, tes doutes, toute cette haine de toi qui t'empoisonne pour les chasser de tes veines.... Laisse-moi te boire mon amour.*

*en français

Je me fais artisan de son plaisir avec une abnégation totale. Le mien est étouffé ou plutôt contenté par sa simple présence et le fait de lui en donner.
Mes oreilles absorbent chaque son qu’elle émet, chaque soupir, chaque fois qu’elle murmure ou crie mon prénom. Une symphonie délectable à elle seule.

J’ai toujours eu la mémoire des sons, une bonne oreille musicale. Les images s’effacent vite chez moi, mais mon ouïe n’oublie jamais ou presque. C’est pour ça que la bande-son de ce que j’ai fait cette nuit-là est si vivace, insupportable…

Alors je m’applique à les effacer, rappelle à son corps et à mon esprit qu’elle et moi c’est ce qui se passe dans cette chambre, jamais ce qui s’est déroulé dans ce sous-sol infernal.
Peut-être que c’est qu’un placebo et il faudra sans doute bien plus que ça pour arriver à mettre derrière nous ce que j’ai fait, mais c’est un début, un pas en avant plutôt que de regarder constamment en arrière.

Finalement je parviens à mes fins et l’amène vers les sommets. Avant de m’arracher à elle, je lui murmure encore mon amour et embrasse lascivement son ventre.    

- Bertus... Bertus, je veux te boire....

Je redresse subitement la tête et plante mon regard dans le sien.

- Boire ta culpabilité, ton chagrin, tes doutes, toute cette haine de toi qui t'empoisonne pour les chasser de tes veines.... Laisse-moi te boire mon amour.

Je me redresse pour venir surplomber son corps alangui et prend en coupe un côté de son visage.
- Je suis pas certain que ça marche comme ça…je lâche avec un petit sourire mélancolique. Dans un mouvement lest, je me débarrasse de mon tee-shirt mais commence par l’embrasser doucement. Je penche ensuite la tête d’un côté, lui offrant mon cou.
- Bois dragostea mea, bois… prends ce que tu veux.
Même si ça mettra sans doute mon corps au supplice de pas pouvoir faire plus, je sacrifie bien volontiers mon plaisir pour le sien.
Finalement c'est une pénitence bien plus douce que tout ce que je me serais infligé.  

- Je suis pas certain que ça marche comme ça…

Simone embrasse le creux de sa paume, et chacun de ses doigts, redonnant à cette main son véritable rôle : celui de la chérir et de la caresser.

- Laisse-moi le croire, juste pour aujourd'hui... lui rétorque-t-elle

Il se redresse et retire son T-shirt, dévoilant son torse sculptural. Sa compagne le dévore du regard. Il est terriblement séduisant, d'une rare perfection esthétique. Il est parfait. Une pensée puérile fleurit en elle : "Il est à moi." Elle se trouve aussi idiote qu'une jouvencelle qui s'enorgueillit d'avoir le plus beau des amoureux.
Sur son cou de taureau saille sa jugulaire qui lui fait tant envie. Les crocs de la vampire se découvrent, alors qu'elle passe inconsciemment sa langue sur la pulpe de ses lèvres.

- Bois dragostea mea, bois… prends ce que tu veux.

Elle attrape délicatement sa nuque et lèche la zone tendre qu'elle compte croquer. Un baiser piquant, le derme chatouillé par ses pointes acérée, en guise de préambule. Puis, elle le mord sans retenu. Le sang épais et stagnant, presque noir, coule dans sa bouche et inonde sa gorge. Elle pousse un gémissement de contentement en savourant l'élixir. Le gout de Bertus la comble comme jamais au point qu'elle se sent presque jouir de cette simple gorgée. Elle retire ses crocs, les pupilles dilatées et fauves, le visage barbouillé des humeurs de son amant.
Avec des geste désordonnés et fébriles, elle le déboutonne et le libère de ses vêtements. Sa virilité pulse entre ses doigts blancs. Elle la veut en elle, éperdument.

- Laisse-moi t'aimer comme tu m'aimes.... supplie-t-elle inconsciente de sa beauté sulfureuse, alors que le sang de Bertus goutte entre ses seins, y laissant un sillon carmin.

Je frisonne violemment en sentant sa langue sur mon cou puis la pointe de ses dents. Un simple avant-goût de ce qui va suivre, un merveilleux prélude. Mon corps se tend, attend, la morsure qui ne tarde pas. Elle plante ses crocs profondément, sans aucune délicatesse et pousse un son presque plus érotique que lorsque je l’ai faite jouir. Mes doigts glissent dans ses mèches noires, s’agrippe à son cuir chevelu avec force pour la maintenir contre mon cou. Les jointures de mon autre main blanchissent sur le drap que je serre avec force. Je laisse à mon tour échapper un long gémissement de satisfaction et de plaisir, la tête légèrement ployée vers le plafond, mes propres canines sorties. Mon érection, prisonnière du jeans, est raide à m’en faire mal, mais je ne bouge pas.

Elle finit par reculer, et je ne sais même plus si j’en suis soulagé ou frustré. Elle m’a bu avec une avidité telle qu’elle en a partout autour de la bouche. Les cheveux emmêlés par le passage de mes phalanges, le regard féroce et son rouge à lèvre remplacer par mon sang lui donne une image d’une sensualité qui me fait radicalement tourner la tête. Je me penche inconsciemment vers elle et vrille mes yeux aux siens.

Mère Nuit j’ai jamais eu autant envie d’elle qu’à cette instant.

Mais encore une fois, je reste immobile puis lâche un juron soufflé quand je sens ses doigts fébriles ouvrir mon pantalon et s’emparer de mon sexe.

- Simone…
- Laisse-moi t'aimer comme tu m'aimes...

Mon front a chuté contre le sien. Mon regard suit les goutes de mon sang qui coulent entre ses seins laiteux, la respiration laborieuse comme si j’étais vivant. D’un mouvement vif, je m’assois sur le matelas et la hisse sur mes genoux, fermant un instant les yeux en la sentant tout contre moi. Mes mains se moulent sur ses fesses au galbe parfait et en pétrissent la chair avec une envie palpable.
Dans un mouvement impulsif je me penche sur elle, vient laper le liquide carmin qui s’insinue toujours entre ses seins et me jette sur sa bouche comme un affamé. Mes canines percent ses lèvres et ma langue vient automatiquement recueillir le liquide qui s’en échappe, me faisant totalement perdre la tête. Je ne reprends le contrôle de moi-même qu’au moment ou je vais mordre son cou comme une espèce de bête. J’ai la gorge sèche, les yeux presque noirs et les doigts contractés sur sa chair. Je contrains ma bouche à baiser la chair que je voulais mordre.

- Fais ce que tu veux de moi… tout ce que tu veux…

Son coeur est mort, et pourtant elle le sent battre, pulser de sang, tambouriner comme un fou-furieux. Illusion de l'esprit ensuqué de passion ou réalité ? Il est impossible pour Simone de réfléchir. Elle suit son instinct davantage que sa tête. La raison n'a plus droit de cité.
Son bassin ondule, avide de contact, affamé de sa verge érigée et drue. Madame n'a aucune tenue. Elle couine comme la première gourgandine venue, à chaque fois qu'elle sent ses grandes mains brusques la pétrir. Lorsque Bertus passe sa langue sur sa peau pour y peindre tout un tableau, elle se cambre pour qu'il n'en perde pas une goutte. Leurs sangs se mêlent comme leurs bouches. Leurs baisers sont d'une violence charnelle qui ne cesse de porter à ébullition ses propres eaux troubles.

Elle le veut avec un appétit cannibale.

C'est pourtant lui qui la dévore et ses hanches s'agitent stupidement à la recherche d'une connexion qui tarde à venir. Simone est bouleversée d'émotions vives, de sensation si puissantes qu'il lui noie la conscience d'écume. Lorsqu'il relâche la pression de ses crocs sur sa gorge, Simone a le tournis et les sclères aussi gorgés de sang que lui. Elle pousse une longue plainte de frustration aux consonnances presque animales.

- Fais ce que tu veux de moi… tout ce que tu veux…

Simone échange avec Bertus un baiser d'une rare sauvagerie. Ses lèvres glissent sur l'angle sa mâchoire, la mordillent. Ses crocs égratignent sa jugulaire tendue avant de s'y planter à nouveau et, tout en s'abreuvant de lui, elle le guide en elle.
La suite n'est qu'un enchevêtrement confus de corps en fusion, de sang poisseux tâchant les draps, de cris éperdus et de promesse d'amour éternel. Simone oublie le monde, les horreurs, les épreuves, elle s'oublie elle même.

Elle n'existe que pour et par lui en cet instant.

Lorsqu'elle reprend conscience d'elle-même, elle se rend compte qu'elle est agrippé au cou de Bertus comme une rescapée à la dérive. Elle a une brusque envie de pleurer et de rire en même temps.

-Ca.... ça c'est nous... murmure-t-elle émue. C'est ça que tu dois retenir.